Pairing : DaveKat
Rating : M pour violence, meurtres, blessures (peu graphiques), sexe et langage vulgaire. Ça fait peur dit comme ça mais en vrai c'est pas une histoire sombre, j'vous assure !
Chapitre 1
...
Durant la journée, la ville de Skaia était une métropole comme une autre. Une de ces villes marquées par la diversité culturelle de ses nombreux habitants, aux quartiers tous assez uniques en leur genre et plus ou moins industrialisés. Mais la nuit venue, loin des regards de ceux qui ne cherchent qu'à mener une vie paisible, se dévoilait la véritable apparence de Skaia. Pour chaque chose, après tout, il existe une facette cachée.
C'était l'une de ces nuits-là, sous une lune à moitié pleine, et de l'agitation commençait à naître dans un quartier malfamé. Déjà les habitants des immeubles alentour avaient fermé leurs volets, habitués aux guerres de gangs et aux bagarres de rues qui étaient monnaie courante dans les environs, et peu désireux d'y être mêlés. Dispersés aux quatre coins d'un terrain vague, une bande de jeunes voyous habillés de vêtements aux couleurs criardes, de bandanas et de pantalons troués, faisaient crisser les battes en métal qu'ils tenaient chacun dans les mains et qu'ils laissaient traîner au sol, produisant un son strident sur leur passage.
Face à eux, un seul homme ou plutôt un jeune homme, approchant de la trentaine et vêtu d'un costard noir et d'une chemise blanche, les fixait avec un calme presque inadéquat pour la situation. Réajustant sur son nez les lunettes de soleil qu'il ne quittait jamais même durant la nuit, il observait avec satisfaction la lumière de la lune se refléter dans la lame du katana qu'il tenait. Son nom était Dave Strider, et il était probablement l'enflure la plus arrogante et la plus méprisamment cool de toute la cité.
— T'as rien à faire ici, clébard ! cracha l'un des hommes aux battes métalliques. C'est pas la première fois qu'on te voit traîner dans notre quartier. Tu cherches la merde ?
— Ses maîtres ont pas dû assez bien serrer son collier ! plaisanta un de ses acolytes.
Stoïque face à ces provocations, Dave faisait tournoyer la lame de son sabre entre ses mains. Oui, il aimait vraiment voir la lueur de la lune s'y refléter. C'était une belle nuit. Un petit sourire se traçant au coin de ses lèvres, il toisa ses adversaires d'un air amusé.
— Oh, c'est votre territoire, ici ? Je croyais que j'étais dans une décharge publique. Toutes mes excuses.
Sa remarque n'avait visiblement pas fait rire les voyous, qui le fixèrent sévèrement.
— On dirait qu'on va devoir dresser le toutou des Egbert nous-même, dit l'un d'entre eux.
Dave fixa un à un ses adversaires. Quatre hommes, tous entre vingt et trente ans. Aucun ne semblait cacher d'arme à feu, mais l'un d'entre eux devait avoir un canif ou autre dans sa poche gauche à en juger par le tic nerveux qui le faisait la tapoter de sa main à intervalles régulières. Des amateurs. Dave rangea son katana dans son fourreau ; il n'aurait probablement pas besoin de plus face à eux, et il ne tenait pas à émousser sa lame inutilement. Desserrant légèrement le nœud de sa cravate et réajustant le col de sa chemise, il leur fit signe d'approcher.
L'homme le plus proche de lui s'élança, levant sa batte métallique dans les airs et fonçant sur lui en poussant un cri. Ses camarades ne tardèrent pas à faire de même, tous se dirigeant droit sur Dave dans un mouvement presque comique de dessin animé. Le jeune homme évita l'attaque de son premier assaillant d'un pas sur le côté, se glissant ensuite agilement dans le dos de son adversaire pour lui asséner un coup de son arme au niveau des côtes. Il entendit le craquèlement satisfaisant d'os qui se fissurent sous le choc et le voyou tomba aussitôt au sol, assommé par la douleur.
Voir leur allié s'effondrer fit hésiter les trois autres, mais Dave ne leur laissa pas le temps de se remettre de leur surprise ; il pivota sur lui-même et fonça vers les deux hommes juste derrière, levant son arme à la verticale pour frapper le menton de son premier adversaire avec, le faisant aussitôt tomber à la renverse. Avant que l'homme n'ait eu le temps d'atteindre le sol, Dave avait lâché le manche de son arme pour la saisir par le bout du fourreau d'un geste habile et il l'envoya frapper au ventre son camarade qui se trouvait derrière lui, sans même prendre la peine de se retourner pour regarder.
Trois des quatre hommes étaient désormais à terre, et Dave reprit son katana correctement en main pour tapoter son épaule avec le bout du manche, toisant son dernier ennemi avec un sourire. L'homme fit un pas en arrière, laissant tomber sa batte sous le coup de la peur. En voyant Dave se rapprocher, son visage s'étira d'effroi et il plongea sa main dans sa poche pour en sortir un petit canif qu'il pointa droit devant lui. Bingo.
— C'était quoi déjà, que vous disiez tout à l'heure ? demanda Dave sur un ton amusé tandis qu'il continuait d'avancer vers l'homme. Vous parliez de me dresser, non ? Je suis quasiment sûr que c'est ce que vous avez dit, mais si je me trompe tu peux me le dire.
L'homme recula encore d'un pas ; sa main tremblait tellement qu'il dut saisir son canif à deux mains, mais Dave, lui, ne montrait aucun signe de nervosité.
— Enfin, rajouta-t-il, même si tu t'excusais maintenant, je sais pas si je comprendrais. C'est ça le problème avec les clebs mal dressés, ils n'en font qu'à leur tête la plupart du temps.
Il n'était plus qu'à quelques mètres de son adversaire quand soudain Dave s'arrêta, sentant une présence à sa droite. Pivotant sur le côté tout en s'assurant de garder tout de même le voyou dans son champ de vision, il scruta l'obscurité pour tenter de discerner les silhouettes qui se rapprochaient.
— C'est qu'il y a un fils de pute qui s'est bien amusé ici, on dirait !
Reconnaissant la voix de son interlocuteur avant même d'apercevoir son visage, Dave sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il fit un pas en arrière et resserra le manche de son katana dans ses mains.
— Eh merde.
Sortant de la pénombre était un géant de plus d'un mètre quatre-vingt-dix aux cheveux frisés et à la carrure imposante, vêtu d'un pantalon trop grand et d'un débardeur noir qui dévoilait l'impressionnant volume de ses muscles. Il tenait une batte de base-ball en bois peinte de blanc sur son épaule et il avançait d'un pas lent mais assuré. Derrière lui, Dave ne tarda pas à voir avancer plusieurs autres voyous, tous armés de battes également.
Mais leur nombre n'inquiétait pas Dave autant que la seule présence du jeune géant qui leur servait de chef. De toutes les personnes de la liste des gens sur qui Dave n'avait absolument pas envie de tomber, Gamzee Makara était vraiment en tête de liste.
— Tu cherches quelque chose, Strider ? demanda Gamzee, un grand sourire sur les lèvres.
— Tu me croirais si je disais que je me suis juste perdu ? tenta Dave, qui sentait déjà la sueur perler sur son front.
— Bien sûr. Mais…
Il inspecta des yeux le terrain vague, son regard s'arrêtant sur chacun des hommes à terre ainsi que sur celui qui tenait toujours son couteau droit devant lui.
— Maintenant que tu as tabassé mes frangins, tu sais que je peux pas vraiment te laisser repartir sans rien dire, pas vrai ?
— Ouais, je m'en étais un peu douté.
Gamzee, d'un geste lent, retira la batte qu'il gardait contre son épaule et la lança en l'air avant de la rattraper, comme s'il s'agissait d'une quille. Il répéta ce geste deux fois puis, au moment de la rattraper à nouveau, il l'empoigna plus fermement et la projeta devant lui avec une force et une vitesse telle qu'aucun être humain normal n'aurait pu suivre le mouvement de son bras des yeux. La batte fila droit sur Dave et passa à un ou deux centimètres à peine de son visage avant d'aller s'écraser sur un poteau téléphonique un peu plus loin, contre lequel elle se fracassa avec une telle force qu'elle explosa en morceaux et fit trembler le poteau quelques secondes durant.
Les lèvres de Gamzee s'étirèrent en un grand sourire qui, en d'autres circonstances et si Dave ne venait pas de voir sa vie défiler devant ses yeux, aurait presque pu paraître amical. Dave lui rendit son sourire avec un petit rire nerveux. Bon, il était foutu.
...
Au moins, il était toujours en vie.
Dans les pires situations, Dave essayait toujours de trouver quelque chose de positif pour ne pas totalement perdre son sang-froid. Donc même s'il était ligoté sur une chaise avec au moins trois côtes cassées et la lèvre en sang, ses lunettes de soleil explosées à ses pieds et un goût métallique pas très agréable dans la bouche, il s'efforçait d'apprécier calmement le fait d'être toujours capable de faire entrer de l'air dans ses poumons et d'entendre son cœur battre à un rythme relativement régulier.
— Tu vas finir par répondre à mes questions oui, sale raclure d'enculé de mes deux ?
Dave arqua un sourcil. Le type qui était en train de l'interroger était un gamin d'à peine vingt ans aux cheveux décolorés en blond, portant des lunettes et aux oreilles et sourcils couverts de piercings, et si maigrichon que tous ses vêtements paraissaient beaucoup trop grands pour lui. Un petit gars à l'air un peu taré qui donnait l'impression qu'il pourrait donner un coup de couteau à quelqu'un juste pour l'avoir regardé de travers. Dave avait eu affaire plusieurs fois à lui déjà, mais il n'arrivait jamais à se souvenir de son nom. Pollux, ou un truc du genre.
— C'était quoi ton plan en débarquant ici, hein ? répéta le gamin en agitant un couteau devant lui. Tu crois que tu peux nous espionner quand ça te chante et qu'on va te laisser faire sans rien dire, abruti ?
— J'y peux rien ; c'est tellement facile de vous infiltrer que ça me donne envie de venir même quand je cherche rien de particulier. Même les mecs cools peuvent s'ennuyer, tu sais ?
— T'es en train d'insinuer que je suis pas cool, fils de pute, hein ?! s'énerva le petit blond. On va voir si tu rigoles autant quand j'aurai laissé une jolie marque rouge sur ta face de beau gosse !
Il pressa la lame froide de son couteau contre la joue de Dave, mais celui-ci n'arrêta pas un seul instant de sourire. Un jour, il le savait, son arrogance allait vraiment finir par causer sa perte, et il l'aurait bien dans le cul à ce moment-là.
— Ça suffit, Sollux.
À la mention de son nom, le gamin s'arrêta et une grimace contrariée apparut sur son visage. Il resta encore quelques secondes sans bouger avant de finalement éloigner son couteau du visage de Dave et de lever les mains en l'air en signe de capitulation.
— C'est toi le boss, dit-il avec une pointe d'amertume dans la voix.
Sur ces mots, il tourna les talons non sans jeter un dernier regard menaçant à Dave, puis il quitta la pièce, fermant la porte derrière lui et laissant son otage seul avec le jeune homme qui venait d'entrer.
Ce dernier s'avança jusqu'à se planter face à Dave, qu'il observa de haut sans dire un mot. Pour quelqu'un qui le rencontrerait pour la première fois, cela semblerait totalement improbable que ce jeune homme d'un peu plus de vingt-cinq ans, d'à peine 1m70 et dont le visage pourrait paraître presque enfantin sans les cernes sombres qu'il avait sous les yeux et l'expression dure et un peu hargneuse qu'il arborait la plupart du temps, était en vérité un des sous-chefs du gang Alternia à qui était confié tout un quartier et un peu plus d'une cinquantaine d'hommes à sa charge.
Il s'appelait Karkat Vantas, était Kazakh d'origine mais avait grandi et vécu à Skaia, avait la peau mate et un teint maladif, des cheveux noirs et épais, un nez un peu aplati, et des yeux légèrement bridés aux pupilles aussi noires que sa tignasse mal peignée. Malgré son jeune âge et son apparence assez inoffensive, peu de gens dans le milieu faisaient la bêtise de le sous-estimer. La rumeur (véridique) qu'il avait un jour arraché l'oreille d'un mec avec ses dents suffisait généralement à calmer les petites frappes à la mention de son nom.
Pendant presque une minute, Karkat fixa Dave de bas en haut, les sourcils froncés et l'air agacé.
— C'est un sacré accueil que vous avez ici, lâcha finalement Dave, une touche de sarcasme dans la voix.
Karkat fit claquer sa langue entre ses dents.
— Tu t'attendais à des banderoles et une putain de boîte de cupcakes, peut-être ? cracha-t-il de son habituelle voix au timbre un peu enroué. Si tu veux mon avis, mes gars se sont même un peu trop relâchés. Je m'attendais à te retrouver avec au moins un doigt en moins ou quoi. Mais t'inquiète pas, je leur passerai un savon pour qu'ils fassent plus d'efforts la prochaine fois.
— Outch, arrête de me faire rire, c'est pas évident avec des côtes fêlées.
L'expression de Karkat se renfrogna davantage et il se pencha vers Dave, qui dut incliner sa tête en arrière pour continuer à lui faire face et soutenir son regard.
— Tu trouves ça drôle, enfoiré ? grogna Karkat. Peut-être que je devrais vraiment te couper un putain de doigt pour que t'apprennes la leçon.
Il marqua une courte pause et, poussant un léger soupir d'exaspération :
— Aussi, tu pourrais pas au moins essayer de crier un peu ou quoi, là ? Je suis censé être en train de te foutre une raclée. Tu veux quoi, que je perde toute ma crédibilité ?
— Tu crois vraiment qu'ils vont s'embêter à coller leur oreille à la porte pour t'écouter ? Tu te fais trop de soucis pour rien, bébé.
Karkat se redressa et poussa un nouveau soupir, plus long cette fois. Les bras croisés, il observa Dave à nouveau pendant plusieurs secondes.
— Peut-être que je me ferais moins de soucis si tu passais pas ton temps à te comporter comme un ado arriéré… D'ailleurs, je te trouve sacrément arrogant pour un mec attaché sur une chaise.
— J'admets que tu me vois pas dans un de mes meilleurs moments. D'un autre côté, on pourrait dire que ça a un petit côté excitant, non ?
Karkat roula des yeux.
— Oh non, dit-il d'une voix sarcastique au possible, tu as découvert mon fantasme secret : voir mon mec ligoté à une chaise après s'être fait tabasser.
— Pour ma défense, la chance était pas vraiment de mon côté. Si j'étais pas tombé sur ton pote le cousin de Hulk là, je serais pas dans cette situation à l'heure qu'il est.
— Tu veux une astuce ? Si tu veux pas tomber sur Gamzee, te balade pas dans la zone où il traine quasiment toutes les nuits. En fait, viens carrément pas sur notre territoire, ce serait encore mieux !
— Allez, tu sais que je peux pas faire ça. J'ai mes ordres moi aussi.
Le visage de Karkat s'adoucit légèrement. Il s'approcha à nouveau de Dave et posa cette fois une main sur son menton pour essuyer le sang qui avait coulé de sa lèvre, et approchant son visage pour poser son front contre le sien.
— Je sais.
Il recula un peu son visage et, lorsque leurs regards se croisèrent, Dave ne put s'empêcher de sourire. C'était un peu une tragédie, à vrai dire. Karkat, un des sous-chefs du plus grand gang de voyous de tout Skaia, et Dave, respectueux membre de la prestigieuse famille Egbert qui dirigeait la ville dans l'ombre depuis quatre générations. Depuis plus de cinquante ans leurs deux groupes étaient en conflit, chacun luttant pour agrandir son territoire et éliminer son concurrent pour régner totalement sur Skaia. Si le bruit se mettait à courir d'une romance entre deux de leurs membres – et qui plus est, entre un sous-chef d'Alternia et le bras droit du prochain chef de la famille Egbert – ni Dave ni Karkat ne s'en sortiraient avec juste un doigt coupé.
Mais bon, Dave était arrogant, et également fou amoureux.
— Il t'a vraiment pas raté, cette fois, dit Karkat, qui avait défait les premiers boutons de la chemise de Dave pour admirer les larges tâches bleutées sur son torse.
— Au moins dans un sens je sais qu'avec ce type dans ton camp, j'ai pas trop à m'en faire pour ta sécurité.
— Tu sous-entends que sans lui, je serais pas capable de me défendre ?
— Non, j'ai pas dit ça, dit Dave avec un sourire.
Karkat reboutonna la chemise de Dave et se redressa à nouveau, son expression partagée entre de l'exaspération et une pointe d'amusement.
— Je pense que tu devrais profiter un peu de cette situation, plaisanta Dave. D'ici moins de deux semaines, t'auras sans doute plus beaucoup d'occasions de me voir ligoté sur une chaise comme ça, tu sais ?
— Seulement si tout se passe bien, grogna Karkat, et tu sais comme moi que c'est loin d'être gagné.
— Nah, je suis sûr que ça va aller. John a vraiment envie de signer cette alliance, et t'as dit toi-même que personne dans ton gang n'y était opposé.
— J'ai dit que je pensais que personne n'y était opposé. Tu sais combien y a de sous-chefs au sein d'Alternia ? On est pas un putain de groupe de lecture, je suis pas pote avec tout le monde ici.
Il croisa les bras et afficha une mine inquiète.
— Et même si notre boss est d'accord, rien ne garantit que ça puisse pas merder. C'est justement pour ça que c'est pas le moment de prendre des risques !
Dave roula des yeux. Il savait qu'il n'arriverait pas à convaincre Karkat, peu importe ses arguments. On parlait après tout d'une possible alliance entre deux groupes marqués par des années de guerre impitoyable, qui allait enfin être rendue possible après de nombreux pourparlers et de longues discussions entre les dirigeants. Et pour lui et Karkat, cette alliance était encore plus lourde de sens. C'était normal qu'il s'inquiète.
— Même si, grâce à ma prise de risque, on a gagné une opportunité de se voir ? demanda-t-il pour tenter de détendre l'atmosphère.
— Ferme-la.
Karkat avait de nouveau l'air agacé, mais la teinte légèrement rosée de ses joues n'avait pas échappé à Dave.
— Allez, je ferai attention à partir de maintenant, OK ? En attendant, tu peux pas au moins faire en sorte que ça ait valu le coup de me faire casser trois côtes et une paire de lunettes toute neuve pour venir ici ?
Karkat sembla hésiter, mais heureusement pour Dave, cela ne dura pas très longtemps. Il frissonna quand Karkat posa une main sur son épaule et il ouvrit la bouche pour inviter son amant secret à l'embrasser. Ils essayaient toujours de rendre ça doux et agréable les premières secondes, mais à chaque fois leurs baisers devenaient bien vite plus passionnés et désespérés. Cela faisait plus de neuf mois qu'ils se fréquentaient en cachette, mais en vérité, ils n'avaient pas assez d'occasions de se voir pour être jamais vraiment satisfaits.
— Pour tout avouer, dit doucement Karkat quand ils se séparèrent, c'est moi qui ai expressément demandé à tous mes gars de péter tes lunettes à chaque fois qu'ils te voyaient.
— Vraiment ?
— Ouais. J'y peux rien, j'aime trop voir tes yeux.
Il lui adressa un petit sourire en disant ça et… ouaip, voir Karkat sourire, voilà une raison totalement suffisante pour que ça vaille le coup de se faire tabasser par un géant et menacer par un gamin bipolaire avec un couteau, selon Dave. C'était l'une des rares choses qui faisait accélérer les battements de son cœur à tous les coups.
Il était en train de préparer une réponse ironique, mais Karkat avait défait la fermeture éclair de son pantalon et avait glissé sa main dans son caleçon, ce qui fit aussitôt ravaler à Dave tous les mots qu'il avait en tête. Ils s'embrassèrent encore une ou deux fois pendant que Karkat continuait les mouvements lents mais constants de ses doigts, laissant quelques gémissements s'échapper de la bouche de Dave tandis que son corps devenait graduellement brûlant. Ses bras et ses chevilles étaient toujours attachés, mais d'une certaine manière, cela rendait la chose encore meilleure.
— J'ai juste vraiment envie que tout se passe bien, dit doucement Karkat avec une once d'inquiétude dans la voix. S'il arrive quelque chose pendant l'échange et que l'alliance est pas signée, j'ai aucune idée de quand la prochaine occasion se présentera. Ou si elle se présentera tout court.
— Tout le monde veut cette alliance, répondit Dave entre deux halètements. Et on sera tous super bien préparés pendant l'échange, pour être sûrs qu'il se passe rien. Je serai sur place moi aussi. Tout ira bien.
Karkat mit un peu plus de pression dans ses doigts et Dave inclina sa tête en arrière, essayant de bouger ses bras par réflexe et savourant la sensation d'être totalement immobilisé et à la merci de son amant.
— J'aimerais être aussi confiant que toi, poursuivit Karkat. Tu sais, y a des rumeurs ici, certains disent qu'il y a des membres qui aimeraient bien faire capoter l'opération.
— J'essaye vraiment de me concentrer sur ce que tu dis, bébé, lâcha Dave dans un gémissement, mais je t'avoue que là ça devient un peu compliqué.
La main de Karkat arrêta subitement de bouger et Dave poussa malgré lui un grognement mécontent. Il releva la tête et jeta un regard contrarié à Karkat, mais il ne pouvait pas tellement lui en vouloir en voyant l'expression angoissée de son visage.
— Je suis sérieux, Dave, dit Karkat avant de se mordre nerveusement la lèvre. J'ai vraiment un mauvais pressentiment sur ce coup.
— T'as des mauvais pressentiments sur tout !
Son ton avait été un peu agressif à cause de la frustration de sentir encore les doigts immobiles de Karkat autour de son érection, mais comprenant qu'il n'arriverait à rien en s'énervant après lui, il prit une profonde inspiration pour se calmer. Finalement, il regrettait un peu d'être pieds et poings liés, maintenant.
— Écoute, je sais que je donne l'impression de pas m'en faire, mais ça me stresse autant que toi. Surtout sachant que John sera en première ligne si jamais il se passe quelque chose. Hé, regarde-moi.
Karkat releva la tête et Dave le fixa droit dans les yeux, tentant au mieux de se montrer convainquant. Cela aurait sans doute été plus simple s'il ne se sentait pas totalement ridicule, ligoté ainsi à une chaise la braguette ouverte, mais bon, il fallait faire avec ce qu'il avait.
— Je veux vraiment que ça marche moi aussi, poursuivit-il, mais ça sert à rien de se morfondre en pensant à tout ce qui pourrait mal tourner. Je te promets que je vais prendre toutes les précautions pour que tout se passe comme sur des putains de roulettes, alors fais-moi confiance là-dessus, OK ?
Il esquissa un petit sourire, espérant sincèrement que cela suffirait à rassurer Karkat, et pas seulement parce qu'il attendait désespérément qu'il recommence ce qu'il était en train de faire. Le jeune homme finit par hocher doucement la tête et Dave poussa un léger soupir de soulagement.
— D'accord, répondit Karkat, mais je vais continuer d'enquêter de mon côté en attendant.
— Merveilleux, fais tout ce que tu penses nécessaire.
Son sourire s'effaça cependant très vite lorsqu'il sentit la main de Karkat s'éloigner.
— Attends, euh, tu vas quand même pas me laisser comme ça ? demanda-t-il avec une légère panique dans la voix.
Ce fut à Karkat de rouler des yeux cette fois, un petit sourire au coin des lèvres.
— Du calme, Strider. Laisse-moi deux secondes, j'y arrive.
Il comprit soudain ce que Karkat avait en tête en le voyant se mettre à genoux devant lui, coinçant distraitement quelques mèches de cheveux un peu trop longues derrière ses oreilles pour qu'elles ne viennent pas le gêner. Dave pencha à nouveau sa tête en arrière, fixant le plafond tandis qu'il sentait déjà le rouge lui monter aux joues.
— Tu sais que, paradoxalement, tu me donnes vraiment beaucoup de raisons de revenir me faire casser des côtes, là.
Il entendit Karkat pousser un petit rire et l'une de ses mains passa sous la chemise de Dave pour se nicher dans son dos et l'inviter à se cambrer un peu afin de pouvoir se rapprocher. Maintenant Dave en était sûr : malgré la douleur lancinante dans ses côtes qui le reprenait, c'était décidément une très belle soirée.
