Famille Virtuelle

Aronna avait toujours pensé que son parrain, Tony Stark, était un mégalo égoïste qui ne voyait en elle que l'héritière de la branche française d'HYDRA. Ce qui n'était pas totalement faux. Tony était en effet mégalo et égoïste, et elle, elle était belle et bien l'héritière de ce nid à problème. Un duo de choc, d'après ses dires.

Néanmoins, après la mort, ou plutôt le meurtre -c'est encore un sujet à débats-, de son père, la jeune femme avait bien dû faire avec. Il était l'un des derniers membres de sa famille encore potable, et elle allait devoir gérer avec lui. Elle ne l'avait jamais dit à voix haute, plutôt mourir que de le faire, mais elle s'était senti étonnement bien en apprenant que l'ingénieur n'était pas dans de meilleures conditions familiales qu'elle.

À défaut d'avoir un père mort et une mère qui, avec un peu de chance, avait disparu dans les tréfonds des abîmes, Stark n'avait plus de parents du tout. Il n'avait pas de famille direct ailleurs, pas de grands-parents connus ni cousins éloignés. En fait, il n'avait que Pepper, et même elle, il n'était pas fichu de la garder. Finalement, ils étaient tous deux des handicapés familiales, et à bien y penser, c'était peut être la seule qui pensa à les rapprocher.

La cohabitation fut rude au départ, entre lui la surveillant comme une terroriste, et elle agissant comme un bouledogue sur les nerfs après qu'on lui est marché sur la queue. Ce fut un long moment d'adaptation, supporté par quelques conseils de Pepper, qui avait fini par créer en premier lieu une entente cordiale. Pour éviter tout incident, ils ne se parlaient que par technologie interposée. Une aubaine pour Aronna qui ne pouvait vivre sans ses réseaux sociaux plus de deux minutes, et Tony qui ne supportait que mieux la solitude dans son atelier.

Cela commença d'abord par des messages, souvent ironiques, sarcastiques ou provocateurs. Petit à petit, ils évoluèrent sur chat instantanné, où ils purent s'insulter et se provoquer avec plus de rapidité. Enfin, l'appel, qui se révéla être une étrange expérience compte-tenu du fait qu'aucun des deux ne s'étaient parlé de vive voix depuis des semaines. Sans vraiment s'en rendre compte, ils avaient arrêtés de se lancer des piques gratuites, mais plutôt blaguaient comme de vieux amis séparés par la distance.

Puis un soir, après avoir vidé sa batterie en début d'après-midi pour avoir passé l'heure au parc à utiliser sa 4G, Aronna trouva fil à son portable dans un petit cybercafé de la ville. Elle ralluma son téléphone et tomba des nues en observant ses vingt-trois appels manqués venant de son parrain. Vivement, elle s'imagina le pire. Autant d'appel… avait-elle loupé un événement majeur ? Était-il parti en mission et était aux bords de la mort ? Était-ce un autre des Avengers qui voulait lui annoncer sa mort ? Prise de panique, elle tenta de l'appeler mais tomba sur le répondeur plusieurs fois, ne faisant que renforcer son angoisse.

Elle se jeta hors du café et pris précipitamment la route menant à la maison, pensant sur le chemin au pire désastre possible. Elle bouscula des gens sur le trottoir, et ne prit même pas le temps de s'arrêter ou s'excuser. Soudain, comme un son venu d'ailleurs, son portable se mit à sonner. Tony la rappelait enfin. Elle décrocha instantanément, n'attendant pas plus, et hurla :

« Ça va Tony ?!

-Moi si ça va ?! Répondit-il, tout aussi sur les nerfs. Je t'ai appelé vingt-fois gamine ! J'ai cru que t'étais morte dans un fossé !

-Mon portable n'avait plus de batterie !

-J'étais occupé moi aussi ! »

Voyant l'absurdité de se hurler dessus par micros interposés, ils se calmèrent chacun de leur côté et Aronna avoua même avec soulagement:

« Sérieux, Tony, j'ai failli faire une crise cardiaque. J'ai cru que t'avais eu un accident dans ton atelier ou que t'étais mort après une attaque d'Hydra, un truc dans le genre.

-… Désolé, Aro. Je voulais juste te parler d'un truc… je sais même plus ce que c'était ! Rit-il nerveusement, un peu gêné de l'entendre s'inquiéter pour lui.

Elle pouffa discrètement aussi, totalement sereine à présent. Elle ne désirait pas revoir de sitôt cette poussée d'angoisse, et elle lança un regard en coin à son téléphone, avant de proposer.

« Tu veux pas que je vienne te voir à l'atelier ? J'emmènerais un pizza.

-Je t'attends déjà ! »

Elle rangea son portable et marcha d'un pas léger vers la pizzéria la plus proche. Elle n'aimait pas l'idée de ne pas avoir de famille, si bien qu'elle se serait volontiers contenté d'une famille virtuelle. Mais si Tony voulait bien faire partie de sa véritable famille, il n'y avait pas de raison qu'ils s'enferment mutuellement dans le virtuel.