Salut tout le monde !

Ici les auteurs Mzlle-Moon et Popolove qui vous parlent !

Leur esprit déjanté et leur imagination débordante ont fait qu'elles ont décidé d'unir leurs forces pour vous concocter une fiction écrite à quatre mains ^_^

Autant prévenir, cette fiction est fortement déconseillée pour toutes les âmes sensibles et pour les personnes de moins de dix huit ans. Pour vous dire, si nous avions pu, nous aurions mis le Rating -MA pour cette fiction car il s'agit d'une fiction sombre, avec des scènes assez violentes, ainsi que beaucoup de scènes de lemon.

Maintenant que vous êtes prévenus, nous vous souhaitons une agréable lecture dans notre univers...

Chapitre 1: Beautiful Beginning

oO "Airplanes" Oo - B.o.B feat Eminem & Hayley Williams

Boston

« Où est-il ? »

Ma prise autour de son cou se raffermit, le faisant gémir de douleur. Le pistolet collé sur la tempe du noir se pressa d'avantage, le faisant cligner des yeux.

« J'en sais rien… » Murmura-t-il apeuré. Je soupirai d'impatience et d'énervement, mon bras l'étranglant plus encore. S'il ne parlait pas rapidement, il finirait par mourir d'étouffement.

« Ma patience a des limites, alors je te conseille de parler rapidement, si tu tiens à ta vie misérable. »

Sa respiration se fit plus hachurée, la panique se faisait ressentir en lui et envahissait son corps.

« Ph-Phoenix. » Avoua-t-il en bafouillant piteusement.

« Pourquoi t'a-t-il envoyé pour me liquider ? » Enchainai-je.

« Il savait que vous le recherchiez alors il a voulu prendre ses précautions. » Répondit-il avec angoisse. Sa voix était fragile, tantôt aiguë, tantôt grave, comme des montagnes russes. On aurait dit un adolescent en train de muer. C'était sans aucun doute dû à son appréhension.

« Il n'y a que toi ? »

« Non il y en a d'autres. » Lâcha-t-il avec un très léger sourire satisfait, d'une voix faible.

« Combien ? » Demandai-je.

Il ne répondit pas, se bornant à rester muet, sans soute pour me faire enrager. Je commençais sérieusement à perdre patience, j'avais horreur qu'on joue avec mes nerfs.

« Combien ? » Répétai-je agacé, collant le revolver sur sa tempe tellement fort que sa tête se pencha et qu'il réprima un son étouffé.

« Deux. » Finit-il par dire avec désarroi. J'approchai ma bouche de son oreille avec lenteur.

« Écoute-moi bien Laurent. Je ne vais pas te tuer maintenant, car j'ai besoin de toi pour faire une commission. Tu vas aller trouver ton cher patron et lui dire qu'aucun de ses sbires n'arrivera à bout de moi tant que je n'aurais pas obtenu vengeance. Dis-lui que je compte lui rendre une petite visite, et lui faire payer pour ce qu'il a fait. Fais-lui bien comprendre qu'il n'a aucune échappatoire et qu'il aura beau se cacher n'importe où, je le retrouverai et je n'hésiterai pas à faire un carnage. C'est clair ? » Lui soufflai-je en un murmure que seul lui pouvait entendre si d'autres personnes s'étaient trouvées là.

Il hocha la tête avidement, son cœur battant à tout rompre. Après avoir poussé un profond soupir, j'abaissai mon flingue et le repoussai violemment pour le laisser partir de chez moi. J'entrepris de me détourner mais entendis le cliquetis d'un pistolet se charger dans mon dos. Ni une ni deux, je me retournai et lui tirai dessus, une balle entre les deux yeux qui le fit s'étaler par terre, la tête rejetée en arrière, les yeux grands ouverts et le cœur arrêté. Je soupirai d'exaspération. Apparemment j'allais devoir faire la commission moi-même puisque cet idiot n'en a fait qu'à sa tête et a tenté de m'assassiner, au lieu de saisir sa seule et unique chance de sortir d'ici vivant. Son flingue chargé reposait à coté de lui, ou plutôt à coté de son corps cadavérique.

Je m'agenouillai pour prendre le pistolet et le déchargeai avant de me relever et de le ranger dans un tiroir. Je sortis mon portable et composai un numéro rapidement. Il répondit au bout de la seconde tonalité.

« Allô ? »

« J'en ai eu un autre. » Annonçai-je d'entrée.

Il y eut un silence au bout du combiné, avant d'entendre un soupir de sa part.

« Bonjour Edward, je vais très bien, c'est gentil de prendre de mes nouvelles. » Rétorqua-t-il avec sarcasmes.

« Pas maintenant Jasper, j'ai besoin de toi là. » Râlai-je.

« Non sans blague, j'avais pas remarqué. » Ironisa-t-il. Je levai les yeux au ciel.

« Il faut que tu viennes, et vite. »

« Mets le corps dans un sac, j'arrive. » Ordonna-t-il avant de raccrocher.

Je m'exécutai et allai chercher un grand sac, afin d'empaler le cadavre à l'intérieur. Je refermai le sac rapidement et quelques minutes plus tard, Jasper déboula dans l'appartement.

« C'est qui cette fois ? » Demanda-t-il en se dirigeant vers moi, assis sur le sofa.

« Laurent. » Répondis-je d'un ton las. Il se pinça l'arête du nez afin de réfléchir correctement.

« Y en a encore beaucoup qui veulent te tuer ? » S'enquit-il sérieusement.

« Deux d'après lui. » Il soupira de lassitude.

« Putain Edward, tu vas pas tous les tuer ! T'es pas un meurtrier, je te rappelle. »

« Faut bien que je me défende ! » Me défendis-je sarcastiquement. « J'ai pas vraiment envie de me faire descendre. Et puis je lui avais laissé la vie sauve à celui là. C'est lui qui n'a pas voulu. Il est suicidaire, j'y suis pour rien. »

Jasper arqua un sourcil interrogateur avec un petit sourire amusé sur le visage.

« Quand t'auras fini de me baratiner, on pourra peut-être aller se débarrasser du corps. » Me rappela-t-il à l'ordre.

J'hochai la tête et me levai du sofa avant de partir en direction du cadavre…

.

De retour chez moi avoir enterré le corps dans un cimetière, assez éloigné de mon appartement, je me tournai vers Jasper qui me toisait d'un drôle d'air depuis qu'on était partis.

« Quoi ? » Répliquai-je irrité. Il cligna des yeux plusieurs fois, une expression de pure colère s'abattant sur son visage.

« Tu te fous de moi ? » S'emporta-t-il. « Tu oses me demande ce qu'il y a ? J'en ai ras le cul Edward, t'es qu'une merde depuis six mois ! Mais réagis bordel ! Fais quelque chose de ta vie, tu fous que dalle depuis qu'elle est morte. »

« Et que veux-tu que je fasse ? » M'écriai-je remonté. « Tu crois que c'est facile ? Qu'on peut rebondir comme ça ? »

« Bien sûr que non, mais elle ne reviendra pas Edward. Elle est morte, il faut que tu t'y fasses, que tu avances et que tu arrêtes de penser à ce que tu as perdu. »

Je m'assis sur le sofa et me pris la tête dans les mains, en proie aux tourments.

« Plus facile à dire qu'à faire. » Rétorquai-je cinglant, sans toutefois lever les yeux vers lui. « Elle était toute ma vie, Jasper, tout ! »

« Je sais mec. » Répondit-il en s'asseyant à coté de moi. « Mais la vie doit continuer, elle n'aurait pas aimé que tu gâches ta vie pour elle. »

Je levai la tête subitement et le regardai avec des yeux effarés. Un grondement sortit de ma poitrine, comme à chaque fois qu'il parlait d'elle. La colère s'insufflait peu à peu en moi.

« De quel droit tu oses me dire ça ? » M'emportai-je. « Tu ne sais absolument pas ce qu'elle aurait aimé ou pas. Ce n'est pas toi qu'elle a regardé avant de mourir. Ce n'est pas toi qui l'as vu avec les yeux larmoyants, qui l'as entendu supplier sans pouvoir rien faire…»

Ma voix se brisa et je ne pus terminer ma phrase, une larme s'échappant de mes yeux que je m'empressai d'essuyer du revers de ma main. J'entendis un soupir venant de lui et je compris qu'il réfléchissait à ce qu'il s'apprêtait à dire.

« Je l'aimais aussi tu sais. Énormément. »

« Pas autant que moi… » Marmonnai-je acerbe.

« Justement Edward, il faut que tu avances pour elle. »

Je fermai les yeux, me pinçai l'arête du nez, tentant de réfréner les souvenirs qui refaisaient surface.

« Et comment ? » Rétorquai-je acide.

« Venge-toi. » Annonça-t-il. J'écarquillai les yeux et me tournai vers lui étonné.

« Quoi ? »

« Venge-toi. » Répéta-t-il avec conviction. « Fais lui payer. Tu es dans un état pitoyable à cause de ce salopard. Alors rends-lui la monnaie de sa pièce. C'est ce que je ferais à ta place. »

Je fronçai les sourcils, surpris qu'il me propose une telle requête. Venant d'un avocat aussi respectable que Jasper, le mot « vengeance » sortant de sa bouche était drôlement irrationnel et aberrant.

« Je croyais que tu n'aimais pas que je tue des gens ? » Lui fis-je remarquer.

« C'est le cas, mais là c'est différent. Ce type t'a détruit, il mérite qu'on lui rende la pareille. » Se justifia-t-il.

« Le tuer ne suffira pas, Jazz. » Contrai-je avec une haine mal dissimulée dans la voix. « Ça ne servira qu'à me soulager à moitié, mais ça ne le fera pas souffrir autant que moi. »

« Tu n'es pas forcément obligé de le tuer tout de suite. » Proposa-t-il avec sous entendus. « Tu peux très bien le faire souffrir et lui faire endurer la même chose que ce qu'il t'a fait subir. »

Je restai perplexe et songeur à sa suggestion. Je n'y avais pas encore songé jusqu'à maintenant. Je pensais simplement à l'achever pour connaitre l'absolution et la paix envers moi-même. Mais pour lui faire subir la même chose, il faudrait lui prendre la personne la plus chère à ses yeux. En avait-il au moins une ?

À mon sens, la question ne se posait pas. Une personne aussi malfaisante et abominable que lui ne pouvait pas avoir de personne qui compte pour lui, autant qu'elle comptait pour moi.

« Tu voudrais que je tue une personne proche de lui ? » Arquai-je. J'ignorais si j'étais capable de tuer un innocent, après tout comme Jasper l'avait dit, je n'étais pas un meurtrier. Enfin pas vraiment.

« Ça ne te branche pas ? » Émit-il en haussant un sourcil. Je détournai le regard.

« C'est une idée très tentante. » Songeai-je en esquissant un sourire. « Mais j'en serai incapable. » Conclus-je sombrement.

« Il suffit que tu penses à elle et tu y arriveras. » Encouragea-t-il avec certitude. Je lâchai un soupir hésitant. J'ouvris la bouche plusieurs fois, ne sachant quoi dire.

« Je vais y réfléchir. » Finis-je par annoncer, afin de mettre un terme à la conversation qui commençait à me peser. Jasper hocha la tête, comprenant mon mal être. Un silence se forma, uniquement rompu par nos respirations silencieuses. Il finit par tourner la tête et fronça les sourcils, apparemment irrité par quelque chose.

« T'as laissé un flingue sur la table. » Déclara-t-il ronchon. « Range-le si tu veux pas que je te le confisque. »

J'émis un rire bref, avant que son portable ne nous interrompe. Il décrocha et j'en profitai pour me lever et aller ranger le pistolet. J'ouvris un tiroir et le mis à l'intérieur, avant de poser mes yeux sur une photo froissée. Je la sortis du tiroir et la contemplai avec une soudaine douleur dans l'estomac. Voir son sourire me rappelait que plus jamais elle ne sourirait, que je n'aurai plus l'occasion de la revoir. Je sentais que mes larmes étaient prêtes à envahir mes joues et je refusais de craquer. Je la reposai dans le tiroir et le refermai rapidement, comme si j'avais été brulé. Jasper avait probablement raison. Pour elle, j'étais capable de faire n'importe quoi.

Je me retournai vers mon pote qui avait rangé son téléphone et me regardait suspicieusement.

« Je dois y aller. » Annonça-t-il. « Tiens-moi au courant. » J'hochai la tête silencieusement.

« Si tu y tiens. »

Il se leva du sofa et se dirigea vers la porte.

« Pense à ce que je t'ai dit. » Murmura-t-il avant de sortir.

Je soupirai avant d'aller me servir une bière dans le frigo. En m'appuyant sur la porte du frigo, j'inspectai les dégâts de mon appartement que l'on pouvait désormais qualifier de complètement miteux et pitoyable. Les cartons de pizzas trônant dans le salon, les canettes de bière vides, la poussière encombrante, les cartons de déménagement toujours pas défaits, les mégots de cigarette étalés par terre…

Faudrait que je pense à prendre une femme de ménage… Songeai-je pour moi-même.

Secouant la tête pour chasser ces pensées idiotes, j'entrepris de me diriger vers le salon près de mon ordinateur, la bière à la main. Je l'allumai et décidai d'allumer une clope le temps qu'il se mette en route. Je m'assis sur le bureau et lançai mon moteur de recherche. Je tapai le nom de l'homme que je recherchai et trouvai son portrait descriptif. Je me mis à le lire attentivement, tout en tirant quelques lattes et en sirotant ma bière.

« Paul Swan

Né le 12 Janvier 1981 au Mercy West Hospital de Seattle. Il fut adopté à la naissance par Renée et Charlie Swan. Il vit actuellement à Phoenix chez ses parents et travaille à l'Eclipse Bar de la même ville. Grand frère adoptif de la fille unique de ses parents, répondant au nom d'Isabella Swan. Aucun casier judiciaire connu à ce jour. »

Une photo portrait était insérée en dessous de l'article, ainsi qu'une photo de famille. Ma haine jusque là contenue refit surface en me retrouvant nez à nez avec sa gueule de bâtard. Mes mains se serrèrent, si bien que ma canette se retrouva broyée. Mon poing s'abattit soudainement sur la table avec violence. Je le méprisais, le haïssais pour ce qu'il avait fait. Il méritait de payer pour son crime. Il souriait sur la photo de famille, en compagnie de ses parents et de celle qui devait probablement être sa jeune sœur. Ils étaient bras-dessus bras dessous, ce qui me révulsait littéralement. Il ne devrait pas être entouré, il ne devrait pas être aussi aimé et heureux. Il ne méritait même pas la vie. Tout ce qu'il méritait était de pourrir en enfer.

« Tu peux très bien le faire souffrir et lui faire endurer la même chose que ce qu'il t'a fait subir. »

Je repensais à ce que m'avait dit Jasper. Peut être avait-il raison… c'était en effet une proposition extrêmement alléchante. Il avait de la famille, il avait des proches. Je pouvais peut être lui en prendre un, et le massacrer comme il l'avait massacrée. De plus, j'avais carrément le choix entre la mère et la sœur. Ce n'était pas très difficile à choisir. La sœur était nettement plus susceptible de lui faire du mal. Elle était plus jeune, et sur cette photo, ils avaient en effet l'air très complice.

Je cliquai sur son nom, afin de me renseigner sur elle. Isabella Swan était apparemment une étudiante bien sous tout rapport. Aucun casier non plus, un bon dossier scolaire… Elle travaillait également dans un musée et vivait encore chez ses parents. Elle était la proie idéale. Un sourire sinistre se forma sur mes lèvres à mesure qu'une idée germait progressivement dans mon esprit. Je sortis mon portable et composai à nouveau le numéro de Jasper, qui décrocha acerbe.

« J'espère que tu as une bonne raison de me déranger en pleine convocation alors qu'on s'est quittés y a même pas trente minutes. » Répliqua-t-il énervé.

« Isabella Swan ! » Proclamai-je sûr de moi.

« Hein ? » S'exclama-t-il paumé.

« Sa sœur, crétin ! » M'impatientai-je.

« La sœur de qui ? Purée Edward je comprends rien là. »

« Depuis quand tu dis purée ? » M'étonnai-je.

« Depuis que je suis en compagnie d'un juge d'instruction et qu'un autre mot moins convenable aurait été… inapproprié. » Je levai les yeux au ciel et revins au sujet principal.

« Je te parle de l'enculé qui l'a tué. » Précisai-je. « Il a une petite sœur. »

Il y eut un long silence au bout du combiné qui me dérouta. J'allumai une nouvelle cigarette, en attendant que mon ami se décide à en placer une.

« Où est-ce qu'ils habitent ? » Finit-il par demander.

« Phoenix. » Répondis-je en tirant une latte.

« Tu as un plan ? »

« Il faut que j'y réfléchisse encore. »

« Donc tu vas aller à Phoenix. » Ce n'était pas une question, plus un constat.

« Je vais me venger Jasper. » Déclarai-je avec aplomb, plus décidé que jamais.

« Je viendrai avec toi. » Annonça-t-il soudainement.

« Non. » Réfutai-je. « C'est hors de question, tu as ta carrière ici, c'est hors de question. »

« Tu crois peut être que je te laisse le choix ? » Lança-t-il sarcastique. « Imbécile va, je vais pas te laisser livré à toi-même. »

« Je suis pas un gosse Jazz, je peux très bien m'occuper de moi tout seul. » Protestai-je contrarié.

« Tu veux rire ? T'es pire qu'un gosse, t'es une merde sans moi. »

« Je te remercie. » Rétorquai-je ironiquement.

« C'est la vérité mec. Oh et vous la ferme, je suis au téléphone ! » Cria-t-il. J'éclatai de rire subitement.

« Tu parles à ton juge là ? » Fis-je effaré.

« A qui d'autre banane ? » Railla-t-il.

« Alors t'oses pas dire putain devant un juge, mais lui dire de se la fermer, là y a aucun souci. » Analysai-je moqueur.

« C'est bon, me casse pas les couilles, y a déjà l'autre pour s'occuper de ça. »

« Il est à coté de toi je te rappelle. » Sifflai-je.

« Peu importe. Tu prends deux billets aller pour Phoenix, on part après demain. » Déclara-t-il.

« Quoi ? » M'exclamai-je ahuri.

« Joue pas au sourd, tu m'as très bien entendu. » Répliqua-t-il cinglant. J'écarquillai les yeux.

« Alors non seulement t'étais pas prévu au voyage, mais en plus tu planifies tout ça comme ça sans me demander mon avis ? Dis, tu permets que je mette mon grain de sel quand même ? » Marmonnai-je.

« Pas le temps. J'ai déjà un abruti de juge qui m'attend et une longue soirée de boulot à passer alors t'es gentil, tu fais ce que je te dis. On se voit demain. » Abrégea-t-il sans ménagement et en me raccrochant au nez.

Je restais quelques secondes interdit, face à cet appel des plus… étranges. Jasper avait toujours été une sorte de phénomène à lui tout seul, c'est bien connu. Mais là il a fait vraiment fort. Je me passai une main au visage, tentant au mieux de clarifier la situation dans mon esprit. Mon meilleur ami voulait que j'aille à Phoenix dans l'unique but de me venger de celui qui avait assassiné ma raison de vivre. Dans le fond, je le voulais aussi, mais pour ça j'allais devoir me servir de cette brunette. Je jetai un dernier coup d'œil à la photo de sa sœur, pesant le pour et le contre. Après tout, cette Isabella, dont les yeux chocolat étaient plutôt déroutants, ne m'avait rien fait du tout. Mais si l'on va par là, elle, n'avait rien fait à Paul non plus. C'était ce qu'on appelait la fatalité.

Et cette fille allait mourir.

Comme il l'avait tuée.

Je me garai promptement devant la maison avant de couper le contact et de sortir du véhicule en prenant soin de verrouiller la portière. Je me dirigeai d'un pas anxieux jusqu'à la porte d'entrée et appuyai sur la sonnette, étonnement blanche et brillante. J'entendis des talons claquer au sol et quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit sur une femme aux cheveux châtains avec un visage en forme de cœur. Esmée, ma mère. Elle portait des gants de ménage avec un tablier, et tenait un tube de produit dans sa main libre. Je lui fis un sourire crispé alors qu'elle écarquillait les yeux d'étonnement face à ma visite impromptue.

« Bonjour Maman. » Saluai-je avec gêne.

« Edward ! » S'exclama-t-elle en venant m'enlacer maladroitement.

Je lui rendis son étreinte, mal à l'aise quand je sentis ses mains dans mon dos gesticuler.

« Mais qu'est-ce que tu fais ? » M'enquis-je en m'écartant d'elle subitement.

« Il faut bien t'essuyer, regarde-moi ça, tu es tout mal fagoté. » Dit-elle en essuyant les plis de ma chemise. Je lui pris les mains et la repoussai gentiment.

« C'est bon Maman. Fais-moi entrer. » Maugréai-je. Elle se recula en frottant ses mains sur son tablier, comme si me toucher l'avait contaminé de quelque chose.

Je soupirai et entrai dans la maison alors qu'elle refermait la porte sur mon passage. Je m'extasiai devant la maison que je n'avais pas vue depuis des mois. Elle était impeccable et exemplaire. Les murs étaient blancs comme neige, sans une tache, ni aucune nuance de gris, le carrelage du sol était blanc lui aussi, parfaitement propre et flambant neuf, les vitres des fenêtres étaient carrément transparentes, sans trace aucune, le bois des meubles brillait et scintillait comme un soleil, tout était si parfaitement propre que ça m'en donnait la chair de poule. Esmée se dirigea vers la salle à manger et je la suivis d'un pas mal assuré. Elle examina la pièce du regard, puis alla vers l'un des meubles de la pièce pour l'astiquer. Je soupirai et tâchai de l'ignorer.

« Maman, tu peux pas t'arrêter deux minutes ? » Suppliai-je en la voyant frotter un meuble qui brillait.

Elle ne répondit rien et continua, sans faire attention à ce que je venais de lui dire. J'aurais dû m'y être habitué depuis le temps. Cela faisait déjà six mois que ma mère était devenue une maniacodépressive. Elle passait son temps à faire le ménage sans arrêt, astiquant alors que tout était déjà propre. Heureusement qu'elle n'a jamais mis les pieds dans mon appartement, elle en aurait fait une crise cardiaque.

« Papa n'est pas là ? » Demandai-je.

« Il travaille. Comme d'habitude. » Répondit-elle sans tourner la tête.

Je soupirai d'exaspération. Là où ma mère était maniacodépressive, mon père se fondait dans le boulot, oubliant même jusqu'à sa femme et son fils, au profit de l'hôpital. Je ne pouvais pas en vouloir à mes parents d'être devenus de vrais étrangers, après tout ils étaient aussi dévastés que moi.

« Je pars. » Annonçai-je calmement.

Ses mains sur le chiffon ralentirent sans toutefois s'arrêter de frotter.

« J'ai besoin de m'éloigner de cette ville. » Continuai-je. « Jasper pense la même chose. On a décidé d'aller vivre à Phoenix. »

Cette fois ci, elle s'arrêta complètement de frotter et se figea.

« Alors toi aussi tu t'en vas ? » Murmura-t-elle déboussolée. « Toi aussi tu nous abandonnes ? » Je fronçai les sourcils.
« Elle n'a pas choisi de partir et tu le sais. » Contrai-je avec dureté.

« Mais toi oui. » Lâcha-t-elle avec un semblant de panique dans la voix. « Toi tu décides de partir et de nous laisser. »

« Mais je ne vais pas mourir. On pourra se téléphoner et vous pourrez venir me voir là bas. » Rassurai-je en sachant très bien que ça n'arriverait jamais. Esmée refusait d'utiliser le téléphone, de peur de le salir, à l'instar de la voiture. De plus, le jour où mon père accepterait de quitter l'hôpital, il neigerait en Afrique. Elle ne répondit rien et entreprit de frotter à nouveau, cette fois beaucoup plus rapidement et plus fort.

« Maman, j'ai vraiment besoin de m'en aller d'ici. » Tentai-je vainement, tandis qu'elle astiquait toujours plus fort, jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches. « Il y a trop de souvenirs ici, trop de souffrance pour que je puisse le supporter. Maman ? » Appelai-je en la voyant frotter si fort que son visage se déformait en une grimace qui m'inquiéta.

Je m'approchai d'elle alors qu'elle ne faisait pas du tout attention à moi, ni à rien d'autre que son meuble.

« Maman ? » Appelai-je une nouvelle fois.

Je commençai sérieusement à flipper de la voir comme ça. J'avais l'impression qu'elle devenait folle, ce qui était surement déjà le cas. Je le retournai vers moi et elle se débattit pour tenter de m'échapper. Je la secouai afin de lui faire reprendre ses esprits. Elle poussa un cri avant de soudainement se mettre à fondre en larmes. J'arrêtai de la secouer et la pris dans mes bras, tandis qu'elle pleurait doucement.

« Je ne peux plus rester ici, c'est trop dur. » Murmurai-je en lui caressant les cheveux. « J'ai vendu notre maison pour prendre un appartement, ça n'a rien changé, ça fait toujours aussi mal. » Je sentais les larmes me monter et je tentai de les réfréner. « Chaque endroit, chaque rue, tout me rappelle sa présence et je ne peux plus endurer ça. Je n'ai même plus la force d'aller au cimetière, tellement ça m'est insupportable de savoir que je ne la reverrai plus jamais. »

Elle renifla bruyamment et s'écarta légèrement de moi sans oser me regarder.

« Quand pars-tu ? » Finit-elle par demander dans un souffle à peine audible.

« Demain. »

Elle releva la tête vers moi, les yeux écarquillés et incrédules.

« Aussi tôt ? » S'exclama-t-elle abattue. Je la regardai tristement, la culpabilité commençant à m'envahir.

« Je suis désolé. » Soufflai-je sincèrement.

Elle me regarda longuement, comme pour juger de la véracité de mes propos, puis sans prévenir elle se détourna et me tourna le dos en s'emparant de son produit et de son chiffon.

« Il me reste les toilettes à récurer. » Déclara-t-elle impassiblement en s'en allant de la salle à manger, me laissant seul, abasourdi. Elle avait retrouvé sa froideur et avait remis ses murs qui lui servaient de barrières.

Je me pinçai l'arête du nez, en proie aux tourments.

« Toi aussi tu vas me manquer… » Murmurai-je pour moi-même, sachant très bien qu'elle ne m'entendrait pas.

Aéroport de Boston

« Les passagers du vol 2911 en direction de Phoenix sont priés d'embarquer pour un décollage imminent. » Annonça la voix dans le haut parleur de l'aéroport.

« Putain Edward, grouille-toi, on va louper notre vol à cause de tes conneries ! » Me héla Jasper pressé.

« Ça va, c'est bon, j'ai bien le droit de fumer une cigarette, j'aurai pas le droit dans cet engin. » Râlai-je en écrasant mon mégot dans un cendrier.

« T'avais pas non plus le droit de fumer dans l'aéroport, je te signale. » Informa-t-il remonté.

« Dans ce cas pourquoi est-ce qu'ils ont mis un cendrier ? » Répliquai-je sarcastique.

« C'est pas un cendrier, c'est une coupe, crétin ! » S'emporta-t-il.

« Bah alors elle était là juste pour me tenter. » Ripostai-je en tapotant dessus avant de me détourner en direction de Jasper qui m'attendait en tapant du pied comme un gamin qui s'impatientait.

« T'as vraiment de la chance qu'aucun agent de sécurité ne t'ait vu. » Marmonna-t-il. « Bon magne-toi, on a un avion à prendre. » Ordonna-t-il en me remettant mon billet d'avion dans les mains sans ménagement.

Nous nous dirigeâmes vers notre porte d'embarquement et montâmes dans l'appareil. Heureusement, Jasper avait pris soin de faire enregistrer nos bagages pendant que j'étais en train de fumer. Au moment de monter, une hôtesse de l'air vérifia nos billets en faisant un sourire charmeur lorsque je passai près d'elle. Je n'y fis pas attention et suivis Jasper jusqu'à nos places.

« Je prends le coté de la fenêtre. » Déclara Jasper en s'affalant sur son siège. « Comme ça si tu dois gerber, tu le feras dans le couloir et pas sur mes pieds. »

« C'est en mer qu'on est malade, imbécile. Pas en avion. » Lui fis-je remarquer avec ironie.

« On sait jamais, mieux vaut prévenir que guérir. Et avec des pompes à trois cents dollars, je n'ai pas envie de prendre de risque. » Je lui lançai un regard peu amène avant de rouler des yeux et de prendre place après avoir fourré nos sacs dans la soute.

Nous attachâmes nos ceintures et restâmes silencieux durant quelques minutes, le temps que l'avion se remplisse et finisse par décoller. Au moment où les hôtesses de l'air se déplacèrent dans l'allée pour mimer les mesures de sécurité tandis que le pilote les énumérait, Jasper choisit ce moment pour se mettre à parler, trouvant le monologue du pilote horriblement barbant.

« Tiens. » Me dit-il en me remettant un papier avec une adresse inscrite dessus.

« C'est quoi ? » M'enquis-je perdu. Il me fixa comme si j'étais un demeuré.

« L'adresse de notre nouvel appart. » Répondit-il comme si c'était évident. J'écarquillai les yeux.

« Je te demande pardon ? » M'exclamai-je interloqué. « Depuis quand on a un appart ? »

« Espèce d'idiot, comment tu veux te loger une fois arrivé à Phoenix ? »

« J'en sais rien, je pensais aller à l'hôtel. » Lui appris-je. Il me toisa sévèrement.

« Parce que tu crois que t'as les moyens de te payer l'hôtel ? Tu te crois dans un Disney ou quoi ? En plus avec le bordel que tu mets, tu te ferais virer par les femmes de ménages dès le premier soir. » Persiffla-t-il.

« Tu mens, je suis pas si bordélique que ça. » Me défendis-je. « Je l'étais pas avant. »

« Avant c'était avant, aujourd'hui ton appart est tellement crade que même les rats veulent pas squatter chez toi. »

Je soupirai mais ne rétorquai rien. Je savais que c'était sa façon à lui de me réveiller et de me stimuler car j'étais devenu une vraie loque.

« Bref, d'où est-ce qu'il sort cet appartement ? » Changeai-je de sujet.

« Je l'ai dégotté sur internet. Je nous ais aussi trouvés deux voitures de location qui nous attendent devant l'immeuble. »

Je le regardai incrédule et abasourdi.

« Tu as même pris des voitures ? » M'étonnai-je.

« Comment veux-tu te déplacer sinon ? » Argua-t-il. « Fallait bien trouver un logement, des voitures et aussi effectuer ma mutation pour Phoenix. C'est pas toi qui te serais occupé de ça. » Marmonna-t-il.

« Mais comment t'as eu le temps de faire tout ça ? » M'écriai-je. « T'étais en réunion avec un juge ! »

« Je suis organisé, cherche pas à comprendre. J'ai eu le temps de m'occuper de tout ça hier dans la journée, pendant que je bossais. »

Je secouai la tête de perplexité. Ce type m'étonnerait toujours.

« Très bien donc si je comprends bien, t'as pas besoin de moi, je suis bon qu'à te suivre. » Analysai-je avec dérision.

« Techniquement, c'est moi qui te suis puisque c'est ton idée, ta vengeance. » Fit-il remarquer.

« Tu plaisantes ? » M'exclamai-je outré. « C'est ton idée ! C'est toi qui m'en as parlé je te rappelle. »

« Peu importe. » Éluda-t-il. « Si on en venait au plan. T'as fini par en trouver un ? » Interrogea-t-il.

« Je crois. » Je détournai les yeux. « J'ai pensé à… séduire sa sœur pour l'attirer dans un traquenard et la tuer devant lui, exactement comme il a fait avec moi. »

Il y eut un long silence et je relevai le regard vers Jasper pour voir ce qu'il pensait. Ce dernier me regardait avec des yeux scandalisés et révoltés.

« T'as vraiment l'intention de faire ça ? » S'étonna-t-il, comme si c'était quelque chose d'incroyable. Incroyable, pas vraiment dans le bon sens du terme.

« Bah… ouais. » Hésitai-je. « Pourquoi c'est pas bien ? » Questionnai-je avec une légère panique. Il secoua la tête en clignant des yeux.

« Non, non c'est pas ça mais… t'es au courant que c'est assez ignoble, ce que tu vas faire ? » Avisa-t-il avec crainte. « Je veux dire… La fille ne t'a rien fait. Elle est innocente tu sais… »

« Elle aussi ne lui avait rien fait. » Contrai-je avec une froideur implacable, une soudaine haine refaisant surface.

« Ed… »

« Excusez-moi. » Coupa une voix nasillarde. Je détournai le regard de Jasper et tournai la tête pour me retrouver face à un décolleté plongeant, venant de l'hôtesse de l'air de tout à l'heure. « Je m'appelle Tanya, je serai votre hôtesse durant le voyage. » Énonça-t-elle avec un sourire qui se voulait séduisant.

Elle avait relevé ses cheveux blonds en un chignon standard, portait un tailleur réglementaire à son métier d'hôtesse de l'air et son maquillage était beaucoup trop voyant pour faire un quelconque effet.

« Euh d'accord. » Répondis-je avant d'émettre un rire bref, face à sa tentative de drague complètement ratée.

« Vous voulez boire quelque chose ? » Proposa-t-elle d'une voix mielleuse.

« Non mais c'est pas fini oui ? » S'écria Jasper énervé. « Vous voyez pas qu'on est en pleine discussion sérieuse là et que vous venez nous casser les pieds avec votre putain de drague à la con ? Alors remballez vos airbags et votre pot de peinture et cassez-vous, il est pas intéressé ! »

Je me tournai vers Jasper, la bouche grande ouverte de stupéfaction. J'aurais voulu dire quelque chose, mais ne trouvai rien à redire. Il haussa les épaules dédaigneusement, comme s'il n'avait strictement rien à se reprocher. Lorsque je retournai la tête à nouveau vers l'allée, je constatai qu'elle avait décampé.

« Bah dis donc… » Soupirai-je interloqué. « La pauvre, tu l'as pas ménagée. »

« J'ai toujours détesté ce genre de filles accros au botoxe. » Se justifia-t-il avec désinvolture.

« Ouais mais quand même, c'est une fille je te signale, où est passée ta galanterie ? »

« Hein ? » Fit-il avec un air paumé sur le visage. « De quoi tu me parles là ? »

« Oh et puis laisse tomber. » Soufflai-je exaspéré.

« Revenons-en au fait. » Rappela-t-il à l'ordre. Il se pinça l'arête du nez, en pleine réflexion. « Edward, tu peux pas faire ça. » Dit-il en relevant le regard vers moi.

« Pourquoi ? » M'enquis-je, piqué au vif.

« Tu l'as dit toi-même, tu n'es pas un meurtrier. » Contredit-il. « Et puis… si tu faisais ça, tu t'abaisserais à son niveau. »

Je le regardai choqué, mes poings se contractèrent et la colère que je refoulais se manifesta.

« Je t'interdis de me comparer à lui. » Menaçai-je avec du venin dans la voix. Son regard s'adoucit et il baissa la tête.

« Excuse-moi, ce n'est pas ce que je voulais dire… »

« Que les choses soient claires, Jazz. » Le coupai-je assermenté. « Je fais ce que je veux, et je mettrai ce plan à exécution, que tu le veuilles ou non. Je me fiche comme d'une guigne que tu adhères ou pas. C'est toi qui as voulu me suivre, je ne t'ai pas forcé la main… »

« Je sais mais… »

« Y a pas de mais. » L'interrompis-je sèchement. « La discussion est close. »

Il soupira mais ne rétorqua rien, sachant très bien que je refuserais de l'écouter. Le reste du vol se passa en silence, chacun dans ses pensées. Plusieurs fois je croisai le regard de la blonde que Jasper avait rembarrée, qui semblait hésiter à venir vers nous, avant de se raviser à la dernière minute, à mon plus grand soulagement. Jasper lui, était sur son ordinateur portable avec ses dossiers ouverts, l'air à moitié endormi. L'avion finit par atterrir au bout de six longues heures, interminables à mon goût. Jasper avait râlé lorsqu'il avait dû remettre sa ceinture de sécurité, lui qui déteste tellement être confiné. Une hôtesse de l'air était venu le voir peu de temps avant l'atterrissage pour lui demander d'éteindre son ordinateur et de ranger ses affaires, sous prétexte que les appareils électroniques devaient tous être éteints au moment de l'atterrissage. Il l'avait envoyée bouler royalement, l'insultant de tous les noms et elle s'était retrouvée presque en pleurs tellement il l'avait terrorisée. Il avait néanmoins consentit à éteindre son ordinateur, après que je lui aie dit que j'avais pas envie que notre avion s'écrase à cause de lui.

Au sortir de l'appareil, nous récupérâmes les bagages et il héla un taxi qui nous conduisit à l'adresse qu'il avait indiquée. Nous arrivâmes en plein centre ville, devant un immeuble assez neuf et bien coté. Jasper paya le taxi et nous allâmes en direction du parking avec nos valises.

« Pourquoi on va au parking ? » Demandai-je circonspect.

« Pour ça. » Dit-il en désignant du doigt, deux belles voitures spacieuses.

L'une était une berline noire, aux vitres teintées et à la peinture tellement propre qu'elle brillait. Totalement le style de Jasper. La seconde était beaucoup plus à mon goût. Une sublime Volvo C-30 argentée, classe et ostentatoire, juste comme il faut.

« Nos voitures. » Plastronna-t-il fièrement. Je le regardai abasourdi et à moitié émerveillé.

« Comment ? » M'enquis-je admiratif.

« Je les ai louées sur internet, les clés sont sur le contact à l'intérieur. » Répondit-il en se dirigeant vers chacune des voitures pour s'emparer des clés.

Je secouai la tête avec incrédulité. Je n'aurais pas dû être aussi surpris par sa façon de tout prévoir, tout louer, tout faire en une journée et uniquement par le biais d'internet car il a toujours été le plus débrouillard de nous deux et également le plus influent. Des fois, j'ai même envie de le prendre pour un genre de magiciens. Mais même si je m'y étais habitué avec le temps, Jasper trouvait toujours le moyen de m'étonner.

Une fois les clés en poche, il revint vers moi et me montra la direction de l'ascenseur, comme s'il connaissait l'immeuble par cœur alors que c'est la première fois qu'il y mettais les pieds. Nous montâmes jusqu'au troisième étage et une fois les portes de l'ascenseur ouvertes, il se dirigea d'un pas confiant et décidé vers l'une des portes sur la gauche. Il s'arrêta devant la quatrième puis sortit de sa poche un trousseau de clé, avant d'en utiliser une pour ouvrir la porte et d'entrer dans l'appart, moi à sa suite.

Je refermai la porte derrière Jasper. J'examinai notre nouvel appartement, un sifflement s'échappa de mes lèvres. Très classe. Deux grandes pièces immenses, blanches, avec des meubles noirs, qui contrastaient parfaitement. La cuisine était ouverte, donnant sur le salon. Plus loin, un couloir blanc et gris de couleur avec un plancher en bois, contenait deux portes sur chaque côté des murs. Deux chambres, une grande et une petite avec deux salles de bain.

« Je prends la grande chambre. » Décida Jasper. Je levai les yeux vers lui, interrogateur en fronçant les sourcils.

« Pourquoi ce serait toi ? » Fis-je moqueur.

« De nous deux, c'est moi le plus amène à me servir du lit deux places, si tu vois ce que je veux dire. » Répondit-il en faisant un clin d'œil lourd de sous-entendus, tandis que je levais les yeux au ciel. « Et puis pose pas de question, c'est moi qui ai trouvé cet appart, point à la ligne. »

« C'est toi aussi qui t'es rajouté au voyage sans me demander mon avis. » Contrai-je.

« Eh oh, sans moi tu serais rien du tout alors ferme-là ! » Rétorqua-t-il vexé. « Je te parie que tu m'aurais vite téléphoné pour me supplier de te rejoindre. » Mima-t-il avec de faux yeux tristes. Je soupirai et abandonnai.

« De toute façon, y a aussi de la place pour un lit deux places dans la petite chambre, je te signale. » Fis-je remarquer.

« Peu importe, c'est moi le chef, un point c'est tout. Oh et puis surtout, ne compte pas sur moi pour t'entretenir, t'as intérêt à te trouver un job vite fait parce que y a pas marqué « Maman » ici. » Rétorqua-t-il en désignant son front du doigt avec une pointe d'ironie.

Je pris sur moi pour ne pas répliquer et pour ne pas râler à l'idée d'aller me chercher un job. Dans le fond il avait raison, il était temps que je me ressaisisse et que je me reprenne en main, car depuis des moi, j'étais le pire des feignants. Mais je n'avais plus envie de travailler, c'était comme ça.

« Je vais prendre l'air.» Annonçai-je. « Passe-moi les clés de ma bagnole. »

« T'as la Volvo. » M'apprit-il en me jetant un jeu de clés que j'attrapais au vol. « Et je te préviens, t'as pas intérêt à me l'abîmer, elle est louée je te rappelle. »

« Ça va, je suis pas un imbécile. » Répliquai-je piqué au vif en me dirigeant vers la porte de l'appartement.

Je sortis de l'appart sans lui laisser le temps de répondre. Je descendis jusqu'au parking et déverrouillai les portes de la Volvo garée à coté de la berline noire que Jasper s'était approprié. Tant mieux, je préférais les Volvo de toute façon. Une fois assis sur le siège conducteur, je sortis de la poche de mon jean, l'adresse que j'avais notée avant de partir de Boston. J'enclenchai le moteur puis tapai l'adresse dans le GPS installé dans la voiture. Une fois la route tracée, je démarrai en direction de ce que je supposais être la bonne direction. Je ne mis pas très longtemps à arriver à destination, les routes étaient plutôt désertes, vue la chaleur et la nuit qui commençait à tomber. Les maisons étaient plutôt jolies et propres, alignées avec des clôtures blanches et des gazons verdoyants. J'avais l'impression de me retrouver dans cette célèbre série avec les femmes au foyer que toutes les filles regardent. Je cherchai le numéro, jusqu'à ce que le GPS m'indique que j'étais au bon endroit.

Je fis attention à tenir ma voiture assez éloignée de la maison pour ne pas attirer l'attention. Heureusement qu'il faisait presque nuit. J'attendis patiemment, observant cette maison qui devait forcément abriter ce salaud qui avait détruit ma vie. Rien que d'y penser, une rage s'empara de moi et mes mains serrèrent le volant, comme si elles étaient sur le point de le réduire en bouillis. Je tentais de réfréner ma colère mais n'y parvenais pas. Les évènements datant d'il y a plus de six mois étaient trop ancrés en moi, trop profonds pour que je puisse oublier ma rancune. Je ne pourrai jamais oublier le mal, la douleur de son absence, la dépression due à sa mort et cette haine, cette haine destructrice envers celui qui me l'avait prise. Il ne faisait aucun doute qu'il allait payer pour son acte ignoble, monstrueux et inhumain.

Sans crier gare, je vis une jeune fille brune courir maladroitement au coin de la rue. Vue le manque d'assurance et d'équilibre dont elle semblait faire preuve, j'étais certain qu'elle allait finir par trébucher et se rétamer de tout son long. À mesure qu'elle approchait dans ma direction, je parvins à la reconnaitre aisément. Il s'agissait de sa sœur. Isabella Swan. Le plan que j'avais mis en place se rejoua dans ma tête. Jasper avait touché un point sensible lorsqu'il avait dit que cette fille était innocente dans cette histoire. Elle n'avait rien avoir avec les infamies, les atrocités, les ignominies et les crimes exécrables de son frère. Mais elle non plus n'avait rien fait. Et son meurtre ne resterait pas impuni. J'en ai fait le serment. Et je tiendrai parole. Je tenais toujours parole.

Comme je l'avais prédit, la jeune fille tituba, chancela avant de faire une chute et de tomber sur les fesses, juste devant la porte de sa maison. En temps normal j'en aurais ri sans aucun doute, mais j'étais bien trop absorbé et concentré sur ma soif de vengeance pour éprouver le moindre amusement. Elle se releva sans grâce aucune et se mit à regarder par terre, comme si elle cherchait quelque chose. Elle sembla trouver ce qu'elle avait perdu puisque son regard s'illumina soudainement et qu'elle se baissa gauchement pour ramasser ce qui ressemblait à des clés. Apparemment il s'agissait des clés de sa maison puisqu'elle les inséra dans la serrure, toujours avec maladresse avant de finir par ouvrir la porte et de rentrer en la refermant derrière son passage.

J'aurais voulu pouvoir jeter un coup d'œil à l'intérieur, je fus même tenté de le faire, juste histoire de voir si le monstre était là, s'il souriait, s'il était heureux. Mais j'en aurais été accablé et anéanti si j'avais assisté à ce spectacle. J'aurais même été capable de venir frapper à la porte pour le descendre sur place et dans la seconde, si je l'avais surpris en train de sourire affreusement. Car elle n'était plus là, elle ne sourirait plus, elle ne serait plus jamais heureuse, et je ne le serai plus jamais non plus, maintenant que je l'ai perdue à tout jamais. Les larmes commençaient à ressurgir, le trou béant dans ma poitrine se rouvrait petit à petit, et ma haine ainsi que mon amertume se décuplait de plus en plus, au fil de seconde. Si auparavant j'avais eu un doute quant à mon aptitude à séduire cette fille, Isabella, pour ensuite la tuer douloureusement devant lui alors qu'elle n'était qu'une pauvre innocente, à présent j'en étais persuadé, j'étais parfaitement capable d'exécuter ce plan sans une once de scrupules.

Cette fille allait mourir, comme elle, elle était morte. Et lui allait souffrir, comme moi j'avais souffert…

Six mois plus tôt

J'étais accoudé contre la grande porte vitrée, ouvrant sur le jardin, en train de la regarder avec dévotion, jouer avec le chien en lui lançant la balle. Un petit Boston terrier du nom de Jake. Personnellement, je ne le trouvais pas mignon du tout, ni beau, mais quand nous sommes allés au chenil pour prendre un chien, elle en est tout de suite tombée amoureuse. Allez savoir pourquoi…

Elle tourna sa tête vers moi et un sourire étira ses lèvres lorsqu'elle me vit, dévoilant ainsi sa petite dentition.

« Papa ! »

Elle avait crié, avant d'accourir vers moi et de me sauter dans les bras. Je m'accroupis à sa hauteur pour la réceptionner avant de me relever tandis qu'elle nichait sa petite tête dans mon cou. Je la fis tournoyer et elle se mit à rire aux éclats, me faisant sourire. Je nous immobilisai et croisai son regard cyan pétillant. Je déposai un baiser sur son front avec affection.

« Excuse-moi de t'avoir laissée seule trop longtemps, Papa avait des choses importantes à faire dans le bureau. » Elle me fit un sourire taquin, digne d'une enfant de six ans.

« C'est pas grave, Jake s'est amusé à courir partout, là où j'avais lancée la balle. » S'exclama-t-elle d'une voix enjouée, sans articuler ses mots.

« Tant mieux, mais ne le fatigue pas trop, n'oublie pas qu'il est un gros paresseux. »

Juste lorsqu'on parlais de lui, Jake se mit à aboyer pour témoigner sa présence, à coté de la balle, la queue frétillante. Je soupirai en secouant la tête puis reportai mon attention sur l'ange de ma vie.

« Écoute ma chérie, je dois aller développer quelques photos. J'en ai pas pour longtemps. » Dis-je en lui tapotant le nez avec l'un de mes doigts.

Elle hocha la tête avec aplomb.

« Tu me montreras ? » Fit-elle avec une moue suppliante. Je souris avec amusement.

« Oui, si tu veux. » Répondis-je en la redéposant au sol, sur ses pieds, non sans lui avoir embrassée le crâne au passage.

Elle s'en alla rejoindre le chien en sautillant.

« Et surtout ne fais pas de bêtises hein ? » La hélai-je avec un semblant d'autorité, pour cacher mon inquiétude constante. Elle se retourna vers moi avec un grand sourire espiègle.

« Tu sais bien que j'en fais jamais Papa ! » Fit-elle remarquer en bâtant des cils, avant de se détourner.

Je secouai la tête amusé, n'arrivant pas à détacher mon regard d'elle, si insouciante.

Malgré la façon dont les choses s'étaient déroulées, jamais je ne regretterai de l'avoir eue. Elle était la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Ma fille, Carlie Cullen.

Elle a à peine six ans et demi et est déjà une surdouée, plus intelligente que la plupart des enfants de son âge. Elle est également magnifique, avec son visage rond, fait de porcelaine et ses pommettes roses, ses cheveux lisses, châtains clairs lui tombant jusqu'à la taille ainsi que son sourire qui m'émerveille à chaque fois que je le vois. Je savais que jamais je ne pourrai vivre sans elle.

Après un dernier coup d'œil en sa direction, je tournai les talons et me dirigeai vers mon labo de photos. Après avoir refermé la porte, j'allumai la lumière rouge puis m'avançai vers les photos qui n'étaient pas encore tirées. Je m'occupai à les développer durant quelques minutes, la tête plongée dans mes pensées. Je songeai à ce qu'était devenue ma vie ces sept dernières années. Elle avait vraiment pris une tournure que jamais je n'aurais cru qu'elle prendrait.

Étant toujours été un surdoué, excellent dans tout ce que j'entreprenais, j'avais été recruté dès mes seize ans comme stagiaire photographe par le magasine « Details ». Ils avaient fini par m'embaucher à l'âge de dix sept ans, mes parents en avaient été terriblement fiers. J'avais photographié de nombreux top models, acteurs et célébrités. C'est de cette façon que j'avais rencontrée la mère de Carlie, lors d'un photoshoot. J'avais vingt et un an à l'époque, je prenais du bon temps, passant mes soirées dans des fêtes bien arrosées. Nous avions passé une nuit ensemble, sous le coup de l'ivresse, mais une seule nuit avait suffi. Elle m'avait rappelé un mois et demi plus tard, m'annonçant qu'elle était enceinte, et que c'était moi, le con qui l'avait mis en cloque. À ce moment là, la seule chose auquel j'avais pensée, avait été que ma carrière était fichue. Que ma vie était fichue. Mais n'ayant jamais été un lâche, mes parents m'avaient toujours bien éduqué et appris à assumer mes erreurs, il avait été hors de question que je ne la laisse tomber. Nous avions essayé d'entretenir une relation, même si nous n'éprouvions pas réellement quoi que ce soit, l'un envers l'autre. Du moins pour ma part. Après la naissance de Carlie, elle était restée quelques semaines, le temps de l'allaiter. Puis elle était partie. Elle avait pris ses clics et ses clacs et avait décampé, me laissant seul avec notre fille, en ne laissant qu'une lettre. Elle n'était jamais revenue, et pendant longtemps je n'ai pas cherché à la revoir.

Les années ont passé, j'ai essayé d'élever la petite au mieux, notamment avec l'aide de mes parents qui en ce temps là, étaient encore sains d'esprit et non l'ombre d'eux même, ainsi qu'avec l'aide de Jasper, qui ne m'avait jamais laissé tomber après toutes ces années. Je n'avais pas abandonné la photographie pour autant, au contraire, plus les années ont passé, et plus j'étais reconnu dans le métier, ne travaillant désormais plus qu'à mon compte, et également très sollicité. Même si l'élever seul n'était pas des plus aisés, jamais je ne regretterai de l'avoir eue. Elle était toute ma vie, mon petit rayon de soleil. Coté fric, on peut dire que j'étais plutôt bien payé, et je n'allais pas m'en plaindre. Ça permettait à Carlie d'avoir la vie qu'elle mérite.

J'entendis un cri horriblement perçant, provenant de l'extérieur de la pièce. Mon cœur se mit à battre de façon irrégulière, le sang envahissant mes tempes. J'aurais reconnu ce cri entre mille. L'affolement s'insinuant en moi, ni une ni deux je relâchai les photos qui retombèrent dans l'eau et accourrai vers le jardin, au pas de course. Au moment où j'arrivai devant la grande porte vitrée menant au jardin, je me figeai.

Un homme entièrement vêtu de noir, cagoulé était en train de serrer ma fille contre lui, l'immobilisant en lui ceinturant l'estomac, avec une main sur sa bouche pour l'empêcher d'émettre le moindre son. Mon regard désormais alarmé dériva sur le chien qui gisait par terre à coté, apparemment inerte. J'écarquillai les yeux d'horreur en réalisant ce qui était en train de se dérouler devant moi. Mon sang ne fit qu'un tour et je me ruai sans réfléchir vers le type qui lacerait ma fille.

« HEY ! » Hurlai-je pour attirer son attention.

L'homme tourna sa tête vers moi, lâchant brutalement Carlie qui tomba à genoux. Cette vision m'horrifia et je grognai de fureur avant de lui sauter dessus, nous faisant tomber au sol, et de le bombarder de coups, atteint d'une frénésie incontrôlable. L'homme cagoulé essaya de se débattre et s'en suivit d'une longue lutte acharnée où je faisais éclater ma rage. J'étais tellement occupé à le cogner au visage, au ventre, et partout où je le pouvais, que je ne remarquai même pas qu'il avait sorti un pistolet de je ne sais où. Je tentai de lui arracher des mains mais il résista. Nous roulâmes et il se retrouva au-dessus de moi, essayant d'avoir le dessus, poussant tant bien que mal le pistolet vers moi. J'entendis ma fille crier au loin, ce qui intensifia ma colère. Je repoussai avec ardeur le flingue qui effleurait mon visage, le dirigeant comme je pouvais vers lui. Puis sans crier gare, le coup partit tout seul.

Pendant un long moment, je crus qu'il m'avait tiré dessus et que je n'allais pas tarder à ressentir la douleur et voir une tache de sang apparaitre, mais il n'en fut rien. À la place, je vis son corps se déplacer pour s'allonger à côté de moi, le sang envahissant près de l'endroit où se trouvait son cœur. Puis je vis sa tête rejetée en arrière, les yeux figés et réalisai à ce moment là qu'il était mort. Je reprenais mon souffle, ahuri par ce qui venait d'arriver. J'avais descendu un type. Un type qui avait essayé de s'en prendre à ma fille. Il fallait que j'appelle la police. J'entendis des sanglots étouffés et relevai la tête avec empressement, cherchant Carlie du regard avec panique. Elle était assise, les genoux repliés sur elle-même, à côté de Jake qui était apparemment mort, lui aussi. Elle se balançait d'avant en arrière, et je pouvais lire dans son regard à quel point elle était terrorisée et bouleversée.

Mon cœur se serra à la vue de ma fille dans un état pareil. Je me relevai avec difficulté, n'accordant plus aucune importance au salaud que j'avais tué. Je ne prenais même pas la peine de lui ôter sa cagoule pour voir son visage. J'avançai vers l'endroit où trônait le cadavre du chien, ainsi que là où était accroupie Carlie. Je me mis à genoux face à elle et la pris dans mes bras avec force. Elle pleurait lourdement, tandis que j'avais les yeux fermés, le sang bouillonnant encore dans mes veines et mes tempes. J'avais cru la perdre. Pendant un instant, ma vie s'était arrêtée.

« J-je… on j-jouais a-avec Jake et… il… il est arrivé et… et… »

« Chut… » Murmurai-je en lui caressant les cheveux. « C'est fini, je suis là. » Elle sanglotait tellement qu'elle en suffoquait presque. J'avais l'impression de vivre le pire moment de ma vie en la voyant aussi mal en point.

« I-il veut pas se réveiller… il est arrivé derrière lui et… et il lui a mis son bras autour de la tête… et depuis Jake veut pas se réveiller… » Elle fondit en larmes, les pleurs redoublèrent avec plus de force et d'énergie. Je la berçai doucement, priant pour que ses lamentations cessent, tellement je souffrais de la voir aussi larmoyante. Un coup d'œil vers le chien m'indiqua que celui-ci avait été égorgé. Je soufflai, dissimulant mon choc pour ne pas l'affoler.

« Viens, on va rentrer à l'intérieur et on s'occupera de Jake. » Tentai-je de rassurer.

Il était hors de question que je ne lui annonce que son chien était mort, dans l'état où elle était. Elle ne savait même pas ce que c'était que la mort encore. Elle hocha la tête avant de relever la tête de ma chemise désormais trempée par ses larmes précédemment versées. Je la portai avant de nous relever, calant sa tête sur mon épaule.

Je me détournai d'un pas lent vers la maison, avant de sentir le corps de Carlie se raidir.

« Papa… » Murmura-t-elle avec une pointe d'affolement, me tapotant l'épaule.

Je savais qu'elle ne voudrait pas lâcher l'affaire et laisser le chien ici, elle était bien trop attachée à lui.

« Plus tard Carlie, promis on s'occupera de Jake mais pas maintenant. »

« Non… » Elle me secoua l'épaule plus fortement, comme si elle était paniquée. « Papa… » Sa voix était suppliante, ce qui ne lui ressemblait pas. Carlie n'avait jamais été du genre à faire des caprices.

« Carlie écoute je… »

Je n'eus pas le temps de terminer ma phrase que je sentis un énorme coup sur la tête, et je distinguai un hurlement avant de sombrer dans l'inconscience…

Le bruit de sanglots et de pleurs me parvinrent, m'extirpant peu à peu de l'inconscience. La tête me tournait, j'avais l'impression de me réveiller après une bonne cuite qui donne affreusement mal à la tête. Je clignai des paupières, tentant de revenir au moment présent. La voix larmoyante se fit plus distincte et audible, à mesure que les secondes défilaient et que je luttais pour me réveiller. Lorsqu'enfin, je réussis à ouvrir les yeux, ma vue se fit floue, je ne distinguais quasiment rien. Je sentais mes membres engourdis, je n'arrivais pas à bouger. Mes bras étaient tirés et mes poignets me faisaient horriblement mal. J'avais l'impression qu'ils étaient lacérés. Je fermai les yeux durement avant de les rouvrir brusquement, afin de les accommoder à la lumière de la pièce. Je pus percevoir une petite silhouette face à moi, assise sur une chaise, apparemment attachée. Mon mal de crâne amplifiait, tandis que je reconnaissais avec horreur le visage lacéré de coupures, de ma fille devant moi. Le sang se répandait sur ses joues rondes, les pleurs toujours aussi bruyants.

Ses yeux étaient dissimulés par tous les sanglots et larmes qui perlaient, déclenchant chez moi une sorte de furie intérieure. Je voulus hurler et accourir vers elle mais une force inconnue m'en empêchait. Je n'arrivais même pas à ouvrir la bouche, malgré ma volonté imprenable de crier de toutes mes forces. Ce n'est que quelques secondes plus tard, que je compris qu'on m'avait bâillonné la bouche avec du scotch, et que mes bras étaient attachés, les poignets dans mon dos, emprisonnés par du fil barbelé. J'essayai de les bouger pour les retirer mais tout ce que je gagnais fut de m'écorcher violemment. Serrant les dents pour ne pas gémir, je sentis un liquide chaud que je devinais être du sang, couler le long de mes poignets jusque dans le creux de mes mains. J'étais également extrêmement mal installé, sur une chaise clouée au sol, m'empêchant encore plus de bouger. En conclusion : J'étais complètement immobilisé et souffrais le martyr.

Mais ce qui me torturait le plus, ce qui me tuait à petits feux, était d'assister, impuissant à l'horreur que ma fille avait dû subir pour avoir le visage tailladé de cette façon. J'aurais donné n'importe quoi pour sortir de ce cauchemar…

J'étais tellement obnubilé par l'atrocité qui se jouait devant moi, que je ne repérai l'ombre noire, debout à coté d'elle, qu'au bout de longues secondes à contempler ma fille qui se faisait torturer avec effroi.

Il était plus grand que celui que j'avais parvenu à abattre, plus mince mais la carrure de son torse semblait nettement plus musclée à travers les vêtements sombres qu'il portait. Il était derrière la chaise de Carlie, ses mains posées sur ses petites épaules, d'une possessivité drôlement malsaine, comme si elle lui appartenait, qu'elle était sa proie. J'aurais donné n'importe quoi pour l'éloigner de ce monstre qui approchait lentement son visage derrière elle, ses lèvres avançant jusqu'à son oreille.

« Tu as vu, ton papa est réveillé. » Susurra-t-il d'une voix horriblement grave.

J'entendis un couinement venant d'elle, puis elle tourna les yeux dans ma direction avec un air suppliant. J'essayai une nouvelle fois de me détacher, ce qui me valut une nouvelle dose de torture infligée à mes poignets. Jamais de toute ma vie je ne m'étais senti aussi impuissant. Elle avait le visage ensanglanté, les yeux larmoyants, des coupures sur toute la surface de sa figure d'enfant.

« Il a décidé de se joindre aux festivités. » Soufflait-il au creux de son oreille avec un sourire sadique, visible par le trou de sa cagoule.

« Pitié… » Implora-t-elle d'une voix désespérée, le regard vers moi, me détruisant lentement.

J'aurais voulu lui lancer un regard rassurant, lui dire que tout allait bien, mais même moi, au plus profond de moi, je n'y croyais pas. Comment une journée qui semblait au départ, si belle et harmonieuse pouvait se transformer en cauchemar d'une telle monstruosité ? Je ne faisais que prier chaque seconde, pour me réveiller, que tout ceci n'était que le fruit de mon imagination la plus noire et la plus néfaste.

« Tu veux dire quelque chose ? » Fit-il semblant d'être offusqué.

Il se déplaça pour se retrouver face à elle et aussitôt, l'une de ses mains s'abattit brutalement sur sa joue tailladée. La rage explosa en moi et cette fois, je me débattis de toutes mes forces pour pouvoir parvenir à me détacher, en vain. Je me fichais éperdument de me briser les poignets à tout jamais, tant que j'arrivais au final à le tuer lui, pour tout le mal qu'il était en train de lui faire. Les sanglots furent encore pires. Ils n'étaient pas que douloureux, désormais ils étaient également suppliants et anéantis. Elle voulait que je mette fin à ce massacre. Mais je ne le pouvais pas. J'étais un incapable. Et ça me tuait à l'intérieur.

« Tu as vu ça ma petite ? Apparemment, ton père n'a pas apprécié que je lève la main sur toi. » Railla-t-il, fier de la réaction qu'il obtenait de moi. « Je devrais peut-être continuer. » Il la frappa une nouvelle fois, sur l'autre joue, la faisant crier.

J'étais incontrôlable. Je ne cessais de me débattre dans tous les sens, espérant vainement venir à bout de ces fils barbelés qui me martelaient. Je parvins même à crier contre le scotch qu'on m'avait collé sur la bouche. Le monstre se retourna alors vers moi, et se déplaça vers moi, à pas de loup. Il ne se départait toujours pas de son sourire satanique et cruel, tandis qu'il se penchait pour se mettre à ma hauteur. Je le dardais d'un regard venimeux, laissant sortir toute la haine que j'éprouvais en cet instant. Il me regarda longuement, comme s'il cherchait à prolonger je ne sais quoi. Comme s'il se délectait du mal qu'il faisait.

Puis d'un coup sec, il arracha le scotch que j'avais sur la bouche, me faisant hurler plus que de raison. Dès que la douleur s'atténua, j'en profitai pour lui cracher à la figure avec une haine incomparable. Il me regarda choqué, avant de s'essuyer le visage avec irritation, du revers de sa main. Il se détourna avec aigreur et alla chercher quelque chose, au fond de la pièce. Il revint quelques secondes plus tard, un neuf millimètres à la main. Il s'approcha de moi, et mon cœur se mit à émettre des pulsations plus frénétiques. Il allait me tuer, c'était certain. Et la seule chose que je regrettais, était de ne pas avoir pu la protéger comme je l'aurais dû. J'avais failli au seul devoir qui était véritablement important à mes yeux.

Une fois à proximité raisonnable, il me regarda fièrement, debout devant moi qui étais toujours assis, attaché à cette chaise comme un misérable. Étirant ses lèvres en un sourire diabolique et calomnieux, il leva son bras contenant le pistolet, s'apprêtant à me frapper avec d'une force implacable.

« Non ! »

Elle avait crié avec une voix faible, mais avait tout de même redoublé de puissance, la connaissant. Il avait stoppé son geste dans l'action, probablement étonné qu'elle l'ait interrompu. Il se retourna vers elle qui pleurait abondamment, ses yeux faisant la navette entre elle et moi.

Il s'avança finalement vers elle avec détermination. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, appréhendant ce qui allait suivre. J'étais rassurée lorsqu'il était près de moi, car ça voulait dire qu'il n'était pas avec elle. Mais là il l'était. Et je ne pouvais rien faire.

Je tentai de me débattre fortement, de cogner contre le pied de la chaise pour attirer son attention, mais rien n'y fit.

« Non ! » M'écriai-je. « Laisse-là tranquille ! » J'espérais qu'il m'écoute, je priais pour qu'il fasse ce que je lui demandais. Mais à mon plus grand malheur, il n'obéit pas et leva son bras, frappant Carlie avec la cross du revolver de toutes ses forces. Elle hurla, j'hurlai, et il jubilait.

« Navré. » Sourit-il à mon attention. « Mais la laisser tranquille ne fait pas partie du contrat. »

Je ne l'écoutais pas. J'étais entièrement focalisée sur elle, qui avait penché la tête, puis tourné de l'œil avant de plonger dans l'inconscience. Mes yeux s'écarquillèrent d'eux-mêmes avec horreur lorsque je remarquai le liquide rouge qui s'échappait de son crâne. Je me déchainai alors sur les liens qui me maintenaient sur place, paralysé, tentant n'importe quoi pour pouvoir me libérer, sans jamais y parvenir. Le sang qui coulait le long des mes poignets amplifia à chaque seconde où je m'agitais, la tête me tournant petit à petit tandis que je me vidais inconsciemment de mon sang. J'étais tellement concentré sur elle que je me fichais comme d'une guigne de mon état pittoresque.

« Ça ne sert à rien de te débattre tu sais. » Fit-il en me vrillant de ses yeux sombres. « Plus tu bougeras, et plus tu te feras mal en te vidant de ton sang. » Apprit-il d'un ton nonchalant.

« Espèce de salaud ! » Criai-je assermenté en remuant encore plus, avant de gémir face à la douleur qui me prenait.

Le monstre se mit à rire de façon dédaigneuse avant de faire le tour de la chaise de ma fille qui ne se réveillait toujours pas, à mon plus grand damne. Il lui empoigna les cheveux avec une douceur étonnante, ce qui m'alarma. Puis sans crier gare, il tira sur ses cheveux avec fureur, lui faisant relever la tête.

« Réveille-toi ma jolie. » Ordonna-t-il de sa voix malfaisante. Il lui tira les cheveux plus fortement, la forçant à ouvrir les yeux sans ménagement. « Tu dormiras plus tard. Là tu dois être éveillée pour dire au-revoir à ton papa. »

Mon sang se glaça d'effroi tandis que je comprenais petit à petit la signification de sa phrase. Mes yeux faillirent sortir de leurs orbites, ma respiration se fit plus hachurée et plus bruyante, la panique et l'affolement montèrent progressivement, me tiraillant les entrailles. Je commençai à suffoquer, manquant d'air.

« Non… » Murmurai-je terrifié.

Il ne prit même pas la peine de tourner sa tête vers moi, son attention entièrement accaparée par ma fille qui sortait petit à petit de sa léthargie et de son état comateux. Je me secouai alors dans tous les sens, voulant absolument me libérer. C'était pire que si ma vie en dépendait, puisque c'était celle de Carlie qui était en jeu. Je gémissais douloureusement, mes poignets entortillés et lacérés.

Elle reprit peu à peu contenance, revenant au moment présent. Ses yeux clignotaient, son regard semblait déboussolé et désorienté, mon cœur souffrait.

Il s'éloigna légèrement, la lâchant dans légèreté et la faisant émettre un sanglot plaintif. Il chargea son pistolet avec arrogance et vanité, puis tourna la tête vers moi, un immense sourire barrant son visage, tandis que mes yeux lançaient des éclairs effroyables. Puis il se rapprocha de Carlie, toujours prostré derrière la chaise, avant de prendre son menton entre son pouce et son index sans ménagement, dévoilant ainsi son cou alors qu'elle poussait un léger cri de surprise. Elle me regardait comme si elle attendait que je fasse quelque chose, que je me lève et la sorte de cette horreur. Si seulement je le pouvais…

Il pointa le pistolet contre sa tempe, tandis qu'elle dirigeait son regard vers moi qui tentais avec acharnement de me défaire de cette emprise qui me retenait captif. À l'intérieur je bouillais, j'étais devenu une véritable furie, impossible à contrôler. Mes yeux me brulaient, je ne distinguais plus rien autour de moi, si ce n'est ma rage inconditionnelle envers cet homme, ce monstre, ce salaud qui avait son arme pointé sur le visage de la femme de ma vie. Je rencontrai les yeux bleus cyan de la plus belle chose qui me soit jamais arrivée. Elle avait les pupilles grandes ouvertes, ne me quittant pas du regard. Elle semblait avoir compris que je n'allais rien faire, que j'en étais incapable. Elle aurait dû m'en vouloir. Moi je m'en voulais pour ne pas être foutu de me détacher pour la sauver. C'était mon rôle de la protéger. Et je faillais. Pour la première fois de ma vie.

« Maintenant c'est l'heure de faire dodo… » Murmura ce chien à son oreille, avec un rictus infâme et exécrable.

« Non attends ! » Implorai-je d'une voix grave, presque déformée, prête à éclater à n'importe quel moment. Il ne me regardait pas, concentrée sur elle, sa nouvelle victime. « Pitié laisse-là. » Tentai-je avec supplication. « Tue-moi, fais ce que tu veux, mais laisse-là. »

J'aurais fait n'importe quoi qui puisse lui laisser la vie sauve, y compris me sacrifier, car ma vie sans elle, n'était pas une vie. Il tourna son regard vers moi, un sourire malintentionné s'étira sur ses lèvres.

« Hum…ce serait très tentant… » Fit-il diaboliquement, l'air faussement songeur, comme s'il hésitait réellement. « Mais non ».

Il reporta son attention sur Carlie, appuya d'avantage le pistolet sur sa tempe. Mon cœur battait fort dans sa cage thoracique, ma respiration se fit plus forte et plus irrégulière. Elle me regarda avec ses yeux profondément morts désormais. Je bougeais de toute mes forces, mes poignets se faisaient carrément charcuter, du liquide chaud coulait sur mes mains, pour atterrir sur le sol. Je gémis de douleur, mais continuai quand même, comme si tous ces efforts allaient finir par payer et que par le miracle du Saint Esprit, j'allais parvenir à me détacher pour lui sauver la vie, comme n'importe quel père devrait être apte à faire… Je n'étais qu'un médiocre père, la personne que j'aime le plus, allait mourir sous mes yeux impuissants. Je bougeais dans tous les sens sur ma chaise, quitte à m'ouvrir les veines avec cette merde qui me tuait les poignets, je n'en avais strictement rien à foutre. Ce salaud poussa un soupir de lassitude, notamment à cause du bruit que je faisais en m'agitant.

« C'est pas fini oui ? » S'écria-t-il en pointant le révolver vers moi. « Tu empêches ta fille d'aller dormir ! »

Enculé.

Il me regarda longuement avant de certainement, comprendre mon manège. Un rictus mauvais et sadique s'installa sur ses lèvres, il abaissa son bras et se tourna vers ma fille. Puis il se pencha vers elle avec une lenteur invétérée.

« Si tu bouges, je tue ton papa. » Murmura-t-il en articulant chaque mot.

Carlie hocha la tête difficilement, déglutissant et luttant pour garder les yeux ouverts. Ses si beaux traits étaient déformés par la douleur et la souffrance. Il se mit derrière elle et baissa la tête pour lui enlever les ficelles qui la retenaient prisonnière. Je frottais mes poignets contre le fil, ma chair s'ouvrit d'avantage et je me mordis la lèvre inférieure pour retenir un juron. Je fis de même avec mes chevilles, je les frottais, en espérant que ce putain de fil barbelé se brise. Carlie bougea doucement la tête de droit gauche, en mimant un non. Ses yeux sortirent d'avantage de l'eau salée de ses larmes, mon cœur se brisa soudainement. Elle… elle… acceptait de mourir. Elle avait accepté le fait qu'elle allait me quitter, quitter cette Terre. Mes yeux se remplirent alors d'eau salée. Il releva la tête et se remit à côté de Carlie, puis leva son arme vers cette dernière. Elle cligna des yeux plusieurs fois, comme… pour voir une dernière fois le monde, à travers mes yeux à moi. Il pressa le pistolet contre sa tempe. Elle leva son regard vers moi, regard fatale, acceptant son sort funeste, son triste et désolant destin.

« Je t'aime… » Murmura-t-elle la voix remplie de sanglots.

Une dernière larme coula le long de sa joue, tandis que les miennes perlaient abondamment sur mon visage.

Puis il appuya sur la détente.

Le coup partit et émit un son tonitruant, en même temps que mon hurlement. Je criais de toutes mes forces, croyant idiotement que ma voix allait l'empêcher d'accomplir son œuvre. Mais les cris étaient mon unique échappatoire, étant cloué sur place, interdit de tout mouvement. Je la voyais tomber au sol au ralenti, le temps semblant s'être arrêté, à l'instar de mon propre cœur. Je ne sentais même plus mon corps, mes muscles, mes os, mes articulations, mes sens… tout s'était évaporé autour de moi, laissant place à du vide, à du néant, à du noir total. Tout s'était effondré autour de moi, tel un château de cartes, j'avais tout perdu, mon cœur, ma respiration, ma motivation, ma raison de vivre sur cette Terre. Je ne prenais même pas conscience des larmes qui se répandaient sur mon visage, à mesure que j'observais mon enfant, ma fille ma vie, allongée par terre, le sang coulant… morte.

Ce mot m'écorchait la bouche. Je n'arrivais même pas à le formuler, ni à le penser. Je ne pouvais tout simplement pas croire à cette réalité si désastreuse, si… infecte. La voir devant moi, sans vie, sans âme, sans l'ombre d'un sourire sur sa si jolie bouche, ce fut le coup de grâce. La vision la plus effroyable et la plus abominable dont je n'avais jamais été témoin. À présent je ne vivais plus que pour une seule chose, mourir pour la rejoindre.

« Tue-moi ! » Hurlai-je, m'étranglant la voix dans mes sanglots. « Je t'en supplie tue-moi. » J'étais au bord du précipice, à mi chemin entre la vie et la mort, et il était le seul détonateur, celui qui avait le moyen d'exécuter mon seul souhait et abréger mes souffrances. Il tourna sa tête vers moi, rangeant son pistolet dans une des poches de son pantalon noir, puis haussa les épaules de façon désinvolte.

« Navré. » S'excusa-t-il sans l'once de la moindre trace de culpabilité sur ses lèvres et dans sa voix. « Mais te tuer ne fait pas non plus partie du contrat. »

Et avec ça, il se détourna, s'en alla, me laissant là, avec son… cadavre.

Je ne cherchai même pas à savoir par où il avait décampé, ni de quel contrat il parlait, ni où moi je me trouvais, il me semblait avoir reconnu la cave de la maison, mais je n'en étais pas sûr, et pour être honnête, je m'en fichais.

Mû d'une force inexplicable et incontrôlable, j'explosai et laissai toute la rage que je possédais sortir de moi et prendre possession de mon corps. Je n'entendis pas mes cris à la mort, je ne sentis pas la douleur de mes poignets charcutés chaque seconde un peu plus, la peau s'arrachant, laissant place au sang qui dégoulinait, à mesure que je tentais de pulvériser ces fils barbelés. Mes pieds poussaient aux aussi afin de se libérer, sans que je ne réalise à quel point c'en était douloureux. J'étais sûr d'une chose, rien ne me ferait jamais aussi mal que ce que je venais de vivre à l'instant, de ma fille abattue sous mes yeux, sans que je n'ai pu faire quoi que ce soit pour l'empêcher.

Au bout d'un long moment à tenter comme un fou de me défaire de ces liens qui me retenaient en les écartant comme je le pouvais, en me débattant comme un lion qu'on aurait mis en cage, les câbles finirent par lâcher, me rendant enfin ma liberté. Je ne m'occupais point du déchirement de mes poignets et chevilles, ni de l'état d'agonie dans lequel j'étais réduit. J'accourus avec les dernières réserves qu'il me restait, jusqu'à l'endroit où gisait Carlie, baignant dans son bain de sang. Elle avait les yeux clos à point fermés, le visage sans expression, la peau blafarde, blanchissant à vue d'œil, à mesure qu'elle se vidait de son sang. La voir dans cet état aurait sans doute provoqué chez moi une crise cardiaque, si mon cœur ne s'était pas déjà arrêté de battre. Car même si je respirais toujours – pour mon pire supplice – mon cœur ne battait plus. Et il ne battrait plus jamais. Il saignait, il souffrait, il implorait qu'on lui plante un pieu en plein milieu, il voulait tout simplement mourir.

Je m'agenouillai devant elle, dans la mare de sang que formaient le mien et le sien. Mes pleurs ne tarissaient pas, me réduisant à l'état de catatonie. Mes vêtements étaient à la fois tachés d'eau salée dues à mes larmes, et à la fois imbibés du sang qui ne cessait de couler de mes poignets et chevilles scarifiés.

J'effleurai de mes doigts tremblants son doux visage d'ange, marqué par des tonnes de coupures et de traces sanglantes, et que toute trace de vie avait déserté. Je ne pouvais pas croire en cette horreur qui avait lieu sous mes yeux, en cette boucherie qui n'avait jamais eu lieu d'être, en ce moment auparavant si parfait, qui s'était transformé en atrocité, en infamie monstrueuse, tout droit sortie des Enfers. Je passai ma main chancelante et hésitante à l'arrière de sa tête, afin de soulever son visage, et de le rapprocher du mien. Mon autre bras passa sous son corps frêle pour le porter et le coller à mon torse, près de mon cœur mort et déchu. Je vis un petit trou sur sa tempe, laissant circuler du liquide rouge continuellement. Je pris son visage et collai sa tempe ensanglantée contre ma joue, nous balançant d'avant en arrière dans l'obscurité.

Je ne me préoccupais même pas des sirènes de police qui résonnaient au loin, trop démoli, anéanti et harassé par la mort du seul être qui comptait réellement à mes yeux. Et tandis que les sirènes se rapprochaient, se faisant plus fortes et plus bruyante, la mare de sang qui nous envahissait, ne cessait jamais d'augmenter, de se répandre et d'aspirer et annihiler toute vie qui pouvait encore rester dans ce corps, et par la même occasion, dans mon propre corps...

Voilà pour ce premier chapitre, assez noir... Voire carrément noir.

Nous espérons ne pas vous avoir perdu en cours de route et que vous êtes prêts à nous suivre dans cette fiction =)

Si vous le voulez bien, laissez nous une review en cliquant sur la petite bulle juste en dessous, pour nous dire si cette fiction vaut le coup qu'on la continue, ou pas... =)

En attendant vos avis et impressions,

Vos humbles dévouées : Mzlle-Moon et Popolove ^_^