L'histoire se déroule ultérieurement à l'épisode "Abyss". Suggestion de musique pour lire : album "Horizon" de Christopher Willits, plus particulièrement la chanson "Light and Dark".

Chapitre 1 - De retour

Jack entendit des voix s'élever derrière la porte, et en conclut que l'entretien était terminé. Il se leva de sa chaise au moment même où la porte s'ouvrait. Carter affichait une expression neutre, quoi qu'un peu fatiguée. Mais qui ne l'aurait pas été, à sa place ?

"C'est bon ?" demanda t-il.

"C'est bon. Ils me laissent sortir."

Il hocha la tête et fouilla machinalement ses poches de jean à la recherche de ses clés de voiture. A croire que lui aussi était pressé de partir. Il attrapa la sac de sport qui contenait ses quelques affaires pour le week-end, et se leva.

Sans un mot, il se dirigèrent vers les ascenseurs.

§§§

Alors que la cabine montait lentement vers les étages supérieurs de Cheyenne Mountain, Jack détailla discrètement son second.

Comme on pouvait s'y attendre après plusieurs semaines de captivité, la jeune femme avait des cernes importantes. Ses cheveux blonds avaient perdu de leur éclat, et ses joues semblaient plus creuses que d'habitude. Mais elle surmonterait tout ça. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle arriverait à remonter la pente. Sam était une battante.

"On va chez vous, j'imagine ?"

"C'est ça", dit-elle en le regardant à peine.

"Pas de décompression dans un hôtel de luxe ?... un spa peut-être ?"

La jeune femme daigna enfin lever la tête.

"Ils me l'ont bien proposé, mais je n'ai franchement pas la tête à ça. J'ai juste envie de rentrer chez moi, mon Colonel."

"Je comprends."

Voyant que Sam n'était pas vraiment d'humeur à faire la conversation, il prit une position un peu plus confortable contre la paroi de l'ascenseur, et se tut jusqu'à la fin de la montée.

§§§

On était presque au mois d'Octobre, et il commençait à faire frisquet en cette fin d'après-midi. Jack referma le coffre de son SUV et alla s'installer à la place du conducteur sans traîner. Sam était déjà attachée, la tête calée contre la portière, le regard dans le vide.

Il voulait dire quelque chose, mais se ravisa avant d'ouvrir la bouche. Il mit le contact, fit une marche arrière, et roula vers la sortie. Le garde en faction le salua, puis ouvrit le portail pour laisser passer le véhicule.

Ils roulèrent silencieusement pendant une vingtaine de minutes, alors que de gros nuages d'orage s'accumulaient dans le ciel de Colorado Springs. Les premières gouttes commençaient à tomber quand il se gara chez son second.

"Nous y voilà."

"Oui... je viens de penser... je n'ai plus rien de viable dans mon frigo..."

"Janet a fait quelques courses pour vous. On allait quand même pas vous laisser mourir de faim, Carter."

Pour la première fois de la journée, il vit un sourire illuminer le visage de la jeune femme. Un sourire discret, mais un sourire tout de même.

Alors que Sam se dirigeait vers la maison pour ouvrir, Jack l'observa de loin, perplexe. Bien qu'un peu distante, elle semblait aller plutôt bien dans l'ensemble. Mais il savait que les apparences pouvaient être trompeuses, et il ne devait pas perdre de vue sa mission.

Il était là pour la surveiller.

§§§

Jack déposa son sac à côté du canapé et détailla le living-room. Il n'était venu qu'une fois chez son second, lors de "l'affaire Orlin", et, à l'époque, observer la décoration n'avait pas été sa principale préoccupation. C'était donc pour lui une quasi découverte de l'endroit où vivait la jeune femme quand elle ne travaillait pas au SGC.

La pièce était aménagée avec goût mais sans ostentation. Le mur était occupé en bonne partie par une bibliothèque, qui contenait sans doute plus d'ouvrages scientifiques que de romans ou de comic-books. Quelques cadres photos étaient posés sur la cheminée : il s'approcha pour les observer d'un peu plus près. L'un contenait une photo du frère de Carter, Mark, et de sa famille. Un autre représentait Jacob jeune, souriant aux côtés d'une femme blonde aux yeux bleus dont Jack devina qu'il s'agissait d'Elizabeth, la mère de Carter. Enfin, dans un dernier cadre se trouvait une photo de groupe de SG-1, prise lors d'une cérémonie de remise de médailles. Daniel souriait largement, et Teal'c avait bien sûr le front dissimulé par un bonnet noir, ce qui ne l'empêchait nullement de lever son légendaire sourcil en direction du jeune archéologue. Il attrapa la photo pour la voir de plus près : était-ce sa main qui était nonchalamment posée sur l'épaule de Carter ?

Il entendit du bruit dans le couloir qui menait à la chambre de la jeune femme, et il reposa la photo là où il l'avait prise.

Sam revint dans le salon, en jogging gris, sweat à capuche et chaussettes, s'affala sur le canapé.

Jack s'assit à son tour, sur le fauteuil qui lui faisait face.

"Vous avez faim ?"

"Pas vraiment, non..."

La jeune femme fixait un point invisible au plafond.

"Si vous voulez, on peut se regarder un film... une série, je ne sais pas..."

"Mon Colonel."

Elle planta enfin son regard dans le sien, et il y lu un mélange de colère et de défiance qui le surprit. Après une fraction de seconde, elle se détendit néanmoins.

"Désolée, je suis un peu à cran... C'est juste que cet entretien m'a... enfin, vous y êtes déjà passé vous même, je ne vais pas vous faire un dessin."

"Vous étiez avec qui ?"

"Le Dr. Müller."

Jack hocha la tête. Müller était l'un des 3 psychiatres de la base.

"Et... ?"

"Oh, vous savez comment c'est... on vous demande de tout verbaliser, on vous pose tout un tas de questions... 'Décrivez-moi ce dont vous vous rappelez, Major. Comment avez-vous fait pour tenir, Major ? Avez vous été suffisamment nourrie, Major ? Avez vous subi une agression sexuelle, Major ?' Etc. Vous voyez le topo."

"Ouais..."

"... bref, on vous pose toutes les questions possibles et imaginables. Toutes, sauf une. Sauf la plus évidente."

Ils se jaugèrent silencieusement un instant. Il savait déjà.

"... qu'y a t-il après la mort." termina t-elle.

Il sourit avec une compassion non feinte. La jeune femme était passée par le Sarcophage, bien sûr. Des dizaines de fois, sinon plus.

"Vous êtes quelqu'un de rationnel, Carter. La réponse ne vous a guère surpris, je suppose."

"Non, enfin... je ne sais pas. Le supposer est une chose, en avoir la preuve à plusieurs reprises en est une autre. Et personne n'a envie de s'entendre dire qu'il n'y a rien après, même pas un psychiatre."

Elle soupira.

"Aussi rationnelle que je sois, mon Colonel, je crois qu'une partie de moi espérait que la conscience survivait à la mort physique... ou quelque chose comme ça..."

"Il y a bien l'Ascension."

"Nous savons tous les deux que ça ne concerne qu'un nombre infime d'individus... et puis, franchement, je nous imagine assez mal dans la bande d'Oma Dessala..."

Jack rit de bon cœur.

"Comment ça, Major ? Devenir un être omniscient et quasi omnipotent, mais sans avoir le droit d'intervenir sur le cours des événements, ça ne vous tente pas ?"

"Pas du tout, non. Daniel a bien du courage d'avoir signé pour ça." Son regard se voilât un instant à l'évocation de leur collègue disparu.

Il jaugea la jeune femme. Il était rare qu'il ait des conversations aussi personnelles avec elle, et généralement, celles-ci tournaient autour de sentiments qui les mettaient tous les deux mal à l'aise. Alors, bizarrement, malgré la gravité du sujet abordé, la discussion était plutôt... rafraîchissante.

Elle se redressa et se passa les mains sur le visage.

"Quoi qu'il en soit, je pense que vous perdez votre temps mon Colonel. Il ne va rien m'arriver ce week-end. Vous devriez rentrer chez vous."

"Vous savez aussi bien que moi que c'est la procédure, Carter. Alors, non... je compte bien rester là. Vous allez devoir me supporter jusqu'à ce qu'on retourne à la base."

Nouveau soupir.

"Je ne suis pas Hamilton, vous savez." dit-elle en plantant son regard bleu dans le sien.

"Carter..."

"Joshua Hamilton est mort parce qu'il était profondément religieux, et qu'il n'a pas supporté de voir que ce en quoi il croyait depuis sa plus tendre enfance n'était qu'une chimère."

Jack renifla et secoua la tête. Le lieutenant Hamilton était un membre de SG-4, qui avait été capturé par un Goa'uld mineur il y a quelques mois de cela. Celui-ci, voyant une occasion inespérée de monter dans l'estime des grands maîtres, avait torturé le jeune lieutenant pendant des semaines, espérant glaner quelque information utile sur le SGC et les Tau'ri, le ressuscitant à chaque fois à l'aide d'un Sarcophage.

La cavalerie avait cependant fini par arriver et porter secours au militaire, qui avait été récupéré dans un bon état physique, quoi qu'un peu amaigri. Comme le voulait la procédure de l'époque, il avait passé près de 3 semaines à l'infirmerie, avait subi check-up sur check-up, s'était entretenu à plusieurs reprises avec des psychiatres, et semblait finalement avoir bien récupéré de sa période de captivité. On l'avait donc laissé rentrer chez lui.

Une semaine plus tard, sa femme l'avait retrouvé pendu dans leur garage.

Jack observa silencieusement la jeune femme un instant, avant de reprendre la parole.

"Joshua Hamilton s'est suicidé parce que ce qu'il a vécu était absolument horrible, et qu'une fois rentré chez lui, il avait ordre de se taire et de ne jamais en parler à quiconque. Parce qu'il ne pouvait pas dire à sa femme pourquoi il avait disparu pendant plusieurs semaines, alors qu'il était sensé travailler à la fabrication de satellites. Joshua Hamilton s'est tué parce qu'il avait l'air d'aller bien, et que nous l'avons laissé sortir sans nous poser plus de questions. Et je ne laisserai pas cela se reproduire."

"Ma situation est différente." rétorqua Sam.

"Ah oui ? En quoi ?"

"Regardez autour de vous, mon Colonel, fit-elle en désignant la maison silencieuse de la main, Regardez ... ! Il n'y a personne qui m'attend, personne à qui je vais devoir mentir pour dissimuler mes activités au sein du SGC. Pas de mari, pas de conjoint, pas de... rien, personne." Elle détourna le regard.

"Justement, Carter, on ne voulait pas vous laisser seule. Je ne voulais pas vous laisser seule."

"Mon Colonel, je ne crois pas que..."

"Sam."

Elle se figea.

"Vous avez été battue. Vous avez été torturée. Vous avez mutilée. Des dizaines et des dizaines de fois, grâce au sarcophage. Alors ne me dites pas que tout va bien. Ne me faites pas comme si de rien n'était. Ne vous sentez pas obligée de jouer les dures parce que vous avez une image de militaire invincible à conserver. Tout ça, ça laisse des cicatrices. Je le sais, je suis passé par là, moi aussi. Alors, s'il vous plaît... s'il vous plaît, laissez-moi juste être là quelque temps pour m'assurer que vous reprenez pied. Laissez-moi vous aider, en tant qu'ami, Sam."

Il vit les yeux de la jeune femme s'embuer légèrement, mais elle parvint à se contenir, et hocha lentement la tête.

"Oui...Oui, c'est vrai."

Jack la vit agripper son pantalon de jogging au niveau des genoux et serrer jusqu'à que les jointures de ses mains deviennent blanches.

Finalement, elle ferma les yeux et exhala lentement. Elle desserra les poings, et releva la tête.

"Ok... bon..." Elle s'éclaircit la gorge pour se donner une contenance. "Il se fait tard. Vous avez faim ?"

Jack hocha la tête.

"Parfait, je vais nous préparer quelque chose. En attendant, vous pouvez aller ranger vos affaires dans la chambre d'amis."

§§§

Ladite chambre d'amis était une pièce de taille moyenne, aux murs blancs, et avec une fenêtre qui donnait sur un côté de la maison. Au milieu de la pièce se trouvait un lit deux places pourvu de draps blancs. Contre le mur était posé une simple chaise en pin.

Jack déposa son sac sur celle-ci et se laissa tomber sur le lit, les bras repliés sur le visage.

Daniel aurait du être là à sa place, évidemment.

Mais bon, Daniel était indisponible de façon plus ou moins prolongée pour cause d'Ascension, alors...

Il soupira. Les autres alternatives étant Teal'c - amical mais à peu près aussi bavard qu'une pierre tombale - et Jonas - plein de bonnes intentions mais incapable de s'arrêter de parler - il semblait logique que ce soit lui qui s'y colle. Pour le meilleur, et pour le pire.

Il se rassit sur le bord du lit et s'ébroua.

Son objectif était d'aider Carter à traverser cette période difficile et à reprendre pied, avant de pouvoir retourner en service actif. Il n'était pas seulement là en tant que collègue, mais aussi en tant qu'ami. Ni plus, ni moins.

Il inspira un bon coup et fixa ses pieds. Fallait-il conserver une certaine réserve, ou au contraire se montrer détendu pour aider la jeune femme à se relaxer ?

Difficile à dire.

Il enleva ses chaussures et se dirigea vers la cuisine.

§§§

Le lendemain.

Jack ouvrit les yeux péniblement et jeta un coup d'œil à sa montre : 7 h 10.

La soirée de la veille s'était déroulée sans encombre. Ils avaient rapidement mangé des lasagnes surgelées, puis s'étaient affalés sur le canapé pour regarder un match NBA. Après quoi ils s'étaient souhaité une bonne nuit et étaient partis chacun dans leur chambre.

Il tendit l'oreille, cherchant un bruit qui lui aurait indiqué que son second était déjà réveillée.

Rien.

Il était peut-être un peu tôt pour se lever, mais ses habitudes de militaire avaient la peau dure... et 7 h 10, c'était presque une grasse mâtinée, pour lui.

La situation n'était pas sans lui rappeler des scènes de son enfance, quand il allait dormir chez des amis et ne s'avait pas trop quoi faire au réveil alors que le reste de la maisonnée dormait.

Alors, allait-il prendre sa douche tout de suite, rester dans sa chambre en attendant qu'elle ne se lève, ou encore commencer par se faire un café tout seul... ?

Il écarta la première option : la salle de bain était juste à côté de la chambre de Carter. La deuxième ne le tentait guère (il n'avait pas amené de quoi lire et ne se voyait pas regarder le plafond pendant une heure), quant à la troisième...

Son estomac émis un gargouillis plaintif. Ce serait donc la troisième option.

Jack se leva pour passer un t-shirt noir et un short de pyjama gris. il dormait en caleçon, mais n'allait quand même pas prendre le risque que son second le surprenne dans cette tenue ! Et il avait horreur de devoir mettre un jean avant d'avoir déjeuné, alors...

Il entrouvrit la porte, et se dirigea vers le salon à pas de loup.

Le living-room et la cuisine ouverte qui donnait sur celui-ci étaient légèrement éclairés par la lumière blafarde de l'aube. Jack distingua la cafetière posée sur le plan de travail.

Bon, il ne restait plus qu'à trouver les filtres, le café et une tasse.

Il commença à fouiller dans les différents placards, prenant soin de refermer les portes sans bruit.

Finalement, il trouva tout ce dont il avait besoin, et mis la cafetière en marche. La machine commença à ronronner doucement et Jack se dirigea vers la fenêtre en attendant que la café soit prêt.

Carter vivait dans un lotissement tranquille en bordure de Colorado Springs. A en juger par les pavillons environnants et les voitures stationnées devant, le quartier était habité par des familles de classe moyenne supérieure, des américains sans histoires, probablement. Des foyers avec deux ou trois enfants et un labrador qui partaient camper dans les montagnes Rocheuses le week-end et organisaient des barbecues le 4 Juillet.

Evidemment, lesdits voisins n'avaient pas la moindre idée de ce que faisait la discrète jeune femme, souvent absente, qui habitait en face de chez eux.

La cafetière hoqueta doucement, interrompant Jack dans ses considérations sociologiques. Il éteignit l'appareil et se versa une tasse avant de s'installer dans le canapé.

Ouais... Pour ce qu'il savait de la vie personnelle de Carter... et bien, justement elle n'avait pas de vie personnelle. Lui non plus, enfin, pas à l'heure actuelle. Il avait eu une vie, à un moment donné. Sarah, Charlie. Tout était plus simple à ce moment là. Les forces spéciales ? Du gâteau, à côté des Goa'ulds et autres réplicateurs. Son second avait presque 34 ans, mais elle demeurait désespérément célibataire.

Sérieusement, une jeune femme aussi belle et aussi talentueuse, célibataire ?! Carter avait tout pour elle...

Elle était d'une intelligente, belle, d'une gentillesse sans pareille...

Alors, franchement, qu'est-ce qui se passait ? Qu'est-ce qui clochait pour que Carter n'ait personne qui l'attende quand elle rentrait du SGC ?

Bon, s'il était honnête avec lui même... il y avait ce truc entre lui et Carter. Le truc. Peut-être que ça avait encore une certaine importance pour elle aussi. Et ce truc, justement, lui aurait rendu assez pénible le fait d'imaginer la jeune femme dans les bras d'un autre...

Mais tout ce qu'il souhaitait à la jeune femme, c'était de s'épanouir dans sa vie privée comme dans vie professionnelle, et si cela impliquait une tierce personne, et bien... il se ferait à l'idée. Il l'accepterait.

Un craquement venant de la porte du couloir attira son attention.

Vêtue d'un pyjama en coton, d'un fin gilet en laine et d'une paire de chaussons, Carter se tenait dans l'encadrement.

A suivre !

Il semblerait bien que nous soyons partis sur une nouvelle histoire de quelques chapitres, avec une teneur en guimauve tout à fait scandaleuse. Une petite review ?