Introduction • Être une Nott.


C'est la routine qui mena Freya devant la boîte aux lettres N°28.

11 Novembre 1927.

Il était 9h26, et comme tous les matins, la jeune sorcière soupirait devant cette boîte pleine à craquer. Les hiboux du Ministère volaient dans tous les sens autour d'elle, et les froissements de leurs ailes ne semblaient pas suffire à camoufler le soupir qu'elle expirait lentement.

A l'aide de sa baguette, elle procéda à l'ouverture de la boîte, et le contenu de cette dernière dégoulina jusque sur le sol de pierre. Freya pinça ses lèvres rouges et retint une injure. Ce n'était pas comme ça qu'elle avait été élevée.

Elle ramassa les lettres qui tapissaient le sol froid.

7 ans.

7 ans qu'elle était sortie de Poudlard, des rêves plein la tête.

7 ans qu'elle était ici, à faire ce métier qui l'ennuyait.

Un autre soupir s'échappa de ses lèvres, et les bras pleins d'enveloppes diverses, elle se releva et entama un couloir sombre.

Les bureaux des Affaires et Observations Moldues étaient plus ou moins isolés du reste du Ministère. Les pièces et couloirs étaient sombres, exigus, et les visiteurs se faisaient rares à cet étage. En même temps, quel sorcier aurait-il eut besoin de venir à cet étage ?

Une autre question se bouscula quasi-automatiquement dans l'esprit de Freya : quel sorcier aurait-il voulu travailler ici ?

La sorcière prit un virage sur sa droite.

Contrairement à la manière dont elle avait été élevée, le monde Moldu ne la désintéressait pas, bien au contraire, elle les trouvait fascinants. Ce qui l'ennuyait, c'était surtout son rôle au sein de cette Division du Ministère.

Un rôle insignifiant.

Gérer les courriers, le café, prendre des notes, des rendez-vous (bien qu'ils étaient rares)… L'ennui, voilà ce qu'elle ressentait depuis 7 ans de carrière au Ministère. Son caractère ambitieux et déterminé en souffrait.

Elle s'arrêta net au détour d'un énième couloir gris et elle lança un rapide regard à travers une paroi vitrée qui donnait dans le bureau de son Patron, où des plumes griffonnaient frénétiquement parmi les parchemins étalés sur le vieux bois d'une table.

En déposant la pile de lettres sur le bureau, les yeux bleus de Freya se posèrent sur un article de journal Moldu daté du jour : « 11 Novembre 1927. Inauguration du Wagon de l'Armistice à la clairière de Rethondes ».

La Guerre.

Ce thème revenait de plus en plus dans les journaux et les nouvelles de ces temps-là, et Freya l'avait remarqué.

Un raclement de gorge soudain la fit presque sursauter ; mais comme on lui avait enseigné dans son enfance, elle tâcha de garder un visage neutre et digne. En se retournant avec le dos droit et le menton relevé, elle vit que son patron la fixait en bougonnant, comme il avait l'habitude de le faire.

- Nott, vous voilà, s'était-il exclamé en la voyant, Par la barbe de Merlin, où étiez-vous passée ?

- Chercher le courrier, Monsieur, répondit-elle d'un ton distant, comme tous les matins depuis 7 ans.

Elle voulait la dernière phrase piquante, mais le ton distant de sa voix sembla masquer son agacement naissant. De toute manière, son Patron balaya sa réponse d'un geste de la main.

- J'ai une réunion importante ce matin, Nott, où sont les dossiers des Affaires Moldues de ce mois-ci ?

- Sur votre bureau, Monsieur.

Alors qu'il se mettait à farfouiller dans les piles de documents qui jonchaient son bureau, Freya saisit un papier et un crayon d'un coup de baguette. Elle refit glisser cette dernière dans la manche longue et évasée de sa robe avec grâce.

Cette réunion, c'était tout un évènement.

A vrai dire, cela faisait plusieurs mois que son Patron n'avait pas participé à une telle rencontre avec d'autres membres du Ministère. Freya sentit presque un frisson d'excitation remonter le long de son échine alors qu'elle y pensait. Elle allait participer à une réunion avec des Aurors, poste qui avait animé ses plus grands rêves, et cela faisait deux longs jours qu'elle attendait cette journée avec un mélange d'anticipation, d'amertume et d'angoisse.

Il mit finalement la main sur le dossier qu'elle avait passé tant de temps à compiler et le glissa sous son bras. L'autre main dans la poche de son pantalon tâché, il sortit de son bureau en trombe. Freya le succéda vivement, avec de petits pas, contrainte par sa robe verte serrée le long de ses cuisses et mollets. Son coeur battait la chamade, et cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ressenti une telle chose.

Ils arrivèrent au Niveau -2 du Ministère, et Freya fut submergée par les bruits environnants, la foule de sorciers pressés qu'elle croisa. Tout ce bruit, toute cette vie, cela contrastait énormément avec ses bureaux reclus et plongés dans le silence.

Ils arrivèrent devant une grande porte noire, et Freya passant nerveusement la main sur ses cheveux noirs corbeaux, vérifiant que chaque boucle était bien à sa place. Sa main tremblotante alla précipitamment épousseter le col vert sombre de sa robe ajustée.

- Petite soeur.

L'excitation lassa place à un pic d'angoisse.

Ses lèvres rouges sang tremblèrent légèrement et elle dû les pincer.

Elle se tourna, avec un visage impassible difficilement contrôlé. Son frère se tenait fièrement là, avec une dizaine d'Aurors derrière lui. Il s'approcha avec le sourire narquois et suffisant qu'elle détestait tant.

- Marcus, répondit-elle simplement.

Il fit un rapide signe de tête à son patron derrière elle, et le toisa de haut en bas avec dédain, jugeant sûrement l'apparence débraillée du sorcier bougon.

Freya entendit vaguement son patron s'offusquer derrière elle, mais elle ne lui prêtait plus d'attention.

Ni à lui, ni à son infecte frère d'ailleurs.

Derrière ce dernier, se tenait une figure qu'elle connaissait bien et qu'elle n'avait croisé en chair et en os qu'une seule fois auparavant :

Thésée Dragonneau, le célèbre héros de Guerre et Auror, se tenait juste là.

Son coeur manqua un battement et elle ne put détacher ses yeux bleus de lui. Elle l'avait tellement admiré durant ses années à Poudlard, et son rêve de devenir Auror avait été né grâce à lui.

Elle resta paralysée alors que le regard fatigué de son idole l'étudia un court instant avant de se reconcentrer sur Torquil Travers, son chef, qui lui chuchotait quelque chose.

Marcus Nott dû détecter la vague d'admiration qui émanait de sa soeur car il se décala légèrement, lui masquant le Héros de Guerre.

- Je ne savais pas que votre division de pacotille était conviée à cette entrevue, cingla-t-il avec une pointe d'acidité dans la voix.

- Division de pacotille ? Répéta son patron avec une voix qui dérailla avec la surprise. Pour qui vous prenez-vous Monsieur ?

- Marcus Theodore Nott, Chef de la Division 32 des Aurors, articula-t-il avec arrogance, mais vous pouvez m'appeler Monsieur Nott.

- Marcus ! Interpella Freya perdant définitivement la maîtrise de ses traits.

Une vague de honte la traversa. Ce sentiment, ce n'était pas la première fois qu'elle l'éprouvait en compagnie de son frère. Elle sentit une chaleur se propager dans son cou alors qu'elle aperçut son oncle Hector apparaître au détour d'un couloir adjacent.

- Mon oncle ! S'exclama avec exagération Marcus, ignorant à nouveau le patron de la Division Moldue.

Freya ne manqua pas les regards des autres Aurors se tourner vers son vantard de frère, elle n'y vit pas de la surprise, mais plutôt un certain agacement.

Agacement, qu'elle partageait d'ailleurs.

Le Héros de Guerre mit ses mains dans les poches de son costume gris chiné, et arbora un air qu'elle ne sut décrypter. Il hocha légèrement la tête dans la direction de Hector Fawley, avant de sortir de la poche intérieure de sa veste un petit carnet noir usé.

Freya sentit une once de malaise alors qu'elle voyait son oncle maternel s'approcher. L'oncle Hector avait été nommé Ministre de la Magie en 1925, et il ne faisait d'ailleurs aucun doute qu'il s'agissait de la raison pour laquelle Marcus et Freya travaillaient au Ministère.

Et il ne faisait d'ailleurs également aucun doute que tout le monde était au courant.

- Marcus, salua l'oncle Hector avec un sourire étonnamment nerveux.

Il n'adressa qu'un vague regard à Freya, et cela accentua l'angoisse soudaine de la sorcière.

- Freya… que fais-tu ici ?

La vague de honte devint un Tsunami.

Elle sentit ses joues devenir aussi rouges que ses lèvres, elle releva le menton et redressa son dos, tentant de regagner le contrôle de ses expressions.

- J'accompagne Monsieur McMillan à la réunion d'aujourd'hui, Monsieur le Ministre.

Son oncle arqua un sourcil et lança un regard tendu à son frère avant de toiser le patron de Freya.

- McMillan, n'avions-nous pas convenu que vous viendriez seul à cette réunion ?

- J'ai besoin de Nott- … de Miss Nott pour m'assister, Monsieur le Ministre.

- Dois-je vous rappeler le caractère confidentiel de cette réunion, McMillan ? Demanda sèchement l'oncle Hector.

Freya releva encore plus le menton alors que ses doigts se resserrèrent autour de son carnet, tentant de conserver le peu de fierté qui lui restait dans cette étrange situation. Elle sentait le sourire mesquin de son frère s'agrandir, et cela la mettait hors d'elle.

La porte noire s'ouvrit et son patron entra dans la pièce sans même lui lancer un regard.

Elle resta plantée là, alors que les Aurors commençaient à entrer à leur tour.

Thésée Dragonneau passa à côté d'elle en lui lançant un air quelconque, ce qui l'acheva.

Elle tenta d'ignorer tant bien que mal la main de son frère qui tapotait piètrement son épaule et son regard moqueur alors que, lui aussi, pénétrait dans la salle avec une démarche nonchalante.

- N'y vois rien de personnel, Freya.

Elle dû une fois encore se pincer les lèvres pour ne pas montrer qu'elles tremblaient.

- Teignous serait mécontent de savoir que je t'ai laissée assister à cette réunion.

- Père est mécontent, et ce, peu importe ce que j'entreprends, mon Oncle.

Comme à son habitude, il ne renchérit pas et passa simplement à côté d'elle.

Il ne recroisa même pas son regard alors qu'il fermait la porte devant elle.

La honte se transforma bientôt en amertume.

A chaque fois, c'était la même histoire ; être une Nott n'était qu'une contrainte.

Ne pas ternir l'image de la famille, ne pas parler aux Moldus, ne pas s'intéresser aux Moldus, ne pas être amie avec des nés-Moldus, ne pas être amie avec des traitres de leur sang, ne pas faire carrière, ne se marier qu'avec un sorcier de sang-pur…

Freya ne put retenir un hoquet de surprise.

En parlant du loup.

- Freya, je suis ravi de te voir.

Arcturus Black III.

Elle grimaça alors que le sorcier lui baisait la main avec lenteur.

- Black, tu es en retard à la réunion.

Elle essaya de retirer vivement sa main, mais il la retint avec un sourire que Freya avait toujours trouvé faux et venimeux.

- Combien de fois t'ai-je demandé de m'appeler Arcturus, comme au bon vieux temps, tu rappelles ?

- C'était il y a longtemps, Black.

Il est vrai qu'ils avaient été très bons amis, en première et deuxième année de Poudlard, elle grimaça d'autant plus à ce souvenir. Il feignit d'être blessé en plaquant sa main contre sa poitrine, mais lui adressa un autre sourire en coin.

Elle se rappela alors à quel point elle le méprisait.

Il lui rappelait étrangement son frère, et elle ne pouvait s'empêcher de se demander comment de tels sorciers pouvaient devenir Aurors.

- Je dois te laisser, délicieuse Freya, mais nous nous revoyons bientôt.

- Bientôt ? Répéta-t-elle en masquant difficilement son dégoût alors qu'il embrassait de nouveau sa main.

- Oui, je suis invité à dîner dans votre demeure la semaine prochaine.

Avec un clin d'oeil qu'il voulait enjôleur, il tourna les talons et entra dans la pièce sans qu'elle puisse ajouter quoique ce soit. Lorsque la porte se referma de nouveau, Freya laissa échapper un souffle tremblant.

Amère, elle regagna lentement le chemin de sa division.

Dans l'allée principale du Ministère, tout le monde n'avait qu'un nom au bord des lèvres : Grindelwald.

Freya esquiva de justesse un petit groupe d'Aurors qui couraient dans le couloir. Elle les regarda s'éloigner rapidement dans leurs imperméables noirs, puis transplaner dans une zone autorisée, à côté d'une immense cheminée de pierre.

Elle se ressaisit, mais remarqua ce qui ressemblait à une brochure au sol. Sûrement oubliée ou laissée tomber par un Auror qu'elle avait vu partir en courant. Elle ramassa le prospectus et pencha légèrement la tête.

Banal.

Une vulgaire publicité pour balai.

Haussant les épaules, elle chiffonna le papier entre ses doigts et continua sa route.

- Il parait qu'il a recommencé.

- Qui ça ?

- Grindelwald, voyons !

- Il a fait un autre rassemblement avant-hier, dans des souterrains à Turin.

Freya tendit l'oreille et s'arrêta de nouveau. Sans raison apparente, elle suivit les deux sorciers dans l'ascenseur et se cala au fond de ce dernier. Machinalement, elle déplia le prospectus qu'elle venait de froisser et fit mine de le lire avec intérêt. En cachant à moitié son visage avec le papier, elle se concentra sur les paroles des deux sorciers à côté d'elle.

- Il en a encore enrôlés une vingtaine, soupira l'un.

- Des Aurors ? Encore ?

- Le Ministre est apparemment décontenancé.

- Fawley ne le prend pas au sérieux, remarqua l'autre.

- Il devrait, nous sommes en train de perdre tous nos Aurors.

- Ils n'ont pas encore pris Nott, remarqua le sorcier de gauche avec une pointe de moquerie.

Freya laissa dépasser ses yeux bleus au-dessus de la brochure.

- Qui voudrait d'un gars comme ça ? Tout le monde sait pourquoi il est là aujourd'hui.

- Oui, au même rang que Dragonneau qui plus est, quelle honte. Il s'est apparemment défilé avec quelques uns de ses subordonnés lors de l'incident de Paris.

Le sang de Freya se gela dans ses veines.

- Quel lâche ! S'écria l'autre. Il était au rassemblement de Turin ?

- Non, bien entendu, il était ici. Seul Dragonneau y est allé avec Travers.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et les deux sorciers sortirent. Freya, elle, resta paralysée au fond de la cage, toujours cachée derrière la brochure. Il semblait alors que la langue Anglaise n'était pas encore assez développée, car elle n'arrivait pas à trouver un mot pour retranscrire la honte immense qu'elle ressentait.

C'était donc ça, l'image des Nott à ne pas ternir ? Si elle n'avait pas été si mortifiée, elle aurait sûrement ri.

L'ascenseur redescendit au Niveau -2.

Freya allait de nouveau chiffonner le papier entre ses doigts mais son regard fut attiré par quelque chose qu'elle trouva étrange. Elle regarda la publicité sur les balais à deux fois ; hormis le fait qu'elle tenait le papier à l'envers depuis plusieurs minutes, elle vit une étrange inscription en dessous de l'image animée d'un balai dans le ciel étoilé.

« Pour Le Plus Grand Bien »

Accompagné d'un symbole qui ne lui était pas inconnu : un triangle complété d'un cercle et d'une ligne verticale :

Grindelwald.

Un frisson la parcourut et elle glissa rapidement le papier dans l'ample manche de sa robe.

Freya s'assit sur sa chaise et posa le prospectus sur le bureau devant elle en fronçant les sourcils. Elle sortit sa baguette de sa manche et la pointa au dessus du papier.

- Revelio

Le balai dessiné dans le ciel étoilé quitta l'encart d'illustration et laissa apparaître les lettres suivantes : TURIN.

Freya se laissa tomber contre le dossier de sa chaise, intriguée, et les lettres disparurent progressivement. Le balai revint dans le cadre, ne laissant presque aucune trace de ce qu'il s'était passé.

Elle repensa au Rassemblement de Turin : se pourrait-il qu'il s'agisse d'un message codé, destiné aux fanatiques de Grindelwald pour qu'ils le rejoignent à Turin ?

Elle posa sa baguette de bois rouge sombre sur la table et se mit à écrire ces quelques informations dans son carnet vide de toute inscription. Une fois fini, elle resta assise quelques minutes, plongée dans ses pensées.

Reprenant sa baguette et son carnet, elle se leva et entra vivement dans le bureau de son patron, adjacent au sien.

Sur le bureau de McMillan, elle retrouva facilement l'enveloppe d'invitation à la Réunion de ce matin et la rouvrit, en jetant tout de même un petit regard plein d'appréhension vers le couloir, oubliant momentanément qu'il était toujours vide.

« Destinataire : George McMillan

Niveau : Urgence

Affaire : Gellert Grindelwald

Classement : Confidentiel 4

Vérification de la situation Moldue et analyse des prédictions de Grindelwald.

Déploiement d'Auror et ouvertures d'enquêtes diverses.

Mesures exceptionnelles de recrutement d'Aurors suite au Rassemblement de Turin. »

Elle relut la dernière phrase à plusieurs reprises, le coeur battant la chamade.

L'opportunité, elle était là.

L'opportunité de quitter cette routine de 7 ans, ce poste bloqué.

Elle allait réaliser son rêve.

Et c'est la détermination des Nott qu'elle allait montrer à tout le monde.

Y comprit à sa propre famille.


Hello !

C'est ma première fiction sur ce fantastique univers !

L'histoire sera racontée d'un autre point de vue que celui de Norbert Dragonneau,

mais j'espère que j'arriverai à le rendre tout aussi intéressant, palpitant et drôle !

N'hésitez pas à partager votre ressenti !

A plus,

Netphis