Bonjour à tous,
Affectionnant particulièrement les personnages de Clove et de Cato, les tributs sacrifiés des Hunger Games, je profite du peu de mots qui leur est accordé au fil du roman pour laisser mon imagination combler le récit de leur sacrifice.
« La somme de toutes mes peurs » revisite le sort des tributs du District Deux, du point de vue exclusif de Clove, l'inquiétante lanceuse de poignards. Fin alternative en prévision.
Toutes formes de feedback sont les bienvenues, les reviews très appréciées.
Bonne lecture :)
UPDATED / Après relecture des chapitres de cette histoire, je me suis pris un gros coup dans le ventre. Je les ai trouvés assez mal écrits, parfois maladroits, en manque de beaucoup d'éléments. C'est pourquoi j'ai décidé de les reprendre. J'espère réussir à leur donner un peu plus de panache. Je reposterai donc chapitre après chapitre, jusqu'à renouer avec le bout de l'histoire pour enfin poster la suite :)
Chapitre 1 / Mon augure, ma victoire
Le paysage défile. De longs couloirs d'acier me brident les yeux. Quelques lumières éparses viennent compléter la symphonie de mon hypnose. Cachée par l'ombre des structures de fer de la ville, je m'octroie le droit de sourire. Discrètement.
L'air est chargéde poussières, le ciel dense. Je laisse mon regard se perdre dans le vague. Mon esprit s'envole, glisse lentement vers l'allégresse. Ma joie est à son comble. Je quitte enfin le District Deux. Je roule vers le Capitole. Mes yeux se ferment de délice. Des années de patience enfin récompensées. J'exulte.
Le District Deux tout entier, de ses Quartiers Périphériques jusqu'au Secteur Central bouillonne d'excitation. La fièvre des jeux. Tout le District vibre au rythme de l'événement. Depuis les hauteurs de la ville, les miens se sont entassés devant la voiture pour nous saluer. Encourager leurs vainqueurs. Les toucher, les regretter, leur exhorter la chance. Je sais bien que toutes ces effusions se destinaient à lui, pas à moi. Cato. L'enfant prodige. Le grand favori des jeux. Ils se lèvent, l'applaudissent. Je les méprise tant. Tous autant qu'ils sont.
Leurs visages, leurs paroles, leurs usages. L'honneur. Toujours, l'honneur. Le District Deux que j'exècre tant. J'étais prête à tout pour quitter ce lieu, depuis toujours. Sans un regard en arrière. Abandonner la terre battue, les structures de fer, leurs discours aseptiques. Je l'avais prouvé en me portant volontaire avant ma date. L'idée s'était retournée dans mon esprit, encore et encore, chaque jour de cette longue année. Ça n'aurait pas dû surprendre les foules, si les gens avaient dénié me connaitre. Des années que j'en avais fait le vœu. De me donner toute entière aux Hunger Games. Je leur avais cédé ma vie, mais ne comptait pas les laisser me la prendre.
Le crissement des pneus sur l'asphalte berce la mélodie des kilomètres. L'homme du Capitole murmure des paroles de sa voix doucereuse. Des lignes de conduite à tenir pour l'arrivée en ville. Je ne l'écoute que d'une oreille. Ma ligne de conduite personnelle est tracée depuis des années. Ses propos coulent sur moi comme la pluie sur le métal. Son regard impérieux se partage entre moi et Cato. Il tente de nous intimider. C'est peine perdue. Rien ne peut plus m'effrayer à ce stade. Je suis préparée à ce moment depuis mon plus jeune âge. Je l'observe d'un œil statique. La portée de mon langage non-verbal semble l'atteindre. Ses yeux me dévisagent un moment. Il finit par décider de se taire. Je range dans ma mémoire maintenant et pour toujours l'utilité des informations qu'il m'a données.
Cato soupire bruyamment. Le regard braqué sur la route, droit devant, les bras croisés, les épaules massives. Tout dans sa posture traduit l'ampleur de son ennui. Ennui qu'il n'a pas peur d'afficher. Ouvertement. Orgueil, mépris, arrogance. Je plisse les yeux. Je gage que sa prétention lui sera fatale. Je me renfrogne. Le convoi s'enfonce dans le silence.
Je distingue au loin quelque chose de grandiose. Un bout de chance qui me fait tressaillir. Une forme hagarde, nébuleuse, chevrotant le ciel bleu. Un nuage noir. Un bon augure au grès du ciel. Cato finit par le remarquer, lui aussi. Son sourire perce le masque de son ennui. Je sens son regard s'accrocher au mien. Mon visage se contracte. L'amusement dans ses yeux sonne comme un avertissement : "Il est pour moi". Je reste de marbre, bien décidée à me tenir loin des appels de sa provocation. Je reste méfiante. Car n'importe qui le sait, dans le District Deux. Cato sait se montrer redoutable au combat. Mais sa véritable force réside dans l'art de la provocation.
Je me remémore son dernier Litige en date. C'était il y a trois mois avec un autre garçon. Un de ses aînés. Il l'avait défié publiquement, pour outrage personnel. Une histoire de fille, je crois. Pour un simple regard. Il ne lui avait pas laissé l'ombre d'une chance. Il était mort en quelques coups seulement. Comme tous les Litiges que Cato avait lancés. Ses adversaires goutaient aux affres de son plaisir de tuer. Ils rendaient leur dernier souffle sous la torture. Systématiquement. Tout le monde avait fini par craindre Cato. Et c'est de cette façon qu'il avait bâti sa réputation. Il figurait parmi les trois plus dangereux carrières de l'académie.
J'en ris à gorge déployée. Le culte de l'excellence, la folie de l'honneur. Les failles du système. Aduler un champion, ou comment lui constituer d'entrée de jeu un point faible. Cato. Toute cette attention. Ca l'avait rendu arrogant, trop sûr de lui. Cet air conquérant, cette manie de se pavaner, ses allures supérieures. Cette illusion, cette idée fixe. Se croire le meilleur. Tout ça le conduirait dans l'impasse de la mort, tôt ou tard. Du moins, c'est ce dont j'essayais de me persuader depuis que je m'étais portée volontaire.
Son regard ne se détache pas du mien. Il me sonde, provocateur. Je le méprise tant. Je lui affiche l'air le plus impénétrable que je peux trouver dans mon répertoire d'expressions faciales. L'homme du Capitole nous rappelle à l'ordre. Il a vite perçu la tension monter dans le convoi. Je fixe mes yeux sur l'horizon. Ils ne doivent rien savoir de mon trouble. Ils ne doivent pas être capables de lire en moi.
Cato a l'intelligence de se taire. Il finit par se détourner de moi et replonge son attention sur la route. J'en fais de même. Discrètement, je scrute le ciel. Le nuage noir perce toujours le bleu de ses voutes. Je serre les poings, nerveusement. Une seule forme obscure au milieu d'une farandole de nuages blancs. Mon augure. Un seul nuage noir. Un bon présage. Signe d'une seule et unique mort. L'un de nous deux reviendra vivant. Pas lui. Moi. Moi, et seulement moi. Je guette le ciel de longues minutes, les lèvres pincées, récitant dans ma tête la panacée de prières auxquelles le temps m'a fait adhérer. Au bout d'un moment, mon énergie se fige, en phase avec le cosmos. Pas d'autres présages dans le ciel. Je finis par me détendre.
Scritch, scratch. Cato fait tourner son étoile d'acier entre ses doigts. Mon esprit s'empourpre. J'ouvre la bouche pour lui crier d'arrêter ce geste horripilant, mais me ravise. Ces mouvements méticuleux, ce schéma trop classique. Un test. Sans doute une épreuve, une évaluation, l'air de rien. Une façon de mesurer mon sang froid. Mes lèvres se fendent discrètement d'un rictus. Je ne montrerai rien de mon agacement. Je régule mon souffle. Ma respiration ne doit pas me trahir. Il ne doit pas lire en moi, jamais.
J'analyse ses émotions. Il ne songe pas un seul instant à les dissimuler. Je lis en lui plus facilement que dans un livre ouvert. Jouissance, tension, ennui. L'environnement clos le perturbe. J'imagine que la perspective de ne pas maîtriser totalement son destin le rend nerveux.
Je l'observe à la dérobée. Ses mèches blondes lui tombent devant les yeux, la masse de ses muscles roulent le long de ses épaules. Je sens qu'il se rengorge : nous sommes arrivés en vue du train.
_ Préparez-vous à descendre, nous commande l'homme du Capitole.
Je serre mes effets contre ma taille. Une rapide plongée dans ma botte m'indique que le poignard est toujours là. J'entends Cato ranger son étoile d'acier.
L'homme du Capitole me fait signe d'avancer la première. Je me renfrogne. La galanterie est un geste peu répandu dans le District Deux. Je sens les pas lourds de Cato me talonner, l'ombre de sa haute stature me recouvrir. L'homme du Capitole, encadré de deux pacificateurs, nous conduit vers le train. Je suis la première à monter à bord. Un rayon de lumière me frappe de plein fouet. Une salve de frémissement me parcourt le dos. Je sens Cato s'immobiliser dans ses pas.
Sous mes yeux se dessine l'équation céleste d'un corps que ma vision du monde peine à comprendre.Le faste, l'opulence, le luxe. Mes yeux scannent les environs. Je reste interdite, décontenancée. Sidérée. J'avais toujours accepté mes origines sociales. Et bien que ma raison d'être était de quitter le District Deux, je n'avais jamais songé au cadre de vie des gens du Capitole. Jamais songé qu'il puisse ressembler à ce que j'avais sous les yeux. De la moquette soyeuse tapisse les murs et le sol sur des mètres à n'en plus finir. La surface s'étend sur des couleurs suaves, jusqu'aux moindres détails des poignées de portes. Au centre de la pièce trône une table exceptionnellement belle sur laquelle se tiennent les pièces d'un festin à couper le souffle. Je sens l'estomac de Cato se manifester. Il n'a visiblement jamais rien vu de tel non plus.
L'homme du Capitole nous presse à l'intérieur. J'ose à peine fouler le sol. Je scrute la semelle de mes bottes. J'ai peur qu'elles submergent le sol de traces de terre. J'ai peur de laisser mon empreinte indélébile sur la moquette de soie. J'ai peur que mon existence souille la beauté des lieux. Mes yeux se portent sur mes ongles. J'attrape le tissu de mes vêtements entre mes mains. Je m'aperçois que je me sens sale. D'une immonde saleté. Je sais pourtant que j'ai ce matin mis les formes pour être à la hauteur du Capitole. Rares ont été les fois où j'ai eu l'air si soigné. Je réprime un vertige d'angoisse. Il faut se rendre à l'évidence : je serais toujours sale aux yeux du Capitole. Quoi qu'il arrive.
La voix doucereuse de l'homme qui nous encadre me rappelle à la réalité.
_ Le trajet durera moins d'une heure. C'est le temps dont vous disposez pour faire la connaissance de votre mentor. Je vous laisse en sa compagnie.
Ses pas légers s'effacent et l'atmosphère s'alourdit dans le wagon. Cato brûle de le rencontrer. Je le pressens au rythme de sa respiration. Pour ma part, je retiens mon souffle, fiévreuse à l'idée de faire la connaissance d'Aaron, le grand gagnant des derniers Hunger Games.
La porte coulisse. Mon rictus s'efface. Une brusque secousse me bascule en arrière. Le train vient de se mettre en marche. Je distingue l'épaisseur d'une silhouette cheminer vers nous. Je sens mon destin se scelle autour de cet instant. Mon rictus s'efface. L'homme qui se trouve en face de moi n'est pas Aaron.
_ Brutus ? rugit Cato.
Le ton de sa voix trahit la déception. Déception que je partage.
_ Lui-même.
L'homme qui nous fait face me domine de nombreux centimètres. Ses épaules, aussi larges que celles d'un gorille, promettent de longues heures de souffrance à qui se dressera en travers de leur route. Son visage, couvert de cicatrices, reste droit, placide. Solennel.
_ Où est Aaron ?
Ma voix perce dans les aigus.
_ Visiblement pas dans ce compartiment.
_ C'est quoi cette mauvaise blague ?
Le ton de Cato se veut menaçant. Brutus, vainqueur des 59èmes Hunger Games, ne semble pas le moins du monde impressionné.
_ Pauvre enfant. Tu ne crois quand même pas qu'un vainqueur des jeux se soucie des prochains tributs de son district ? Tu t'appelles comment ?
Ses mèches blondes virevoltent fièrement autours de ses yeux lorsqu'il formule les consonances de son prénom.
_ Cato.
_ Eh bien, Cato, tu ferais mieux de retourner dans les jupes de ta mère car ta naïveté te conduira tout droit dans les bras de la mort.
Une bouffée de fureur s'engouffre dans la pièce. Je sens Cato s'élancer sur l'homme. Je perçois le son d'un souffle de vent. L'instant d'après, Cato se retrouve immobilisé à terre, complètement dominé par Brutus. L'ivresse de sa rage se lit sur son visage.
Brutus l'observe se débattre, d'un air consterné.
_ Que tu m'acceptes ou non comme mentor m'est complètement égal. A toi de décider si tu peux te permettre de te passer de mes conseils stratégiques.
L'humiliation semble terrible pour Cato. Brutus se détourne de lui et pose son regard sur moi.
_ Et toi, la fille, qu'est-ce que tu décides ?
Une fraction de seconde achève de me convaincre. J'engage mes pas vers lui, tandis qu'il libère Cato de son emprise.
Il m'ouvre la voie, et m'enjoins à franchir la porte la première. Je me renfrogne. La galanterie semble être un virus contagieux dans les mœurs du Capitole. Un vent de pas lourds se glisse derrière moi. Je ne me retourne pas.
Brutus le toise d'un air interrogateur.
_ J'en suis aussi, murmure Cato, sans croiser son regard.
Mon œil s'aimante à la fenêtre. Un nuage noir défile au grès du paysage.
