-Regardes ça Nick !

Le concerné savait bien de quoi elle lui parlait, mais en un sens il n'osait pas lever son regard vers un de ses congénères, et le voir. La plupart ne produisait rien de bon dans cette ville. Pourtant celui-là, plutôt jeune d'ailleurs, ne ressemblait pas à un voyou, pire encore, à un arnaqueur. Se contentant de prendre des sacs dans un camion de livraison et les amener dans la bâtisse d'à côté, il effectuait se vas et viens depuis quelques minutes déjà. Le joli reflet orange lui donnait un aspect enfantin, le poil lisse et éclatant, ébouriffé. Ses oreilles rabattues illustraient les efforts accomplis à chaque déplacement, souffrant sous le poids des sacs sortant à l'infini de ce véhicule. Ses grands yeux reflétaient du violet, pour sûr. Qu'en à ses habits, un simple short marron et un débardeur le couvrait, tachés et abimés par le temps et le labeur.

Bien qu'il ne réponde rien, Judy se rendait compte au fil des secondes de l'intérêt discret que portait son coéquipier. Le regard nostalgique qu'il lançait à ce jeune, le détaillant de haut en bas, en quête d'un quelque chose. Surement sans s'en rendre compte, ses oreilles se dressaient, aux aguets, réussissant à discerner les quelques paroles qu'échangeaient ensemble un rhinocéros gris et un tatou, tous deux aux allures peu rassurantes, stationnant à côté du camion portant la lettre G en gros, rouge sur bleu.

-Nick ?

-Oui ?

Il pencha son museau vers sa collègue, ne réussissant à quitter des yeux ce renard qu'au bout de quelques secondes. Il se surprit lui-même en réalisant à quel point il dévisageait cet individu, et l'intérêt soudain qu'il lui portait. Judy paru à la fois offenser d'etre si facilement effacée et heureuse de voir que son ami s'intéressait à d'autre de son espèce, qui plus est, une honnête personne, travaillant dure pour gagner sa vie.

-Serait-ce le seul citoyen de Zootopie que tu ne connais pas ?

-On peut dire ça… Je ne l'ai jamais vu auparavant. Surement un nouveau.

-Il est plutôt jeune, qu'est ce qui l'aurait amené à quitter son foyer pour venir ici ?

-Le travail ? répondit malicieusement Nick en identifiant Judy. Ou ses rêves de gamin ?

-Par ce que les renards aussi ont des rêves ?

La policière le vannait de temps à autres, blaguant amicalement, mais cette fois ci son intervention fit un gros « plouf ». Elle se senti mal à l'aise en comprenant qu'au final, si Nick cachait moins ses émotions pour qu'elle puisse saisir d'avantage sa personnalité, dans des moments comme celui-ci le revers de la médaille lui revenait en pleine figure. Le voir affichait une mine si désappointée la rendit bien triste.

-Bon ! Allez ! On a du travail, coéquipier !

Elle fit deux pas en avant et agita ses mains en pointant le gros véhicule de service fourni par la police. Cette voiture s'imposait énormément dans cette rue désertée par les habitants, trop occupés à se rendre à la foire, de l'autre côté des immeubles, vers TundraVille. Ils montèrent dedans. Le renard mit ses lunettes de soleil avant d'afficher un grand sourire.

-Je récolterais des informations à son sujet plus tard ! On ne devrait pas continuer la surveillance du quartier ?

-Heu… Si si ! On y va !

Le moteur en route, ils se dirigèrent vers la place du bananier, passant à nouveau devant le fameux individu, transportant un dernier sac. Nick reconnu instinctivement le caribou posté à l'entrée de la batisse.

-« Gaps », murmura t il pour lui-même.

-Nory, tu as finis la course d'aujourd'hui ?

Le renard attrapa sa queue du bout des doigts et nota que la grisaille s'installait à nouveau à travers ses poils orangés. Il dépoussiéra ses vêtements tout en répondant positivement à un grand caribou dont les bois asymétriques se tordaient étrangement. L'un comportait bien plus de pointes, et mesurait une bonne vingtaine de centimètres en plus. Son corps brun se cachait en partie sous un grand manteau noir et un pantalon élégant, dans la même teinte. A le regardait il ne semblait pas bien vieux, mais plutôt en plein âge adulte. Ses yeux bleus perçaient intensément ceux du petit prédateur lui faisant face, arrivant à hauteur de son ventre. Le lustre clignotait au plafond, sous l'effet du vent violent à l'extérieur, plongeant la pièce dans une ambiance lugubre. Les rangés d'étagères emplis de livres et bibelots s'étalaient sur tous les murs, ne laissant qu'une vagues place au centre pour un tapis rond, une chaise et une petite table basse.

-Céros ne t'as importuné, je présume.

-Non. Il ne le fait plus. Le tatou était là également.

-Ha ! Cet Edgard ! Toujours à mettre son nez où il ne faut pas ! Renvois le moi la prochaine fois !

-Il y a autre chose à faire ?

-Non. Ta journée est finie. Rentre chez toi.

Un hochement de tête et l'animal tourna les talons pour sortir de la bibliothèque. Il traversa plusieurs salles pour finalement sortir dans une petite ruelle enneigée. Il laissa glisser sa main le long de la porte qu'il fermait tout juste. Dans cette ville la neige ne cessez de tomber dès la fin de journée, recouvrant tout d'une fine couche blanche. Lui aussi perdait sa couleur en se laissant recouvrir, debout devant l'entrée, perdu dans le vague, fixant un point à l'horizon. Le vent s'engouffrait dans ses vêtements et levé des nuages de poudreuse. Une bourrasque le bouscula lorsqu'il fit un pas. L'équilibre vite récupéré il se faufila agilement à travers les rues et ruelles, traversa une place et rentra dans un immeuble qu'il gravit jusqu'au 3ème étage. Son logement se constituait d'un matelas posé sur le sol, en compagnie d'un four-micro-onde, un tapis et un baquet d'eau et quelques ustensiles. Il s'écroula sur son lit de fortune, épuisé.

-Alors ? Tu as trouvé ce que tu voulais ?

Ne logent pas dans le même immeuble, les deux policiers avaient pris l'habitude de se rejoindre devant le hall de police, et généralement le lapin arrivait à l'avance, comme cette fois encore. Lorsqu'elle vit arriver son collègue elle bondit jusqu'à lui, trop curieuse d'en savoir plus sur l'individu si intriguant de la veille. La foire finissait dans la soirée, la journée promettait d'être longue, alors il fallait bien se motiver !

-Désirais-je quelque chose ?

Il lui fit un de ses sourires narquois avant de la dépasser d'un pas nonchalant, passant le portillon d'entrée. Marchant côte à côte, Judy voulait à tout prix déceler les petits secrets de son ami, et s'intéresser à ce qui l'intriguait paraissait être un bon début, facile tout du moins. Il devait bien avoir une raison pour paraitre si perturbé, et pour ne jamais parler des siens. Après tout, en près de sept mois il n'avait jamais rien dévoilé de plus que la mésaventure de son enfance avec les scoot junior, et parfois quelques description de sa mère. Elle imaginait bien que son paternel n'était plus là depuis son enfance, mais elle désirait en savoir d'avantage sur Nick !

-Qu'est ce qu'il y a ? Demanda t il soudainement, après avoir salué le guépard qu'ils dépassèrent pour se rendre au bureau principal.

-Moi ? Rien. Je ne demandais si toi ça allait ?

-Tu t'en fais trop pour moi, s'amusa t il en lui donnant une tape sur l'épaule. Alors, qu'elle mission, aujourd'hui ?

La foire se terminait le jour même, ce qui signifiait que la surveillance continuait encore pour les deux amis. Ayant passé la majorité de la journée dans leur véhicule la veille, ils décidèrent de patrouiller à pied, tranquillement, passant par les ruelles à risques et les lieux peu fréquentés. La foule revenait petit à petit dans le quartier citadin, le froid polaire chassant les moins résistants, et les habitués ayant déjà fait leur tour. La ville des petits rongeurs grouillait toujours autant, trop craintif de se rendre dans un milieu où un simple brin de vent pouvait les recouvrir de neige !

-Peut etre qu'on le croisera à nouveau ? déclara Judy alors qu'il s'approchait de l'endroit où se tenait le renard accompagné du tatou et du caribou.

-On l'a déjà croisé.

-Quoi ?! Comment ça ?!

-Dans le garage de la maison jaune, juste derrière nous.

Le lapin n'en cru pas ses yeux lorsqu'elle se retourna et vit le bout de la queue du prédateur. Une telle couleur ne pouvait que lui appartenir. Elle voulut proposer à Nick d'aller à sa rencontre lorsqu'un bruit métallique provenu de ce fameux garage. Quelque chose racla par terre et un léger son étouffé leur parvint aux oreilles. Le renard se mit sur ses gardes, fixant l'endroit avec intensité. Mais plus aucune trace des individus.

-C'est suspect, non ? demanda Judy tout en sachant la réponse.

-N'importe quoi peut tomber dans un garage.

-En trainant longuement parterre ?

-Une planche déplacée.

-Et qui se fait mal ?

Leur regard se croisa au même instant où une voix haussa le ton, ils s'accordèrent silencieusement. Le pas rapide, ils se retrouvèrent devant les individus en moins de dix secondes. Un rhinocéros maintenait fermement le jeune renard contre le mur noirci et tachait d'huile. Soulevé à trente centimètres du sol, le cadet ne bronchait pas, toisant son adversaire tant qu'il le pouvait. Il se préparait à répliquer lorsque le tatou prévînt de l'arrivée des deux policiers. Ceux-ci réclamèrent d'immédiates explications.

-Mêlez-vous de ce qui vous regarde ! Je discute avec mon employé.

-Drôle de manière de discuter.

Alors qu'il prenait la parole, le renard se rendit compte de la présence de Nick, d'un autre de son espèce, un autre « roux ». Cela l'éveilla quelque peu :

-Le caribou va te défoncer.

-Le jour où se tas de bois ne te protègera plus tu seras mort avant la tombée de la nuit.

Sur ces paroles l'agresseur lâcha prise et commença à grimper dans la camionnette. Mais Judy s'interposa.

-Vous venez de porter atteinte à un citoyen de Zootopie et… !

-Un lapin. Planteur de carotte.

La portière se referma, le tatou prit place de l'autre côté, puis le véhicule démarra pour rejoindre la rue principale du quartier. Seul resta ledit employé et ses quelques sacs marron d'une bonne dizaine de kilos chacun. Il y eu un silence. Court, mais très épais. Jusqu'à ce que le gamin se décide à reprendre son activité, transvasant le matériel à l'intérieur du bâtiment, sous les yeux incrédules des deux autres.

-Tu es vraiment leur employé ? Tu sais, notre devoir est d'aider les habitants de Zootopie. Ce rhinocéros te fait du mal ?

-Je ne suis pas un habitant de Zootopie.

Nick pu lire en lui ce sentiment de solitude et de rejet si intense. Ces sentiments le replongèrent dans les moments difficiles de son enfance, et cela lui annonça une suite évènements bien amers.