UN AN PLUS TÔT,
Il n'y a encore personne sur l'estrade mais je n'arrive pas à me calmer. Je suis nerveuse car aujourd'hui est un jour spécial. Je vais recevoir mon diplôme comme la plupart des autres jeunes aux toges rouges rassemblés autour de moi.
Je sais que mes parents sont quelques part par là, dans l'auditorium, mais du sixième rang ou je me suis installée en espérant passer inaperçu, je ne voit que des toques rouges et des pompons dorés.
Puis vient le moment où le Président de l'Université sort des coulisses sous les applaudissements de la foule. Lorsqu'il est fin prêt, il sourit, balaie la foule du regard et se lance dans un discours brillant et plein d'esprit.
Une fois le discours terminé, j'ai le cœur dans la gorge. Je sais que le moment arrive où ils vont enfin entamer le long et fastidieux processus de la remise des diplômes. On est plus de quatre cents étudiants et un bon quart d'heure s'écoule avant qu'on ne m'appelle. Les applaudissements éclatent lorsque j'avance vers l'estrade et je serre la main que me tend le Président de l'université.
- Félicitation Mademoiselle Carpenter !
Je jette un regard dans l'assistance, Colin se tient aux côté de mes parents et m'adresse un regard fier et chaleureux. L'un des quatre vice-présidents me remet ma licence d'histoire et me serre la main tandis que le photographe officiel immortalise ce moment.
Une fois descendue prudemment de l'estrade, je reçois les félicitations et encouragements de mes anciens professeurs et camarades de classe.
La salle est toujours bondée, et mes parents n'ont pas bougé de place. A l'instant où nos regards se croisent, ma mère agite la main tandis que mon père descend les quelques marches pour me rejoindre.
Il tient fermement mes épaules et m'embrasse le front ce qui a le chic de me surprendre. Mon père n'a jamais été très démonstratif affectivement et je me rend compte que c'est tout simplement sa façon à lui de me montrer qu'il est fier de moi.
- On prend une photo pour l'album de famille ? demande ma mère en tirant l'appareil photo de son sac.
- Oh, non... Pitié !
- Contente-toi juste de sourire !
Je lève les yeux au ciel tandis que ma mère me mitraille avec l'appareil.
- Celle-ci est bien ! On pourrait l'envoyer à ton grand-père... dit-elle en me montrant l'écran. Qu'est ce que tu en pense Michael ? ajoute-t-elle à mon père quand elle voit mon air réticent.
La réception est pleine a craqué d'étudiants, de parents d'élèves et professeurs qui bavardent joyeusement. Mon père me tend une coupe de champagne, ou plutôt de mousseux bas de gamme, tiède et trop sucré.
J'ai profité du trajet en voiture pour ôter ma toque et ma toge, avec cela je me sentais un peu tarte. La soirée est organisé dans un hôtel assez grand pour accueillir ce genre de manifestation. Des portiques de ballons bleus et argentés ont étés installés, et des nappes assorties ornent les tables. Au centre de la salle, une piste presque vide en son milieu, où deux couples évoluent avec élégance.
- Hé, Cassie !
Je me retourne et voit Colin qui nous rejoint. Il me prend dans ses bras, mes pieds décolles du sol, et me fait tournoyer sans faire renverser une seule goutte du nectar. Quel exploit ! Ma tête me tourne légèrement.
- Félicitations.
Il m'embrasse et je sens mes joues virer à l'écarlate. A-t-il seulement remarqué que mes parents se tiennent la, immobiles, devant nous ? Enfin, il me pose prudemment sur mes pieds et salut mes parents.
- Renée, Michael, murmure-t-il.
Ma mère le serre dans ses bras. Elle apprécie Colin, d'abord parce qu'il est mon premier petit-ami et qu'elle espère qu'il fasse un jour parti de notre famille, mais aussi parce que son père est le PDG d'une très grande entreprise publique de réseau électrique. Autrement dit, il roule sur l'or. Mon père, lui, se contente seulement d'une poignée de main puis d'une petite tape plus ou moins brutale sur l'épaule.
Alors que je fais mine d'admirer les décoration, Colin se retourne et me dévisage.
- Tu es ravissante. Cette robe te va bien.
Je rougis sous les regards amusés de mes parents. Mais ça ne l'arrête pas pour autant, puisqu'il me caresse la joue du bout des doigts. Et me voilà incapable d'articuler un mot.
- Et toi tu as une très belle cravate, dis-je difficilement.
Il me sourit, il a cette petite étincelle d'excitation dans ses yeux verts qui scintille. Quelques mèches cuivrées et bouclées lui retombent sauvagement sur le front. Il porte un smoking qui rend encore plus irréelle sa splendeur.
Quelques personnes nous rejoignent pour nous saluer. Mon père s'engage dans le débat de deux de mes anciens professeurs sur les internements des Nippo-Américains durant la Seconde Guerre Mondiale, après Pearl Harbor. Le sujet paraît captivé ma mère mais je devine qu'en ce moment elle se
demande à quel genre d'animal ressemble ces ' Nippos '.
Colin caresse mon dos de son pouce, ce qui déclenche des frissons partout sur mon corps et me hérisse les poils. Puis il pose son bras sur mes épaules et me murmure :
- Tu restes prendre un verre ?
Mes parents, un vice-président, et les deux professeurs me fixent des yeux tandis qu'il attend que je lui réponde.
- Mes parents ont prévu quelque chose pour le reste de la soirée.
- Chérie, intervient ma mère, c'est ton grand jour. Tu fais ce que tu veux !
J'hésite. Je sais que je devrais profité de la soirée en famille mais il me scrute avec tant d'insistance. Papa attend ce jour depuis ma naissance mais il ne paraît s'intéresser en ce moment même qu'au Décret Présidentielle 9066 établit par Roosevelt... Mais j'ai déjà pris ma décision. Je passe mon bras sous celui de mon petit-ami, échange un regard bref mais reconnaisssant avec ma mère et nous traversons la foule dans la chaleur du soir.
Lorsque nous passons devant la grand baie vitrée, je ne peux m'empêcher d'admirer le reflet de nos deux silhouettes et comprend mieux le regard des autres. Nous sommes tout les deux sur notre trente et un et avons l'air du couple parfait. Lui, élégant dans son costume noir, tenant fièrement a son bras, une jeune femme a la peau ivoire dans une robe d'un bleu sombre. Assez raffinée mais toujours sobre.
Il pleut pour mon plus grand malheur. Colin compte jusqu'à trois et nous nous ruons jusqu'à une Volvo rutilante noir, cadeau de son père pour son dernier anniversaire. Une fois dans l'habitacle, je me frictionne les bras. Je suis gelée et avec toutes ses émotions je n'ai même pas pensé à prendre une veste. Idiote !
Colin met en route le chauffage et au bout de cinq minutes, je commence à me détendre. Il sort de la poche intérieur de sa veste, une petit flasque qu'il boit d'un trait et la jette sur la banquette arrière.
- Tu sais que c'est pas très prudent...
- Tu connais quelqu'un de plus prudent que moi ?
- Ah ah...
Ce n'est pas une question, c'est de la frime ! Il sourit et met le contact.
Une fois sortit du parking il prend la route départementale. Je ne sais pas ou il m'emmène. J'ai cru comprendre que c'était une surprise. Par le hublot de la fenêtre, j'aperçois une lune pleine et blonde.
Colin décide de couper à travers les bois en prenant un chemin très peu fréquenté. C'est sûrement pour cette raison que nous avançons à une vitesse folle sur cette route de forêt sinueuse. Je suis sur le point de lui demander de ralentir quand je vois une silhouette immobile au milieu de la route. Trop choquée pour crier quoi que ce soit, je serre aussi fort que je peux le bras crispé de Colin. Paniqué, il fait deux tours de volant brutes et rapides pour éviter de renverser le piéton. La voiture dévie de la route et je suis tétanisée. J'attends l'impact. Je sais que nous allons nous écrasé contre cet arbre, que nous n'avons même pas une infime chance de survivre.
Je me réveil dans le noir. J'essaie de me redresser mais mon corps ne me répond plus. Mon Dieu je crois que je suis morte ! Mais la mort ne peut pas être aussi désagréable.
Je sens un liquide chaud faire son chemin jusqu'à ma paupière. J'ai mal quelque part, mais je ne sais pas où. Peut-être de partout. Je suis étendue sur quelque chose d'humide, de dur et qui ne sent pas bon. Du goudron. Soudain, un cri d'effroi déchire mes ténèbres. Une voix qui me paraît si affolée et lointaine. Je crois que c'est celle de Colin, mais je ne suis pas sûre. Je ne me souviens pas l'avoir déjà vu effrayé. Il me demande de rester avec lui. J'ai envi de le réconforter, lui dire que je n'ai nul part ou aller mais aucun son ne sort de ma bouche. Et la douleur est maintenant trop vive à ma jambe gauche pour être supporter.
Je crois que c'est à ce moment là que je perd connaissance.
