28/08/11
Bonjour à tous (toutes) !
Pour cet OS, j'ai d'abord écrit quelques mots et la suite est venue d'un coup, ou presque. Je suis moi-même étonnée de voir ce que mon cerveau arrive à produire en ce moment ! Ça doit être ce qu'on appelle l'inspiration... j'aime ça ! ^^
En l'occurrence, voici presque 9 000 mots pas vraiment joyeux, même si ça peut se voir comme un happy end (sort of).
Avertissement 1: UA à partir du tome 6. Voldemort n'a pas d'Horcruxes. Les Reliques de la Mort n'existent pas.
Avertissement 2: slash/yaoi
Avertissement 3: /!\ relation sexuelle explicite /!\ [faut croire que quand on a écrit un premier lemon, on ne peut plus s'en passer n.n]
Disclaimer : Harry Potter appartient à J.K. Rowling
Bonne lecture :)
Aujourd'hui, jour comme un autre, ou presque. Je me lève de ma chaise où je m'étais endormi au matin et me mets à marcher, ou plutôt à me traîner jusqu'au salon du 12 Square Grimmaurd où je suis confiné depuis ce jour-là. Je shoote dans ce qui s'avère après coup être un tesson de bouteille si j'en crois la douleur qui envahit mon pied et la sensation d'un liquide visqueux glissant le long de mon orteil. Tant pis. Je m'en préoccuperai plus tard. Quand j'en aurai la force, et l'envie. De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais envie de quoi que soit depuis un moment. Je m'installe dans le canapé et ouvre la première bouteille à ma portée. Du gin. Parfait. Ça faisait longtemps que je n'en avais pas bu, ça me changera. Alors que le précieux liquide entame sa course le long de mon œsophage, je ferme les yeux. Ce n'est pas encore assez fort. Assez fort pour tout effacer. Surtout aujourd'hui.
Pendant les heures qui suivent, de temps en temps un sursaut de conscience arrive à se frayer un chemin dans mon esprit, et se ramène à mon bon souvenir. Je sais à quel point je suis pathétique et désespéré. En même temps, comment pourrais-je ne pas l'être alors que Voldemort a gagné sa précieuse Guerre et domine le monde entier dans son Empire de terreur et de désespoir ? Tel que je l'imagine. Comment ne pourrais-je pas être prostré et meurtri alors que j'ai vendu mes amis et tout ce à quoi, tous ceux à qui je tenais pour mon propre bonheur ? Ironique, n'est-ce pas ? Et tout ça pour quoi : pour finalement avoir été humilié et bafoué car la raison pour laquelle j'ai fait ça m'a ri au nez. M'a ri au nez alors que les cadavres de mes amis étaient encore chauds à mes pieds ! Le sentiment qui s'est emparé de moi à ce moment n'est comparable à aucun autre et reste gravé en moi à chaque instant, comme un châtiment perpétuel marqué au fer rouge : un mélange de colère et de tristesse face à sa trahison, combiné à la culpabilité. Cette culpabilité qui me ronge chaque putain de jour où je vis et respire et que eux ne sont plus là. Que eux sont en train de croupir six pieds sous terre depuis cinq ans maintenant, sans même une sépulture décente. Que leur absence me fait regretter mon geste à chaque minute, à chaque seconde. Alors voilà pourquoi je tente d'oublier. Oublier ma lâcheté, ma connerie. Oublier qu'il m'a promis monts et merveilles. Oublier que je l'ai cru. Naïve jeunesse ! J'y croyais encore à l'époque. A toutes ces conneries que Dumbledore m'avait inculqué. Sur l'amour. Celui de ma mère. Celui de mes amis. Celui de ma famille de cœur. A quoi sert-il maintenant ce putain d'amour ? Alors que celui pour qui j'ai tout donné, sacrifié, pour qui je suis encore, pour qui je me retrouve dans cette semi-vie de colère et de culpabilité, l'a piétiné, cet amour si précieux que je lui portais ! Et lui porte toujours, pour mon plus grand malheur.
Alors oui, de temps en temps, la colère contre lui, contre moi surtout, me ramène parmi les vivants, même s'il n'y en a plus beaucoup maintenant. Et c'est trop, je n'en peux plus. Alors je bois. J'ai encore cette chance, moi. Et dire que le Serment que j'ai fait avec Voldemort l'empêche, et m'empêche, de me tuer ! Je ne peux que mourir de vieillesse, comme tout un chacun auparavant, quand ce concept existait encore. Par l'arrêt banal d'un cerveau fatigué après avoir mené une vie bien remplie. De cauchemar et de tristesse dans mon cas. En attendant je reste reclus dans cette maison pleine de souvenirs où j'ai seule autorisation de vivre. De survivre. Alors je bois. Je passe mes journées à dormir quand je suis chanceux. Et mes nuits à m'enivrer au point de me retrouver dans un brouillard semi-comateux, qui m'évite de repenser à tout ça. A ce que j'ai fait. A ce qu'il m'a fait. Au Serment que j'ai fait pour lui. A ce putain de Serment qui m'empêche de mourir pour oublier. J'ai beau ne plus me nourrir depuis cinq ans, excepté d'alcools en tout genre, je suis encore là. Dans la maison de Sirius, à me morfondre, ou plutôt à essayer de m'empêcher de me morfondre.
Mais ça ne fonctionne pas toujours, quel pitié. Et au moins une fois par an déjà, comme aujourd'hui, je me sens encore plus mal. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire. Ça fait maintenant cinq ans que je me suis rendu, que j'ai vendu tout ce qui était important à mes yeux. Dans l'espoir vain d'une vie heureuse. Si j'ai de la chance, il va m'oublier. Mais je n'y compte pas trop. J'y avais déjà cru il y a trois ans. Il y a deux ans. Il y a un an. Mais il était quand même venu, accompagnant son Maître. Et chaque visite est plus douloureuse.
Je crois que ça fait maintenant plus de trois ans que je ne me suis pas regardé dans un miroir, même le portrait de Mrs Black ne m'engueule plus. Soit elle est habituée, soit elle a peur. Je ne sais pas quelle hypothèse est la bonne. De toute façon, ça fait belle lurette que je ne suis pas passé dans le hall. Mes bouteilles sont livrées par hibou, par je-ne-sais-pas-qui et je ne monte jamais à l'étage. Déjà que le rez-de-chaussée me rappelle trop de choses, alors les chambres… Je ne sais même pas si Mrs Black est encore là, immuablement accrochée à la toile, pour toujours, ou si elle a fini par me laisser, elle aussi, comme tous les autres. Ils m'ont tous abandonné, tous laissé derrière eux ! Pendant qu'ils fuyaient désespérément, je pouvais tout aussi bien crever sur place, ils n'auraient pas bougé le petit doigt pour m'aider ! Tout ce qu'ils ont fait, c'est fuir à toutes jambes, sur leurs jambes tremblantes de peur pendant que je me vidais de mon sang face à un Voldemort plus puissant que jamais !
Parfois, cette colère inventée et dirigée contre mes amis m'aide à oublier que c'est moi qui les ai laissés derrière et qui les ai sacrifiés pour accéder à un bonheur que je n'ai finalement jamais obtenu. Mais ça ne dure jamais bien longtemps. Surtout aujourd'hui, alors que c'est l'anniversaire. Parfois il m'arrive aussi de m'inventer une vie. Dans mes songes, dans les rêveries de mon cerveau éméché, je me plais à imaginer que je n'ai pas été trahi, que le sacrifice de ceux qui m'étaient chers n'ait pas été fait en vain, et que lui et moi, nous vivons maintenant heureux, loin de tout ce qui fait la puissance de Voldemort sur Terre. Seuls, lui et moi, amoureux comme au premier jour. Heureux et amoureux, c'est ce que j'imagine. En général, c'est après ce genre de pensées que je me réveille dans la cuisine du Square Grimmaurd, comme aujourd'hui. Je suis devenu somnambule, mes songeries paraissent plus réelles quand mon cerveau ordonne à mon corps d'agir dans mon sommeil.
Il ne prend pas la peine de sonner, évidemment. Après tout, Voldemort ne vient que pour respecter ce stupide Serment et m'assurer que je suis en vie. Parfois je me plais à penser que s'il l'accompagne, c'est pour me voir, pour s'assurer que je suis toujours là. Mais la réalité me rattrape toujours bien vite, même dans mes songes. Je me doute bien que s'il vient, c'est uniquement pour se réjouir de ce que je suis devenu à cause de lui et pour se repaître du spectacle désespéré et pathétique que j'offre sans aucun doute.
Alors que j'entame ma troisième bouteille, je sens que c'est l'heure. Effectivement, il y a un changement dans l'atmosphère. L'instant d'avant, il n'y avait rien. L'instant d'après, ils sont tous deux là. Ça fait bien longtemps que les protections de la maison ne sont plus actives. Et debout face à moi dans sa cape noire majestueuse, je ne peux m'empêcher de le trouver magnifique. Comme à chaque fois. Je ne peux même pas détourner les yeux. Et je sais qu'il le sait et qu'il en profite. De toute façon, comme à chaque fois, ils vont rester là pendant dix minutes sans rien dire. Et après ils n'y seront plus. Comme à chaque fois. Alors j'essaye de me repaître de sa vue pour tenir un an supplémentaire. Malgré tout ce que j'ai fait, en le voyant, je finis par ne plus le regretter. Sa vue me fait cet effet-là. Comme à chaque fois. Comment aurais-je pu le sacrifier ? Dans sa pureté et sa distinction. Je sais que j'ai bien fait. Car c'est un être comme lui qui mérite de vivre. Horrible, n'est-ce pas ? Mais je me sens mieux, et la serre de culpabilité qui étreint mon cœur semble s'évanouir. Comme à chaque fois. Malheureusement ce répit ne durera que jusqu'à quelques minutes après leur départ. Maximum. Ça reviendra après. Et ce sera pire. Mais pour le moment je me sens bien, comme dans une accalmie au sein de mon hébétude. Grâce à lui.
- Harry Potter.
Tiens, Voldemort s'adresse à moi. C'est bien la première fois depuis ce jour-là. Que se passe-t-il ? A-t-il trouvé un moyen de me tuer finalement ? Quel délivrance si ça s'avérerait vrai ! Je me redresse dans le canapé pour ne rien perdre de ce qui va suivre. Mon cerveau n'est pas vraiment en état de coopérer.
- Monseigneur Malfoy va rester ici pour six mois. C'est son châtiment pour sa… désobéissance. (Il se tourne vers lui et rajoute :) Interdiction de sortir. Toute tentative de transplanage est bloquée. Tout sera livré par hiboux. Réfléchis bien à ta décision.
C'est seulement à ce moment que je prends conscience de l'air que lui arbore sur son visage. Je n'y avais pas fait attention avant, trop occupé que j'étais à le regarder. Je sors de mon hébétude à mesure que les paroles de Voldemort se frayent un chemin dans mon cerveau jusqu'à l'endroit dévoué au langage et à sa compréhension. Je ne tente pas de parler, ce serait inutile et en vain. Depuis que j'avais essayé de m'exprimer lors de leur première visite, j'avais été convié à mesure de quelques doloris à me taire. Depuis je n'ai pas prononcé un seul mot. Mieux vaut attendre de voir ce qui va se passer. C'est le premier événement qui m'arrive depuis… depuis toujours en fait. Les dix-sept premières années de ma vie ne comptent plus désormais, elles ont été noyées dans la vodka et l'absinthe de mes premiers mois ici. Malheureusement, rien ne se passa de plus. Au bout de dix minutes, Voldemort n'était plus là, comme les années précédentes. Sauf que cette fois, il avait laissé Draco Malfoy derrière lui. Contre son gré.
oOoOoOo
Je peine à comprendre ce qui m'arrive. Draco Malfoy, Malfoy ou Draco comme je l'ai un jour appelé, va rester avec moi, ici, pour six mois ! Que s'est-il passé ? Voldemort est pourtant bien au courant de notre histoire passée ! Comment a-t-il pu faire ça ? Ce n'est pas comme s'il s'en souciait de toute façon. Et ce n'est pas non plus comme s'il me l'aurait dit.
Je ne sais pas combien de minutes se sont écoulées depuis le départ de Tom. Je me sens mal. Je me sens bien. Je crois que je vais m'évanouir. Je vois trouble.
Malfoy m'a tourné le dos dès que nous avons été seuls. Il n'a pas dit un mot non plus. C'est étrange et je sais que je ne devrais pas ressentir ça, ni même oser le penser, mais je me sens bien. En paix, rasséréné. Ça ne m'est pas arrivé plus de quelques minutes depuis maintenant cinq ans et je me sens euphorique. J'ai l'impression que l'alcool présent dans mon sang a reflué par les pores de ma peau par je-ne-sais-quel miracle et je me sens plus vivant que jamais. J'ai même envie de parler mais j'ai peur de ce qui pourrait sortir de ma gorge, rien de compréhensible j'en suis sûr, malheureusement. Et puis j'ai peur de le faire fuir. Je vais plutôt attendre qu'il se manifeste. Même s'il n'en a sûrement pas envie. La colère qui doit le ronger en cet instant est clairement visible à mesure qu'il serre les poings de plus en fort. Je peux même voir les jointures de ses doigts blanchir atrocement. Et je n'ai vraiment pas envie de déchainer sa colère. Surtout alors que je suis seul dans cette maison avec lui, et qu'aucun de nous deux ne peut en sortir. Mais par dessus tout, pas alors que je me sens mieux que je ne l'ai jamais été depuis que je suis enfermé ici.
Et de nouveau, cette impression. Cette impression, cette certitude, que j'ai bien fait. Ma colère de ce matin envers lui s'est complètement évanouie. Je sais que j'ai fait ce qu'il fallait. Que ma pénitence est un juste châtiment si je peux le voir là, vivant et plus beau que jamais. Malgré sa contrariété que je devine par la tension dans ses épaules et son dos, qui est tellement en contraste avec la paix et la plénitude que je ressens en moi à cet instant précis. La pensée que mes amis ne sont pas morts en vain. Que je n'ai pas sacrifié des gens que je n'ai jamais connus en vain. Ma guérison. Mon remède. Ce n'était pas l'alcool finalement. Ni l'oubli que cela a engendré avec plus ou moins de succès. Ni même la Mort à laquelle j'aspirais en vain. Non, rien de tout cela. L'antidote en fait, c'est lui. Et l'exposition prolongée de son être à mon pauvre corps fatigué.
Et en un seul coup, tout me revient. Ce que mon esprit avait occulté ces dernières années pour éviter la souffrance de la perte. Tous ces moments passés à deux. Dans ma chambre. Dans cette même maison. Quand l'Ordre du Phénix existait encore. Quand ses membres étaient encore vivants. Quand Draco faisait semblant d'être l'un de nos espions. Tous ces mots qu'il m'a murmurés à l'oreille. Toutes ses promesses qui emplissaient mon cœur de félicité. Toute la joie que je ressentais à les recevoir. A l'écouter. Tout le bien-être dans lequel j'étais plongé en sa présence. Tout ce pour quoi j'ai accepté de faire ce Serment avec Voldemort. Je me sens partir. Bercé dans une béatitude infinie.
Après ce qui m'a semblé une seconde, je reprends conscience de mon environnement. Malfoy n'a pas bougé. Je jette un œil à l'horloge. Presque quarante minutes se sont écoulées depuis le départ de Voldemort. J'attends encore. J'hésite à reprendre une des bouteilles qui traînent à côté de moi. Je le fais. C'est quoi cette fois ? Rhum, c'est mieux que rien. J'ai à peine le temps de prendre une première lampée, qu'il se tourne enfin vers moi. Lentement. Tellement lentement que j'ai l'impression qu'il ne va jamais parvenir à faire le demi-tour en entier. Mais si. Le voilà, en face de moi, dans toute sa majesté. Et je me sens bien, tellement bien ! Pour un peu je sourirais. Mais je ne le fais pas. Vaut mieux lui laisser faire le premier mouvement. Alors je me contente de le regarder. Et ce n'est pas comme si j'arriverais à dire quoi que ce soit aussi.
Il attaque sans préavis.
- J'espère que tu es content de toi, tu as vu ce qui m'arrive par ta faute ! Tout était de ta faute depuis le début de toute façon !
Je reste muet de stupeur. Quoi ? Je crois que mon expression exprime parfaitement ce que je ressens. Mais qu'ai-je bien pu faire ? Pourquoi est-ce que ce serait ma faute ? Je n'ai pas bougé d'ici. Du moins, pas que je sache.
- Arrête de me regarder avec cet air ahuri, ça m'énerve ! Merde ! Pourquoi ça m'arrive à moi !
Il donne un coup de poing brutal et soudain dans le mur à sa gauche. J'entends les os craquer. Aïe. Je sais que je devrais fermer les yeux, ou au moins détourner le regard. Mais je n'y arrive pas. Il dégage une aura de puissance et de magie à laquelle je n'ai pas eu droit depuis si longtemps qu'un soupir de contentement franchit mes lèvres. Il ne tient pas compte de ma pitoyable intervention. En fait, il pourrait très bien s'adresser à une photo ou un portrait. Mais je m'en fous. Il me regarde et j'aime ça.
- C'est pas croyable ça ! Je n'avais rien suggéré pourtant ! Comment croyait-il que j'allais réagir ? "Oui bien sûr, faîtes comme chez vous, allez-y, prenez-le, il vous appartient aussi" avec la bouche en cœur ? Comment a-t-il pu me demander ça ? Et comment a-t-il osé me laisser ici ? Sans moi, il n'est rien de toute façon !
Même d'où je suis, je peux distinguer avec précision la moindre de ses veines qui palpitent sur sa tempe. Je crois que je ne l'ai jamais vu perdre autant son sang froid depuis que je le connais, même quand nous nous battions... avant. Si je comprends bien, ce "il" qu'il invective tant est Voldemort… comment est-ce possible ? Que s'est-il passé ? Tom le sait apparemment. Et s'il rapplique ? Où tout ça va bien pouvoir nous mener ?
- Mais merde, pourquoi j'ai rien vu venir ? Comment ai-je pu me laisser avoir…
Il finit son discours la tête entre ses mains et le ton de sa voix varie. Je peux précisément remarquer le moment où l'air qui nous entoure change d'atmosphère. Finie la colère. Place à la résignation. Et à autre chose… la mélancolie ? Non, impossible. Inconsciemment, mes muscles frémissent d'impatience. Vais-je enfin savoir ce qu'il fait là ? Il passe presque une demi-heure la tête baissée et les yeux fermés, le dos contre le mur. Je ne fais pas un geste. Je n'ose même pas respirer, enfin presque. Puis il relève la tête et la tourne vers moi, sans vraiment me regarder, un air contradictoire de paix et de profonde résignation sur le visage.
- Peut-être que je devrais te le dire… à voix haute. Pour me soulager. De toute façon tu as sûrement perdu l'esprit.
Je ne relève pas. Ce n'est pas totalement faux après tout. Je n'ai probablement plus toute ma tête à cause de ces années passées enfermé ici à boire et à ne pas mourir. Mais cette déraison va me permettre de savoir ce qui s'est passé dans la vie de Draco alors je ne réagis pas. Continue s'il te plaît ! Comme s'il avait entendu ma prière, il se remet à parler après un autre regard dans ma direction.
- Au début, c'était facile. J'y croyais vraiment. Je faisais tout sans rechigner. Si tu savais ! Je suis arrivé en tant que fils de son bras droit et j'ai gravi pas à pas les échelons de sa putain de hiérarchie. Mon père était si fier, j'étais si fier, il était si fier ! Je savais que toute ma vie avait été faite pour ce moment-là. Et quand j'ai réussi à tuer Dumbledore en sixième année a été le plus beau jour de ma vie. Enfin c'est ce que je croyais. Et puis il y a eu le plan du Lord. Tu le connais, il te concerne directement. Celui qui prévoyait ta plus grande défaite et sa plus grande victoire. Je doutais d'y parvenir au début, mais en réalité tu t'es laissé faire. Docile. Obéissant. Soumis. Et ça s'est passé beaucoup mieux que prévu. Le Maître m'avait donné trois ans pour réussir et je l'ai fait en à peine un an et demi. Faut croire que je suis bon acteur. Et j'avais même fini par, disons, ne pas être trop dégouté par nos parties de baise. Un comble !
Il ricane ironiquement. Je ferme douloureusement les yeux. Je croyais m'y être fait, mais il faut croire que non. Ça fait mal. L'écouter ainsi parler de moi et de ma déchéance. Je n'avais jamais eu sa version de l'histoire, comment aurais-je pu ? Ça fait mal. Se rendre compte après tout ce temps que ce qu'on a cru être les plus belles années de sa vie n'était en réalité que mensonge… Oh, ce n'est pas comme si je ne le savais pas. Mais l'entendre ainsi confirmer par sa bouche… Merde, je crois qu'une larme a passé la barrière de ma paupière gauche. J'ouvre les yeux rapidement. Il ne l'a pas vu. Je n'ose pas faire un geste pour l'essuyer. Tant pis.
- Ça a été mon coup d'éclat. Tu as cru tomber amoureux de moi et tu as accepté de faire le Serment.
Je tente de me redresser à ces mots. Qu'est-ce qu'il croit ? Que je ne l'ai pas vraiment aimé ! Que tout ce que j'ai fait pour lui n'était rien ? Non ! Il faut que je lui dise ! Combien je l'aimais, combien je l'aime, combien il m'est cher, combien tout ce que j'ai fait, c'était pour lui ! Mais rien ne veut sortir de ma gorge. Alors je l'écoute débiter son histoire.
- Je t'ai trahi comme nous l'avions prévu. Alors que tu avais placé toute ta confiance en moi. Et même plus ! Si tu avais vu ta tête, Potter… j'en aurais ri. A l'époque.
Il s'arrête. Fais quelques pas. Appuie son dos contre le manteau de la cheminée située face à moi. Croise les bras.
- C'était la consécration. Si tu savais les récompenses que j'ai obtenues. C'était plus que ce que j'avais espéré. Même plus que mon père avait pu espérer pour lui quand il était au sommet de sa gloire. J'ai eu plus de trois cents personnes sous mes ordres. Je supervisais tout. J'étais le bras droit du Maître, son bras gauche aussi, c'était merveilleux ! J'étais… euphorique, c'est le mot. Ça a duré plus de quatre ans. J'avais tout pour moi. J'étais aussi heureux que je puisse l'être, je pense, mais…
Il s'assoit à côté de moi sans faire cas de ma présence silencieuse.
- Mais merde ! Je ne sais pas ce qu'il est arrivé cette année… Je pensais être assez fort pour tout supporter, mais ça… ça ! Le Maître a décidé qu'il était temps que je lui fasse une progéniture. Naïvement, j'ai cru qu'il parlait de me marier et de mettre en cloque une quelconque sang-pur, mais ce n'était pas ça du tout…
Sa voix se brise dans un sanglot. Je tourne la tête vers lui. Je ne peux qu'assister impuissant à la scène. Il pleure. Mon amour déchu. Mon amour tout court. Il pleure ! Mais je ne peux pas l'aider, je ne peux rien faire. De toute façon, je ne sais même pas s'il remarquerait quoi que soit. Je pourrais tout aussi bien ne pas être là, ce serait pareil. Je crois qu'il a besoin de se libérer de ce poids qu'il a sur le cœur. Et il est le seul à pouvoir le faire. Quant à savoir pourquoi il raconte tout ça à moi, je ne suis pas sûr. Peut-être qu'il ne peut faire confiance à personne là d'où il vient. Probablement. Il est trop élevé dans la hiérarchie si j'ai bien compris. Alors je reste là, avachi dans le canapé, ma bouteille presque pleine à la main. Je sens que je dois rester sobre. Il faut que je sache ! Qu'est-ce qui le met dans cet état ?
- Putain ! Il… Il voulait… il veut… me mettre en cloque !
Il dit ces quatre derniers mots en criant et se lève abruptement.
- Le connard ! Comme si moi, Draco Lucius Malfoy, pouvait se faire mettre en cloque par quelqu'un ! Bordel, déjà j'ai tout fait pour ne plus recevoir d'ordres sauf de Lui et Il ose prétendre que je vais accepter cette… cette abomination…
Je ne l'écoute plus. Je suis resté bloqué sur le premier "mettre en cloque". Ça m'a complètement dégrisé. Comment est-ce possible ? Comment un homme peut-il être 'enceinte' ? Enceint ? Ca se dit ça ? C'est contre-nature… n'est-ce pas ? Ou c'est une particularité sorcière ? Non, je l'aurais su.
Je me raccroche à ses paroles.
- … tout ça, soi-disant, pour assurer la pérennité de ses actions pour les générations futures ! N'importe quoi ! Jamais je ne porterais l'enfant de ce… ce bâtard ! T'y crois ça, Potter ? Tu sais ce qu'il m'a dit ? Que la combinaison de sa force et de sa longévité avec mon sang-pur de treize générations allaient donner à cet… cet enfant (Il renifla de dégout.) une force et une puissance sans égale, "et une beauté incomparable"… ah rien que d'en parler, ça m'écœure !
Il fait une moue dégoutée en fronçant son nez et se rassoit.
- Je pense que ma stupéfaction et mon dégout devait être clairement visible parce qu'il m'a ordonné de sortir et m'a dit que j'avais trois mois pour réfléchir. Trois mois ! Je n'avais même pas besoin de trois secondes ! Mais j'ai obéi. Alors j'y ai réfléchi. Et tu sais quoi, Potter ? Le pire dans tout ça, c'est que malgré la potion de fertilité que Snape a mis au point, il faut quand même passer par la case "pénétration" pour qu'elle soit active. A la limite, ça me dérangerait moins de porter cette progéniture si elle pouvait être implantée magiquement en moi, plutôt que de me faire… (il fait une grimace éloquente) par lui.
Snape ? Je l'avais oublié celui-là, il est encore en vie alors. Il faisait partie de l'Ordre du Phénix en tant qu'espion et je croyais que Voldemort l'avait découvert. En même temps, comme il n'y a plus d'Ordre, il n'y a plus rien à espionner. Et donc plus de trahison à découvrir. Je me demande s'il espère. Encore. Oui, peut-être. Ou peut-être pas. Je ne sais pas ce qui se passe à l'extérieur. Ce n'est peut-être pas si terrible ?
- Et quand j'ai refusé une fois de plus, il m'a laissé ici. Je ne sais même pas pourquoi ! Peut-être qu'il espère que ta vue va me faire changer d'avis ! Ou bien il espère que je vais t'en parler et que tu vas me faire changer d'avis ?
Moi non plus, je ne comprends pas les raisons de Voldemort… quel intérêt pour lui de laisser Draco ici ?
- Putain ! J'ai envie de vomir… Qu'est-ce qu'il va m'arriver maintenant ?
Il se tait. Baisse la tête. Je vois une larme tomber par terre. Suivie par une autre. Je comprends maintenant sa colère et son désespoir. Et aussi la raison du "Réfléchis bien à ta décision" de Voldemort quand il l'a laissé ici. Draco, mon Draco ! Il l'a toujours été inconsciemment. Toutes ces années. Et le voir maintenant. Si… désespéré, ça me fend le cœur. Littéralement. Je pourrais presque entendre la fêlure. Involontairement, je laisse échapper un gémissement de douleur. Tiens, ma voix ! Elle est toujours là. Il faut que je m'en serve. Je dois !
Parce que même s'il m'a dit tout ça, son histoire, je ne vois toujours pas pourquoi c'est de ma faute ! Il faut que je lui demande, il faut que je sache ! Merde, mon amour pour lui me perdra à chaque fois, j'en ai peur. Mais je ne peux pas le laisser comme ça ! Il souffre, je n'aime pas ça ! Je préférais même qu'il soit en colère. Au moins il ne pleure pas. Allez, mes cordes vocales, un petit effort, s'il vous plaît, vous savez comment fonctionner, vous m'avez rendu de bons services pendant 18 ans quand même !
- P… pour… pourquoi tu as… as dit que c'était de ma faute ?
Je reconnais à peine ma voix, ou plutôt le pitoyable filet de voix qui sort de ma gorge, enrouée de n'avoir pas été utilisée pendant si longtemps. Je crois que Draco est aussi étonné que moi de m'entendre finalement parler, enfin murmurer. Mais il semble m'avoir entendu.
- Je suis pitoyable, tu le sais ça ?
Je ne réponds rien. Tu n'es pas pitoyable, Draco. Et même si tu l'étais, il serait merveilleux de pouvoir te prendre en pitié. Il enchaîne sans attendre une réponse que je serais bien en peine de lui donner.
- Mais tu sais quoi ? Je vais te le dire, ça te fera bien marrer.
Je n'aime pas son ton las de celui qui a perdu toute illusion. Mais je me tais. Et je suis sûr que je ne vais pas rire.
- J'ai eu le temps d'y penser, à cette nouvelle mission, pendant ces trois mois, et… à chaque fois que je m'imaginais qu'il me… prenait, je ne pouvais m'empêcher de repenser à… à la fois où c'est toi qui m'avais pris, tu t'en souviens ?
Comment ne pas m'en souvenir ? Maintenant que mon blocage est parti, je me rappelle de tout. Et de cette soirée-là. C'était la veille de la journée funeste du Serment. Draco avait voulu que ce soit moi qui sois au-dessus cette nuit-là. Pour moi, c'était la plus belle preuve d'amour qu'il pouvait me donner, lui si fier et si hautain ! Je souris alors que les images de cette nuit fabuleuse me reviennent en tête. M'aurait-t-il aimé finalement ? Ne serait-ce qu'un peu ?
- C'est la seule et unique fois où j'ai accepté que quelqu'un me… Bref. Je repensais à ce que j'avais ressenti. Que c'était bien. Et je ne comprenais pas pourquoi l'idée que ce soit le Maître à ta place me révulsait autant. Et finalement il est devenu impossible que je m'enlève de la tête l'idée que… que…
Je le laisse chercher ses mots. Je sens que je ne dois pas le brusquer. L'impression que ce qu'il s'apprête à me dire est capital.
- Que je te tromperais si je le laissais me… enfin tu vois. C'est ridicule, je sais. Putain, je suis juste pathétique !
Il donne un coup sur l'accoudoir. Je comprends qu'il essaye d'occulter l'importance de ses mots en changeant de sujet mais ce qu'il vient de m'avouer est… incroyable. Il a pensé à moi ! En tant qu'amant ? Qu'il ne pouvait s'imaginer quelqu'un d'autre le dominer parce qu'il pensait à moi ! A ce que je lui avais fait ressentir !
Pendant des minutes qui me semblent interminables, je suis pétrifié tellement je suis soufflé par cet aveu.
- Je n'ai pas cessé de penser à toi au début. Quand je m'interrogeais sur le passé. A ce que tu pouvais bien faire, ressentir. Face à ma trahison.
- Moi aussi, j'ai… j'ai pensé à toi. Tout le temps. Et je t'ai vraiment aimé tu sais. Et ça ne me fait pas rire ce que tu… tu me dis. C'est plutôt comme un souffle d'air frais qui me caresse et me transporte. Et je suis heureux et je voudrais que tu restes ici…
Je n'arrive pas à continuer. Ma gorge est nouée. Non pas par le manque d'habitude cette fois, mais par l'émotion. Même si ma voix rauque reste assurée. Il me regarde autrement d'un air peu perdu. J'ai peur de ce qui est en train de se passer dans son cerveau. A quoi il peut être en train de penser. A quoi mes aveux le font réfléchir. Ma vie - ou plutôt ce qu'il en reste - est en train de se jouer. Puis il sourit. Un vrai sourire. Franc. Sincère. Comme j'en voyais à l'époque. Rien que pour moi.
- Potter…
Sa voix est douce et caressante. Jamais un Potter ne m'a semblait aussi beau. Aussi émouvant. Aussi digne d'être aimé.
- Je crois que c'est… réciproque.
J'ai peur de comprendre. C'est plus que je n'aurais pu l'espérer. Oh, si seulement, cela pouvait être vrai ! Je me sens revivre de plus belle. Sa présence. Ses aveux. Sa confession. Et maintenant ça !
- T… tu veux dire que…
Il ne me laisse pas le temps de parler et continue. Comme s'il devait se défaire d'un poids enchaîné autour de son cœur. Et je l'écoute. Emerveillé.
- Oui, au début, tu n'étais qu'une mission pour moi, et même après notre… la victoire du Maître, la seule chose à laquelle je pensais, c'était que j'avais réussi et pour moi c'était tout. Je pensais t'avoir oublié. Mais j'ai vite été rattrapé par ce passé, surtout lors de la première année de l'Empire. C'est pour ça que tu m'as vu débarqué avec le Maître ici quand il a compris que tu m'obnubilais.
- Ah bon…
- J'étais en permanence en train de m'interroger à ton propos. Sur toi. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi je m'inquiétais… enfin non, plutôt… pourquoi ça me préoccupais comme ça. Mais je m'en souciais vraiment. Je pense qu'il a eu accès à mon esprit un jour où je ne me suis pas montré assez vigilant. Même pour une personne de mon rang, il ne pouvait s'empêcher de guetter le moindre signe de trahison. Mes pensées ont dû dépasser la barrière de mon esprit ce jour-là et le Maître les a vues. Pas toutes bien sûr ! mais en tout cas, celles te concernant. Vu que tu étais au centre de mes préoccupations à ce moment-là… Alors c'est pour ça que le Maître m'a emmené avec lui lors de sa première visite ici. Et des suivantes aussi. Pour que je vois de mes propres yeux ce qu'il t'arrivait et que je te sorte de mon esprit. Pour que je me débarrasse de toi, tu vois. Pour que je sois rassuré ou je-ne-sais-quoi. Et que je me remette au boulot convenablement.
- Et alors ?
Ma voix n'est qu'un chuchotement.
- Ben ça n'a pas marché. (Il pousse un petit rire désabusé.) Absolument pas ! Te voir comme ça, faible et dévasté, et pourtant si puissant ! Et quand le Maître t'a lancé un doloris quand tu as voulu parler… ça m'a fait tressaillir. Mais je n'ai rien montré, alors il a cru que ça avait fonctionné. Qu'il me fallait ma dose de Potter pour être plus efficace. J'y croyais aussi, tu sais. Que mon inquiétude, ou quelque soit ce sentiment qui se passait en moi, était passager. Que c'était juste parce que je devais savoir, inconsciemment, que tu étais en vie. Ou je ne sais pas. Et ce tressaillement que j'ai éprouvé, je me suis convaincu qu'il était dû à la décharge de magie brute qu'il avait produite dans le doloris. Ça arrive parfois, tu le sais.
- Oui.
- Mais la vérité, c'est que tu… tu m'as manqué. Au début, je ne savais pas trop ce que je ressentais, mais j'ai fini par réaliser que c'était ton absence qui créait ce vide en moi. Alors j'ai essayé de l'occulter, de le masquer. Je me suis jeté à corps perdu dans les taches et les missions dont j'avais la charge. Et ça, ça avait presque fonctionné. J'avais presque réussi à t'oublier et même les visites ici ne me faisaient plus rien. C'est pour ça que je suis arrivé là où je suis aujourd'hui… enfin où j'étais jusqu'à il y a trois mois, avant qu'il m'annonce cette dernière mission…
Je lui caresse doucement le dos de la main. Dans une vaine tentative de le réconforter.
- Il m'a enfermé au Château pendant ces trois mois. En théorie, je devais superviser les missions, de loin, sans être sur le terrain. En pratique, j'étais prisonnier. Alors j'ai repensé à tout ça. A nous. D'abord, en lien avec la mission, je me suis souvenu des sensations que j'avais éprouvées quand tu m'avais pris, cette nuit-là.
- C'était merveilleux…
Il eut un sourire face à l'air béat que je devais arborer.
- Oui. Mais je n'ai pas voulu aller plus loin dans mes pensées. Ce n'était qu'un désir physique, après tout !, même s'il était mêlé d'autre chose… Par contre, tout à l'heure… quand je t'ai parlé de tout ça, de ma trahison, de ce que je t'avais fait subir… ça m'a fait mal et…
Je le prends dans mes bras. Il fallait que je le fasse. Malgré sa vulnérabilité et son aveu, je m'attends à tout moment à ce qu'il me repousse. Mais non, il se laisse faire. Alors j'en profite.
- Potter… Harry. Je ne sais pas si c'est très utile à présent mais… je voulais te dire que j'étais désolé. De ce qu'il s'est passé.
Non, pourquoi gâche-t-il cet instant ? Je me fous de ses excuses. Il a fait ce qu'il semblait juste et moi aussi, à l'époque. Je ne regrette rien et il ne doit pas se sentir coupable de quoi que ce soit. C'est ce que je lui dis en séchant ses larmes. La sensation de sa peau sous mes doigts ravive en moi des émotions que je croyais parties. Le désir. L'envie. L'espoir.
- Comment peux-tu être aussi serein ? Je crois bien que je n'ai jamais réussi à l'être. Je n'ai même jamais pu t'oublier, je crois… Et me souvenir de cette année passée ici ensemble, c'était…
Cette fois, je le fais taire en posant un doigt sur ses lèvres. Ne dis rien, mon amour. J'ai compris.
Je le renverse avec douceur et délicatesse dans le canapé. Me mets sur lui. J'hésite. Je ne sais pas si je peux. Et surtout j'ai peur. Je crois qu'il devine la peur que j'ai en moi car il m'attrape par la nuque et me colle contre lui. Alors j'ose. Je pose ma bouche sur la sienne. Et je la caresse de la mienne. Jusqu'à ce qu'il bouge en retour. Alors j'entrouvre mes lèvres et effleure les siennes de ma langue. J'exerce une douce pression et il les ouvre aussi. Et nous nous embrassons. Et c'est trop bon. Je n'y crois pas. Ma langue tente de parcourir le moindre centimètre carré de l'intérieur de son antre chaud et humide pour réapprendre ce qui m'appartenait avant. Nos langues se meuvent langoureusement et avec douceur l'une contre l'autre. Se reconnaissent. Que c'est bon et que ça m'a manqué ! Notre baiser devient plus passionné à mesure que l'excitation de nos deux corps pressés l'un contre l'autre remplace la tendresse du début. Je sens son membre tendu sur ma cuisse et je ne suis pas en reste. Il passe ses mains sous mon t-shirt et parcourt avec tendresse mon dos en ne descendant jamais plus bas que mon pantalon. C'est frustrant, mais ses gestes sont très doux. Pendant ce temps, je passe mes mains dans ses cheveux soyeux, les ébouriffant plus que jamais. Nous nous frottons l'un contre l'autre et j'ondule sur son corps de plus en plus impatiemment. Mais il semble avoir d'autres pensées en tête car il m'arrête en posant fermement ses mains sur mes hanches, m'empêchant de bouger. Il se rassit dans le canapé, moi toujours assis sur ses genoux. Il me regarde avec un air espiègle sur son beau visage où ses yeux brillent de larmes contenues.
- On va dans ta chambre ?
- Non !
Je ne peux m'empêcher de répondre avec brusquerie. Je ne veux pas aller à l'étage, je ne suis pas prêt pour affronter tout ça. Il semble me comprendre car il ne dit rien et m'embrasse avec tant de douceur que je me sens fondre au creux de ses bras alors qu'il se remet à me caresser le dos de bas en haut. Comme pour m'apaiser. Je lui enlève sa cape et la pose sur le dossier du sofa. Puis je déboutonne sa chemise avec impatience. J'ai l'impression d'être en plein rêve et j'ai peur qu'il s'évanouisse en un instant. Et je ne veux pas, pas maintenant ! Et je suis fébrile, mon sexe dur, enfermé dans mon boxer. La friction entre nos deux virilités comprimées me fait tourner la tête alors que notre baiser se fait de plus en plus passionné et que nos langues se sucent et se pétrissent mutuellement. L'excitation m'empêche de continuer mon effeuillage et je reste assis sur ses genoux, les bras posés sur ses épaules. Il se détache de ma bouche et entreprend de faire passer mon t-shirt au-dessus de ma tête. Je ne me souviens même plus à quel moment il a enlevé mes lunettes. Je pose un regard flou mais qui se veut taquin sur son visage et l'embrasse de nouveau.
Il arrête rapidement le baiser et me renverse à son tour sur le canapé. Je me soulève légèrement et l'embrasse chastement sur les lèvres. Il a un sourire qui illumine ses yeux et fait saillir ses pommettes. Je crois bien que j'ai le même. Je suis heureux. Je reprends mon activité plaisante qui consiste à découvrir chaque parcelle de sa peau à ma portée alors qu'il pose ses lèvres dans mon cou et entreprend de sucer la chair tendre de ma gorge. Ses mains ne sont pas en reste puisqu'elles se sont glissées sous mon pantalon et effleurent à loisir le tissu de mon boxer qui sépare mon sexe emprisonné de sa délivrance. Je pousse des gémissements que j'avais oubliés pouvoir faire. Lorsque je finis fébrilement par déboutonner sa chemise entièrement, enfin, je l'attrape par la nuque, remonte son visage au niveau du mien et plaque nos deux torses l'un contre l'autre. Le contact de nos peaux nues a toujours été pour moi symbole d'une pure ivresse de plaisir et le frisson qui me parcourt à ce toucher me prouve que mes sensations ne se sont pas altérées avec le temps. Je crois que c'est pareil pour lui et nous poussons tous les deux un petit soupir de contentement. Il me regarde tendrement et je sais qu'il pense la même chose que moi.
Il reprend ses activités buccales sur mon torse en déposant un sillon de baisers sur ma peau pendant que je malaxe ses fesses à travers son pantalon. Il prend l'un de mes tétons entre ses dents et le mordille langoureusement, me faisant trembler de la tête au pied, tandis que ses mains s'affairent à défaire le nœud de mon pantalon. Puis sa bouche parcourt mon buste et arrive au nombril. Il y fait un mouvement de vrille avec sa langue qui me fait gémir et frissonner. Je passe mes mains sous son pantalon pour mieux profiter des sons qui franchissent ses lèvres par intermittence. Sans préavis, il descend mon pantalon et mon boxer d'un seul mouvement. Fluide et gracieux comme lui. Il détache mes mains collées à ses fesses et ôte de lui-même son pantalon noir. Je ne suis pas le seul impatient apparemment. Je n'avais même pas fait attention qu'il avait déjà enlevé ses chaussures, trop pris dans des sensations oubliées mais si bienvenues.
Nos virilités fièrement dressées sont clairement visibles et je n'éprouve qu'un fugitif sentiment de honte avant qu'il ne s'allonge sur moi de tout son long. Un frisson chargé d'électricité nous parcourt quand nos deux membres se touchent. Il pousse un gémissement sonore et ondule sur moi alors que je croise mes jambes autour de sa taille pour augmenter le contact de nos deux corps. Les sensations sont si grandes, intenses, et tellement bienfaisantes que je jouis sans même y penser, dans un râle de plaisir. Vraiment honteux cette fois-ci, je n'ose pas le regarder et baisse la tête une fois que les dernières gouttes de mon sperme se sont déversées entre nos deux corps. Il me relève la tête de sa main et me sourit d'un air coquin.
- Je savais bien que j'avais un tel effet sur toi, mais ne t'en fais pas, je vais te remettre sur pied en un rien de temps…
- Non, ne fais pas ça !
Mais il ne tient pas compte de ma remarque faiblement murmurée et joint le geste à la parole. Après avoir détaché mes jambes qui reposaient indolemment sur son dos, il se baisse pour embrasser mon sexe désormais flasque. Je tente de le remonter mais il ne se laisse pas faire et se met à embrasser la longueur de haut en bas par de légers appuis qui me font frémir. Je peux sentir le sang y revenir et manifestement lui aussi car il se met à le lécher résolument sur toute sa longueur en passant même le bout de sa langue dans la fente à son extrémité. Enfouissant ma main dans ses cheveux, je gémis bruyamment sous ces attouchements intimes et il me prend en bouche d'un seul coup, me tirant cette fois un cri rauque bien sonore. Il se met à faire des allers-retours vigoureux et je ne peux éviter de baisser les yeux pour le regarder. La vision de mon sexe définitivement réveillé entrant et sortant de sa bouche suffit à le remettre complètement d'aplomb et tout mon corps se tend sous ces délicieuses attentions. Je n'arrive plus à formuler une pensée cohérente mais l'afflux rapide de sang me fait craindre une deuxième délivrance. Cette fois je l'arrête vraiment en tirant ses cheveux avec douceur. Il me regarde d'un air interrogateur, les lèvres rougies et luisantes. Je murmure :
- Viens en moi, s'il te plaît…
Il revient alors au niveau de mon visage et j'embrasse ses lèvres rouges si tentantes. Il place mes jambes sur son dos et je les croise à nouveau autour de sa taille tandis qu'il me présente ses doigts. Je les lèche fiévreusement en faisant passer le plus de salive que je peux. Malgré toute mon envie et toute sa sollicitude et ses attentions, je ne peux m'empêcher de penser à la douleur de la future pénétration. Je n'ai pas éprouvé ça depuis si longtemps…
- T'as du lubrifiant ?
Draco semble avoir compris mon hésitation et je fais non de la tête. Ce n'est pas comme si j'avais eu l'occasion d'utiliser du lubrifiant ces derniers temps ! Il lèche ses doigts lui-même puis estimant qu'ils sont assez imprégnés, il en fait entrer précautionneusement un en moi. Tout mon corps se contracte mais j'essaye d'occulter cette présence étrangère en regardant intensément ses yeux gris. Je vois bien qu'il ne veut que mon plaisir.
Puis un deuxième doigt se fraye un chemin. J'ai mal et je crois bien qu'une larme vient de perler à mon œil. Draco l'enlève délicatement d'un baiser et entreprend de caresser rapidement mon sexe pour faire passer la douleur. Alors que j'allais lui demander d'arrêter de bouger ses doigts, il touche ma prostate et je me cambre dans un cri muet. Vite à l'aise sous les mouvements de ciseaux répétés et surtout le fait que Draco atteint à chaque fois ce point si sensible enfoui dans mon corps, je sens à peine l'intrusion d'un troisième doigt. Puis il les retire et présente son sexe tendu à l'entrée de mon orifice.
- Fais attention…
Je ne peux m'empêcher de supplier sa sollicitude. Je crois que j'ai peur. Ça fait tellement longtemps ! Il acquiesce doucement en commençant à entrer en moi. Je me crispe involontairement et il se remet à me branler et m'embrasse. La douleur augmente jusqu'à ce qu'il soit entièrement en moi. Tandis qu'il me rassure par ses caresses, je peux voir l'effort qu'il accomplit pour se retenir de bouger et finalement, j'effectue un mouvement rapide pour m'empaler directement sur son membre vibrant. Draco a l'air inquiet mais je le rassure du regard. En fait ça me fait moins mal que je ne l'aurais cru. Les restes d'une habitude bien ancrée peut-être ? Ma vision se brouille et je me mets à verser des larmes. Draco se méprend sur la raison de ces pleurs et s'apprête à se dégager quand je le retiens de mes jambes.
- Je suis heureux.
Alors il sourit et se met à bouger en moi. D'abord lentement puis sous mes impulsions, il s'introduit de plus en plus profondément et intensément par mon orifice étroit. Son membre s'enfonce jusqu'à la garde et je ne peux éviter de griffer ses épaules de mes ongles trop longs. On se regarde dans le fond des yeux et je vois comme un miroir le bonheur qui nous transporte en cet instant. Au rythme de ses va-et-vient, nous gémissons de plus belle et je ferme les yeux sous les sensations qui se déversent en moi comme un torrent de plaisir. Draco m'embrasse chastement en arrêtant ses assauts répétés sur ma prostate et chuchote :
- Regarde-moi Harry.
J'ouvre les yeux et le voit au-dessus de moi qui me contemple comme si j'étais la chose la plus précieuse qu'il ait vue dans sa vie, les larmes aux bords des paupières et des excuses plein les yeux. Je l'embrasse de nouveau et garde les yeux ouverts cette fois. Je lui caresse les épaules, le dos et me remet à bouger sous lui, l'incitant de mon regard flou à reprendre là où on en était. Il se maintient en appuyant ses mains des deux côtés de ma tête et s'introduit de plus belle en moi tout en parcourant mon visage de baisers. Alors qu'un voile blanc apparaît devant mes yeux à mesure que Draco nous fait voir les étoiles, il accentue ses mouvements et dans sa vigueur contrôlée je peux même entendre le bruit que font ses hanches sur mes fesses. Il reprend mon sexe dans sa main et la jouissance se déferle en moi pour la deuxième fois aujourd'hui. Son nom sur mes lèvres, je le regarde jouir juste après moi, à bout de souffle, dans un gémissement plus sonore que les autres.
Il retombe sur moi, puis se retire avant de se repositionner confortablement entre le dossier du canapé étroit et mon corps alangui. J'en profite pour enfouir ma tête dans son cou, respirant avec peine et je sens ses cheveux moites tomber sur mon front alors qu'il s'installe contre moi et dépose un baiser sur ma tempe.
- Je t'aime.
Mon cœur rate un battement à cette phrase à peine audible. Je le vois s'assoupir. Maintenant ma voix est plus assurée, alors je ne vais pas me priver.
- Je t'aime Draco.
Il s'endort à côté de moi, le sourire aux lèvres. Moi aussi, je suis fatigué. Je n'ai pas autant fait d'exercice en cinq ans qu'en une heure de temps. Mais je veux profiter de lui à chaque instant possible. Alors je garde mes yeux ouverts et me repaît de la vue de son visage et de son corps de tout mon soûl.
Il a l'air si innocent comme ça. Comme avant. Je repense à sa trahison et au Serment que j'ai accompli. Tout ça me semble si loin maintenant. Maintenant que j'ai fait mon deuil. Et que je reviens à la vie. Voldemort avait fait semblant de découvrir le statut d'espion de Draco. Appât auquel je m'étais accroché et que j'avais bouffé tout cru sans réfléchir. Draco m'a parlé de son marché. Sa vie et la mienne en échange de quoi je promettais de ne plus participer à cette guerre ni de chercher à tuer Voldemort. Draco et moi serions allés vivre loin, seuls, pour ne pas le déranger dans sa conquête de puissance et de pouvoir. Nous avions prévu de nous rencontrer, Tom, Draco et moi, non loin de Little Hangleton, pour accomplir ce Serment Inviolable. Mais bien sûr, je voulais en profiter pour tenter d'en finir. Alors j'ai mis l'Ordre du Phénix au courant, pour qu'on puisse prendre Voldemort au piège. Draco m'avait conseillé de ne pas révéler à l'Ordre les raisons de ce rendez-vous, pour ne pas les inquiéter au sujet de la perte de son statut d'espion. Comme Draco allait se charger du Serment, nous avions tous les deux prévu qu'il le trafique pour que je puisse quand même tuer Voldemort. Sur le coup le fait que Tom lui demande de faire le Serment alors qu'il le savait être soi-disant un espion ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Tout ce qui comptait, c'était qu'on allait enfin pouvoir vivre tous les deux, ensemble et en paix. J'étais si heureux ! Alors le jour venu, nous sommes arrivés au point de rendez-vous, tous dissimulés sauf Draco et moi. Et Voldemort savait que tout l'Ordre était là. Grâce à Draco évidemment. Et il avait prévu du renfort. Et Draco ne trafiqua pas le sortilège. Une fois le Serment accompli, je ne pus qu'assister impuissant au massacre de tout l'Ordre sous mes yeux. Massacre perpétré par les sbires du Lord et sous l'effet des pièges mis en place sous les conseils de celui pour qui j'aurais donné ma vie. Celui pour qui j'avais donné ma vie.
Celui qui me rend la vie.
Je le regarde dormir et j'écoute sa respiration profonde. Même si la menace de Voldemort est plus que jamais présente au-dessus de nos deux têtes, nous avons six mois devant nous. Pour nous. Tout ira bien.
Fin (?)
Merci d'avoir lu !
Au fait si vous voulez réagir, si vous avez des questions, remarques, reproches... n'hésitez pas à m'écrire une review ou un MP, je répondrai avec plaisir :)
A bientôt !
Kelewan
