OS écrit pour la Nuit du FoF sur le thème Gris.
C'est pas très intéressant ni rien, mais c'était sympa à écrire, alors ça devrait être sympa à lire.
Bonne lecture !
Y compris tes yeux
Tout est gris ici. C'est ce que je pense, c'est ce que je sais, ma conviction la plus intime.
On dit que les convictions sont faites pour être bouleversées. C'est faux. On m'a raconté mille romances où les protagonistes en venaient à remettre leur monde en question : ça n'est pas ce qui m'est arrivé, loin de là.
Je me souviens très bien que quand je t'ai rencontré. Tu marmonnais quelque chose à propos du soleil, c'était un jour gris comme les autres et le ciel était bleu, mais c'était gris quand même, tu sais ? Comme un Picasso. C'est très beau dans un sens, mais surtout d'un extrême mauvais goût, eh ben là tout pareil, le ciel était bleu, mais en gris.
Tout est gris, ici.
Et tu t'es tourné vers moi et tu m'as demandé où étaient les toilettes et j'ai un peu bogué, parce que t'étais beau, t'étais le plus beau truc que j'ai jamais vu dans ce monde gris. En plus, t'assumais. Tes cheveux, ils étaient gris. Pas comme ceux de celui qui t'accompagnait, qu'étaient châtains mais gris, non, juste gris et je crois que c'est ça qui m'a plu. Tout était gris, en toi, tes mains, tes dents, ton bermuda et ton débardeur, tout, oui. Y compris tes yeux.
Je précise, parce que tu m'as toujours dit que j'étais complètement noir, sauf mes yeux, qu'étaient comme un tunnel de lumière sur ma gueule. Pour toi, les yeux ils faisaient et font toujours pas exceptions, ils sont gris. Bleu-vert mais gris. Je t'ai indiqué les chiottes et tu m'as remercié. J'avais trop chaud mais j'avais bientôt fini. À peine deux heures.
Et à peine deux heures plus tard, j'étais en train de fondre devant le cinéma, avec ma clope qui, il me semble, brûlait pas plus que le soleil. J'aurais voulu une glace et un dieu quelconque a dû m'entendre parce que trois secondes après j'avais celle de ton pote en plein sur mon T-shirt. Il s'est excusé et je lui ai lancé un regard mauvais et puis je t'ai reconnu. Il passait des serviettes sur mon T-shirt avec frénésie, je te jure, Sora est pas bien, il est d'un gris trop clair, trop lumineux, qui ressemblerait presque à une couleur. Tu t'es confondu en excuse pour lui, on aurait dit sa mère, et j'ai sauté sur l'occasion. Je voulais te provoquer. T'avais une bouteille d'eau dans la main alors je l'ai attrapée et j'ai bu, et quand j'ai eu fini de boire je me suis renversée la bouteille sur le corps. On était en pleine ville mais la plage était pas loin, alors j'ai retiré mon haut et je l'ai mouillé, frotté, avant de le renfiler. Tes yeux me lâchaient pas. Je fondais, vraiment, heureusement que ton eau était fraîche ou alors j'aurais chopé une insolation, sans aucun doute.
Mais bref, j'ai vu que je te plaisais et je t'ai souri, et tu m'as souri, et Sora avait l'air paumé, pour pas changer, et on s'est revu un autre jour, dans les rues grises et moches de ta ville qu'est devenue la mienne.
C'est une histoire à la con, vraiment mais tu sais j'aime pas le gris. Y en a de partout, ça me gonfle, tout, tout est gris, et le sourire de mon père et la voix de ma sœur, et le soleil et la mer. Mais pour le coup, t'es l'exception, parce que bordel, toi, je t'aime, bêtement et simplement, pas avec autant de subtilité qu'ils écrivent dans les bouquins, ou alors je me rends pas compte.
Mais tu sais, je peux pas dire vraiment « Je déteste tout le gris, sauf toi. », trop mièvre.
Alors je préfère te dire que t'es tout gris, que tout ce monde est gris.
Y compris tes yeux.
(Et je dirai, j'avouerai pas non plus que j'aime tout de toi. Y compris tes yeux.)
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Bon, c'est tout simple, tout bête mais ça m'a fait du bien à écrire, alors j'espère que ça vous aura plu.
Ciao !
