Réponse au défi du Poney Fringant sur le rapt de Celebrian.
La Reine d'Argent
Elle marchait.
Sur les voies et les routes, sous le ciel et sa voûte, elle marchait.
Et la terre du chemin pensait : « Va, petite Reine d'Argent, je te conduis chez tes parents ».
Elle riait.
Avec ses courtisans, avec ses compagnons, elle riait.
Et les oiseaux du ciel pensaient : « Nous n'avons jamais rien entendu de plus clair que le rire de la Reine d'Argent ».
Elle rêvait.
Elle rêvait à son père, elle rêvait à sa mère, elle rêvait.
Et les arbres du chemin pensaient : « Nous n'avons jamais rien vu de plus gracieux que la Reine d'Argent ».
Elle voyait.
La poussière dorée, les branches agitées, elle voyait.
Et les yeux de la Reine pensaient : « Vois, petite Reine d'Argent, la beauté de la Terre du Milieu est là ».
Elle caressait.
La douce robe blanche et les naseaux discrets, elle caressait.
Et le noble cheval pensait : « Monte, petite Reine d'Argent, laisse-moi te porter chez tes parents ».
Elle montait.
Habile et silencieuse, légère et élégante, elle montait.
Et la terre du chemin pensait : « Je ne sentirai jamais rien de plus doux que le pas de la Reine d'Argent ».
Elle pensait.
À son époux, à ses fils ; à sa fille, à sa famille, elle pensait.
Et les larmes de la Reine roulaient : « Quand les reverrons-nous ? »
Elle souriait.
Insouciante et heureuse, confiante, et non peureuse, elle souriait.
Et les animaux des bois pensaient : « Va ton chemin, petite Reine d'Argent, mais sois prudente si tu veux vivre demain ».
Elle entendit.
Un cri rauque et puissant, un cri dur, menaçant, elle entendit.
Et le noble cheval pensa : « Continuons, petite Reine d'Argent, mais faisons attention ».
Elle sentit.
L'odeur immonde de l'air et la peur de la terre, elle sentit.
Et l'ami de la Reine pensa : « Que devons-nous faire ? ».
Elle arrêta.
De sourire, de rêver, de marcher, d'avancer, elle arrêta.
Et les yeux de la Reine pensèrent : « Qu'y a-t-il ? Où aller ? Qui pourrait nous sauver ? ».
Elle vit.
Le corps noir, mutilé, et l'épée ensanglantée, elle vit.
Et la bouche de la Reine cria : « Au secours ! Aidez-moi ! »
Elle vit.
Les armes entrechoquées et les vies arrachées, elle vit.
Et l'ami de la Reine murmura : « Pardonnez-moi, ma Reine, pardonnez-moi ».
Elle sentit.
La lame qui la frôlait, et le cheval blessé, elle sentit.
Et le noble cheval souffla : « Pardonnez-moi, ma Reine, pardonnez-moi ».
Elle tomba.
Sur la terre dure et sèche, dans le sang rouge et chaud, elle tomba.
Et la terre du chemin craqua : « Pardonnez-moi, ma Reine, pardonnez-moi ».
Elle comprit.
Elle était seule, sans arme, sans ami, sans espoir, elle comprit.
Et le monstre cruel lança : « Toi aussi, tu mourras ! ».
Elle pleura.
Et de rage, et de honte, et de peur, et d'horreur, elle pleura.
Et les larmes de la Reine roulèrent : « Il n'y a plus aucun bonheur à attendre de cette vie ».
Elle sentit.
Les mains odieuses et sales, et le souffle puant, elle sentit.
Et le corps de la Reine hurla : « Eru ! Pitié, non, pas cela ! ».
Elle souffrit.
Par l'épée aiguisée, le métal et l'acier, elle souffrit.
Et le sang de la Reine coula : « Quitte-moi, petite Reine d'Argent, et quitte l'infamie ».
Elle sentit.
Un éclair de lumière, le courage de deux frères, elle sentit.
Et le cœur de la Reine bondit : « Vous, mon sang et ma chair, vous êtes là ! ».
Elle vit.
Le sang noir jaillir, la vie des Orcs s'enfuir, elle vit.
Et la haine de la Reine éclata : « Tuez-les ! Et leurs restes immondes, brûlez-les ! ».
Elle s'affaiblit.
Après tant de douleur, et après tant d'horreur, elle s'affaiblit.
Et le cœur de la Reine comprit : « Ni vengeance ni haine ne feront oublier le mal ».
Elle sentit.
La caresse d'un fils, la protection d'un fils, elle sentit.
Et le corps de la Reine pensa : « Nous pouvons arrêter, maintenant ».
Elle s'évanouit.
