Chapitre 1

Morgane dormait d'un sommeil agité dans la spacieuse chambre qu'elle occupait à l'intérieur du château. Son corps tremblait et de petits sons stridents résonnaient dans le calme de la nuit. Elle était en train de faire un des ces rêves qui l'empêchent de dormir sereinement, ces rêves qui la réveillent chaque nuit et qui lui glacent le sang.

Ses yeux s'ouvrirent et leur vert initial se transforma en un jaune éclatant. Des flammes jaillirent alors de nulle part et les rideaux de la chambre prirent feu. Morgane se réveilla en sursaut et assista impuissante à l'embrasement de la pièce.

-Morgane !, cria Gwen en entrant. Que se passe t-il ?

-Gwen, je…

-Vite, il faut sortir d'ici ! Venez !

Gwen prit Morgane par la main et l'attira à l'extérieur de la chambre en flamme. Uther et quelques chevaliers, attirés par la fumée, arrivèrent en courant vers elles et le Roi enlaça sa pupille.

-Tu n'es pas blessée ? J'ai eu si peur en voyant toute cette fumée sortir de ta chambre. Que s'est-t-il passé ?

-Je… je ne sais pas… Tout a pris feu d'un coup… Je n'ai rien fait pour…

-Ce n'est rien mon enfant, le principal est que tu ailles bien. Nous trouverons la cause de ces flammes, je te le promets, dit Uther en essayant de calmer Morgane. Toi, reprit-il en indiquant Gwen, emmènes la chez Gaius et reste avec elle jusqu'à ce que j'arrive.

-Oui, Sire.

Morgane suivit alors son amie en direction du médecin pendant qu'Uther ordonnait aux chevaliers d'aller chercher de l'eau le plus vite possible.

Arrivées devant la porte, Gwen frappa et appela Gaius. Mais elle comprit que le médecin ne se réveillerait sûrement pas car il devait dormir d'un sommeil profond. On était au beau milieu de la nuit après tout. Gwen avança alors sa main vers la poignée, mais avant même qu'elle ne l'atteigne Merlin apparut sur le seuil, visiblement encore endormi.

-Gwen… Dame Morgane… Que faites-vous là à cette heure ci ? Ce n'est absolument pas l'heure de se...

- Il y a le feu Merlin ! Dans les appartements de Morgane ! Tu peux nous laisser entrer ?

Merlin s'effaça lentement en essayant d'assimiler ce que Gwen venait de lui crier et les deux jeunes femmes pénétrèrent dans la pièce. Morgane s'assit silencieusement sur un tabouret sans prêter attention à Gaius qui venait de s'éveiller.

-Gaius ! Vite, levez-vous ! Vous devez examiner Morgane, elle a pris feu !, dit Merlin d'une traite, comprenant enfin les mots de son amie.

-Doucement mon garçon… Qu'est-ce qui est en feu ? Sûrement pas Dame Morgane… Comment allez-vous mon enfant ?, demanda t-il en s'approchant de la jeune femme.

Le médecin l'examina en attendant une réponse qui ne vint pas. En effet, Morgane s'était murée dans le silence. La jeune femme était d'une extrême pâleur. Elle était immobile et ses yeux apeurés fixaient un point imaginaire face à elle. Elle essaya tant bien que mal de formuler une phrase mais aucun son ne sortit de sa bouche. Morgane tourna alors son regard vers Gaius. Ses yeux étaient emplis de larmes qui s'écoulaient maintenant sans retenue sur ses joues. Gwen s'approcha d'elle et la pris dans ses bras pour la réconforter et la calmer. Pendant ce temps, le médecin attira Merlin à l'écart des deux jeunes femmes.

-Que s'est t-il exactement passé, Merlin ?, commença Gaius d'un air inquiet.

-Je ne sais pas. Elles sont arrivées ici, me disant que la chambre de Morgane avait prit feu sans explication. Je crains que personne ne sache comment il s'est déclenché.

Gaius fronça les sourcils et dit à voix basse :

-Je crois que nous connaissons tout les deux l'origine de ce feu, Merlin.

-Vous croyez que c'est l'œuvre de la magie ? Que Morgane est… est une sorcière ?, murmura t-il.

Après tout, le dragon l'avait prévenu. Il lui avait dit que Dame Morgane était dotée de magie. Mais il lui avait aussi révélé que sa magie n'était pas aussi bienfaisante que celle du jeune homme. Mais Merlin ne pouvait pas s'y résoudre, il voulait changer le destin de Morgane. Il devait le faire. Et il en avait le pouvoir.

Il avait du mal à imaginer la jeune femme charmante et pleine de compassion devenir un jour cette sorcière insensible et froide. Le doute fit alors place à de l'espoir dans le cœur de Merlin. Morgane était comme lui ! Et qu'importe ce que lui avait dit Kilgarrah, une joie immense le submergea.

Il s'était senti si seul depuis son arrivée à Camelot. Malgré son amitié avec Gwen, et Arthur qui se montrait parfois bienveillant envers lui, il n'était jamais lui-même. Il n'y a qu'à Gaius qu'il n'était pas obligé de mentir, mais même le médecin ne pouvait pas entièrement comprendre ce que lui vivait au quotidien. Avec Morgane il pourrait enfin se dévoiler, ne pas se sentir enfermé dans un mensonge sans fin. Et il se jura qu'elle ne deviendrait jamais la sorcière que Kilgarrah avait prédite.

-Vous croyez qu'elle le sait ? Si c'est le cas, je peux lui parler, la rassurer, reprit Merlin plein d'espoir.

-Je pense qu'elle s'en doute, un feu ne prend pas sans raison. Mais quoiqu'il arrive Merlin, personne de doit être au courant pour toi. C'est trop dangereux.

-Mais si elle est comme moi ! Elle ne le dirait à personne ! Ni pour moi, ni pour elle… S'il vous plaît Gaius, laissez moi lui parler, implora Merlin.

-Si c'est vraiment ce que tu veux, alors fait le. Mais je t'aurais prévenu, Merlin… Ce n'est pas sans danger.

Le jeune sorcier s'approcha alors de Morgane qui avait retrouvé un peu de couleur mais qui était toujours en état de choc. Elle ne se sentait pas à sa place, pas à l'aise en compagnie de ses propres amis. Elle ne savait pas s'il fallait qu'elle parle, qu'elle partage ses pensées avec les autres.

Bien sûr elle pourrait tout dire à Gwen, elles étaient amies après tout. Mais si ce qu'elle pensait était vrai, alors son amie ne la croirait jamais. Elle l'a mettrait peut être en danger, ou pire : Gwen pourrait avoir peur d'elle.

Elle possédait la magie.

La même magie qui était interdite et punie de mort à Camelot. Si jamais Uther l'apprenait, il la ferait exécuter sur le champ même si elle était sa pupille. La jeune femme se sentait telle une étrangère et un sentiment d'insécurité la rongeait.

Alors non, elle ne dirait rien, à personne. C'était son secret et elle était bien déterminée à ce qu'il en reste un.

-Gwen, peux-tu nous laisser un instant s'il te plaît ?, demanda Morgane à sa servante en se levant.

-Ma Dame, le Roi m'a ordonné de rester avec vous et je ne veux pas vous laisser seule après…

-C'est bon Gwen, ne t'en fait pas. Gaius et Merlin sont là si j'ai besoin de quelque chose, dit-elle en accompagnant son amie jusqu'à la porte.

Gwen se retira donc, après avoir demandé d'un regard à Merlin de bien veiller sur sa maîtresse. Elle décida d'aller voir comment se déroulait l'extinction et l'investigation du la chambre de Morgane.

-Gaius, voulez-vous me poser une question ?, demanda Morgane, intriguée par le regard insistant qui lui portait le médecin.

-Non pas moi… Je pense que je vais vous laissez vous reposez maintenant. Prévenez-moi si vous voulez quelque chose.

Gaius sortit alors de la pièce et ferma la porte derrière lui, laissant Merlin et Morgane seuls. Il se demandait s'il avait bien fait de laisser son jeune protégé parler de ses pouvoirs à la pupille du Roi. Merlin pouvait être tellement têtu parfois !

Mais il ne pouvait s'empêcher de penser à ce que Merlin lui avait dit à propos de Morgane. Elle était destinée à faire le mal, à détruire tout ce qu'Arthur et Merlin auraient bâti ensemble. Mais après tout, si Merlin se dévoilait maintenant, tout pourrait peut-être changer.

-Morgane, il faut que je vous dise quelque chose… de très important…, hésita Merlin.

-Toi et Gaius… pourquoi me regardiez-vous de cette façon ? Ai-je fais quelque chose de mal ?, s'inquiéta la jeune femme.

-Non ce n'est pas de votre faute… C'est juste que… il ne faut pas que vous ayez peur. Vous êtes née comme ça, vous ne pouvez rien y changer et…

-Mais de quoi parles-tu Merlin ? C'est toi qui me fais peur maintenant !

-Je sais à quoi vous pensez, ce que vous ressentez… Je peux sentir votre hésitation. Morgane, vous pouvez me le dire. Votre secret est trop lourd, laissez-moi le porter avec vous, implora Merlin.

-C'est un secret Merlin, je ne peux pas le révéler à n'importe qui.

-Je ne suis pas n'importe qui. Je suis votre ami ! Je suis… je suis comme vous ! Vous pouvez me faire confiance. Je ne vous trahirai jamais.

-Com… comme moi ? Tu veux dire… que toi aussi tu pourrais mettre le feu à ta chambre juste en regardant les rideaux et en…

-Oui ! Je suis un sorcier !, cria Merlin, fier et heureux de pouvoir enfin le dire si librement.

Il se fichait de savoir que quelqu'un pourrait l'entendre, il avait attendu si longtemps pour enfin s'affirmer. Pour enfin être lui-même.

Morgane sentit alors son souffle faiblir. Elle n'arrivait plus à respirer correctement et dut s'asseoir pour de ne pas tomber.

Merlin venait de lui avouer, sans retenue, qu'il était un sorcier. Il l'avait dit avec une telle énergie qu'elle n'avait pas d'autre choix que de le croire. Et maintenant, elle aussi voulait le crier, se libérer de cette pression et de cette peur qui l'habitaient depuis qu'elle s'était réveillée et qu'elle avait vu Uther.

Morgane se sentit alors moins sûre d'elle. Cette détermination à devenir un mensonge aux yeux de tous laissa place à de l'espoir. L'espoir de pouvoir partager son lourd fardeau avec un ami. Elle ne voulait plus se cacher, elle voulait simplement tout dire à Merlin, sans retenue.

Elle voulait être libre.

-Tu es… Alors ça veut dire que tu me comprends vraiment… parce que… moi aussi je suis une sorcière ! Je suis une sorcière ! Je possède la magie !, cria-t-elle tout à coup.

Peu importe si quelqu'un entendait. Car à cet instant là, Morgane était heureuse, elle était avec une personne qui la comprenait et qui l'acceptait telle qu'elle était.

Morgane était libre.