C'était un soir de fin d'été. Calme. Frais. Il était là, assis sur un banc de fer, à attendre. Les minutes passèrent, petit à petit, mais il restait là, immobile, silencieux, ses cheveux couleurs de jais virevoltant dans la brise. Il n'esquissait aucun mouvement, restait là comme un pantin immobile à qui il manquait ses ficelles. Il attendait. Tout simplement. Patiemment. Comme à chaque fois. Comme tous les mois. C'était leur rituel à tous les deux. Il se voyait, se parlait, se quittait. Plus qu'une envie, c'était un besoin. Plus qu'une rencontre, c'était vital. Il devait le voir. Lui parler. Le regarder. Oublier.
Oublier sa vie. Oublier son quotidien. Ses habitudes. Son mariage à la dérive. Le manque de ses enfants qui s'éloignaient de plus en plus. Oui. Oublier. Tout. Ne serait-ce qu'un instant, un soir par mois. Un soir avec lui. Un soir d'éternité. Pourtant, il y a dix-neuf ans, il était heureux. Il avait tout pour lui. Une femme qu'il aimait, des amis fidèles, une carrière qui lui ouvrait ses portes, ainsi que toute une vie à construire. Il n'y avait pas un jour où il ne souriait pas. Tout lui semblait acquis, tout lui semblait magnifique. Le rire pour leitmotiv, la joie au quotidien et un amour grandissant de jour en jour.
C'était un soir de fin d'été.
Ils s'étaient vu quelques jours plus tôt. Sur le quai de la gare. Ils ont feint l'ignorance. Tous les deux. C'est plus simple comme ça. Pas de complications, pas d'explications. Les choses étaient moins sérieuse, plus légères. Ils se sentaient moins coupable. Mais coupable de quoi ? De se voir ? De parler ? Est-ce un crime ? Non. Pourtant, quand il quittait sa femme pour le rejoindre, il ne pouvait s'empêcher de sentir ce pincement au cœur. Ce sentiment acide de culpabilité coulait dans ses veines. Mais le matin, quand il rentrait chez lui, il avait le cœur léger. Il était... Heureux.
Il arriva. Enfin. Ses cheveux d'or blanc rayonnèrent sous les éclats de lune. Le brun esquissa un sourire timide. Oui, enfin. Il marcha vers lui, son long manteau de cuir suivant à la perfection le mouvement de son corps svelte et musclé. Il vint à côté de lui, sur ce fameux banc de fer qui les si souvent accueillis.
- Bonsoir, Potter.
- Salut, murmura le brun.
- Tu as du retard, Drago.
- Comme à mon habitude.
- C'est vrai, rit le jeune homme.
Et ils commencèrent à parler, de tout, de rien. De leur vie, de la bataille contre Voldemort, d'il y a dix-neuf ans. Le poids qu'avait Harry dans son cœur devint de plus en plus léger. Il retrouvait le sourire. Il retrouvait la vie.
- Quand je pense qu'on ne pouvait pas se voir, à l'époque, dit Harry, d'un ton amusé.
- Tu sais, confessa Drago, je ne te détestais pas vraiment. Je... Je ne sais pas comment expliquer ça. Tu m'intriguais. Et puis, j'étais fils unique, le préféré. Puis à la rentrée, je passais au second rôle. Je crois que ma fierté en a pris un coup, quand j'ai vu tout le monde accourir vers toi. Et non vers moi. Et puis, c'est toi... A la base. Tu m'as rejeté.
- Non, je. Non, tu as raison. Mais je pensais que tu étais un parfait imbécile, à l'époque. Quoi que, toujours un peu aujourd'hui aussi !
Drago lui lança un regard noir qui vira rapidement à l'amusement. Ce fameux Potter avait ce don pour le tourner en bourrique. Pour le déstabiliser.
La nuit passa à grande vitesse. Trop rapidement.
- Tu sais, Harry, je pense quitter ma femme.
Harry ne répondit pas. Premièrement choqué par l'emploi de son prénom, l'annonce de la séparation de son ami le cloua au sol. Il les pensait heureux, contrairement à lui. Si l'un deux devait rompre, cela devait être lui. Drago avait plus de courage que lui, tout simplement.
- Désolé, souffla Harry.
- Ne le sois pas. C'est mieux ainsi.
- Pourquoi tu..?
- Il y a quelqu'un d'autre, le coupa Drago.
- Oh, je vois.
- Enfin, c'est sans espoir mais je ne peux pas continuer à me mentir à moi-même...
- Elle sait ?
- Non.
- Ne dis pas que c'est impossible alors ! Je sais que ce n'est pas facile mais... Tu dois essayer, Drago. Vraiment.
Harry plongea ses yeux en amandes dans ceux de Drago. Il voulait son bien, surtout après toutes ses années. Il voulait qu'au moins un d'eux réussisse au niveau sentimental. Il voulait de nouveau croire en l'amour.
Drago se leva. Il était l'heure. L'heure de se quitter, encore une fois. L'heure de se dire au revoir. Harry se leva lui, les muscles légèrement endoloris. Ils étaient face à face. Proche. Harry tendit sa main à Drago qui la serra. Ils se dirent au revoir. Il était l'heure. Leurs mains se lâchèrent. Harry se retourna, pour commencer à marcher. Mais, contre toute attente, Drago lui saisit le bras et le retourna. Il lui déposa un vif baiser sur les lèvres avant de transplaner.
Les mains sur les lèvres, perturbé et déboussolé, Harry transplana à son tour.
