Rien ne m'appartient.

Bonjour, bonsoir, moussaillons. Voilà un tout nouvel OS (sur un de mes couples chouchous du moment) écrit dans le cadre des Nuits du FoF sur le thème "pansement". J'espère qu'il vous plaira, bonne lecture ! :)


Elle retira vivement sa main du feu en grimaçant et en ramenant ses doigts contre sa bouche. La Judy d'avant aurait juré, mais, même si elle savait qu'elle était seule, le voile qui retombait sur ses omoplates l'en dissuada et elle se contenta seulement de souffler sur la peau rougie. Son cœur manqua un battement lorsqu'un mouvement derrière elle se fit sentir. Elle se retourna et put constater qu'il s'agissait de son invité, incroyablement beau malgré la lumière désavantageuse qui durcissait ses traits. Elle baissa les yeux et ramena ses bras le long du corps, tentant d'ignorer l'élancement de la brûlure sous sa chair.

—Vous êtes en avance, Monseigneur, lui fit-elle remarquer d'une petite voix.

—On dirait que le timing est parfait.

D'un coup de menton, il désigna sa main, gonflée et rouge, qu'elle tenait d'une drôle de façon. Ses doigts tremblaient sans qu'elle ne puisse les empêcher. Honteuse, ses joues se colorèrent de rose et elle baissa un peu plus la tête, jusqu'à disparaître entre ses épaules.

—Donnez-la-moi.

La surprise lui fit relever les yeux et elle le vit tendre sa main vers elle. Si on lui avait dit que cette scène se produirait, jamais elle n'y aurait cru. Elle aurait même probablement ri au nez de la personne. Et pourtant, les doigts qu'il referma autour de son poignet étaient bien réels. Il l'obligea à passer sa peau meurtrie sous l'eau glaciale, ce qui la fit serrer les dents, même si elle ne dit rien. Il s'appliqua ensuite à caresser sa main, comme si la cloque qui se formait déjà allait disparaître sous l'effet de sa tendresse. En tout cas, ce n'était certainement pas Jude qui allait s'en plaindre. Au contraire, elle apprécia la douceur de son geste et ferma les paupières sur un de ces fantasmes qu'elle ne pouvait retenir.

—On compare souvent la brûlure au péché, expliqua-t-il, rompant le charme de son rêve qui avait déjà échauffé son sang. À l'Enfer. Mais c'est pourtant ce qui nous rapproche le plus de notre condition d'être humain ; la douleur.

Elle se tortilla un peu sur sa chaise et s'intima à souffler sur les dernières traces de son mirage en même temps qu'il soufflait sur ses doigts. Elle observa son visage, calme et tranquille, à peine marqué par l'âge. Il faut dire qu'il était encore jeune, lui. Si beau et si jeune. Si dévoué à sa foi. Si inaccessible.

—Il existe bien des sortes de douleur, Monseigneur.

Les mots sortirent de sa bouche sans qu'elle ne puisse songer à les contenir. Leur vérité la frappa à la poitrine et lui coupa le souffle. Il releva ses deux belles prunelles brunes entre ses longs cils foncés et captura son regard. Elle eut l'impression qu'il sondait son âme, cherchait la raison - l'explication - de cette parole si mystérieuse. Elle se passa la langue sur les lèvres et détourna la tête, se concentra plus que de raison sur sa main, qui avait cessé d'enfler.

—Vous avez raison. Et il y en a qui nous sont interdites de par leur nature. La douleur d'un cœur brisé. Voilà quelque chose que nous ne connaîtrons jamais.

Ils se parlaient désormais sans se regarder, tous deux grandement intéressés par la main de Judy.

—L'une des pires qui puissent exister.

—À ce qu'il paraît, oui.

—Et pourtant, continua-t-elle, dans les rares moments où elle nous laisse respirer, on se met à prier pour qu'elle revienne. Parce que, sans elle, il n'y a plus rien. Rien du tout.

Un mince silence s'étira entre eux. Elle crut même qu'il ne répondrait pas et s'apprêtait déjà à se soustraire à son emprise, mais il retint ses doigts entre les siens et les porta à sa bouche, sans les embrasser toutefois.

—Vous avez l'air de savoir de quoi vous parlez, chuchota-t-il contre sa peau.

Elle se tortilla à nouveau sur sa chaise, mal à l'aise, priant soudain pour disparaître sous terre. Elle n'eut pas d'autre choix que de supporter son regard sur elle.

—Je n'ai pas toujours été une sainte, Monseigneur. Vous savez bien que j'ai eu une vie - une longue vie - avant de trouver la lumière.

—J'aurais aimé vous connaître dans cette vie, Jude.

Il ne lui laissa pas le temps de répondre, car il se leva, attrapa une serviette rouge écarlate qui traînait sur la table et lui en fit un pansement de fortune. Il garda peut-être sa main un peu trop longtemps dans la sienne, mais il finit par la lâcher. Et se détourner d'elle, comme on se détourne du péché dont on a été tenté jusqu'à s'être imaginé le commettre ; malgré lui et le cœur déjà imbibé de regrets. L'air de rien, il s'attabla à sa place habituelle et se servit un grand verre de vin, dont il but la moitié d'une seule traite. Tout à coup, ce ne fut plus dans sa main qu'elle avait mal.


N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et je vous dis à la prochaine. La bise ! ^^