Le prix des mots.

Il y a des hommes qui ne couchent qu'avec la personne qu'ils aiment, romantiques, fidèles, et on le suppose relativement fiable. Et puis il y a les autres. C'est à cette deuxième catégorie que j'appartiens. Je sais que c'est bête, mais je ne supporte pas de rester plus d'une semaine avec quelqu'un, homme ou femme, sans avoir l'impression d'étouffer. Je n'ai même pas d'ami, juste quelques sex friends en cas d'urgence. Le reste du temps je bulle dans le premier bar sur ma route, jusqu'à ce que quelqu'un me ramasse. J'aime cette vie, sans attache, sans contrainte, je ne me souviens même plus du visage de ma mère, c'est pour dire. Et ça ne fait que cinq ans que j'ai quitté le cocon familial sous les injures de mon beau-père, qui aurait bien aimé me ramasser. Je souhaite à ma mère d'être heureuse, mais qu'elle ne compte pas sur moi pour passer à la casserole à sa place. Je sais que c'est ce qu'elle désirait, les hommes la dégoûtent, je suis moi-même le fruit d'un viol, et elle me l'a toujours fait savoir. Peut-être attendant-elle que je me sacrifie pour elle, mais je n'ai aucune intention de me soumettre à qui que ce soit.

J'ouvre les yeux, je ne suis pas chez mon squat en date. Je sens un poids sur mon torse, une femme ou un homme? Léger redressement, femme. Étonnant ces derniers temps je préférais les hommes, tant pis, j'espère jste que mes affaires sont quelque part chez cette personne, quelque soit son nom. Phase de réveil, pas très glorieux, je dois l'admettre. Ma « compagne » qui s'élève et se dirige vers la douche ne semble pas s'apercevoir de ma présence. Elle se fige, me regarde, je la vois se rappeler la veille, tant mieux elle me l'expliquera, que j'ai enfouit dans ma mémoire. Je suis en manque. Il n'est pas encore midi, il me faut de l'alcool. Et il m'en faut vite. Je regarde à peine la fille me crier dessus d'un air hargneux, je comprends pourquoi en trouvant une photo d'elle avec un homme qui me ressemble vaguement. Je finis par trouver le bas, attrape une bouteille et la descend cul sec à même le goulot. Mon corps se réchauffe, une douche maintenant, je trébuche sur mon sac et, dans mon brouillard, me réjouit de l'avoir amené. Je colonise la salle de bain, me récure de la tête aux pieds puis retourne voir la fille. Elle veut que je dégage. Je tends la main, paume vers le haut. Elle me donne 300 euros. Je quitte l'appart.

De nouveau seul, je remonte la grande avenue ou elle habitait. De l'autre coté de la rue, un bar, j'ai la flemme de traverser, je continue. Il n'y a rien dans ce quartier, rien qui pourrait intéresser les personnes que je recherche. Au loin, j'aperçois néons et lasers, plus prometteurs mais trop éloignés. Je finis le trajet en stop, un mec a accepté de me déposer du côté des boîtes malgré son inquiétude. Enfin, je me retrouve dans mon univers, j'entends la musique sourde qui filtre des carrés de danse, se mélangeant au bruit de la ville. Assis à une table, je regarde les gens se déhancher sur la musique techno qui me déchire les tympans. J'ai une migraine carabinée. Plusieurs types me draguent, mouais, c'est pas mon genre, je continue à boire car c'est ce que les autres font, parce que j'en ai besoin. Je ne vois plus clairement , j'entends comme à travers un voile. Je pense être ivre,, non, pire que ça. J'ai atteint le point limite. Je me sens partir, tomber de ma chaise, les cris des gérants de la boîte ne me réveillent pas. Le noir.