Il avait faim.

Étrange comme sensation. Personne n'avait jamais faim quand il était mort. On était mort, un point c'est tout. Le corps n'était plus qu'une coquille vide et quant à l'âme, cela dépendait de vos croyances.

Lui, il croyait à la Force. Il était un Jedi. Un Revanchiste, certes, mais un Jedi tout de même. La dernière maxime du Code résonnait dans son esprit : Il n'y a pas de mort, il n'y a que la Force.

Donc, cela voulait dire qu'en toute logique, il faisait partie de la Force. Il ne pouvait être autrement. Il venait de succomber quelques instants plus tôt en combattant les mandaloriens.

Quoique pour être tout à fait précis, ce n'était pas les mandies qui l'avaient tué. Il ne se rappelait plus très bien -tout était flou dans sa tête- mais il croyait se souvenir d'une sorte de trou noir.

Quelque chose s'était ouvert au centre de Malachor et les navires en orbite autour de la planète y avaient étés précipités. Son vaisseau à lui, un pauvre petit chasseur n'avait pas fait exception.

Il s'était vu foncer dans ce tourbillon d'énergie et de destruction et puis...plus rien. Le noir.

Ce qui était très étrange en soi. Il en revenait à son problème initial : comment pouvait-il savoir qu'il faisait noir -et avoir faim par dessus le marché- puisqu'il était mort ?

L'espace d'un instant, il craignit qu'il doive passer l'éternité ainsi, dans le noir. Ca ne valait pas vraiment le coup de vivre, hein ? Ou de mourir plutôt.

Il tenta une hypothèse : le fait qu'il puisse réfléchir, constater le noir autour de lui et avoir faim -une faim qui lui tordait le ventre désormais- indiquait qu'il n'était pas mort. Sans doute gravement blessé et sûrement mourant mais pas encore mort.

Il lui sembla apercevoir un frémissement dans le noir. C'était fugace, comme un léger tremblement. Il se concentra dessus et le frémissement recommença. Une minuscule lumière pointait au loin.

C'était plutôt encourageant. Ni mort, ni dans l'obscurité la plus totale...on dirait bien qu'il avait de la chance.

Il tenta de faire un pas vers la lumière mais son corps ne répondait plus. Il était comme pris dans une grenade cryoban ou adhésive. Ou même les deux à la fois. Dans le genre pratique...

Un spasme comprima ses entrailles. La faim montait. La douleur le conforta dans son hypothèse de la non-mort.

Tentant d'oublier les élancements de ses tripes, il se focalisa une nouvelle fois sur la lumière. Cette fois-ci, elle déchira le voile de ténèbres et dura un peu plus longtemps avant de disparaître à nouveau.

Il lui sembla voir au loin un amas de rochers. Il fit le vide dans son esprit pour s'aider de la Force et mieux distinguer au delà du noir.

Nouveau spasme qui le fit crier. C'était incroyable d'avoir faim à ce point. Dès qu'il serait sorti du noir, il lui faudrait trouver quelque chose à se mettre sous la dent pour ne pas hurler de douleur.

Au terme d'un suprême effort, le frémissement refit son apparition et dissipa les ténèbres. Il accueillit la lumière avec délice, bien qu'elle lui brûla un instant les yeux. C'était bien des rochers qu'il avait sous les yeux. Des rochers verts.

Verts ? Étrange. Il n'y avait pas de roches de couleur verte sur Malachor. Pas à sa connaissance en tout cas.

Il regarda autour de lui, cherchant à se repérer. Il était dans une sorte de caverne. Partout, des amas de cette roche verte, éparpillés comme par une main de géant qui se serait amusé à tout balayer d'un revers de main.

En fait, ce n'était pas la seule chose étrange. Il avait la drôle d'impression de voir le sol en haut et le ciel en bas. A moins que la gravité ne se soit brusquement inversée sur Malachor, cela voulait dire qu'il se tenait allongé, à l'envers. Il roula sur lui-même pour corriger le problème.

Ah oui, ça allait beaucoup mieux. Exception faite de cette maudite faim, qui commençait vraiment à le rendre fou.
Il chercha à se relever, s'attendant à souffrir le martyre. Il n'avait aucune idée de comment il avait survécu mais il était sûr que son corps avait dû déguster en retour.

Pourtant, il se leva aussi facilement qu'il l'avait voulu. Peut-être même plus.

Bizarre. Il n'était quand même pas un poids-plume. Et dans ses derniers souvenirs, il était en armure de combat lourde. Pas vraiment le genre d'équipement avec lequel on pouvait faire des acrobaties.

Il se flatta le flanc pour vérifier qu'il n'avait rien. Et sous ses yeux éberlués, il se vit traversant son propre corps.
Il crut avoir rêvé jusqu'à ce qu'il réitère l'expérience. Il n'avait plus de consistance solide. Il était comme un amas de gaz.

Il tenta de se saisir d'une roche mais elle traversa sa main et retomba au sol.

Est-ce que finalement, il était bel et bien mort et qu'il était devenu un fantôme de Force ? Possible.

Double spasme. Il tomba à genoux en se tenant le ventre. Ou du moins essaya puisque une nouvelle fois, il se traversa lui-même.
Il ne comprenait pas comment il pouvait à la fois être immatériel et tout de même avoir faim.

Il se remit debout aussi facilement que la première fois. Il avança ou plutôt glissa devant lui jusqu'à la sortie de la grotte.
Il se demandait s'il pouvait encore parler à quelqu'un. Il espérait au moins ne pas être seul sur Malachor.

A la sortie de la caverne, il dut marquer une pause. Non tant à cause d'un nouveau spasme -il en avait presque l'habitude maintenant- mais bien à cause de ce qu'il voyait.

Il voyait le vide. Partout, tout le temps.

Malachor semblait avoir implosé de l'intérieur, comme un détonateur thermique géant. Là, une falaise effondrée, ici, une faille qui courrait jusqu'aux limites de l'horizon. Il sonda la Force pour détecter des signes de vie. Il y en avait des milliers. Des faibles, des fortes, des médianes...certaines personnes étaient encore en vie sur la planète.

Mais ce vide se couplait avec la faim. Pas seulement celle qui tordait son ventre, il avait faim dans tout son être. Il avait l'impression que son esprit lui-même avait faim.

Décidant de remédier à cela le plus vite possible, il se dirigea vers le signe de vie le plus proche. Il ne fut pas long à le trouver : un soldat de la république, coincé sous une tonne de rochers. Il était gravement blessé et allait bientôt mourir. Il ne pouvait plus rien faire pour sauver le soldat. Même s'il soulevait les rochers et qu'il le soignait, le guerrier n'avait plus assez de force -et sans mauvais jeu de mot- en lui pour s'en sortir.

Il s'apprêtait à le laisser quand la faim le frappa une nouvelle fois. C'était beaucoup plus fort que toutes les fois précédentes. Chacune des cellules de son corps hurlait qu'elles avaient faim. Et que le soldat était l'unique repas à proximité.

L'espace d'un instant, il frémit à cette pensée. Se nourrir d'un être vivant ?
C'était du cannibalisme pur et simple ! C'était aller à l'encontre des lois Jedi, il ne pouvait pas faire ça !
Bien sûr, il lui était arrivé de se "recharger" sur certaines personnes mais c'était toujours en cas de manque grave. Et c'était à peine une parcelle de leur Force qui s'en allait, un infime battement de cœur.

Mais là, c'était différent. Vider une personne de sa Force c'était criminel. C'était Sith.

Mais c'était aussi la seule chose à faire pour calmer cette faim. Ca n'était pas si grave, non ? Le soldat était mourant. Personne n'allait le savoir.

Il tendit la main vers le soldat et le toucha. Immédiatement, la Force établit le lien.
Il pouvait le voir et le sentir à travers la Force. Comme il l'avait deviné, il était faible. Il n'avait presque plus de Force en lui.

Le transfert se fit sans histoire. Quelques secondes et la tête du soldat tomba mollement sur son épaule. Il était mort. Et la Force qu'il avait perdue coulait maintenant dans le corps de son assassin.

C'était si bon. Comme un bol de soupe chaude après une tempête de neige. Il n'avait plus mal.
En repliant les doigts, il eut la surprise de les sentir. Est-ce qu'absorber cette Force lui avait redonné un petit peu corps ? Il semblait que oui.

Il s'éloigna, satisfait. C'était mal ce qu'il avait fait mais il ne l'avait fait qu'une fois. Et il ne recommencerait pas, juré !

Ses déambulations l'amenèrent face au signe de vie le plus proche. Quoique "signes" serait plus adaptés. Il y avait là plusieurs mandaloriens, couchés par terre comme des poupées de chiffon. Eux aussi semblaient faibles.

Sa première intention fut de tourner les talons. Il n'avait rien à faire là, il devait regagner ses propres lignes -si elles existaient encore-.

Mais la faim revint le frapper encore plus durement que la première fois. Le peu de répit qu'il avait eu avec le soldat s'était évaporé. Il pleurait tant il avait faim.

Allez après tout, ils n'étaient rien d'autre que des têtes de seaux, non ? Des ennemis de la République. Des bouchers dénués d'humanité. Il en avait tué tant pendant la guerre...une demi dizaine de plus, ça ne portait pas à conséquence pas vrai ?

Il les aspira comme il l'avait fait pour le soldat. Le faim se calma.

Il inspira longuement en se sentant se rematérialiser petit à petit. C'était bon maintenant. Il n'avait plus besoin de vider les autres pour subsister.
Il continua de marcher et se trouva sur un site de crash où plusieurs centaines de vaisseaux et de pilotes gisaient là, entre la vie et la mort.

_Oh non, murmura t-il en entendant un grondement sourd monter en lui.

La faim était de retour et hantait le futur Dark Nihilus.