Mes yeux se perdirent sur les rues de Paris étouffant dans une nuée noire de poussière et de gaz, engloutissant les dernières bâtisses et voitures qui étaient encore à portée de vue à cette distance. Bientôt, les derniers cris qui pouvaient parvenir à mes oreilles s'éteignirent. Un rictus se forma sur coin de mes lèvres.

« La vue te plait, Chat ? »

Je tournai la tête alors qu'un homme de grande taille se faufilait à ma gauche pour jeter un regard dédaigneux sur le chaos se déroulant sous nos pieds, appuyant sa main sur mon épaules pour m'interpeller.

« Purr être un peu trop, cette foutue ville ne l'aura jamais trop peu mérité. »

Hawk Moth rit de bon coeur avant de lâcher la prise de ses doigts sur mon épaule pour s'approcher de la baie vitrée qui nous séparait de Paris. Ses yeux bleus semblaient pétiller à la vue des immeubles détruits et écrasés au sol, encerclés par un halo de débris et de cadavres ensanglantés.

« Tu as raison, Chat. Je savais que tu finirais par rejoindre mes rangs à un moment donné, que tu comprendrais enfin mon ultime but.

- Je n'étais qu'un idiot pour m'imaginer avoir une chance de combattre l'inévitable. La destruction de ce monde est nécessaire pour la survie des êtres humains. »

Je me suis affalé sur le sofa dans mon dos, glissant mes jambes dessus pour m'allonger confortablement, croisant mes bras derrière mon crâne et détaillant avec insistance la paix durement acquise s'installant sur les ruines de notre chère capitale.

« La ville est notre désormais, mais ce n'est aujourd'hui plus qu'un pion dans l'échiquier. Nous allons devoir répandre notre parole à travers le reste du monde, maintenant que je détiens la quasi-totalité des Miraculous.

- As-tu capturé nos deux autres "héros" ?

- Evidemment. Ils étaient exactement là où tu nous les a livrés. »

J'ai ricané, essuyant du bout des doigts une poussière qui s'était glissée sur mon épaule.

« Il faudra faire passer des troupes dans les rues pour qu'ils se chargent de nettoyer les derniers survivants, si tu veux voir ce que je veux dire. »

Mes yeux se sont illuminés quand j'ai prononcé ces mots, et Hawk Moth ne répondit que par un signe de main à l'un des nombreux pantins alignés contre les murs pour lui indiquer la porte.

« J'aime ta manière de penser, Chat. Vous, obéissez. »

Les choses dénués de volonté sortirent à petit trot de la salle, comme une rangée de petit soldats bien entraînés partant vers une mort assurée alors que leurs yeux ne montraient pas un signe de résistance.

« Par ailleurs, je suppose que tu voudrais voir tes petits camarades ?

- Quelle joie d'enfin les retrouver~ »

Alors qu'il claqua des doigts, une autre des marionnettes rentra dans la salle en maintenant fermement ses deux mains sur d'épais cordages. Complètement privés de tout mouvements, Alya et Luka tombèrent au sol violemment après que celui-ci les jetèrent en avant dans un bruit sourd.

Tous les deux étaient couverts de bleus, de cicatrices couvrant leurs visages sans masque. Rena Rouge et Magma Doll. Je suppose que l'année passée n'avait pas été la plus joyeuse pour deux justiciers pensant être du côté du "bien".

« C-Chat... »

Alya s'agita, elle gémit mon nom d'un souffle d'espoir. J'avais vu ses yeux pétiller en entrant dans la salle, on dirait bien qu'elle espérait que je les sauve. Pourquoi ne pas entrer dans son délire ?
Cependant, à sa droite, Luka me foudroyait tout simplement du regard, détournant rapidement le visage lorsque mes yeux se posèrent sur lui. Il devait avoir tellement honte de s'être laissé faire capturer et humilier de la sorte en face de son propre rival de toujours.

« Est-ce que tu peux me laisser seul avec eux ? »

J'ai regardé l'homme à ma droite qui avait croisé ses bras dans son dos de contentement, et qui aussitôt engagea le pas pour sortir de la pièce sans un mot. La porte se ferma derrière lui, il n'y avait désormais plus que ces deux larves s'agitant au sol et moi dans un silence pesant qui m'enchantait.
J'allais définitivement jouer le jeu.

« Alya, Luka ! »

Posant un masque métaphorique sur mon visage de marbre, je me suis jeté vers eux à genoux en posant mes deux mains sur leurs visages balafrés avec toute la pitié du monde.

« Je suis désolé, tellement désolé, est-ce que vous allez bien ? »

Luka haussa un sourcil lorsqu'il me vit changer de visage si vite. Je n'appréhendais pas sa réaction. Il était celui qui doutait le plus mais également le plus idiot d'entre nous.
Un souvenir me revint. La nuit précédant ma fuite avec Hawk Moth, nous avions été bons compagnons. Il avait essayé d'être sympathique avec moi. À quoi cela servait-il de se rappeler cela ? Les souvenirs ne pouvaient que polluer ma mission, maintenant.
Tout cela s'annonçait excellemment amusant, de toute manière.

« I-Ils nous ont fait subir tellement d'horreurs... »

Alya avait commencé à parlé, je notai que sa voix était rauque et sèche. Je me suis écarté d'eux pour pivoter dans leur dos, mimant de détacher les liens d'Alya tout en gardant un œil sur leurs deux visages tordus par la douleur et leur position inconfortable.

« Chat, tu as vraiment… Fais semblant de rejoindre leurs rangs ? »

Luka avait hésité à poser cette question, et je lui ai sourit en lui donnant une tape amicale sur le dos.

« Evidemment, je ne pouvais pas les laisser capturer les seuls amis que je n'ai jamais eu !
- J'ai entendu dire que tu avais assisté à la mort de Marinette... »

Mon masque tomba immédiatement lorsque le nom de Marinette traversa ses lèvres. Ce coeur étranger dans ma poitrine fit un pincement que je n'aimais pas du tout et qui me mit dans une colère noire.

Je l'attrapai d'une main par le col, laissant tomber mon jeu ou tout autre Chat Noir que j'avais voulu leur faire croire que j'étais, rapprochant mon visage extrêmement proche du siens pour lui murmurer dans l'oreille des menaces non camouflées.

« Ne parles plus jamais de Marinette si tu tiens à ne pas te faire torturer si douloureusement que tu me supplierais de te laisser mourir. »

À ces mots, je le jetai violemment contre un mur qu'il percuta à pleine vitesse. Son visage s'était figé dans une expression horrifiée qui me fit ricaner alors que je me relevais. Basculant en arrière, j'ai appuyé ma main contre le sofa et ait rit plus fort que je ne l'ai jamais fait. Cette expression, cette douleur, c'est exactement ce que j'avais toujours voulu voir gravé sur leurs expressions de pestes. Ils n'étaient que des cloportes rampant à mes pieds.

Si faibles, si fragiles. Sans leurs Miraculous ils n'étaient rien. Pas importants, pas nécessaires. Juste des idiots qui pensaient que je n'avais pas changé en un an.

« T'es malade putain ! »

Alya était terrifiée alors que ses yeux n'arrivaient visiblement pas à se détacher de moi, elle essayait de s'éloigner en s'agitant là, au sol.

Je me suis aussitôt rapproché d'elle et ait écrasé l'une de ses jambes sous mon pied. Un cri de douleur traversa ses lèvres alors que j'enfonçais ma semelle plus fort encore dans sa chaire.

J'ai prit un ton léger tout en appuyant mes mains aux côtés de ma taille.

« Ca a été dûr d'être un super héros sans leader, n'est-ce pas ? Ne vous en faites pas, maintenant vous n'aurez plus à vous soucier de tout ça. Votre seule occupation sera de souffrir. »

Un craquement sourd atteint mes oreilles. Alya convulsait lorsque sa voix se brisa, éclatant en un gémissement de douleur pur sous les yeux terrifiés de son ami aux cheveux bleus.

Les larmes coulaient de ses yeux sans pause entre ses bégaiements. Elle était si minable.

« Maintenant, dites moi. Où est le Miraculous de la coccinelle ? »

Seules les plaintes d'Alya brisèrent le silence faisant suite à ma question. J'ai regardé Luka, le transperçant du regard. Je le vis murmurer quelque chose que j'ai pas réussi à entendre, mais mon petit doigt me disait qu'il venait de m'insulter.

« T'as dis quoi, le punk ? »

Je me suis précipité sur lui en trombe, agrippant son cou d'une main et le soulevant du sol pour le laisser suffoquer à ma merci.

« Je ne vais répéter ma question qu'une seule fois. »

L'étreinte de mes doigts sur sa gorge se renforça, il tentait désespérément de se libérer alors que son visage grimaçait dans un appel d'air constant.

« Où. Est. Le. Miraculous.

- On l'a pas ! »

Alya s'était époumonée, sans doute pour sauver son très cher Luka à l'autre bout de la salle. J'ai aussitôt relâché sa gorge, et son corps flasque retomba dans un bruit sourd au sol accompagné d'un gémissement de douleur. Du coin de l'oeil je le voyait, asphyxié, reprenant son souffle avec peine entre deux quintes de toux. Mais mon regard était plus concentré sur la respiration haletante d'Alya et sur les mots qu'elle venait de prononcer.

« Explique.

- On… On l'a pas retrouvé, il a disparu après qu'elle... »

Un simple signe de main de ma part la fit taire, et elle déglutit sa salive avec peine.

« C'est tout ce dont j'avais besoin de savoir. »

Un simple coup dans la mâchoire de Luka le fit s'évanouir au sol alors qu'il s'était à peine rétabli de ses suffocations. Je me chargerais moi même de leur mort juste après ça.

En me tournant vers Alya, celle-ci me bégayait et me suppliait de la laisser en vie.

« A-Adrien, tu peux pas nous éliminer comme ça ! Rappelle toi quand nous travaillions ensemble, tous les quatre ! »

Je me suis stoppé dans mon mouvements et détournai les yeux. À quoi bon l'écouter me servirait ? Mais mon corps refusait de bouger pour une raison inconnue.

Elle a dû le remarquer, j'ai sentit son ton beaucoup plus assuré et doux à la suite de ces mots.

« Tu te rappelle la première fois qu'on s'est rencontrés, au collège ? Marinette te détestait à cause de Chloé, et pourtant on est tous devenus amis. Elle a eu un crush énorme sur toi pendant longtemps… »

Le pincement au coeur revint. Je revoyait le visage souriant de Marinette la dernière fois… La dernière fois que je l'avais vu sourire, sur le sommet de la Tour Eiffel, pour notre rencard. Cela faisait plus d'un an maintenant.

« Arrêtes. »

Je me suis mordu la lèvre. Ma tête me faisait mal, je ne voulais pas me rappeler d'elle. C'était trop douloureux. Son corps étalé dans son propre sang, sur cette foutue route un jour d'été. Je ne voulais pas me rappeler de ça.

« À chaque fois qu'elle voulait te parler, elle devenait tellement étourdie et timide ! Au final, à chaque fois qu'elle essayait de faire un pas vers toi, elle avait l'impression d'en faire dix en arrière. Elle t'aimait vraiment, tu sais. »

Je me suis retourné rapidement, je sentais mon corps entier me lâcher, comme si un tambour frappait dans mon crâne sur ces mots : "elle t'aimait". Plus fort, plus fort encore maintenant. J'ai crié, revoyant le visage de Marinette baigné de ce liquide cramoisi puant la mort.
Quand j'ai rouvert les yeux, elle était là. Son visage, ses visages, elle m'encerclait. J'ai haleté, me retournant brusquement pour chercher la silhouette d'Alya. Je n'étais pas seul à la voir, pas vrai ? Mais Alya avait disparu, il n'y avait que Marinette à sa place allongée sur cette route cimentée. Les gens me regardaient autour de moi, ils s'attendaient à ce que je la sauve, pas vrai ? C'était mon rôle. Sauver les gens. Je suis Chat Noir.
Mais elle était morte. Elle était morte.
Je me suis relevé, et un vertige m'attrapa avant que je ne puisse faire un geste me faisant lamentablement retomber au sol lourdement.

« Elle est morte ! »

Je voulais que tout cela cesse, j'avais crié ces mots dans l'espoir de me convaincre moi-même. Est-ce qu'elle l'était vraiment ? Elle était pourtant tout autour de moi. Je l'entendais rire alors que je couvrais ma tête dans mes propres bras.
Les rires s'atténuèrent dans le bruit d'une porte enfoncée et de plusieurs voix criantes qui m'encerclaient. Je n'arrivais pas à comprendre ce qu'elles disaient, tout était si trouble.

J'ai senti une vive douleur s'injectant dans mon épiderme, et mon corps entier devint si lourd en l'espace d'une seconde que je suis me suis simplement étalé en abandonnant le peu de force qui traversait encore mes bras. Il n'y avait plus de Marinette, plus de Ladybug, seulement le noir et une voix résonnant dans ma tête.

« Bien joué, Chaton ! »

Je me suis soudainement redressé en ouvrant grand les yeux, regardant tout autour de moi. Où étaient Alya, Luka ? J'étais seul, sur ce canapé, dans cette même grande pièce. La nuit battait son plein bien que les étoiles dans le ciel se cachaient sous un épais nuage de fumées et de flammes.
Il ne suffit que de quelque secondes à observer l'extérieur pour que j'entende Hawk Moth rentrer dans la pièce. Il semblait… Contrarié.

« Adrien. Tu as failli. »

Je l'ai fixé pendant quelque secondes droits dans les yeux. De quoi parlait-il ?

« Tu t'es montré faible face à tes sentiments, face à cette justicière. Ne t'en fais pas, j'ai pris soin de les éliminer tous deux. Mais au futur je te conseillerais de supprimer tes émotions. T'ont-ils dit quoi que ce soit d'utile concernant le Miraculous de la coccinelle ? »

Je me suis relevé, prenant note mentalement de ses remarques. Je ne me rappelais de rien mais si je tenais à rester à ma place actuelle je devais obéir. En posant une main sur la grande baie vitrée donnant sur la ville en ruine, j'ai soupiré.

« Ils n'avaient aucune information. Rien. Le kwami Tikki aurait disparu après la mort de sa détentrice.
- Je vois. »

Il se retourna pour me faire dos.

« Viens, je vais te présenter tes nouveaux coéquipiers. Je tiens à ce que tu les entraînes personnellement pour faire face à des situations de terrain difficiles, ainsi nous couvrirons une plus grande marge de recherche. Qui sait où ce Kwami a pu aller après tout. »

Il fit un pas en dehors de la pièce, et je le suivit en silence.

Nous arrivâmes dans une autre pièce décorée, à peine plus grande que l'ancienne.
Il y avait là 16 personnes qui semblaient avoir globalement la vingtaine, ils étaient tous assis quelque part, vaquant à leurs occupations. Ils tournèrent tous le regard quand Hawk Moth entra dans la salle tout en me dévisageant de la tête au pied. J'avais l'impression d'être épié, mais je gardais la tête froide.
Seize "nouveaux coéquipiers". Seize gamins entraînés dans une guerre qui ne les concernaient qu'à peine. Est-ce qu'ils avaient déjà tués? Est-ce qu'ils avaient déjà vu un mort, déjà ? Tant de questions qui ne trouvaient réponse dans ces visages perplexes. Ils n'étaient pas prêt, c'était si clair.

« Bonjour à vous tous, détenteurs des Miraculous. Nous sommes ici tous au grand complet. »

Hawk Moth dévisagea ma réaction impassible du coin de l'oeil. Il semblait vraiment que j'étais le centre d'attention.

« Nul besoin de vous présenter Adrien, je suppose que vous connaissez tous très bien le détenteur du Miraculous de destruction. Maintenant, vos pouvoirs vous on déjà été répartis. Vous suivrez un entraînement sévère avant de finalement pouvoir être envoyés en mission sur le terrain. Nous devons à tout prix récupérer le Miraculous de la coccinelle dans les plus brefs délais, et vous vous doutez bien qu'aucun gouvernement ne nous laissera faire. »

Un silence de plomb suivi son discours tandis que tous acquiescaient solennellement. S'en suivi un demi-tour, et Hawk Moth sortit de la pièce en nous laissant seuls tous ensemble.
Tous retournèrent à leurs occupations, je les dévisageaient un par un. La tortue, le renard, l'abeille, le paon, le lapin, la souris, le boeuf, le tigre, le dragon, le serpent, le cheval, le bélier, le singe, le coq, le chien, le cochon. Je n'avais jamais vu autant de détenteurs de Miraculous là, dans une seule pièce, obéissant à une seule et même personne. Cela me donnait des frissons dans le dos de faire face à tant de pouvoirs en même temps. L'idée d'être le plus puissant d'entre eux me fit esquisser un sourire mesquin.
Pourtant, ils étaient tous si jeunes. Quel âge avait cette gamine ?
"Cette gamine". Elle jeta un regard timide vers moi, par dessus son téléphone. Je vis ses joues rougirent de gêne avant qu'elle ne se mette à furieusement taper sur son clavier virtuel. Je me suis approché d'elle.

« Toi, petite. T'as quel âge?
- "toi" elle a un nom, je te signale. »

Elle me tira la langue avec un regard furieux, mais la couleur vive de ses joues trahissaient son intimidation.

« Désolé. Comment tu t'appelles, "toi" ? »

Elle ricana avant de verrouiller et ranger son téléphone dans sa poche, restant cependant appuyée contre son mur. Elle faisait deux têtes de moins que moi, courts cheveux blonds, elle devait être si jeune.

« Appelle moi Lys, et j'ai quatorze ans. »

Elle tendit sa main vers moi, souriante, et j'ai souri en retour tout en fronçant les sourcils. Elle était beaucoup trop jeune, qu'est-ce qu'elle foutait là ? Je lui ai rendu sa poignée de main avant de rapidement porter ma main au collier qu'elle portait.

« Miraculous du l'Illusion ?
- Il appartenait à une de tes amies, non ? »

J'ai essuyé une goutte de sang sur le bord du médaillon avec mon pouce.

« Je n'ai jamais eu d'amis.
- Peut être que tu peux t'en faire maintenant, on est seize dans la même galère après tout ! »

J'ai perdu mon sourire et l'ai regardée droit dans les yeux.

« On est pas dans un camp de vacance. Oublie tes idées "d'amis" ou je sais pas quoi.
- Arrêtes de parler comme un adulte, ça te va pas. »

Je vis ses joues gonfler et j'ai détourné le regard.

« Je suis un adulte, c'est normal.
- T'es Chat Noir, t'es censé être marrant !

- Est-ce que tu sais où tu te trouve au moins ? »

Elle baissa les yeux en croisant les bras sur sa poitrine inexistante.

« Evidemment que je sais. Mes parents sont morts depuis plusieurs jours, je les détestaient de toute façon. J'en ai marre de donner tout aux gens qui le méritent pas et je m'en fiche de mourir ici. Et puis si on gagne au moins je serais, genre, reine du monde ou j'sais pas. »

Elle avait donc un passif similaire au miens. Plus d'amis, plus de famille, plus personne à part ce vide en elle qui n'en finissait pas. Un silence fit place sous le léger brouhaha des discussions.

« Tu as parlé aux autres ?
- Pas vraiment. Je les connais pas. Mais il y a cette fille là, c'est ma cousine, elle est cool ! »

Je me suis pincé les sinus entre pouce et index, soupirant à nouveau. Qu'est-ce qu'elle faisait là, déjà ? Elle avait vraiment l'air d'une enfant. Je me suis tout de même retourné vers la fille qu'elle pointait du doigt : Miraculous de la Catalysation, accentue le pouvoir de ses alliés. Son bracelet panja pendait sur sa main pâle qu'elle agitait à droite et à gauche tout en discutant. Elle était entourée de plusieurs autres personnes aux parures différentes, tournant la tête vers moi à intervalles irréguliers timidement. Elle était encore jeune, elle aussi, dans la vingtaine je dirais. Peut-être un peu frêle, ais-je pensé pour moi-même.

« Elle s'appelle Abigail, on a le même nom de famille.
- Ecoute, c'est bien mignon mais on est là pour tuer des gens, pas pour jouer à la petite famille parfaite avec ta cousine. »

Elle me regardait de travers quand je m'éloignai d'elle pour aller au centre de la salle. Il fallait que j'attire l'attention de tout le monde, maintenant. Vilains ou Héros, nous sommes une équipe et on allait devoir tous apprendre à se connaître si l'on voulait parvenir à notre but commun.
J'ai tapé dans mes mains à trois reprises pour quémander le silence qui fut immédiat, c'était presque s'ils n'attendaient tous que cela.

« Salut tout le petit monde ! »

J'ai souris -hypocritement- à quelque uns d'entre eux, balayant mon regard sur tous les miraculous réunis.

« Ecoutez, si on doit travailler ensemble je préférerais qu'on apprenne à se connaître avant. Alors on va tous se présenter les gars, c'est compris ? »

Ils acquiescèrent dans un silence pesant qui me donna un frisson dans le cou. Cette autorité me rendait assez mal à l'aise, j'allais devoir m'y habituer très rapidement si je ne voulais pas perdre la face devant cette armée d'authentiques poissons rouges béants.
En voyant le monde qui m'encerclait, je sentais que l'heure prochaine allait être très longue.

J'ai baillé une énième fois, frottant mon oeil du poing en griffonnant le dernier nom de la liste sur le papier. « Fanny Fournier, Miraculous du Souffle - Daizzi ».

« Très bien, merci tout le monde. Maintenant on fait une pause, d'accord ? Vous avez la journée pour vous. On se retrouve demain dans la salle d'entraînement à l'aurore. »

Je les vis tous défiler, ces personnes aux noms que j'avais à peine retenu. Lys resta la dernière dans la pièce, me détaillant de la tête aux pieds, appuyé contre mon mur.

« Qu'est-ce que tu veux ?
- Tu te sens jamais seul ? »

La question me surprit. C'était tellement aléatoire. J'ai détourné les yeux en croisant mes bras sur mon torse.

« Dégage, maintenant. »

Elle ne se fit pas prier, se hâtant vers la porte de sortie dès qu'elle me vit froncer les sourcils. La porte claqua, j'étais finalement seul. Seul, moi et mes pensées.
Pourquoi avait-elle demandé ça si soudainement ? Est-ce que j'avais l'air d'être seul, d'abord ? Je me suis rapproché d'une fenêtre en soupirant, posant mes doigts sur la vitre poussiéreuse. Plagg s'échappa de ma bague en un instant, et flotta au dessus de ma tête.

« J'espère que tu es fier de toi, Adrien.
- Si tu veux savoir, je suis extrêmement fier. »

J'ai ricané, je savais que ça le blesserait. Lui qui avait combattu le mal pendant toutes ces années, il était maintenant à mon service. Le miraculous de la Destruction, la malchance, le malheur. C'était sa faute, tout était sa faute. Il m'avait choisi et il le regrettait amèrement maintenant.

« Tu ne peux pas continuer comme ça ! Tu es un gentil, un super héros !
- J'ai jamais rien demandé, moi. Et c'est ta faute, c'est toi qui t'es enfui ! Tu as pris la bague avec toi et tu as essayé de t'échapper pour me laisser seul sur ce toit de merde, t'es juste allé au pire endroit. Evidemment que tu étais parti retrouver les autres miraculous. Tu es prévisible.
- Adrien, je-
- Ferme la maintenant ! »

J'ai envoyé coup en revers de main au Kwami qui s'affala au sol dans un couinement de douleur. Après un regard déçu jeté sur ma personne, son corps se dématérialisa pour rentrer dans la bague, à mon plus grand soulagement.
Je me suis retourné, et suis sorti de la pièce en silence.
Lys était toujours dans le couloir, plantée devant la porte. Elle avait tout entendu.

« Tu as perdu espoir quand Ladybug est morte, c'est ça ? »

J'ai baissé les yeux. J'étais fatigué de devoir jouer avec le masque de celui qui n'en a rien à foutre. Ladybug, elle… Elle est morte. Morte.
Je l'ai ignorée, et suis silencieusement parti de l'autre direction sous son regard insistant. J'ai cru y déceler de l'accusation tout en m'éloignant, penaud.