Une nouvelle fic que je débute, et qui n'a rien à voir avec mon histoire habituelle. Ce ne sera pas très long (enfin je crois!), quelques chapitres. L'histoire est à inclure en saison 8, après le 8x08 précisément.
Pas d'inquiétude, je n'ai pas fini et n'arrête pas "Toute première fois" pour autant J'attends de voir si cela vous plaît suffisamment pour mener les deux histoires de front ! Voilà, c'est parti !

« Road trip »

Mercredi 30 décembre 2015

12ème District, New-York, aux environs de 17 h.

Assise derrière son bureau, Beckett essayait de se concentrer sur les rapports d'enquête qu'elle devait relire et signer. Malgré toute sa bonne volonté, elle avait l'impression que la pile de documents ne diminuait pas. La paperasse. Et encore la paperasse. Le pire aspect de ses nouvelles fonctions sans doute. Elle avait vu tant de fois Gates, et Montgomery avant elle, passer des heures à remplir des formulaires, signer des courriers, valider des rapports. Parfois jusque tard le soir, alors que la nuit était tombée depuis longtemps, et que la plupart des hommes avaient quitté le poste. Parfois très tôt le matin, seuls dans le silence du commissariat. C'était maintenant son tour, et cela la rebutait tellement qu'elle avait tendance à repousser pour la fin de journée cette tâche rébarbative. Mais il n'y avait rien à faire. C'était son travail. Elle ne pouvait y couper. Elle lisait donc, presque machinalement, signait, comme par automatisme, tandis que ses pensées divaguaient vers ce qui la tracassait ces jours-ci. Rick lui manquait.

Cela faisait plus d'une semaine qu'ils ne s'étaient pas retrouvés, juste tous les deux, dans l'intimité. Plus d'une semaine qu'elle n'avait pas embrassé son mari, mise à part la fois où il lui avait volé un baiser trois jours plus tôt dans la salle de pause après une de leur énième fausse dispute. Des jours sans pouvoir se blottir dans ses bras. Des jours sans pouvoir sentir la force de son étreinte rassurante, aimante. La caresse de sa bouche sur la sienne, gourmande, aguicheuse, sensuelle. La tendresse de ses mains sur sa peau, douces, fortes, apaisantes. Ni entendre le son de ses rires, joyeux, le récit de ses bêtises enfantines, le chuchotement de ses mots d'amour. Il lui manquait. Terriblement. Mais la situation était compliquée. Si compliquée.

Certes, depuis plus d'un mois maintenant, ils avaient repris leur relation, ils n'étaient plus « en pause ». En retrouvant Rick, en revenant vers lui, elle avait eu l'impression de revivre, de retrouver sa raison d'être, son bonheur quotidien. Le poids qu'elle avait sur le cœur s'était estompé, sans disparaître totalement, et elle avait vu, soulagée, le chagrin et l'incompréhension quitter les yeux de son mari. Mais leur vie de couple n'avait plus rien de ce qu'elle avait été. De ce qu'elle aurait dû être. Désormais, ils se voyaient en cachette, discrètement, à l'abri des regards, pour tenter d'atténuer le danger qui planait sur eux, et de minimiser les risques. Etre ensemble en faisant croire qu'ils ne l'étaient plus. C'était le stratagème qu'ils avaient mis en place. C'était à la fois tellement bon après des mois passés loin l'un de l'autre, et tellement frustrant. Le plus souvent, ils se retrouvaient très tard le soir, au loft, ou au bureau de Castle, ayant fait de sa pièce secrète le cocon de tous les plaisirs qu'ils pouvaient partager ensemble : faire l'amour, dîner, rire, discuter de tout, de rien. S'aimer simplement. Ils usaient de tous les subterfuges pour être le plus discrets possible.

Personne ne devait savoir. Ni les gars, ni Lanie, ni même Martha, Jim et Alexis. Moins leurs proches étaient au courant, plus les risques étaient limités. Chaque moment passé ensemble était alors comme un instant hors du temps, une petite bulle de plaisir, de tendresse, d'amour qui les aidait à affronter leur quotidien, séparément. Mais se retrouver, pour se quitter à chaque fois était un déchirement, et comme un rappel de la cruelle réalité. Tant que Locksat n'était pas identifié, tant qu'il n'avait pas été mis un terme à ses agissements, leur relation devait rester secrète.

D'un côté, c'était excitant. Jouer à se quereller, se disputer publiquement pour mieux se retrouver dans l'intimité, en cachette. Partager un secret dont seuls ils avaient connaissance les rapprochaient plus encore, les unissaient au-delà de l'amour qu'ils se portaient. Ils s'efforçaient de prendre la situation comme un jeu, d'en rire plutôt que de s'appesantir sur le côté douloureux de cette séparation. Mais depuis dix jours, la situation était devenue encore plus compliquée à gérer. Alexis était revenue s'installer temporairement au loft. Elle qui avait trouvé un logement il y a peu avait décidé que son appartement était finalement trop lugubre, et en cherchait un nouveau. Dans l'attente d'avoir un « coup de cœur » pour le studio de ses rêves, elle était donc revenue vivre chez son père. Rick ne voyait pas comment dire à sa fille que sa présence au loft n'était pas forcément bienvenue, et il était désormais impossible pour eux de s'y retrouver. De plus, Alexis et Hayley prenaient plaisir à multiplier les heures supplémentaires, travaillant au bureau de Castle jusque tard le soir, ce qui rendait de plus en plus difficiles leurs retrouvailles secrètes. De son côté, elle aurait pu suggérer à Rick de la rejoindre dans la petite chambre d'hôtel qu'elle louait depuis qu'elle avait quitté le loft. Mais c'était risqué. Vikram débarquait parfois à l'improviste pour travailler sur l'affaire Locksat, et elle ne l'avait pas encore informé qu'elle avait repris une relation normale avec son mari. Elle hésitait encore à le faire.

Comme si le mauvais sort s'acharnait sur eux, les circonstances faisaient donc qu'elle n'avait croisé Rick qu'une fois cette semaine. De son côté, lui ne pouvait pas constamment se retrouver mêlé aux enquêtes du 12ème District, ni toujours venir en aide aux gars, dans la mesure où, officiellement, il était censé être en froid avec le Capitaine. Juste une fois, elle l'avait croisé, alors qu'il avait prétexté venir apporter des documents à Ryan et Esposito. Leur entrevue, en salle de pause, avait donné lieu à une de leur énième petite scène de dispute, puis discrètement, porte close, à l'abri des regards, Castle avait pris le risque de l'embrasser. Leur seul baiser de la semaine. Tendre et doux. Et tellement bon tant il avait le goût de l'interdit. C'était il y avait trois jours, et cela lui paraissait une éternité. Le téléphone, leurs appels, leurs échanges de messages, ne parvenaient pas à combler le manque qu'elle ressentait un peu plus chaque jour, loin de lui.

Reprenant soudain ses esprits, elle se rendit compte qu'elle avait cessé d'écrire, et de signer le rapport d'enquête sous son stylo, trop absorbée par ses pensées. Elle soupira, et son regard se perdit sur le métal argenté de son alliance. Elle l'effleura du bout du doigt, délicatement, comme si c'était l'objet le plus précieux au monde. Rick lui manquait. Son mari lui manquait. Se passer de lui ainsi était insoutenable. Elle s'était contrainte à le faire pendant des semaines déjà, mais depuis que leur relation avait repris un cours normal, du moins dans le secret de leurs petits cocons, elle ne pouvait plus. Elle avait compris. Elle avait réalisé à quel point il lui était indispensable. Elle le savait sans doute déjà. Mais jamais elle n'en avait pris conscience autant que pendant ces mois où elle avait été privée de ses étreintes, ses baisers, ses sourires, ses discussions, ses bêtises et lubies. De sa présence simplement. Aujourd'hui, peu importait la situation, c'était trop difficile. Il fallait qu'elle trouve une solution pour qu'ils se retrouvent rapidement, où elle allait perdre la tête.

En attendant, elle avait besoin de l'entendre là-maintenant, pour rien, juste entendre le son de sa voix. Elle ouvrit le tiroir de son bureau pour se saisir du téléphone prépayé qui lui servait à communiquer le plus discrètement possible avec Rick, mais elle fut interrompue dans son élan, par l'arrivée d'un officier qui frappa à la porte, entrouverte.

- Capitaine ? fit-il poliment.

- Oui ? répondit-elle, d'une voix ferme mais sympathique.

- Un télégramme vient d'arriver pour vous, expliqua-t-il, en avançant vers son bureau, une petite enveloppe à la main.

- Un télégramme ? s'étonna Kate, se demandant qui envoyait encore des télégrammes de nos jours.

- Oui. Un coursier l'a déposé, répondit l'officier en lui tendant la lettre.

- Bien. Merci.

Elle scruta la petite enveloppe, alors que l'officier quittait son bureau, puis la fit tourner entre ses doigts, pour y lire simplement : « Capitaine Beckett » et l'adresse du commissariat. Elle n'avait jamais reçu de sa vie un télégramme, et curieuse, déchira le papier, glissa la main dans la fente pour en extraire un simple feuillet de papier. Elle le déplia, et lut aussitôt les quelques lettres dactylographiées, un sourire naissant sur ses lèvres au fur et à mesure qu'elle comprenait l'origine de ce mystérieux télégramme : « Vera Mulqueen – Retrouvez-moi où le Papillon Bleu s'envole dans la nuit. 17h30. Joe Flynn ». Elle le relut encore, un large sourire illuminant maintenant son visage, heureuse de recevoir ce petit message au moment où justement elle pensait désespérément à lui.

Castle. Evidemment. Ce ne pouvait être que lui. Amusée, et attendrie par sa ruse pour la joindre, elle s'étonna qu'il ne lui ait pas envoyé un message tout simplement. C'était tout Rick et son art de la mise en scène. Et dire qu'il niait avoir hérité des traits de caractère de sa mère. Pour certaines choses, il était vraiment son digne rejeton. Souriante, elle relut encore et encore les quelques mots, qui la ramenaient des années en arrière, lorsqu'ils avaient enquêté sur la disparition de ce collier, le Papillon Bleu. Rick lui avait expliqué qu'à l'époque il s'était vu dans la peau du détective privé, Joe Flynn, amoureux de la belle, Vera Mulqueen, qu'il ne pouvait qu'imaginer sous ses traits, à elle. Depuis qu'ils avaient repris leur relation dans le secret et la clandestinité, ils étaient devenus Vera et Joe, dans leurs messages, leurs appels téléphoniques, afin d'essayer d'être le plus discrets possible. Cela les amusait aussi beaucoup, Castle surtout, de pimenter leurs retrouvailles d'un petit jeu de rôle. Le lieu « où le Papillon Bleu s'envole dans la nuit » était certainement ce petit restaurant, situé à quelques centaines de mètres du commissariat. Le soir, sur sa devanture, des néons en forme de papillon, s'illuminaient de bleu. Elle sourit, touchée par la poésie de la mise en scène de Rick.

Cessant enfin de rêvasser, sa lettre à la main, elle regarda l'heure, et hésita. Retrouver Rick « où le Papillon bleu s'envole dans la nuit », c'était le rejoindre dans un lieu public, et prendre un risque. Ce n'était pas la première fois qu'il l'invitait à un rendez-vous secret, mais d'habitude, c'était dans l'intimité du loft ou du bureau, et l'obscurité de la nuit. Là, il ferait jour, il serait impossible de discuter discrètement. Ils devraient encore feindre d'être en froid. Alors pourquoi Rick lui donnait-il ce rendez-vous ? Qu'avait-il prévu ? Peu importe ce qu'il avait prévu. Qu'il la prenne dans ses bras et lui vole un baiser lui suffisait à cet instant, tant il lui manquait. Le voir, croiser son regard, même s'ils devaient se quereller pour donner le change. Au moins, elle serait près de lui. Quelques instants.

Elle se leva, attrapa son écharpe et son manteau, qu'elle enfila aussitôt, et quitta son bureau, croisant au passage Esposito dans le couloir.

- Hey … Il y a un souci ? s'étonna ce dernier, surpris de la voir partir subitement et si pressée.

- Non. Je m'absente une petite vingtaine de minutes …, répondit-elle, hésitante. Juste … j'ai une course à faire … une course urgente …

Dieu qu'elle ne savait pas jouer la comédie. Elle n'était vraiment pas douée pour mentir comme ça. Après chacune de leurs fausses querelles improvisées, quand ils se retrouvaient, Rick se moquait de son piètre jeu d'actrice. Il aurait été capable d'en rire des heures. Mais Esposito ne sembla pas se poser plus de questions que ça.

- Ok. Monsieur Roberts va arriver d'un instant à l'autre, expliqua-t-il. On s'en charge avec Ryan ou bien … ?

- Je m'en occupe à mon retour. Faites le patienter, ordonna-t-elle de son ton de Capitaine, à la fois ferme et cordial.

- Ok, répondit-il, simplement, la regardant filer vers l'ascenseur.


Loft, New-York, aux environs de 17h.

Alexis faisait les cent pas en réfléchissant, quand enfin elle entendit Martha pousser la porte du loft, et la vit entrer.

- Grand-mère, te voilà enfin …, lui fit-elle, comme soulagée.

- J'ai fait le plus vite possible, trésor …, expliqua joyeusement Martha, retirant son manteau, puis son écharpe colorée. Il n'y avait pas moyen que cette vendeuse me trouve une paire d'escarpins jaunes …, et ensuite, je me suis rendue compte que le jaune du foulard était plus ocre que doré et cela n'allait plus du tout … Toujours assortir le foulard aux chaussures, tu sais que c'est ma devise …

- Grand-mère, l'interrompit Alexis pour faire cesser son bavardage enjoué, on a un problème …

- Un souci avec ton père et Katherine ? demanda aussitôt Martha, d'un air soucieux.

- Non …, enfin si …, enfin … je n'en sais rien, peut-être …. C'est pour ça que je t'ai demandé de venir … Assis-toi …

- Que se passe-t-il ? s'inquiéta Martha, en venant s'installer dans le canapé, Alexis s'asseyant près d'elle.

- J'ai trouvé un message sur le portable de Papa …, ce n'était pas volontaire … je précise …, expliqua-t-elle. Il était sous la douche ce matin, son téléphone a bipé plusieurs fois, j'ai voulu lui apporter, pensant que c'était urgent, et sans le vouloir, j'ai vu le dernier message … et …

- Et quoi ?

- C'était une certaine Vera …

- Vera ? s'étonna Martha, réfléchissant pour déterminer si elle connaissait cette femme.

- Oui, Vera. Et le message de cette Vera disait : « Merci pour cette merveilleuse nuit ».

- Tu as dû rêver, trésor …, répondit aussitôt Martha, avec un petit sourire taquin.

- Grand-mère, je n'ai pas rêvé …, insista Alexis, d'un air grave et sérieux. Papa a reçu un message d'une femme le remerciant pour la nuit passée.

- C'est impossible que ce soit ce à quoi tu penses. Alexis, ton père a beaucoup de défauts, mais il ne tromperait jamais Katherine. Même s'ils sont séparés, elle est sa femme, et il n'attend qu'une chose, qu'elle lui revienne. Alors il y a sûrement une explication logique.

- Laquelle ? demanda Alexis, dévisageant sa grand-mère, et cherchant à ce qu'elle la rassure.

- Je l'ignore, trésor, avoua Martha.

- Tu sais, comme moi, que Papa peut faire n'importe quoi quand il est malheureux …, lui fit remarquer Alexis. Moi qui pensais qu'après leur anniversaire de mariage, tout rentrerait dans l'ordre …

- Le sexe ne résout pas tous les problèmes. Ton père et Katherine se sont retrouvés le temps d'une nuit, parce qu'ils s'aiment et qu'ils ont besoin l'un de l'autre, mais … il y a un problème entre eux, j'ignore lequel, mais il y a toujours un problème.

- Et si Papa faisait une bêtise, grand-mère ? S'il fréquentait vraiment cette femme ?

Martha ne répondit rien, réfléchissant un instant à la situation. Depuis quelques semaines, elle ne savait plus quoi penser de l'attitude de son fils. Depuis l'anniversaire de mariage, la relation de Richard et Katherine avait changé. Avec Alexis, elle s'était d'abord enthousiasmée, heureuse d'apprendre que leur nuit d'anniversaire leur avait permis de se retrouver, et apparemment de se réconcilier. Richard semblait de nouveau joyeux et plein d'espoir. Mais il y avait eu ensuite cette dispute au poste, dont les gars leur avaient parlé. Ryan et Esposito ne savaient pas vraiment ce qui s'était dit, mais la rumeur avait circulé selon laquelle Castle avait quitté le commissariat plus que fâché et attristé, et que Beckett n'était plus que l'ombre d'elle-même, et même qu'elle avait pleuré. Depuis, Richard ne voulait plus qu'on lui parle de sa séparation ou de l'éloignement de Katherine. Il était devenu secret, et refusait d'en discuter avec quiconque, disant qu'il maîtrisait la situation, et qu'il savait ce qu'il faisait. Il avait cessé de chercher à tout prix à se mêler des enquêtes du 12ème District, mais quand cela arrivait, s'il avait à croiser le chemin de sa femme, ces deux-là se querellaient. Martha avait bien tenté de lui donner des conseils, mais c'était comme parler à un mur. Il semblait faire bonne figure, et n'avait pas l'air totalement effondré pour autant. Depuis dix jours néanmoins, il errait comme une âme en peine au loft, traînant son ennui, ruminant le manque de sa femme. Alexis en était témoin, elle qui était revenue vivre ici, délaissant son appartement, pour pouvoir surveiller l'état moral de son père, et être là si besoin. Evidemment, elle ne lui avait pas dit qu'elle était là pour l'avoir à l'œil, et le pousser à garder le moral, parce qu'elle et sa grand-mère s'inquiétaient pour lui, avec cette séparation qui s'éternisait, et le silence dans lequel il s'enfermait.

- Trésor, tu vis ici depuis dix jours, tu aurais vu s'il y avait une nouvelle femme dans la vie de ton père, non ?

- Je ne suis pas tout le temps-là, grand-mère … Et il y a quelques jours, je l'ai entendu discuter au téléphone, et rire …, parler doucement comme pour ne pas faire de bruit. Je pensais qu'il discutait avec Kate, et j'étais tellement contente.

- Mais tu crois que c'était Vera ?

- Je ne sais plus quoi penser, soupira Alexis. Papa aime tellement Kate. Mais je sais ce que j'ai vu. Ce message était celui d'une femme remerciant un homme pour du sexe …

- Impossible, répondit Martha, catégorique. Alexis, ton père donnerait sa vie pour Katherine. Jamais il ne lui ferait du mal, ainsi.

- Et si Slaughter lui avait donné un conseil de mec, du genre, un conseil bien stupide, tu vois ?

- Slaughter ?

- Oui, Papa ne fait que des bêtises quand il traîne avec lui … et il y a un mois, juste avant l'anniversaire de mariage, il a passé du temps avec lui, alors peut-être qu'il lui a suggéré de prendre du bon temps …

- Tu veux dire que ce Slaughter aurait pu conseiller à ton père de coucher avec des femmes en attendant de récupérer la sienne ? résuma Martha.

- Slaughter est bien assez stupide et primaire pour conseiller ce genre de choses ….

- Et ton père assez intelligent et trop amoureux pour écouter pareille ineptie ! objecta Martha.

- Papa est un homme, grand-mère … et … depuis des mois, Kate est partie. Depuis des mois, il est malheureux, et la situation n'évolue pas. Pire, elle s'aggrave …

- Tu doutes de lui à ce point-là ? répondit Martha, dévisageant sa petite-fille, surprise et dépitée

- Tu douterais aussi, grand-mère, si tu avais vu ce message … Et il n'y en avait pas qu'un, je n'ai pas lu les autres, mais il y avait d'autres messages de cette Vera.

Martha ne savait que penser. Elle ne pouvait se résoudre à croire que Richard fasse bêtise pareille. Et pourtant, Alexis avait peut-être raison. Il était malheureux. Il souffrait bien plus qu'il ne le laissait paraître de la situation. Et parfois, il pouvait aussi faire des bêtises. Elle devait agir, essayer de discuter avec lui.

- Je vais lui parler, annonça Martha. Ne t'inquiète pas. Ce soir, dès qu'il rentre, je vais essayer d'en savoir plus.


New-York, « là où le Papillon Bleu s'envole dans la nuit », 17h30

Castle faisait les cent pas pour se réchauffer, patientant dans la contre-allée qui longeait le petit restaurant où sa femme devait le rejoindre. Il ne faisait pas encore nuit, en cette fin d'après-midi de décembre, mais dans la pénombre, les petits néons bleutés des papillons clignotaient sur la devanture du restaurant. Il faisait froid, et le brouillard était descendu sur les rues de New-York. Le ciel s'était obscurcit et chargé de nuages. Peut-être neigerait-il. Il l'espérait. Il aimait la ville sous la neige. Jetant un œil au loin, vers la rue que Kate devrait emprunter, il observa un instant les alentours, les badauds se pressant comme pour éviter le froid, les taxis et livreurs qui filaient dans la vapeur nuageuse toujours plus dense du brouillard, les quelques officiers qui buvaient un café, une centaine de mètres plus loin, devant le Starbucks. Ici, dans l'étroite contre-allée qui séparait deux blocs, ils pourraient se retrouver discrètement, à l'abri des regards, pour quelques minutes.

Si elle avait bien eu son message, il n'avait aucun doute que Kate viendrait. Il savait combien elle se languissait de lui. Elle ne le lui disait pas vraiment, trop soucieuse de ne pas montrer à quel point la situation lui pesait, à quel point elle se sentait responsable aussi de tout cela. Mais il savait. Ses mots doux le soir au téléphone, ses petits messages au cours de la journée, ses appels impromptus, juste parce qu'elle avait besoin de l'entendre, de savoir qu'il n'était pas loin, lui disaient qu'elle avait besoin de lui. Et il avait besoin d'elle. Dix jours sans la prendre dans ses bras. C'était trop. Sans compter que cela faisait des mois qu'ils ne s'étaient pas retrouvés normalement. Pas pour le travail. Pas pour une enquête. Non. Juste normalement. Juste tous les deux. Sans avoir l'esprit accaparé par autre chose. Sans être préoccupés, tracassés. Malheureux ou morts d'angoisse. Des mois, oui. Depuis ce jour où Kate aurait dû vivre sa première journée en tant que Capitaine, ce jour où tout avait basculé, plus rien n'avait été normal. Fini les sorties ensemble, fini les nuits sans dormir à s'aimer sans retenue, les grasses matinées au chaud sous la couette, les déjeuners en amoureux ou les balades à Coney Island. Des mois qu'il n'avait pas pu profiter simplement d'elle, de ce qu'elle était quand elle n'était pas flic. De sa femme, en toute simplicité. Fragile, belle, joyeuse et heureuse. Elle lui manquait. Elle était tout cela de nouveau, dans les moments d'intimité qu'ils partageaient, le plus possible, mais c'était si court, si fugace. Il la voulait pour lui tout seul quelques jours. Sans que rien ne vienne les interrompre. Sans devoir se cacher. Il voulait lui faire oublier le travail et la réalité de leur situation. Il voulait que l'un comme l'autre se rappellent que la vie c'était autre chose quand ils étaient ensemble. Lui rappeler pourquoi il l'aimait. Pourquoi elle l'aimait. Juste la retrouver. Comme avant. Quand tout allait bien. Quand ils étaient sereins et heureux.

Demain, on fêterait la nouvelle année, et c'était l'occasion qu'il avait choisi pour l'enlever. Enlever sa femme, oui. Par contre son gré, bien-sûr. Quoique l'idée lui avait bien traversé l'esprit. Mais non. L'enlever, et qu'elle en ait envie. Qu'elle accepte qu'il l'enlève et l'emmène loin d'ici, juste parce qu'elle en avait besoin, elle-aussi. Il devrait la convaincre. Il le savait. Elle était si inquiète, si torturée par toute cette affaire. Elle en parlait peu, fidèle à elle-même, soucieuse de ne pas l'angoisser, et de se montrer forte. Mais il la connaissait si bien. S'il l'avait appelée pour lui décrire son projet, il aurait eu du mal à la persuader de fuir New-York quelques jours. Mais face à lui, dans ses bras, elle ne pourrait résister à ce que lui disait son cœur. Il savait qu'il avait déjà dû marquer des points avec son petit télégramme. Le Papillon Bleu. Leur vieille enquête. Elle avait dû sourire. Il aurait aimé la voir ouvrir le courrier, rien que pour admirer son sourire. Juste la voir heureuse. Simplement heureuse.

Il regarda l'heure sur son téléphone, puis jeta un œil dans la rue par laquelle elle devrait arriver. Elle n'allait plus tarder. La rue était animée, malgré le froid et le brouillard. Il y avait du monde qui allait et venait. Il allait falloir être discret. Cela ne l'amusait pas du tout. Parfois, ils arrivaient à en rire ou à tourner la situation en dérision. Mais parfois, comme aujourd'hui, il aurait voulu pouvoir simplement prendre sa femme dans ses bras comme il en avait envie. Mais c'était trop près du poste. Et il y avait trop de monde. Il ne manquerait plus qu'un officier ne les voit, ou qu'une rumeur de réconciliation ne fasse la une des journaux à scandales dès le lendemain. Certes, il n'était pas la cible favorite des paparazzis, mais il avait une certaine notoriété, suffisante pour qu'on s'intéressât aux aléas de sa vie sentimentale. Malheureusement.

Enfin, il la vit apparaître au loin. Il la contempla, captant chacun de ses gestes, de ses mouvements, comme s'il la voyait pour la première fois. Sa démarche fière et assurée. Son allure gracile. Elle portait son long manteau gris, et son écharpe blanche enroulée autour de son cou. Elle avait laissé ses cheveux dénoués, qui ondulaient sur ses épaules au gré de ses mouvements. Plus elle approchait du restaurant, plus il voyait son visage. Elle était concentrée. Et soucieuse. Il sentait son regard qui observait les environs. Elle le cherchait, sans doute, mais scrutait aussi ce qui se passait autour d'eux, par crainte que quelqu'un ne l'observât ou ne la suive certainement.

Alors qu'elle arrivait à hauteur du restaurant, et ne l'avait toujours pas repéré, dissimulé dans la contre-allée, il recula pour s'enfoncer plus loin encore, derrière les lourdes bennes à ordures métalliques qui s'alignaient le long du mur. Il rit intérieurement, se disant que Kate allait trouver que la situation n'avait rien de romantique, et dans le même temps, se hâta de lui envoyer un message. « Dans la contre-allée », tapota-t-il rapidement. Moins de trente secondes plus tard, il la vit apparaître, avançant vers le fond de l'allée. Elle se retourna, jetant un dernier regard vers la rue, comme pour s'assurer que personne ne l'avait vue s'engager dans la contre-allée. Et il vit un sourire illuminer son visage au moment où elle le découvrit, caché derrière la benne à ordures.

- Hey …, sourit-elle, radieuse, alors que d'un geste, il passait son bras dans son dos pour l'attirer à lui.

- Désolé pour les poub…., tenta-t-il d'expliquer aussitôt, interrompu par le baiser de Kate qui, sans perdre un instant, l'embrassa tendrement.

Il lui rendit son baiser avec la même tendresse, happant doucement ses lèvres toutes froides pour les réchauffer de la caresse de sa bouche. Sans cesser de l'embrasser, encore et encore, il enlaça ses épaules, alors qu'elle venait se blottir contre lui. Il l'étreignit plus fort encore, emporté par le plaisir de la retrouver, de goûter ses lèvres de nouveau, de sentir ce besoin qu'elle avait de lui. Caressant sa joue de sa main gantée, elle déposa des petits baisers souriant sur ses lèvres.

- Je t'ai manqué …, sourit-il, content, contemplant cette petite lueur de bonheur dans les yeux de sa femme.

- Tu crois ? le taquina-t-elle, jouant à effleurer son nez du sien.

- Un petit peu, répondit-il, passant ses doigts dans ses longs cheveux, la regardant simplement, amoureusement.

Pendant un instant, elle ne dit rien, posant son front contre le sien, savourant le bien-être retrouvé dans les bras de son mari, son souffle chaud mêlé au sien, ses caresses dans ses cheveux et dans son dos.

- L'idée du télégramme était adorable, mon cœur …, reprit-elle d'une voix douce, plongeant ses yeux dans les siens.

- Je savais que ça te plairait … Mode de communication romantique à souhait, et totalement anonyme, fit-il fier de son effet.

- Oui … Mais comment as-tu fait pour ….

- Secret professionnel, Capitaine …, l'interrompit-il, tout sourire.

Elle sourit, attendrie, sachant qu'il n'en dirait pas plus, et l'embrassa de nouveau, soupirant de plaisir quand il se laissa aller à dévorer tendrement sa bouche. Emporté par la furieuse envie d'elle que déclenchaient leurs baisers, ses lèvres, sa langue, ses bras qui le serraient contre elle, toujours plus fort, il la fit pivoter, pour la plaquer doucement contre le mur. Elle se laissa entraîner dans un baiser plus passionné, sentant le désir s'intensifier aussitôt au fond de son ventre. Dieu que c'était bon d'avoir ainsi envie de son homme. Mais frustrant aussi.

Lentement, Rick cessa de l'embrasser, contraint de renoncer aux plus doux des plaisirs. Le temps était compté, et il devait lui parler.

- On dirait que toi-aussi, je t'ai manqué, constata Kate, effleurant sa joue d'une caresse.

- Un petit peu …, sourit-il, taquin.

Elle le contempla, amusée par son humour, et en même temps attendrie par ce manque évident qu'il avait d'elle, lui-aussi. Soutenant son regard, il vit un voile de sérieux venir soudain ternir ses yeux jusque-là joyeux.

- Rick …, reprit-elle sérieusement. Ce n'est plus possible ainsi … Dix jours sans toi, ce n'est pas possible …

- Non, ce n'est pas possible. Il faut qu'on prenne le temps d'en discuter … et de trouver une solution.

- Oui.

- Mais en attendant, je voudrais te proposer quelque chose ..., commença-t-il, prêt à se lancer.

Elle le regarda, intriguée. Il avait l'air sérieux, et elle redoutait un peu ce qu'il allait lui annoncer ou lui demander. Elle ne savait pas vraiment si elle allait s'en réjouir. Elle avait peur. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais elle avait peur désormais. Peur de le perdre. Jamais elle n'avait eu peur qu'il renonce à eux avant ces derniers mois. Qu'il la quitte. Mais elle l'avait vu malheureux comme jamais. Elle avait vu sa colère, sa douleur. Et aujourd'hui, même s'il lui avait promis de ne jamais perdre espoir, même si elle savait qu'il l'aimait plus que tout au monde et ne pouvait vivre sans elle, quelque part au fond d'elle, elle avait peur que ce soit trop insupportable à vivre pour lui. Pour eux. C'était comme si cette histoire avait fait voler en éclat sa sérénité. Elle tentait de la reconstruire petit à petit, auprès de Rick. Elle ne voulait plus avoir peur. Elle voulait retrouver ce sentiment de bien-être absolu, de plénitude, d'apaisement.

- Ne t'inquiète pas, sourit-il, gentiment, sentant qu'elle s'était tendue contre lui. C'est positif …

- Ok, sourit-elle, rassurée.

- Mais promets-moi de m'écouter jusqu'au bout, ajouta-t-il. Et de ne pas dire non tout de suite …

- Je vais essayer …

- Bien. Alors, si tu es d'accord, tout à l'heure, à vingt et une heures précises, toi et moi, on part pour quelques jours, annonça-t-il, simplement. Je t'enlève.

- Tu m'enlèves ? lui fit-elle, perplexe, ne sachant pas comment interpréter sa proposition.

- Oui.

- Avec mon accord ? Ce n'est pas vraiment un enlèvement …, constata-t-elle, se demandant s'il était vraiment sérieux.

- J'avais bien l'idée de t'enlever sans te demander ton autorisation, mais j'avais peur que la disparition du Capitaine du 12ème District ne fasse désordre !

Elle sourit, amusée. Quelle idée avait-il donc en tête ? Elle ne pouvait pas partir ainsi quelques jours, loin du poste, avec lui, alors que depuis des semaines, ils luttaient pour préserver le secret de leur relation.

- Et où veux-tu m'enlever ? demanda-t-elle, curieuse.

- Je ne peux pas te le dire. Dis simplement oui, ce sera une surprise …

Elle ne savait que penser. Les surprises de Rick étaient toujours merveilleuses. Et vu ce qu'ils vivaient depuis des mois, elle ne demandait qu'à se laisser emporter par l'une de ces surprises, ou de ces idées saugrenues. Peu importe. Juste le suivre. N'importe où. Loin de tout ça. Mais ce n'était pas si simple.

- Mon cœur … je ne peux pas partir comme ça …, lui expliqua-t-elle gentiment, craignant de le vexer. Je n'ai pas de congés et … je suis Capitaine. Je ne peux pas m'absenter comme ça …

- Je sais bien, mais ça va s'arranger, expliqua-t-il simplement.

- Ah oui ? Qu'as-tu fait ? s'inquiéta-t-elle aussitôt.

- Pas de panique, Capitaine, sourit-il. Je n'ai rien fait. Mais toi tu vas faire quelque chose …

- Je crains le pire …, soupira-t-elle.

- Explique juste au poste que tu dois t'absenter quelques jours parce que ton père est malade ….

- Hors de question, répondit-elle, catégorique. C'est insensé …

- Mais non ! C'est totalement crédible ! Qui va aller vérifier ?

- Rick, je ne veux pas mentir à propos de la santé de mon père. C'est …

- Il n'en saura rien …

- Et je ne peux pas partir quelques jours, ajouta-t-elle. Pas comme ça, à l'improviste … J'ai des responsabilités ici …

- Seulement jusqu'à samedi, expliqua-t-il, pour tenter de la convaincre. Deux jours. Je t'enlève deux jours.

- Qui va gérer le poste en mon absence ? lui fit-elle, sachant pertinemment qu'il aurait une réponse à lui donner.

- Demande à Espo, non ? Avec Ryan, ils peuvent bien se débrouiller deux jours sans toi …

- Je ne sais pas …, répondit-elle, en réfléchissant.

Rick semblait avoir tellement envie de l'enlever comme il disait. Cela lui faisait mal au cœur de lui dire non. Elle en mourrait d'envie elle-aussi. La promesse de l'emmener loin d'ici, de n'être qu'avec lui, était la plus belle surprise qu'il pouvait lui faire aujourd'hui. Mais elle ne pouvait pas faire taire pour autant ses angoisses et la peur qui la rongeait depuis des mois.

- Et si … je veux dire, si on nous voit ensemble …, reprit-elle.

- Kate …, répondit-il, la regardant avec tendresse, comme pour la rassurer. On ne nous verra pas …

- Ah oui ? Où veux-tu m'emmener pour en être si sûr ? sourit-elle. Sur Mars ?

- En deux jours ce serait un peu court …, sourit-il à son tour.

Elle sourit, et il vit qu'elle réfléchissait, qu'elle hésitait entre son cœur et sa raison, ses angoisses les plus profondes.

- On a besoin de ça, Kate, insista-t-il doucement. Regarde-nous … on en est à se donner des rendez-vous secrets derrière des bennes à ordures …. Dix jours que je n'avais pas pu te prendre dans mes bras.

- Je sais, mon cœur … tu me manques … si tu savais comme tu me manques …, répondit-elle, tristement.

- On ne sait pas combien de temps ça va durer ainsi …. Si on veut s'en sortir, on doit penser à nous. On doit préserver ce qui nous fait notre force, expliqua-t-il. Toi et moi. On en a besoin pour aller de l'avant.

Il avait raison. Il avait tellement raison. Comment pouvait-elle garder la tête hors de l'eau sans lui ? Son éloignement pendant des mois avait été un enfer à vivre. Ces dix derniers jours avaient été douloureux. Et après ? Combien de temps encore allaient-ils devoir se contenter de baisers volés et de coups de téléphone ? Ils avaient besoin de se retrouver vraiment. De fuir la réalité de la situation pour goûter de nouveau à la réalité de ce qu'ils partageaient avant. Simplement. Besoin de se parler aussi.

- On ne peut pas cesser de vivre, Kate, continua Rick, alors qu'elle l'écoutait, sans le quitter des yeux. Je voudrais que pendant deux jours on oublie tout ça. Qu'on soit juste toi et moi, sans qu'on ait à se cacher … On part … On prend la route … c'est tout …

- Mais où veux-tu aller ?

- Laisse-moi te surprendre. Tu sais comme je suis doué …, sourit-il.

- Que vas-tu dire à Martha et Alexis ?

- Rien. J'ai le droit de partir deux jours sans leur dire où je vais.

- Et Vikram … si …

- On se fiche de Vikram, répondit-il en faisant la moue, tel un petit garçon. Dis-lui comme à tout le monde que ton père est malade.

Elle sourit, et doucement prit son visage entre ses mains pour venir déposer un baiser sur ses lèvres.

- Ça veut dire oui ? Ou bien … non ?… Oui ? demanda-t-il hésitant, se demandant la signification de son tendre baiser.