Je ne pouvais détacher ce sourire de mes lèvres en imaginant la journée de demain. A ma curiosité qui allait être étanchée. Même le flot d'injures incessant dans la tête de Rosalie ne pouvait gâcher ma bonne humeur. J'étais particulièrement reconnaissant à Alice d'avoir calmer Jasper au sujet de Bella et de notre identité dévoilée. J'étais moins ravi concernant ses visions de la journée.

Edward je suis désolée pour ce midi. J'ai sauté aux conclusions. C'est l'endroit tu comprends…

« Je sais Alice… soupirais-je. Ce n'est pas pour ça que je l'emmène là-bas. »

Je sais je sais. J'ai vu, pensa-t-elle un sourire aux lèvres. Puis elle s'éclipsa avec Jasper.

Ah ainsi Alice avait vu notre escapade. Avait-elle aussi vu la réaction de Bella ? A quoi était dû ce sourire moqueur ? Est-ce parce que je n'aurais finalement pas le courage ? Je décidai d'oublier ces questions et m'assit au piano. Jouer m'aiderait un peu. Ensuite il faudrait que j'aille chasser. Et puis j'irai m'assurer que Bella soit en sécurité. Ou plutôt corrigeai-je j'irai assouvir mon besoin obsessionnel de la regarder dormir. Son sommeil était très agité quand j'arrivai à sa fenêtre. Elle se retournait sans cesse, ouvrant parfois les yeux, sans se réveiller vraiment. Et elle murmurait toujours mon prénom. Je me demandais ce qui pouvait l'agiter de la sorte.

Je souris en l'entendant se précipiter à la fenêtre après le départ son père, puis lorsqu'elle dévala les escaliers. Je me demandais toujours ce qui l'avait tant tourmenté cette nuit.

« Bonjour. Comment vas-tu, aujourd'hui ? lui demandai-je quand elle fut installée sur le siège passager. Ma question n'était pas innocente, je voulais déchiffrer sur son visage le contenu de ses rêves de la nuit.

— Bien, merci.
Rien du tout. Peut-être qu'elle ne s'en souvenait pas.
— Tu parais fatiguée, pourtant, dis-je en regardant ses cernes
— Je n'ai pas dormi, avoua-t-elle.
Elle ramena ses cheveux en avant comme pour cacher son visage cerné. Je réprimai un sourire. — Moi non plus, dis-je d'un air moqueur en mettant le contact.

— J'ai quand même dû dormir un peu plus que toi
— J'en suis persuadé.
— Alors, à quoi as-tu consacré ta nuit ?
— Bien tenté, mais c'est à mon tour de poser des questions, je te rappelle.
— Oh, j'avais oublié. Que veux-tu savoir ? demanda-t-elle nonchalamment comme si elle pensait qu'elle n'avait rien d'intéressant à dire. Ce qu'elle ignorait c'est que tout chez elle m'intéressait. Elle était si différente de tous les humains que j'avais rencontrés jusqu'alors. Je voulais tout connaître d'elle.

— Quelle est ta couleur préférée ?
— Ça varie selon les jours.
— Quelle est ta couleur préférée aujourd'hui ? insistai-je bien qu'un peu distrait par des mèches de cheveux qui s'attardaient sur sa clavicule pointant dans une direction que je voulais éviter.

— Le marron, sans doute.
— Ah bon ? ce n'était vraiment pas commun. La plupart des gens optait pour le bleu, le vert, ou même le rose. Décidément Bella n'était pas comme les autres.
— Oui. C'est une couleur chaude, précisa-t-elle. Elle me manque, Tout ce qui est censé être brun, les troncs, les rochers, la boue, est couvert de mousse verte, ici.

Elle avait dit ça d'une façon si enflammai que je pus m'empêcher de la regarder. Elle devait vraiment regretter Phoenix. Je repensai soudain à ce qu'elle avait dit quelques fois dans ses rêves. « C'est trop vert ! ».

Je lui pris la main et de l'autre dégageai ses mèches qui décidément troublaient ma concentration. Non aujourd'hui c'était moi qui posait les questions et je ne laisserai rien passer. Comme nous étions déjà au lycée je me garai lentement, du moins lentement pour moi, puis me tournai vers Bella pour une nouvelle question qui me tenait à cœur puisqu'elle portait sur la musique.

« Qu'as-tu comme musique en ce moment dans ton lecteur de CD ? après tout elle aimait Debussy mais ce pouvait être une coïncidence.

Sa réponse me surprit un peu. C'était un groupe assez brailleur mais j'avais un faible pour la mélodie, certes bien cachée, de la guitare. Je n'aurais jamais cru qu'elle aimait ce genre de musique. Je souris et sorti mon exemplaire du disque en question de la boite à gants

- Tu préfères ça à Debussy ?

Elle ne répondit pas et fit mine de s'absorber dans l'examen de la jaquette. Etait-elle aussi surprise que moi ? Je réprimai un sourire puis l'accompagnai en cours d'anglais sans cesser mes questions. J'avais décidé de mettre à profit tous les instants que je passerai avec elle aujourd'hui pour assouvir ma curiosité puisque son esprit refusait toujours obstinément de s'ouvrir à moi. Ses films préférés tout d'abord, puis les endroits qu'elle connaissait, lesquels lui avaient plus et pourquoi, les endroits qu'elle voudrait visiter. Ses réponses me surprirent mais je m'y étais attendu. Pas de plages sous les tropiques mais plutôt des décors épurés, simple et dont la beauté vous clouerait sur place. Mais je l'ai surtout questionné sur ses lectures. Lire était une autre de mes passions mais la plupart des humains que j'avais côtoyés était pour le moins ignorant en comparaison. Pas Bella. Et son avis sur les œuvres était bien différent du mien elle était si passionnée alors que j'étais si blasé par certains. Discrètement j'abordai Jane Austeen et elle rougit avant de s'enflammer pour Orgueil et préjugés. Mais je n'avais pas manqué la coloration de ses joues à l'évocation aussi j'insistai pour en connaître la raison. Elle m'avoua enfin qu'elle avait lu Austen récemment et qu'elle avait dû arrêter sa lecture car les personnages s'appelait Edward ou Edmund ce qui lui faisait trop penser à moi. Ah ainsi c'était donc ça ! S'il avait pu mon cœur se serait réchauffé.

« Quelle est ta pierre précieuse préférée ? demandai-je pour changer de sujet

-Le topaze, répondit-elle sans réfléchir puis elle devint soudain rouge comme une pivoine

Ah encore une histoire cachée ! Décidément cette tendance au rougissement était bien pratique vu que son esprit m'était fermé.

-Pourquoi rougis-tu ainsi ?

-Ah bon ? Je … il fait chaud non ?

Je roulai des yeux

-Bella …

-Vraiment Edward je ne sais pas de quoi tu parles, dit-elle en jouant nerveusement avec ses cheveux

-D'où te vient cette affection pour les topazes ? insistai-je

Elle rougit de plus belle

-C'est la couleur de tes yeux aujourd'hui, céda-t-elle. Si tu me reposais la question dans deux semaines, j'imagine que j'opterais pour l'onyx, ajouta-t-elle sans me regarder.

Ah. Observatrice. Mais ce n'était vraiment pas une bonne chose qu'elle pense à moi si souvent. Même si de façon perverse j'étais heureux qu'elle le soit.

- Quelles sont tes fleurs préférées ? fis-je comme si de rien n'était. Puis elle continua de répondre à mes questions, rougissant à l'occasion m'indiquant ainsi les sujets sur lesquels insister. Je ne cessai mon interrogatoire que lorsque M Banner mette en place le matériel vidéo. Je me souvins de l'épisode de la veille et écartai mon tabouret du sien sans un bruit. J'avais décidé de ne plus faire d'erreur, cette électricité n'aidant en rien mieux valait s'éloigner. Mais rien n'y fit. Une fois les lumières éteintes la même tension refit surface. Elle se pencha sur la table, son menton sur ses bras croisés. Il me semblait même que ses doigts se retenaient au rebord de la table. Elle aussi sentait de nouveau ce courant entre nous. Je ne pouvais la quitter des yeux, j'écoutais son cœur qui battait un peu plus vite que la normale. Si c'était ce qu'elle voulait aussi serait-ce donc si mal ? Je n'avais éprouvé aucune difficulté quand j'avais touché son visage. Rien qu'au souvenir de ce délicieux contact ma paume se remit à brûler. C'était si déroutant. Je tentai de me convaincre que d'innocents contacts ne pouvaient pas faire de mal. Mais tu en voudras encore plus, argumenta ma raison, ma main en était bien la preuve. Elle aurait pu être en feu. Bella avait-elle ressenti quelque chose comme ça elle aussi ? Peu probable ma main était si froide. Elle n'avait pas eu l'air de s'en plaindre cependant. Mais qu'est-ce que j'en savais au fond, ses pensées m'étaient fermées. Pourtant l'électricité qui flottait entre nous semblait avoir doublé d'intensité comme si la connaissance de la sensation de nos peaux l'une contre l'autre avait fortifié cette attirance. Alors peut-être qu'elle aussi avait apprécié. Mais cela ne changeait rien. Bella n'avait visiblement pas ses instincts de conservation en bon état de marche. Pas d'erreurs. Les lumières se rallumèrent. Une partie de mon esprit avait saisi les pensées de M Banner quand il se dirigea vers l'interrupteur. Je me levai et attendit. Sans un mot, mes question m'auraient fait perdre ma concentration et donc mon self-control, je l'accompagnai jusqu'au gymnase. Quand elle se retourna vers moi avant d'entrer dans les vestiaires je ne pus me retenir. Le dos de ma main caressa sa joue sans que je puisse la retenir et le feu revint comme la première fois. Arrête, me sermonnai-je avant de laisser tomber mon bras mollement et de m'en aller dans la direction opposée. Penser à autre chose. Pas facile avec ces picotements incessants dans ma main. Sur le chemin de mon cours d'anglais je croisai Ben et pus apprécié sa détermination. Il allait parler à Angela dans les prochains jours.

Les pensées de Mike Newton n'étaient pas aussi bruyantes que d'habitude et peu utiles. Il se forçait à ne pas faire attention à Bella, à ne pas lui adresser la parole ni même à la regarder. Je finis par me résigner et me hâtai vers le gymnase une fois le cours terminé. Quand elle me sourit je ne pus me retenir de lui répondre de même. Etre avec elle était un bonheur de tous les instants.

« Alors parle-moi de ta vie à Phénix ?

-Euh… que veux-tu savoir ?

-Qu'est-ce qui te manque le plus ? précisai-je alors que nous nous dirigions vers ma voiture.

Elle sembla hésiter, rougit puis répondit

-Ma mère

-Pas le soleil ? interrogeai-je un sourire en coin

-Finalement, le soleil c'est surfait, dit-elle en souriant

Ah autre chose que j'avais changé chez elle. Etais-je donc destiné à la priver de ce qu'elle aimait ? Je décidai d'en apprendre un peu plus sur ce qu'était sa vie d'avant. A Phoenix, quand elle était loin de moi. En sécurité. Cette pensée me fit plus mal que ce que je pensais. Elle qui était devenu le centre de mon existence et sans qui je ne pouvais imaginer passer une seule journée aurait sûrement été plus heureuse si elle ne m'avait jamais rencontré. Mais je cachai mon désarroi lui demandant de me décrire tous les paysages, les odeurs, leur texture. Tout en conduisant je ne pouvais m'empêcher de noter l'affection dans sa voix quand elle parlait de cette végétation à moitié morte et pleine d'épine qui s'épanouissait sous le soleil de plomb de Phoenix. Vraiment Bella prêtai attention à des choses bien différente de sa génération et j'étais moi-même fasciné par ce qu'elle décrivait. Nous restâmes ainsi devant chez elle, dans ma voiture à parler pendant quelques heures et jamais ma curiosité fut pleinement satisfaite. J'étais émerveillé de découvrir à quel point je ne me lassai pas de l'écouter, de la découvrir, de sentir sa chaleur, son odeur. Mais son père n'allait plus tarder.

— Tu as terminé ? demanda-t-elle, une pointe de soulagement perçant dans sa voix. Non, décidément Bella n'aimait pas être au centre de l'attention. Mais elle allait devoir s'y habituer car elle serait toujours au centre de mon attention.
— Loin de là, mais ton père va bientôt rentrer, répondis-je en tournant la tête pour dissimuler mon sourire.

Elle ne devait pas avoir l'habitude de se livrer autant. Mon regard se porta alors sur le ciel qui prenait une couleur sombre. C'était le crépuscule. Apparemment j'avais parlé à voix basse car Bella me fixa et elle fronça les sourcils, signe qu'elle cherchait à comprendre. Mon esprit s'évada quelques instants. Cette période de la journée me rendait mélancolique si je m'attardais sur sa signification pour moi, ou plutôt pour les vampires. Les humains dormaient, le soleil était caché. Nous pouvions sortir sans crainte qu'un rayon de soleil ne nous effleure. Nous pouvions nous sortir sans crainte pour chasser. Et pour certains d'entres nous, la baisse de vigilance des humains pendant leur sommeil était une occasion facile, à ne pas manquer. Pour ma famille et moi, c'était l'occasion de baisser les masques et de faire ce qui nous plaisait. Avant de connaître Bella, le crépuscule me rappelait seulement que le monde est prévisible. Après le jour vient toujours la nuit. Un cycle qui avait perdu tout son sens puisque le sommeil me fuyait. Bien sûr, Bella avait changé tout ça. Comme elle avait changé toute ma vie. Mes réflexions ne durèrent que quelques seconde aussi répondis-je à son interrogation silencieuse :

— C'est le moment de la journée le plus sûr pour nous. Le plus agréable, le plus triste aussi, en
quelque sorte... la fin d'un autre jour, le retour de la nuit. L'obscurité est tellement prévisible, tu ne trouves pas ?

— J'aime la nuit, dit-elle simplement. Sans elle, nous ne verrions pas les étoiles. Bien qu'ici ce ne soit guère facile, ajouta-t-elle une moue sur les lèvres.

Je m'esclaffais. Sa moue était des plus comiques.

— Charlie sera ici dans quelques minutes. Donc, à moins que tu ne tiennes à lui révéler que tu passeras ton samedi avec moi... avançais-je
— Non merci
Elle récupéra ses affaires et elle se tendit. Rester si longtemps assise dans la voiture avait dû lui être un peu inconfortable. Elle en pouvait pas changer de position ni s'étirer. Je devrai vraiment être plus attentif.
— Demain, c'est mon tour, hein ? demanda-t-elle pleine d'espoir
— Certainement pas ! Je n'en ai pas terminé avec toi !
— Qu'y a-t-il de plus à savoir ?
— Je te le dirai demain.
Je me penchai sur elle pour ouvrir la portière. J'entendis son cœur s'accélérer et réprimai un sourire. Sa soudaine proximité m'aurait également fait battre le cœur plus vite s'il avait pu. Je m'efforçai de garder ma respiration régulière. Une odeur capta alors mon attention et ma main se figea sur la poignée. C'était bien ma veine !

— Aïe ! laisse-je échapper

— Que se passe-t-il ?
Je serrai les dents. Des Quileutes ! Que faisait-il donc ici ? Ces vieux fous n'oublieraient jamais. Et me voir seul avec un humain ne manquerait pas de les alerter.

« Des complications » marmonnai-je en guise de réponse
J'ouvris la portière et m'éloignai de Bella. Il était hors de question de les laisser croire que j'avais brisé le traité. Je ne mettrai pas ma famille en danger. Et je ne les laisserai pas m'éloigner de Bella non plus. Leur voiture vint se ranger en face de nous.
— Charlie est au carrefour, informai-je Bella en ne quittant pas les nouveaux venus des yeux à travers le déluge.
« Qui est ce type avec elle ? pensa le jeune un peu trop possessivement à mon goût. Belle voiture en tout cas – une pointe d'envie maintenant.

Visiblement lui ignorait tout de moi. C'était probablement ce Jacob Black dont elle m'avait parlé. Merveilleux, l'homme à côté de lui était donc le fils d'Ephraim Black. Et lui n'avait aucun doute sur mon identité.

« Que fait ce monstre dans une voiture avec Bella ? Ils ne sont pas censés s'approcher des humains. Qu'est-il en train de faire ? Bella sors de cette voiture ! »

Devant mon air probablement inquiet, Bella descendit de la voiture et se précipita dehors.

« Croit-il que nous avons oublié le traité. Croit-il que nous avons tout oublié d'eux ? Est-ce donc pour ça qu'ils sont revenus à Forks ? Eh bien il se trompe. Ils se trompent tous. On les surveille de près. Bon sang Bella que faisais-tu avec ce suceur de sang ! Il va falloir surveiller ça de près »

Décidément ces chiens ne nous laisseraient jamais en paix ma famille et moi. Mais c'était bien naturel pour qui connaissait notre vraie nature. Une réaction bien plus saine que celle de Bella. Mais je détestais les images de souffrance auxquelles le vieux Black avant pensé. Comment pouvait-il imaginer que je lui fasse du mal ? Je me méfiais néanmoins, l'exposition me forcerait à quitter Forks… à quitter Bella… et ceci m'était insupportable. Frustré, je mis le contact et fis demi-tour. Inutile que le chef Swan assiste à cette scène.