Disclaimer : Les personnages et l'univers appartiennent à Furudate Haruichi.

Pairing : KuroKen, un peu de BokuAka, un peu de KageHina (oui, moi, CrimsonRealm, prévois d'écrire du KAGEHINA, comme quoi), une mini touche de BoKuroo et de KenHina car... vous savez... OTPs (mais j'vous promets que c'est du KuroKen en vrai. :D)

Temps d'écriture : 7 heures à peu près, et une grosse de correction. Parce que je fais des pauses tumblr.

Challenge level : 1/5, c'est si agréable, mon Dieuuu.

Bêta-Lecture : Antidote. Haha. God bless.

Note (update 26/06/16) : Welcome to the ride ! Cette fanfiction, charmant KuroKen un peu angsty mais qui, je le jure, s'améliore au fur et à mesure - on est adeptes des Happy Ending ou on ne l'est pas - devrait tourner aux alentours des 29 chapitres, si les foutues vies ne passent pas leur temps à se rallonger pour rien.

Ceux qui me connaissent savent que je suis obligée d'écrire 50 fanfics en même temps, parce que je suis incapable de me concentrer sur une chose à la fois. J'essaie néanmoins de les updater régulièrement - celle-ci, particulièrement, puisqu'il s'agit de ma fanfic principale (si si). Ca tourne en général autour d'une update toutes les deux semaines, voire une toutes les semaines quand j'ai la foi et que le chapitre ne décide pas de faire 10K au lieu de 5.

J'espère que ce petit voyage à travers les limbes de la culpabilité de Kuroo vous sera aussi agréable à lire qu'il le sera probablement à écrire. Je rigole mdr, 90% de chances que je passe mon temps à pleurer parce que ça avance pas. Sigh. Bref, oui.

Blague à part, bonne lecture, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé en cours de route, parce que je suis une personne qui oscille avec une confiance de 0% à 1300% dans son travail, malheureusement plutôt plus souvent 0 que 1300. 1300, c'est que la nuit. OK JE ME TAIS :'(.

Note 2 : Cette fanfiction est dédiée à Rin-BlackRabbit parce qu'elle est parfaite et précieuse. Also because it's her OTP. (Et parce qu'elle connaît déjà le scénario hahahahaha).

Note 3 : J'invente et j'écris cette fic avec l'album Wilder Mind de Mumford & Sons en tête. Il a pile poil l'ambiance qu'il faut. Il est parfait. Jamais eu un aussi gros coup de cœur, ha, et en plus de ça il me fourni 500 idées à la minute (Only Love est TELLEMENT Iwaoi omg). Ça devrait être illégal, j'vous le dis.

BONNE LECTURE ! :D :D :D :D


Sa chaise de bureau, presque neuve, lui donnait mal au dos.

Il n'en avait rien dit à ses parents. Cette chaise avait coûté suffisamment cher pour que l'idée d'un remplacement leur tire une moue dubitative accompagnée d'un inaudible soupir. C'était une bonne chaise, faite pour qu'on puisse s'y asseoir une journée entière, si besoin était. Une chaise de professionnel. Kuroo n'avait aucun mal à se souvenir des commentaires qui défilaient sous le produit, sur le site web où il l'avait acheté. La chaise la plus confortable que j'ai eu l'occasion de tester de toute mon existence, pas certain de pouvoir trouver meilleur ! L'essayer, c'est l'adopter, comme ils disent ! Ah ah !

Pas seulement une bonne chaise, un élément de mobilier pratique bien qu'un peu générique, non : la chaise la plus confortable qu'il avait jamais eu l'occasion de tester, la reine, mieux, l'impératrice des chaises, la meilleure de tout le marché. En tant qu'illustrateur, je passe beaucoup de temps assis sans bouger. J'ai fini par avoir de gros problèmes de dos. Mon médecin m'a conseillé d'acheter une chaise plus adaptée à mon travail, qui me permettrait d'améliorer mes performances tout en m'apportant confort et robustesse. Un de mes amis m'a conseillé cette chaise. J'étais un peu dubitatif au début, je dois l'avouer. Je ne suis pas vraiment riche, alors dépenser autant pour une chaise... mais j'ai tenté le coup, et me voilà, aujourd'hui, prêt à affronter une semaine sans sommeil, sans le stress d'une petite chaise qui grince. Merci. Merci beaucoup. Vous avez changé ma vie.

Elle n'avait pas changé celle de Kuroo. Elle ne la changerait probablement pas dans les mois ni les années à venir. Il n'aurait qu'à subir ces maux de dos jusqu'à ce qu'elle devienne trop usée pour rouler au sol, ou que le coussin se soit affiné au point qu'il ne puisse plus s'asseoir que sur le rond de plastique situé juste en dessous. Quand il déménagerait, peut-être. Oui, c'était déjà plus vraisemblable. Il la laisserait derrière, prétextant une envie de changement, ou bien il la donnerait généreusement à sa mère ou son père en les remerciant d'avoir pris soin de lui pendant toutes ces années. Ce n'était pas terrible, comme cadeau, mais c'était mieux que rien. Elle valait une fortune, cette chaise. Ses parents ne l'auraient pas oublié.

Le dossier montait si haut que sa tête n'en dépassait que s'il se tenait très droit. Il s'en amusait, parfois, relevait le menton pour contempler le plafond au-dessus de lui, la nuque calée sur le haut de l'appuie-tête. Il lui arrivait de rester dans cette position de longues minutes, sans rien faire d'autre que cligner des yeux de temps en temps, seulement quand c'était nécessaire. Ça faisait encore plus mal au dos, et la douleur remontait jusqu'à sa nuque, mais ça avait un petit quelque chose de risible, comme s'il s'était coincé comme ça, un coup du lapin arrêté en pleine course pour observer les plaques grises qui lui servaient de plafond.

Pourquoi l'avait-il achetée, encore ?

Il ne s'en souvenait plus. Sa mère, sans doute. Quelque chose comme : « Tu ne vas tout de même pas continuer à travailler par terre ! ». Se connaissant, il avait dû lui dire que ce n'était pas grave, et elle avait dû insister, et il avait dû accepter. Elle l'avait commandée avec un enthousiasme exagéré pour l'achat d'une simple chaise, mais si ça lui faisait plaisir, pourquoi pas ? C'était toujours utile, une chaise, après tout. Celle qu'il employait jusque-là – qu'il n'employait pas, plutôt – était beaucoup trop basse pour lui permettre de travailler sur son bureau l'esprit tranquille. Il n'avait aucune raison de refuser.

Quand la bête était arrivée, des semaines après la commande, toute la famille avait oublié l'avoir attendue. Sa mère, plantée devant la porte, avait dévisagé le livreur pendant une bonne dizaine de secondes. « Une chaise », avait-il dit, et elle avait regardé la petite tache qu'il avait près de l'œil comme si c'était la chose la plus étrange du monde – comment diable avait-il pu se tacher jusque-là ? À moins que c'eût été une marque de naissance particulièrement grisâtre ? – puis elle avait brusquement hoché la tête, « une chaise, la chaise, bien sûr, excusez-moi, je pensais à autre chose, je suis vraiment désolée », et encore et encore, un rire gêné, une signature, des excuses répétées à l'infini.

« Regarde, Tetsu, c'est ta chaise. Elle est arrivée, finalement. On ne l'attendait plus. »

La boîte pesait des tonnes. Ils avaient dû s'y mettre à deux pour la monter à l'étage. Ses parents s'essoufflaient vite. Pour les remercier, Kuroo s'assura lui-même de déballer la chose. L'installer ne lui demanda pas trop d'efforts – à ce prix-là, tout était pratiquement déjà emboîté.

Montée sur cinq roues, elle traversait la chambre sans soucis. Son cuir noir ne serait pas si facilement abîmé. Elle ne manquait pas de style, pour tout dire. C'était la moindre des choses : n'était-elle pas supposée être la chaise parmi les chaises, la meilleure et la plus exquise de toutes ?

Il l'imaginait dans un vaste palais à susurrer : miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle. Le miroir ne lui répondait pas. Kuroo s'interrompait là.

Il s'y était assis, bien sûr, avait glissé à gauche et à droite, avait plusieurs fois tourné sur lui-même. Bonne mécanique. On pouvait au moins lui laisser ça.

Elle lui donnait mal au dos.

Il s'échappa des griffes de la douleur en entendant son nom appelé depuis la cuisine.

Une odeur de coco et de piment doux lui parvint aux narines dès la porte entrouverte. Il suivit sa piste une marche après l'autre, le long du couloir de l'entrée, dans la cuisine, enfin. La table était déjà mise. La télévision, de l'autre côté de la pièce, toujours allumée. Une jeune fille au regard dur y menaçait un gangster d'une arme de poing qu'elle ne maîtrisait apparemment pas. L'homme riait, l'insultait, riait encore, coup de feu, gargouillement, juron, nouveau coup de feu, et un autre, et un autre, puis un choc. Aucune trace de peur sur le visage de la fille, aucune trace de regret ou de haine, pas un sourire, rien. L'impassibilité de ceux qui ont obtenu ce qu'ils veulent et qui n'en attendent rien de plus.

— Mange, Tetsu.

Il mangea. Le riz lui collait sur la langue. La friture des lamelles de porc croquait un peu sous la dent. Il se demanda d'où provenait l'odeur de coco. Pas d'ici, en tout cas.

— Elle n'avait pas l'air bien, rapportait sa mère d'une voix posée, l'air un peu inquiet. Enfin, pas étonnant, d'après ce qu'on raconte... elle ne travaille pas, bien entendu. Ses pauvres enfants ! Je me demande comment elle va tenir le coup...

Elle concluait toutes ses phrases par un tout petit soupir, une complainte habituelle qui étonnait pourtant son fils un peu plus chaque fois.

— La police ne peut pas l'obliger à payer ? demanda son père d'une voix profonde.

— Il faudrait qu'elle porte plainte, j'imagine, ou qu'elle aille trouver un juge. Mais c'est difficile, par les temps qui courent, tu sais ? La justice... et puis, je ne crois pas que ce soit son genre. Elle attendra chez elle, encore... mais les petits, les petits, ah...

Ils poursuivirent leur conversation, de plus en plus bas, de plus en plus loin, et à la fin il n'y eut plus qu'un écho pour lui arriver aux oreilles, des mots reliés mais dénués de sens. Kuroo mangeait. C'est bon, pensa-t-il à la dixième bouchée, très bon, pensa-t-il à la vingtième. Le riz avait le goût du riz, le porc le goût du porc, ça sentait l'huile et les épices. Les murmures s'effaçaient peu à peu, la télévision cessait d'exister, même le tintement assourdi des couverts ne parvenait plus à l'atteindre. C'était bon. Bien bon.

— Et toi, Tetsu, l'apostropha son père d'une voix faussement enjouée, comment se passe la reprise des cours ? Tu as pu mettre la main sur ce qu'il te manquait ? Tu n'auras pas de problème avec les maths et la chimie, j'imagine, mais qu'en est-il du japonais ? On pourrait trouver quelqu'un, s'il faut... un professeur particulier... un de mes collègues en avait engagé un pour sa fille. Elle est à l'université, maintenant. Tu dois l'avoir rencontrée, non ? Il y a quelques années... comment s'appelait-elle ? Aiko... non, Akari... mais si, une petite rondouillarde, pleine de taches de rousseur... Elle n'était pas passionnée de pêche ? Ou je confonds. Oui, je dois confondre, son père n'est pas du tout du genre à emmener sa petite à la pêche. Enfin, qui sait, les gens, parfois... on serait étonné, hein ? Ce qui me rappelle, pas plus tard qu'hier, je suis tombé sur Reiko, à la gare, et...

Il ne se taisait plus. Sa mère hochait la tête d'un air intéressé. Kuroo repoussa son bol, le ventre plein. Il dormirait bien, cette nuit, avec un peu de chance. Beaucoup de chance. Il se passa une main sur l'épaule. Peut-être avait-il légèrement grimacé. Le flot ininterrompu d'anecdotes de son père se poursuivait dans l'indifférence générale. Ses yeux brûlaient un peu. Ah. Enfin.

Il se redressa lentement. Sa chaise crissa bruyamment sur le sol, faisant sursauter sa mère qui lui lança un regard mi-étonné, mi-déçu.

— Je vais étudier, prétexta-t-il. Il faut que je me rattrape, ou bien j'aurai du mal à conserver mes notes.

— Ah, très bien. D'accord. Bon travail. Ne te couche pas trop tard.

Il lui sourit, les salua, puis retrouva sa chambre propre comme un sou neuf et sa chaise de bureau. Deux tours complets, les jambes tendues, les jambes repliées, accélération, décélération, des mouvements d'air dans ses cheveux, décélération, accélération, jambes repliées, tendues, un tour encore, puis un autre.

Il se leva, les pieds bien ancrés au sol, et la chambre se mit à tournoyer, juste un peu. Elle s'arrêta quand il se laissa tomber sur son lit, le visage face au mur blanc. Il avait prévu de le peindre cet été, se rappela-t-il. On était en septembre. Il n'était pas trop tard. Quelle couleur ? Rouge ? Non, c'était trop agressif. Gris, alors ? Sa mère n'accepterait jamais. Peut-être bleu. Ou blanc. Blanc, oui, c'était bien, finalement. Une toile à décorer, quelque chose comme ça. Il ne restait plus qu'à trouver des pinceaux et des idées. Un peu de talent en prime ne serait pas de refus.

Il voyait des tiges vertes et vaporeuses s'élever depuis le sol jusqu'au plafond, des feuilles naître et tomber, certaines mourir, la plupart vivre. De grandes fleurs jaunes partaient en quête de la lumière du soleil. Elles ne la trouvaient pas. Elles se fanaient pétale après pétale pour finir par s'étaler à ses pieds. Le blanc suffisait. C'était très bien comme ça. Presque parfait.

Il se retourna, la tête sur l'oreiller, les yeux fixés sur une silhouette absente au milieu de sa chambre. Il cilla. Le calme ambiant lui permettait de percevoir les battements de son cœur. Un peu trop rapides. Ah. Ah, enfin. Cette fois serait la bonne. Cette fois...

Mais il ne se passa rien. Il contrôlait parfaitement sa respiration. Les bruissements qui s'agitaient dans sa poitrine restaient nichés les uns contre les autres quelque part près de son estomac. Ils ne remontaient pas. Trop abrupt. Trop d'énergie à dépenser. Il devait les garder à l'intérieur. Les surveiller et les réchauffer grâce au flot de ses veines. Ce n'était pas une peine dont on pouvait facilement se libérer. Se leurrer ne servait à rien. C'était confortable, là-dedans, près de son cœur. Ça ne s'échapperait pas.

J'y étais presque, pensa-t-il pourtant. Il n'était pas certain d'avoir raison.

La plus grande aiguille de la vieille horloge installée sur le mur à droite de sa porte avait effectué un tour complet quand il se décida enfin à s'asseoir devant son bureau. Ses cours étaient déjà ouverts, de même que les notes manuscrites de Yaku, et il passa l'heure suivante à tenter de déchiffrer les petits caractères griffonnés à la va-vite sur les pages de son cahier de littérature japonaise. Il les recopia sans motivation. Chaque phrase s'imprimait sur son œil pour s'écouler quelque part à l'intérieur de son cerveau, dans sa colonne vertébrale, un peu partout, un peu nulle part, là où il ne les retrouverait jamais. Celles qui naissaient sur le papier offraient plus de sécurité. Il les relirait plus tard. Un matin. Yaku avait besoin de récupérer ses notes, de toute façon, alors il fallait faire avec.

Il n'était qu'à quelques lignes de finir quand un grand bruit le tira de son moment d'étude. Un geignement désespéré, aussi, s'il n'avait pas rêvé.

Inquiet, il se laissa rouler jusqu'à la fenêtre. Il n'avait pas rêvé. Il ouvrit. L'air agréablement frais de la fin de l'été s'engouffra dans la pièce. Il se rendit compte qu'il avait chaud – il transpirait.

— Kuroo ! Ho, ho... ho ? De l'aide, par pitié ?

Kuroo s'accouda à la fenêtre pour profiter de la fraîcheur de la nuit, les yeux à demi-fermés sur le ciel obscur.

— Par pitiééééé ! J'ai des – oups ! (Quelque chose tomba dans le jardin.) De la bouffe plein les poches, et un super fi... sérieux, aide-moi, je vais pas tenir plus longtemps. Je te donnerai tout ce dont tu rêves. S'il te plaît ?

Kuroo lui offrit un sourire narquois.

— J'espère que ce ne sont pas des promesses en l'air, dit-il, parce que je m'en souviendrai.

— Kuroo ! Allez, quoi ! Je sais que tu veux qu'on s'aime au grand jour, mais j'ai pas envie que tout le monde me voie pendu à ta fenêtre !

Dans sa grande mansuétude, Kuroo tendit la main et tira tant bien que mal l'intrus à l'intérieur.

Bokuto Kōtarō, à genoux, gardait une main sur son cœur comme pour en calmer les battements. Il leva vers Kuroo un visage atrocement peiné.

— J'ai cru mourir ! se plaignit-il en s'étendant au sol.

Sans s'en soucier le moins du monde, Kuroo l'enjamba pour verrouiller la porte de la chambre.

— Tu pourrais m'aider à me relever, au moins, se lamenta Bokuto. J'ai dû traverser des obstacles complètement fous pour arriver ici en un seul morceau. Tu savais qu'il y avait un chien errant qui attaquait les passants à deux rues d'ici ? Quelle teigne ! Et qui a construit ta fenêtre, sans rire ? Elle est encore plus difficile à atteindre que le sommet de l'Everest !

— Ça t'apprendra à ne pas utiliser la porte, oiseau de malheur, répliqua Kuroo.

— Je me suis dit que ça te ferait une bonne surprise. Ça fait au moins dix millions d'années, mon gros. Euh, mon gras. Je veux dire, mon gars. T'as bien compris.

— T'as un don pour apparaître quand on s'y attend le moins, c'est sûr. Tu sais quelle heure il est ?

— Boh, j'en sais rien, huit heures ?

— Plutôt dix, oui. Et encore.

Bokuto ouvrit les yeux si grands qu'ils parurent lui manger la moitié du visage. Pour un peu, Kuroo aurait pu les imaginer briller dans la nuit.

— D... non, impossible. Enfin, ouais, je l'admets, je me suis trompé une fois... non, deux fois de métro, puis j'ai pris à gauche au lieu d'aller à droite, j'ai atterri dans un quartier super louche, on m'a vendu des trucs étranges une ou deux fois – mais j'ai pas acheté, hein ! J'ai pas un rond, j'ai laissé mon portefeuille au vestiaire, la dernière fois.

— Je ne sais même pas quoi dire...

— T'inquiète, mec. Akaashi était sur le coup. Il passe son temps à ramasser ce que je laisse tomber derrière moi. Comment je faisais pour m'en sortir, en première année ? Ce type, c'est le top.

— Ça sonne bien, ça, remarqua Kuroo.

— T'as vu ? Je gère, ou pas ?

— Ça frise le génie. Ou les abysses profonds de la connerie, j'hésite.

Bokuto se redressa, retira une feuille accrochée à ses cheveux et se coucha sur le lit.

— Ouais, bref, j'en étais où ? Je veux dire, sérieusement. J'ai oublié.

— La drogue.

— Ah ! Ouais, donc après ça, j'ai dû trouver mon chemin jusqu'à un poste de police, histoire de. Ils m'ont donné des indications, mais j'ai tout oublié, du coup j'ai sonné à Akaashi – sérieusement, il...

— ...est parfait et extraordinaire, continua Kuroo, et il a accès à un smartphone avec une vraie connexion Wi-fi, lui.

— Mon portable est très bien comme il est ! protesta Bokuto. Enfin, bref, il m'a guidé par téléphone jusqu'ici, puis je me suis fait attaquer par ce chien de malheur, puis le temps de penser à un plan pour grimper ici sans passer devant la fenêtre de ton salon... Ouais, bon, ça explique l'heure, quoi. Mais t'es prévenu : hors de question que je mette un pied dehors tant qu'on n'aura pas fait honneur à ma générosité. Par-là, j'entends mes chips. Ils sont où, ces cons, tant qu'on en parle ?

Il se mit à fouiller dans sa veste, les lèvres pincées. Son visage avait perdu toute expression lorsqu'il sortit un sachet aplati de la poche de son training.

— Ne t'inquiète pas, Bokuto, le consola Kuroo. Je ne t'en veux pas.

— Ma vie est un enfer.

— T'as vécu une belle aventure, c'est le principal. C'est tout ce que t'as pris ?

Bokuto sauta du lit.

— Oh que non, bel ami. J'ai ce qu'on appelle un super film d'action, le meilleur du meilleur, et rien que pour toi. On ne fait pas mieux avant d'aller dormir.

— Je devrais m'inquiéter, je crois.

Bokuto lui passa un bras autour des épaules.

— Des zombies, des ninjas, des monstres géants et des extraterrestres. Qu'est-ce que tu dis de ça ?

— Tu l'as monté toi-même ?

— Oh non, mais j'aurais bien aimé. Ton ordi est allumé ?

— Une seconde.

Il le souleva délicatement du bureau pour le poser sur le bord du lit. Le temps qu'il démarre, Bokuto s'était déjà installé sous les couvertures, le paquet de chips écrasé en main. Il en picorait des miettes en observant Kuroo brancher l'appareil. Sa batterie n'était pas réputée pour tenir longtemps.

— T'essuie pas sur mes draps, crado, le sermonna Kuroo.

— Oups.

Il se rapprocha soudain, le visage au-dessus de l'épaule de son hôte.

— Tiens, t'as pas de fond d'écran ? s'étonna-t-il en désignant l'ordinateur. C'est pas très joyeux, tout noir comme ça.

— Je l'ai viré, expliqua Kuroo. Pas la foi de le remplacer.

— Oh.

Bokuto retourna à sa place. Le silence dura quelques minutes, le temps que le film se mette en route et que Kuroo vienne le rejoindre malgré le manque d'espace disponible. Ils avaient calé son oreiller derrière leur dos, de façon à ce que tous deux puissent en profiter de manière honorable.

— Ah ah, regarde, commenta Bokuto. Un ninja qui est un alien. Et je suis à peu près sûr que ce truc était un cheval qui parle. Et... oh, t'as vu ça ? D'enfer !

— « D'enfer » ? répéta Kuroo. T'as quel âge, encore ?

— Oh, ça va ! C'est cool, comme expression.

— Dans les années quatre-vingt, j'en suis sûr.

— Tu fais partie de la police de la mode verbale, ou quoi ?

Kuroo eut un sourire moqueur.

— La quoi ? La « mode verbale » ? Ça vient d'où, ça, des années soixante ?

— Regarde cette œuvre d'art, au lieu de juger. Et passe-moi les chips.

Le film s'avéra se rapprocher plus de la suite décousue de scènes absurdes sans lien apparent que d'une véritable œuvre d'art. Au moment des crédits, Kuroo se demanda s'il en avait saisi au moins un morceau de scénario. En dehors de l'invasion extraterrestre, il n'avait pas compris grand-chose.

— Meilleur film de ma vie, jugea Bokuto. Au bas mot.

— Je dois avouer que je suis impressionné. C'est la première fois que je vois des effets spéciaux aussi mauvais.

— Bah, laisse-les, tout le monde peut pas avoir un budget de cinq cents millions de yens à disposition. Ça mérite des applaudissements, je trouve.

— Mmh, sans moi.

— T'as bien aimé, avoue.

Kuroo haussa un sourcil. Bokuto soupira.

— Tu peux mentir, dit-il, c'est rien. Je sais que tu le téléchargeras dès que t'en auras l'occasion.

Il s'enfonça sur les couvertures, prêt à dormir sur place, et laissa échapper un long bâillement.

— On a prévu une pyjama party ? ironisa Kuroo. T'aurais pu me prévenir.

— Je me remets de mes émotions, c'est tout. T'inquiète, je comptais pas rester. Enfin, sauf si tu veux que je reste, bien entendu, ajouta-t-il avec un sourire dangereux.

— J'ai le regret de devoir décliner cette généreuse proposition. J'ai cours, demain.

— Moi aussi !

— Ouais, à l'autre bout de la ville. T'as pas envie de te perdre en y allant, quand même ?

Bokuto se lécha le doigt pour attraper les derniers morceaux de chips au fond du paquet.

— Ouais, t'as raison. Tiens, rien à voir, mais il lui est arrivé quoi, à ton portable ?

Kuroo lui arracha le sachet des mains pour le jeter dans la poubelle. Il s'assit sur le bord du lit.

— Je l'ai éteint, dit-il.

— Oh, d'accord. J'ai cru que tu l'avais balancé à la flotte, j'ai eu peur. Sérieux, ça fait une semaine que je t'envoie quelque chose comme un SMS de l'heure.

— Tu sais pourquoi je l'ai éteint, maintenant.

— Très drôle. Non, sans rire, c'est pas à cause de moi, hein ? Je veux dire, si ça te dérange vraiment, je...

Kuroo l'arrêta d'un geste.

— Pas de toi, non. T'as une sonnerie qui t'est réservée, de toute façon. Ça s'appelle « le mode silencieux ».

— Cool. Ce qui me fait penser, j'avais un truc pour toi de la part de l'équipe, mais j'l'ai oublié chez moi.

— T'aurais dû demander à Akaashi de te l'apporter, se moqua Kuroo.

— Il a bien proposé de le garder et de te le donner lui-même, mais je tenais à le faire.

— Bel échec.

— Ouaip'. Enfin, ce sera la prochaine fois, si j'y pense !

— Je crains de ne jamais en voir la couleur.

— Mais si. Je le noterai partout. Je ferai une croix sur le dos de ma main. Quoique, non, mauvaise idée. Je me souviens jamais de rien, quand je fais ça. Juste que j'ai oublié quelque chose. Bonjour la frustration ! Bon, c'est pas tout ça, j'apprécie beaucoup ton lit et ta compagnie, mais il faut que je retourne dans ma super baraque de l'enfer. En espérant que la porte soit pas verrouillée.

— T'as oublié ta clé ?

— Me prends pas pour un imbécile. J'ai mes limites, quand même !

Sur ces mots, il sortit du lit en frissonnant, enfila son survêtement et vérifia la bonne tenue de ses cheveux devant le petit miroir rond accroché sur la porte. Kuroo ne savait même pas qui l'avait attaché là. Il n'y avait plus réfléchi depuis longtemps.

Ready to go, lâcha Bokuto. Faut qu'on se fasse d'autres soirées comme ça, d'accord ? J'ai un milliard de trucs à te faire regarder.

— Toujours avec plaisir, répondit Kuroo. Je ne peux rien te refuser, après tout.

— Je sais, je sais.

Plutôt que de rester là, Bokuto fit demi-tour et s'approcha de la fenêtre. Il mesura la distance entre le premier étage et le jardin d'un coup d'œil.

— C'est plus impressionnant vu d'ici, commenta-t-il.

Il passa une jambe par-dessus l'appui de fenêtre. Kuroo l'observa faire en silence.

— Ah, oui, dit soudain Bokuto d'une drôle de voix. Tant que je suis là, tu sais. Faut que je te dise une chose, mec.

— Dis-moi.

— Euh, ouais. J'voulais juste dire que mon téléphone est toujours allumé, si jamais, tu sais, mmh... Si ça va pas, quoi. Je suis nul, comme conseiller, c'est Akaashi qui le dit, mais si je dois me barrer au milieu de la classe pour te rejoindre, je le ferai. Enfin bon.

Kuroo se passa une main dans la nuque.

— Sacrée déclaration, dit-il.

— Tout pour toi, bébé.

— Ça marche. Je retiens.

Silence. Bokuto n'était manifestement pas encore prêt à faire le grand saut.

— Autre chose ? fit Kuroo, un peu impatient.

— Ça va, ton épaule ? J'ai entendu dire que c'était pas la joie.

Par réflexe, Kuroo baissa les yeux vers son épaule droite.

— Mouais, soupira-t-il, ça va. J'ai revu le médecin il y a quelques jours. Il me déconseille de rejouer avant quelques mois, le temps que ça se remette en place tranquillement.

— Sans rire ? Merde.

— Mmh. Peu de chances que je reprenne l'entraînement cette année. Enfin, c'est pas plus mal. J'aurais dû quitter le club après l'Interlycées. Ça me fait du temps pour bosser, au moins.

Bokuto ne répondit pas. Ils échangèrent un regard.

— Pour tout avouer, ajouta Kuroo d'une voix mal assurée, ça a un peu perdu de son intérêt, ces temps-ci. Mon seul regret, c'est qu'on n'aura plus beaucoup l'occasion de se rencontrer sur le terrain, toi et moi.

— On en aura plein, ouais ! Quand on sera à l'université. Tu comptes pas laisser tomber, j'espère ?

Kuroo lui offrit un faible sourire.

— T'en fais pas pour ça.

— Je te tirerai jusque-là s'il le faut. C'est ce que font les potes, hein ? Allez, j'y vais. À plus.

Il tenta de passer sa deuxième jambe à travers la fenêtre, mais s'arrêta en plein mouvement.

— Quoi, encore ? demanda Kuroo.

— Euh, je sais que je manque de tact, mais... tu sais, quand Akaashi est arrivé dans l'équipe, l'année dernière, et qu'il a découvert pour mes, mmh, variations d'humeur – pour ne pas dire mes légendaires crises de déprimes –, il a passé une bonne semaine à plonger le nez dans des bouquins à la con juste pour m'en sortir des conseils, histoire de calmer un peu les choses, tu vois ? Enfin, ce que je veux dire, c'est que la plupart de ces trucs n'y changeaient rien, mais... il y en a un qui ne fonctionne pas trop mal, et que j'utilise encore aujourd'hui, alors si ça peut servir...

Il jeta un regard inquiet à Kuroo. Comme celui-ci ne répondait pas, il poursuivit :

— En gros, il m'a conseillé de mettre sur papier tout ce qui m'embrouillait l'esprit. Mes soucis, quoi, ce genre de trucs. Et c'est débile, mais ça marche vraiment bien. Ça me soulage un peu, quitte à devoir jeter la feuille après. Donc, voilà, je te le dis. Si t'en as besoin, quoi. Tu vois.

— Je vois. Merci.

Bokuto, heureux d'avoir été entendu, lui adressa un large sourire.

— Cool. Bon, cette fois, j'y vais vraiment. À plus dans le bus !

Kuroo ne releva pas l'expression ; il regarda son ami s'extirper précautionneusement de la chambre, tenter de trouver des prises où s'appuyer puis, à peine le pied à terre, s'étaler dans l'herbe avec un bruit sourd. Par chance, il fut sur pied en un rien de temps. Il lui adressa de grands signes avant de disparaître dans le noir.

Il était plus de minuit.

Kuroo referma la fenêtre, fit glisser les rideaux, passa en vitesse dans la salle de bain puis revint se mettre au lit. Il était encore un peu tiède, là où il avait laissé l'ordinateur pour la séance cinéma. Il s'endormirait facilement.

Il était trois heures quand il comprit qu'il avait été trop naïf. Trois heures trente quand il céda à l'appel de l'insomnie et se posa sur son bureau, la tête entre les mains, partagé entre la fatigue et une envie dévorante d'ouvrir la fenêtre à nouveau, de se glisser au-dehors pour profiter des lumières fantomatiques qui balayaient les rues vides de son quartier.

Quatre heures quand il ouvrit le premier tiroir, en tira une feuille quadrillée un peu pliée sur les bords, la posa devant lui et prit une profonde inspiration.

Il cliqua sur l'arrière de son stylo-bille, une fois, deux fois, une fois encore. Griffonna quelques cercles tremblotants sur le coin supérieur gauche. Ce n'est pas une mauvaise idée, se persuada-t-il en posant la pointe sur un croisement à quelques centimètres de la marge, quelque part en haut de la page.

Son estomac vide grondait un peu, il avait froid aux mains, sa jambe tremblait légèrement. Il se sentit perdre l'équilibre, pourtant il resta là, bien assis, une vague douleur dans le bas du dos, le bras stable et la prise assurée.

Enfin, il écrivit.

Je m'appelle Kuroo Tetsurō. Je suis en troisième année au lycée Nekoma. Je joue au volley-ball. J'occupe le poste de bloqueur central et suis capitaine de mon équipe.

Il s'arrêta. Souffla doucement.

J'ai 17 ans, ajouta-t-il, et j'ai tué mon meilleur ami.


Je sais que beaucoup sont facilement rebutés par l'idée que, genre, Kenma soit mort - mais je vous jure, ça s'arrange. Je vous le promets. Sur ma vie. S'il vous plaît, laissez-moi une chance ;_; J'aime cette fic comme mon enfant et rien ne me ferait plus plaisir que de savoir qu'elle vous plaît aussi. Pitié pitié pitié -

Bref.

Je suis très, très heureuse de pouvoir vous présenter cette fanfiction. De tous les pairing que je shippe sur ce fandom (ndlr : à peu près trois millions), le KuroKen se trouve quelque part en bas de la liste, parmi ceux que j'apprécie beaucoup mais à qui je préfère d'autres pairings, en général. Au hasard, le KenHina. OTP. Haha.

Pourtant, je le sais, cette fic me fera changer d'avis au fur et à mesure, parce que j'ai vraiment aimé écrire cette intro et que je suis à peu près sûre que j'aimerai écrire le reste. C'est suffisamment rare pour être souligné.

J'espère de tout cœur qu'elle vous plaira. Et je suis désolée de commencer directo par de l'angst, haha (non). Mais gardez l'espoir.

Merci pour votre lecture, en espérant vous retrouver pour un prochain chapitre ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça fait toujours très plaisir. Au passage, si j'ai l'air de mettre 30 ans à répondre à vos reviews, c'est normal. Ce site veut ma mort. :D POURQUOI IL BEUGUE COMME CAAAAA -

À la prochaine !