Mener une vie ambulante n'a jamais été celle qu'à rêver Nairo. Partagé entre ses parents divorcés, il doit sans-cesse intervertir de domicile et s'habituer à son rythme de vie variable. Le menton posé dans le creux de sa paume, le coude collé à la vitre glacé, il regarde la neige tomber de l'autre côté de la portière. Il voyage depuis deux heures et l'ennui se fait pressentir sur son visage de jeune adulte. Celui d'un homme qui porte déjà de nombreuses responsabilités sur ses épaules. Il réajusta de sa main libre les montures en argent qui glissèrent de son nez et peignit avec ses doigts ses cheveux auburn pour les repousser à l'arrière de son crâne brûlant. Son front est fiévreux, mais ce n'est pas un banal virus passager qui l'empêchera de rejoindre son frère.
Depuis combien de temps ne l'a-t-il pas revus ? Plusieurs années ? Depuis qu'il a décroché son diplôme, il a comme disparu de sa vie en s'éloignant en premier de leur famille brisée. Il n'a plus eus de ses nouvelles depuis si longtemps qu'il supposa qu'il pourrait ne plus reconnaître. Lui-même à changer. Nairo contempla son reflet. Ses pupilles chocolat chaud sont encadrées par de longs cils épais. Ceux-ci le fixèrent, d'un regard interrogateur. Mais il ne peut répondre à ses propres questions qui réfléchissent sur la surface transparente. Nairo ne peut résoudre ses interrogations personnelles concernant son avenir incertain. Il ne peut que vivre et attendre qu'on daigne lui formuler les solutions quand il méritera de les recevoir. Le jeune homme redressa le col de sa chemise, défroissa son pull bleu en y remarquant des plis grossiers et se tourna vers le conducteur. Celui-ci a conservé le même visage de marbre depuis leur départ. Gardant le même sourire fade depuis leur départ. Une expression mensongère. Derrière ce masque faciale, sa mère cache sa fatigue et ses inquiétudes. Dernièrement, elle n'est plus d'humeur à préparer de bons plats chauds qu'elle saupoudre d'amour maternel en temps normal. Ses viandes sont servies trop cuites, ses pommes de terre mal-épluchées, son riz croquant et ses desserts sans sucre. Dans son enchaînement de maladresses, elle a inscrit son plus jeune fils dans sa nouvelle fac avant qu'elle n'ait signé les papiers de son nouveau logement. Ce qui a occasionné son départ et sa position actuelle.
Le trajet se déroula dans un silence religieux entre le conducteur et son unique passager. Les essuie-glaces couinèrent contre le pare-brise couvert de flocons volatiles et des phares de toutes les couleurs illuminait la route comme un long chemin de guirlandes électriques. Des voitures leurs ouvraient la voie de leur prochaine bifurcation. Ils pénétrèrent dans une ville jonchée d'immeubles imposants et de lampadaires flétris par le manque de lumière solaire. Le voile grisâtre de nuages absorbe leur énergie vitale, obligeant les voitures d'allumer leurs phares pour se repérer et visualiser les bordures de trottoirs. Ils croisèrent des jeux tricolores, des piétons aventureux au milieu du léger blizzard et des animaux errants.
Il pensa à mon prochain hébergeur. On l'a prévenu assez brusquement qu'il allait devoir garder son jeune frère sous son toit le temps que leur mère déménage à proximité de sa nouvelle université et on ne lui a pas laissé le temps de s'opposer à cette abrupte décision. Mais il a dut déjà avoir préparé une chambre pour le confort de Nairo.
La voiture se gara à proximité de ces imposantes tours de béton. Nairo rehaussa son col une nouvelle fois, reçus un baiser chaud sur la joue et boutonna mon manteau avant de s'exposer à l'atmosphère glaciale. Déjà des particules d'eau cristallisées assaillirent ses cils. Il sortit le plus rapidement possible sa volumineuse valise du coffre en évitant que la neige ne tente de prendre place entre les cagettes de courses et sa mère le salua de la main avant de repartir en sens inverse. Leurs adieux sont devenus courts depuis qu'elle est devenue plus distante. Mais jamais elle n'a perdu l'habitude d'embrasser amoureusement son fils. Il rentra dans le hall de son nouveau toit avant que la chaleur du baiser maternel ne soit dissipé et cogna la pointe de ses chaussures sur le paillasson de l'entrée pour ne pas tâcher les couloirs de ses semelles devenues blanches. Il laissa quelques empreintes humides derrière lui quand il se dirigea vers l'ascenseur. Il l'appela, posa sa valise devant et releva sa manche pour lire l'heure sur sa montre. Dix minutes d'avance. Comme toujours, il est en avance sur ses rendez-vous.
-Oui, j'arrive !
Nowaki rejoignit la porte d'entré de son domicile et ouvrit la porte à un jeune adulte gardant à proximité de sa main gauche une grosse valise. Une bonne vingtaine de centimètres les séparent. Il dut pencher son menton pour regarder le garçon dans les yeux. Celui-ci releva ses lunettes et afficha un air sérieux.
-Je suis bien chez Kamijou Hiroki ?
-Tu veux que je lui transmette un message ? Demanda-t-il poliment.
-Il l'a déjà reçus.
-Tu veux dire que...
Il regarda plus en détail le visage de Nairo. Des traits ciselés avec précision, des cheveux naturellement clairsemés comme au saut du lit, de longs cils noirs et deux grands yeux débordant d'une ravissante couleur pouvant à elle-seule réchauffer les mains gelées plus rapidement qu'un grand feu de cheminé. Il rapprocha son visage du sien, survola ses verres et n'eut plus de doute sur son visage familier. Il est plus que semblable à celui de la personne à laquelle il pensait.
-Tu serais... ne put-il terminer sa phrase sans déglutir.
-C'est qui, Nowaki ?
De la salle de bain sortit un homme seulement habillé d'une serviette de bain couvrant ses hanches et son entre-jambe et armé d'une brosse à dent dégoulinant de dentifrice mentholé. Il essuya une seconde serviette sur sa chevelure châtaine, sans pouvoir plaquer ses pics rebelles sur son crâne, et se tourna vers l'encadrement de la porte. Son camarade restait figé devant l'entrée, fixant avec un intérêt certain et insolite l'étudiant avant que celui-ci ne remarque derrière lui le second hôte et contourne le premier pour se présenter.
-Salut, frangin. Lui adressa-t-il pour la première fois après huit ans de séparation sur un ton impassible qui ne pouvait démontrer aucun signe affectif de sa part.
-Na... Nairo ?! Manqua-t-il de s'étouffer avec sa propre salive. Tu... T'es déjà là ?! Je ne t'attendais pas aussi tôt ! Comment se fait-il que tu sois déjà là ?!
-Alors c'est lui, ton frère ? S'exclama Nowaki. Quand Nairo revint vers lui, pour prendre connaissance de l'homme brun qu'il ne connaît pas encore, le pédiatre le choya de son regard protecteur et ne put s'empêcher d'élargir un sourire romantique sur son visage quand il le serra dans ses bras. Le regard embué d'amour.
-C'était inespéré. Maintenant que j'ai pus voir une adorable réplique miniature de mon cher Hiro-san, je peux mourir en paix.
Nairo se laissa faire, de nombreuses femmes l'ont déjà accosté de cette manière en le comparant à son frère. Comme quoi il serait plus mignon que Hiroki. Son grand-frère vira au rouge écrevisse quand son amant tomba sous le charme de son cadet et l'extirpa de ses bras pour en prendre possession à son tour. Il grinça des dents pour menacer Nowaki.
-T'approche pas de mon protégé ! Il n'appartient qu'à moi seul !
-Hiroki ? S'étonna-t-il de la réaction du professeur, qui n'avait jamais été aussi possessif envers une personne autre que lui-même. Il comprit alors qu'il est un aîné protecteur.
-Comment tu vas, Nairo ? Tu dois avoir froid, tu as les cheveux trempés. Va vite prendre une douche et t'enfiler des habits propres avant d'attraper je ne sais quelle maladie. Je vais te préparer un bon chocolat chaud et te sortir des couvertures bien chaudes, tu vas voir.
-Je vais bien, frangin.
-On ne sait jamais ! Je ne voudrais pas que tu attrapes une grippe ou une autre de ces maladies contagieuses hivernales. Frictionna-t-il en même temps les épaules de son jeune frère avec ses mains devenues rêches.
Nowaki le regarda faire, étonné par la nouvelle facette découverte chez son petit-ami. Celui-ci peut se révéler plus égoïste et plus attentionné envers d'autres personnes que son grand adonis aux yeux de saphir. Bien que celui-ci se sentit jaloux de la position des deux frères, il fut ému d'assister à ces retrouvailles et se sentit comblé de pouvoir observer son amour et son sosie partager ensemble quelques uns de ces instants familial qu'il n'a jamais pus connaître dans ses orphelinats. Trop charmé par la scène pour la quitter du regard, il se plaignit intérieurement de n'avoir pas pris sur lui son appareil photo numérique pour conserver cet instant unique.
Nairo fut dorloté par son aîné. On lui donna accès à la chambre d'ami, qu'il ne fut pas étonné de trouver déjà préparée, et à la salle de bain pour qu'il puisse laver son corps trempé. Un jet brûlant le purifia et un savon parfumé s'étala sur sa peau telle une mousse blanche cascadant d'une haute cime d'arbre. Nairo se sentit bien, désormais éloigné de ses foyers paternels qui le dérangeaient tant. Quand il allait chez l'un de ses parents, on ne cessait de l'interroger sur ses dernières actions exécutées chez l'autre. Maintenant il il n'est plus dans leur univers tumultueux. Uniquement dans celui de Kamijou Hiroki.
Du côté de la cuisine, Hiroki servit à table les plats chauds qu'il avait laissé au four en attendant son cadet. Habillé d'un pull rose et d'un pantalon, il ne pouvait plus inspirer à son amant les mêmes fantasmes que lorsqu'il était à moitié dénudé. Nowaki termina de mettre le couvert et se tourna vers son compagnon de vie quand celui-ci eut couvert leur table de divers plats aux effluves appétissantes et aux présentations égalant celles des plus grands chefs cuisiniers. Un vrai assortiment de plats gastronomiques dans un format de poche.
-C'est donc le beau jeune homme qui se trouve en ce moment-même dans notre salle de bain qui est le fameux Kamijou Nairo ?
-Effectivement.
-Il est ton portrait craché, c'est époustouflant comme vous vous ressemblez tant. On pourrait le prendre pour une reproduction fidèle de ton portrait ou ton jumeau. Si ça se trouve, c'est un Hiro-san miniature a dut remonter le flux du temps pour nous faire parvenir un message important.
-Ne t'en vas pas dans des délires aussi gros ! Il est juste mon frère. Dire que je vais devoir supporter deux gamins dans mon havre de paix.
-Il est si terrible que ça ? Nowaki s'assit en face de son amant châtain, qui écrasa son menton dans sa paume en se servant de son bras comme d'une béquille pour son cerveau alors qu'il se remémora les quelques souvenirs partagés avec le concerné. Il parut pour son compagnon aux yeux bleus légèrement peiné.
-C'est pas son comportement qui est à plaindre, mais sa vie sociale. Il n'a jamais eus beaucoup d'amis, même aucun, et il s'est toujours isolé dans un de ces univers imaginaires qui ne l'a qu'encourager à s'enfermer dans cette solitude.
-S'il va aller dans un nouveau lycée, il va s'y faire très certainement de nouveaux amis.
-C'est que tu n'as pas vus à quel point il est asociale.
Il me fait penser à Akihiko, se remémora-t-il de leur jeunesse commune. Hiroki et Akihiko ont longtemps été des amis d'enfances jusqu'à que leurs études les sépare et qu'ils perdent peu à peu contact. Il lui arrive encore d'avoir de ses nouvelles et celui-ci pourrait prouver leur ressemblance sans que cela étonne quelqu'un. Mais lui parler de Nairo ne ferait qu'attiser la colère qu'il a accumulé en écoutant son ami vanter son frère depuis sa naissance. Mais Hiroki savait mieux que personne que l'enfance de son frère, différente de celle d'Akihiko, n'en reste pas moins similaire sur le plan social. Il se demanda alors si Nairo est destiné à suivre la voie empruntée par son ami de jeunesse et rester enfermer dans sa cage de solitude.
-Je ne le savais pas, remarqua Nowaki.
-Il n'aime pas qu'on lui en parle... mais je suis certain qu'il a dut changer en huit ans. Positiva-t-il la situation avec un sourire confiant. Il doit avoir un portable noyé dans ses propres textos, un agenda de sorties bourré de dates et une nombreuse liste d'amis sous la main.
-Très certainement.
Nairo les rejoignit plus rapidement à table qu'ils ne l'avaient envisagé. Toujours en avance sur son temps, il s'assit à la place libre laissée à côté de son frère. Nowaki remarqua quand il passa dans son dos que le jeune homme porte sur sa peau blanche le parfum de son amant. Nouvelle similitude. Hiroki servit à Nairo les plats qu'il savait être parmi ses préférés et veilla à lui servir les proportions qu'il souhaite. Il le choya comme son propre enfant. Mais celui lui répondit de manière abrupt et monosyllabique quand son frère lui demandait « Tu en veux encore ? »
-Tu aimes les plats de ton frère, Nairo-san ? Ça ne te dérange pas si je t'appelle ainsi ?
-Non.
-Dis-le tout de suite si mes plats sont mauvais. Voulut savoir Hiroki, espérant que sa cuisine lui convienne.
-Ils sont meilleurs que ceux de maman.
Ils se turent. Ils ne parlent jamais entre eux de leurs parents. Ceux-ci n'arrivaient plus à se supporter après la naissance du dernier de la famille, comme quoi monsieur consacrerait plus de temps à son travail qu'à ses fils, et ils ont divorcé quand Nairo fut très jeune. Celui-ci s'est toujours sentis responsable de leur séparation et jamais son frère n'a put lui faire comprendre son innocence. Nowaki changea de sujet de discussion.
-On pourrait apprendre à mieux se connaître. Je m'appelle Kusama Nowaki.
-Tu es le petit ami de mon frère ?
-Seulement un ami ! Le coupa Hiroki avant qu'il n'ait dévoiler la véritable nature de leur relation. Vois-tu, nous vivons ensemble en temps que colocataires, rien de plus !
-Et nous partageons la même chambre.
-Vous êtes amants, alors. En conclut Nairo.
-Sinon, Nairo, comment se passent tes études ?
-Ma moyenne en arithmétique a chuté dernièrement.
-Si tu éprouves quelques difficultés pour retenir tes leçons ou pour répondre à des questions, je pourrais t'aider. Je me débrouille pas trop mal dans cette matière.
-Nowaki, je te vois venir ! Ne pense même pas lui faire subir, ne serait-ce sur son moindre cheveu, un de tes fantasmes de pervers ! Je vois clair dans tes yeux !
-Voyons, Hiro-san, jamais je ne pourrais y songer.
Il imagina les deux frères vêtus de petites robes coquettes avec de gros rubans attachés dans leurs cheveux épars. Tout deux lui concoctant de délicieux desserts quand il revient de l'hôpital. Il dirait être gêné par la situation mais les frères Kamijou insisteraient pour qu'il goûte à leurs gâteaux à la crème et leurs assortiments d'éclairs multicolores. Il dégusterait ensuite les lèvres du plus grand et terminerait son festin par... Non, pas devant son cadet. Il testa leurs similitudes en interrogeant Nairo sur ses goûts quand l'aîné débarrassa leurs assiettes des restes de sauce.
-Tu désires une certaine couleur pour les murs de ta chambre ? Pour l'instant ils sont blancs mais nous avions déjà envisagé de les peindre autrement.
-N'importe quel bleu me conviendrait, de préférence un bleu clair. Mais ne vous sentez pas pressé de presser les travaux à cause de ma présence.
La même couleur qu'avait choisit Hiroki. Comme quoi le bleu apporterait une ambiance sereine et une atmosphère limpide à la chambre.
-Si tu veux, demain, je pourrais t'accompagner en ville pour te la faire visiter. Il y aurait un endroit que tu voudrais particulièrement visiter ? Une certaine boutique ?
-Peut-être le café le plus proche, au cas où je voudrais m'y arrêter en rentrant du lycée. Mais je le trouverai tout seul, pas besoin que tu me serves de guide.
Hiroki s'arrête souvent dans un café pour y prendre une tasse de cette boisson régénérante, surtout en hiver pour se réchauffer en chemin. Nowaki l'a deviné en remarquant les émanations de café sur sa peau.
-Il y a une librairie, dans le coin ?
-Hiro-san te donnera l'adresse de la plus proche.
Nouvelle parité. Hiroki est ce qu'on peut appeler « un gobeur de livres » , il les achète à la bétonnière et les lit à la pelle comme on consomme des carrés de chocolat par gourmandise. Il se demanda si le frère de son compagnon est lui-aussi un librophile ? Celui-ci accommoda ses lunettes avant qu'elles ne tombent de son nez. Nowaki prêta attention à son regard livide. Il paraît non pas être assis à table, mais perché au sommet d'une statue de chair. L'observant à distance, avec une certaine méfiance comme envers son propre frère protecteur. Il n'a pas eut tord de lui parler de son manque de sociabilité. Sa voix est monotone, son visage inexpressif et ses yeux vagabondent dans la pièce au lieu de se poser vers ceux du pédiatre. Nowaki cessa de l'interroger quand Hiroki vint leur apporter quelques pâtisseries au caramel achetées pour leurs retrouvailles.
-Hiro-san, tu dors ?
Son amant rechigna et couvrit son visage de leur couverture. Il garda son visage enfouit dans son coussin moelleux, trop épuisé pour consacrer du temps à son Nowaki alors qu'il doit se lever aux aurores le lendemain. Son compagnon à la chevelure bleuté fixait le plafond en pensant à leur invité. Quand il repensa à ses début avec l'aîné Kamijou, l'ascension au sommet de sa tour d'ivoire ne fut pas des plus faciles. Il ne l'a jamais regretté.
-Tu veux me demander quoi ? Accepta-t-il d'écouter, ne pouvant retrouver le sommeil.
-Pourquoi ton frère est venu ici ? Je t'ai entendu en parler au téléphone et tu m'as prévenu de son arrivé, mais sans m'expliquer la raison.
-C'est seulement le temps que notre mère trouve un logement à proximité de sa faculté.
-Elle est où, au faite ?
-Pas loin de la mienne, il n'aura qu'à faire quelques pas tout les matins pour y aller.
-Il n'est pas inscrit à la tienne ?
Crétin, pensa Hiroki. S'il se retrouve dans mon établissement, à coup sûr tout les élèves craindront le frère du professeur démoniaque qu'il est. Peut-être même que ses collègues craindront cet élève au sang de démon. Non, il doit étudier ailleurs. Bien que son cœur soit attristé de savoir qu'il sera sous la tutelle de professeurs dont il ne connaît rien, il a très bien réussis à vivre sans lui et il continuera de gravir les échelons de l'adolescence et des études sans son soutient. Mais il veut le lui fournir. Il n'a put avoir l'occasion de le faire quand ils étaient plus jeunes à cause de sa difficile ascension vers les notes irréprochables. S'il le faut, il l'étouffera de son amour fraternel.
Nowaki se coucha à côté de lui, le prit par la taille et le tira contre son torse nu. Le professeur svelte rougit. Il a l'habitude de repousser le pédiatre mais il est trop épuisé pour se défendre. Il se laissa être emmené contre son corps chaud et frissonna quand son camarade de chambre mêla leurs doigts ensemble dans un nœud complexe pour qu'il ne puisse plus s'en échapper. Nowaki baise l'épaule blanche de son prisonnier et posa son nez contre sa chevelure. Il baissa doucement ses paupières et s'endormit en écoutant le souffle affolé de son Hiro-san chéri. Qu'il l'aime ! Mais à tel point ! Il pourrait lui murmurer son nom toute la nuit, lui sacrifier de son temps pour lui en consacrer autant qu'il en voudrait, lui ériger une cité qui louerait son existence, lui composer un bouquet avec toutes les fleurs qu'il pourrait cueillir dans son propre cœur, lui accomplir les exploits les plus héroïques et les plus anodins juste pour le voir sourire et l'entendre le remercier. Sa respiration est une berceuse, qui plongea le jeune assistant de médecine dans un sommeil profond.
Nairo chercha du regard son bâtiment une fois qu'il eut pénétré l'enceinte de sa faculté. Il y en a plusieurs de toutes les tailles, mais il désire savoir lequel lui permettrait de suivre ses prochains cours de mathématiques pour l'instant. Autour de lui, les habitués savent où se diriger et ne lui prêtent aucune attention. Il n'est qu'une ombre égarée au milieu d'une cours surpeuplée d'étudiants aux destins pré-définis dans des carrières scientifiques prometteuses. Lui, Kamijou Nairo, n'est qu'un jeune homme qui n'a encore rien décidé de ses projets futurs. A par l'ambition de terminer sa vie d'étudiant avec un diplôme à la main.
Il vit un professeur s'aventurer dans la vaste arène d'élèves, un fière gladiateur qui ne se laisse influencer par les prochains adversaires qu'il rencontrera dans sa salle de cours en journée. Un cartable en cuir est porté sous son bras, symbole de savoir et de sagesse. Nairo s'avança vers lui pour lui demander son chemin et l'interpella alors qu'il venait de ranger son téléphone portable.
-Excusez-moi, savez-vous où se trouve le bâtiment C ?
-Tu n'as qu'à me suivre, j'y allai justement.
Nairo se demanda s'il est un professeur de mathématiques tandis qu'il le suivit jusqu'au plus grand des trois bâtiments occupants leur champ de bataille. S'y affronteront dans un avenir certain des guerriers qui se battront jusqu'à la mort pour terminer leurs études, arrachant aux stylos rouges de leurs professeurs les meilleurs notes et décrochant de leurs bouches les meilleurs appréciations. Ils se sacrifient corps et âmes pour un bût précis, celui de Nairo est des plus vagues.
-Tu es nouveau ? Me demanda le professeur en me tenant la porte.
-Je viens d'arriver aujourd'hui et je ne connais pas encore cette faculté.
-Je vois.
Ils parcoururent un long couloir bombé d'élèves avançant dans toutes les directions, suivant des flux irréguliers en sachant lesquels les conduiront à leur salle respective. Ils en suivirent un jusqu'aux plus proches escaliers, où on y abandonna Nairo qui assurait pouvoir se débrouiller seul pour la suite. Il suivit la vague d'étudiants jusqu'à son étage et s'arrêta devant sa salle. D'autres jeunes adultes attendaient eux-aussi qu'on viennent l'ouvrir. Il les dévisagea, sans oser s'adresser à l'un d'eux. Il s'appuya à un mur, croisa ses bras contre sa poitrine et ne bougea plus. On le regardait avec méfiance. Son regard de chien de faïence ne l'a jamais aidé à inspirer une bonne impression auprès de ses camarades de classe. Ceux-ci lui trouvent un air sauvage, qu'il aurait une meilleure intégration au sein d'une meute de loups sauvages que dans une société. Il lit leurs pensées à travers les miroirs de leur âmes. Ils craignent le nouvel élève hostile comme celui-ci craint les préjugés qu'on pourrait lui adresser verbalement. Ils sont dans un cercle vicieux où les craintes entraînent des incompréhensions et empêchent de mettre en place des communications pouvant briser plus de barrières qu'on ne pourrait le croire. C'est au milieu d'une arène belliqueuse, d'une ténébreuse forêt servant de manoir à des paladins d'ombres, qu'il s'est jeté sans autre arme qu'un bouclier spirituel.
Vint l'heure de la pause-repas. Nairo en profita pour aller faire un tour à l'administration. Il retourna au rez-de-chaussé et trouva rapidement les bureaux réservés aux personnes les plus respectés de l'établissement. C'est un couloir plus calme que les autres, où circule déjà moins de monde. On ne se presse pas, on avance à pas lent entre plusieurs bureaux. Non pas pour rattraper le temps, mais tenter de lui échapper pour en gâcher le plus rapidement possible. Quels étranges univers opposés. Les adultes et les adolescents n'ont pas la même notion de temps. Tandis que certains veulent en gagner, les autres veulent en perdre. Et Nairo est entre eux.
Il remarqua un homme qui attendait sur un banc à côté du bureau du proviseur adjoint. Celui-ci doit être fermé, mais l'élève essaya de l'ouvrir. La porte était fermée à clef, toute nouvelle tentative serrait veine sans usager de l'objet métallique. Il se tourna vers l'adulte, qu'il reconnut comme étant son guide. La même chevelure ardoise, couvrant en partie son profil droit et s'éparpillant à sa gauche tandis que de l'autre côté ces mêmes cheveux sont docilement plaqués à son crâne. Les mêmes yeux de plombs cernés d'un bleu si clair qu'on le confondrait avec du gris. Le même costume sérieux. Le même cartable. La même personne, il n'en a aucun doute.
-Vous savez quand viendra le proviseur ?
-Dans dix minutes, normalement.
-Vous attendez ici depuis longtemps ?
-J'ai déjà mangé et je n'ai aucun cours à instituer prochainement, je suis patient.
Nairo s'assit à côté de lui et le regarda plus en détail. Ses iris aux reflets d'argent lui parurent familier. Déjà vus quelque part. Au travers d'un autre regard ? D'habitude, il ne regarde jamais les gens dans les yeux quand il discute avec eux et quand c'est le cas, il ne retient jamais la couleur très longtemps. Si une couleur a sut lui rester en mémoire, c'est qu'elle a appartenu à une personne qui lui est spéciale. Il n'a pas éprouvé ce genre de ressenti pour énormément de personnes. Il y a eut son frère, ses parents et quelques autres membres de sa famille mais cet homme n'en fait pas parti. Non, dans quel contexte aurait-il put le rencontrer ?
Le professeur se tourna vers l'étudiant, qui tourna son regard vers le carrelage. Nairo le fixa à nouveau quand il ne lui prêta plus son attention. Il le sentait l'épier, mais il ne l'empêcha pas de continuer. C'est un nouvel élève qui a besoin de se familiariser avec sa nouvelle école. Un autre professeur passa dans le couloir et s'arrêta devant lui.
-Tiens, Yukio, tu as encore été convoqué chez le proviseur adjoint ?
-Comme toujours. Répondit-il simplement. Leur dialogue fut bref mais tout deux savent qu'ils pourront parler plus en détail de leur journée autrement et surtout loin des oreilles de l'étudiant.
Nairo se figea dès qu'il eut entendu le nom du professeur. Yukio. Il en a connut un, dans sa vie. Un unique Yukio, il se trouva totalement décervelé de n'avoir pas pensé à lui plus tôt. Des cheveux sombres et des yeux gris, seul Yukio possède de telles caractéristiques physiques. Il se tourna de nouveau vers lui et leva un sourcil sans comprendre la pétrification de l'étudiant auburn.
-Yukio, c'est toi ?
-Je ne te connais pas.
-Yukio... Je suis Nairo. Pressa-t-il sa paume sur sa poitrine pour qu'il porte son regard sur lui et s'y accroche. Kamijou Nairo.
-Hein ? Tu ne parlerai pas d'une autre personne ?
-Tu as été mon professeur particulier quand j'étais plus jeune. Tu m'aidais à faire mes devoirs en mathématiques et tu me ramenais de l'école tout les jours quand j'avais dix ans. Tu t'en souviens, Yukio ?
-Cesse de m'appeler ainsi. Je suis un professeur, nullement ton ami.
-Tu l'as été et tu n'aimais pas quand on te vouvoyait. Tu savais faire des grues en papier et pratiquer du diabolo.
Il savait aussi me captiver, pensait Nairo. Avec lui, les cours devenaient des spectacles. Il jonglait avec les formules mathématiques comme un jongleur professionnel avec ses quilles. Avec d'adroits tours de mains, les problèmes difficiles se résolvaient avec simplicité. C'était un magicien des chiffres, un artiste pouvant animer sous son petit chapiteau des spectacles colorés et dresser des formes géométriques. Nairo l'avait toujours considéré comme un monsieur Loyal fabuleusement doué dans son domaine. Si gentil à l'époque... Mais le Yukio actuel continua de renier cette identité.
-Yukio, tu ne peux que me reconnaître. Je suis le frère de Kamijou Hiroki.
-Je connais effectivement un professeur de ce nom, mais il enseigne dans un autre lycée. Je n'ai plus le temps d'écouter ces enfantillages, je dois aller m'occuper d'autres affaires plus urgentes à régler. Et arrête avec ces suppositions falsifiées.
-Tu ne peux être que Shinabu Yukio.
Le professeur s'empara brutalement de la nuque de l'étudiant à la chevelure clairsemé et porta ses lèvres vers les siennes. Le geste fut brusque mais le baiser doux. Nairo fut trop surpris pour réagir. Il ne s'y serait jamais attendu. Pas même près de huit ans après leur dernier cours. Il le relâcha de son emprise, lui murmura « Maintenant, ne m'adresse plus la paroles. » prit son cartable et partit de l'administration. Nairo porta ses doigts élancés à sa bouche. Que venait-il de se passer ?
