Hello !
Me voilà rentrée de vacances (au soleil oui oui) et après mon week-end "choc thermique" pendant lequel je suis restée sous ma grosse couette épaisse, je me suis dit que j'allais (enfin) vous publier cet OS que j'ai écrit pour le contest "un crime a été commis". Les résultats sont tombés il y a une semaine et il finit à la troisième place, je suis contente !
Un grand merci à Tilunarou et à Lily Rose qui l'ont corrigé en express à quelques heures de l'heure limite d'envoie ! Bisous les filles ;) (on se refait ça au prochain je suis toujours à la bourre^^)
Je vous invite à aller lire, si ce n'est pas déjà fait, les autres OS du concours, ils le méritent!
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture, n'hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé surtout !
Un crime a été commis
Le fait divers: Beaten
Criminels ou enquêteurs: Jasper
Disclaimer : La saga Twilight et les personnages utilisés dans cet OS sont la propriété de Stephenie Meyer. Le thème du concours appartient à OSContestTwilight mais le contenu et l'ambiance de l'OS sont de ma responsabilité.
Pour participer au concours ou tout simplement lire les OS, rendez-vous sur le Pen Name du concours: OSContestTwilight et choisissez l'histoire: Un crime a été commis contest.
POV JASPER
-On va passer les vacances dans la maison de mes parents à Forks, t'as intérêt à bien te comporter, m'annonça Alice en se levant de notre lit alors que je sortais de la salle de bain.
Je hochai la tête. Ce n'était pas comme si j'avais mon mot à dire de toute façon. J'allai dans notre dressing enfiler un pyjama pour la nuit. Le miroir me renvoya le reflet de mon corps meurtri par notre dernière dispute et je fermai les yeux pour retenir mes larmes. Ce n'était pas le moment, elle était calme et verrait ça comme une provocation. J'attrapai la lotion que je planquais au milieu de mes boxers et m'en appliquai sur les endroits les plus boursouflés et les plus douloureux.
-J'ai faim, va faire à manger ! ordonna-t-elle de notre chambre.
Je me dépêchai de m'habiller et d'aller préparer le repas pour la seconde fois ce soir. Le précédent avait fini en travers de mon visage.
-Et fais en sorte que ce soit bon cette fois, sinon...
Sa menace à peine voilée me terrifia et je passai devant elle sans la regarder, la tête basse comme le lâche incompétent que j'étais. Je descendis l'escalier, serrant les dents à chaque mouvement, la douleur commençait à se réveiller et, bien que la douche m'ait détendu, j'étais toujours courbaturé. La cuisine était dans un état pitoyable, il y avait des traces de sauce tomate dans tous les coins, des morceaux de verre et d'assiette par terre. Je commençai à nettoyer avant qu'elle ne voit le désastre et refasse une scène. Je repensai à ce qu'il venait de se passer ici. De colère, parce qu'elle trouvait que ce n'était pas assez salé, elle m'avait jeté son assiette à la figure avant de faire tomber tout ce qui se trouvait sur la table d'un revers de la main. Ensuite, elle avait crié à quel point j'étais une merde. A ce moment là, je m'étais réfugié dans l'angle du mur et je m'étais recroquevillé sur moi-même. Elle avait hurlé que je n'étais rien sans elle. Tout en me martelant de coups de pieds, elle avait répété tout ce que je savais déjà. Que j'étais un lâche, un incapable, un imbécile et un moins que rien. Puis elle avait fini par ponctuer ses insultes à coups de chaise de bar.
Je mesurais un mètre quatre vingts et j'étais incapable de tenir tête à ma femme qui faisait trente centimètres de moins que moi. J'étais vraiment une merde. Elle était aussi fluette que j'étais baraqué et pourtant, chaque fois qu'elle me regardait, chaque fois qu'elle ouvrait la bouche pour me parler, j'étais terrifié.
Pourquoi je ne faisais rien pour l'en empêcher ? Et bien, mes parents m'avaient appris qu'on ne frappait pas les filles. J'avais plusieurs fois tenté de lui attraper les mains pour qu'elle arrête de me frapper mais tout ce que j'avais réussi à lui faire était de grosses marques bleues aux poignets. Alice m'avait menacé d'aller voir les flics si je recommençais. Il ne fallait pas être un génie pour deviner qui d'elle ou moi ils croiraient. Elle pouvait charmer n'importe qui, ils lui donneraient le bon dieu sans confession, je n'en avais aucun doute.
Alors pourquoi je restais ? Je l'aimais. Encore, toujours et malgré tout, je l'aimais. Malgré les coups, les humiliations, les insultes et les... le reste. Et visiblement, pour la merde que j'étais, l'amour était suffisant pour rester. Puis, comme elle le disait souvent, je n'étais rien sans elle.
Elle n'avait pas toujours été comme ça. Moi non plus d'ailleurs.
Nous nous étions rencontrés à la fac. J'étais en troisième année d'économie, elle était en première année d'audiovisuel. J'avais été son guide lors de la semaine d'intégration. De suite, nous avions fait des étincelles. Nous étions indissociables, où elle allait, je suivais et où j'allais, elle venait. Ses amis étaient les miens et vice-versa. Ces deux années à vivre sur le campus furent les plus belles de toute ma vie.
Après mes études, je trouvais un poste de courtier en bourse à San Francisco où nous avions étudié et, comme nous ne voulions plus être séparés, nous avions emménagé ensemble. Je partais travailler le matin, elle allait à l'université et le soir, on se retrouvait avec bonheur.
Quelques mois après, les choses avaient commencé à se gâter cependant. Elle m'appelait très souvent, faisait des scènes lorsque je ne répondais pas de suite, m'accusait de la tromper. Elle voulait savoir où j'allais et avec qui lorsque j'allais boire un verre à la sortie du travail. Quand j'avais du retard à cause d'une réunion ou tout simplement des embouteillages, elle verrouillait la maison entièrement et me hurlait à travers la porte de dormir dehors comme le chien que j'étais.
J'aurais dû faire quelque chose à ce moment-là. J'aurais dû savoir que ce n'était pas normal.
Mais chaque fois, elle s'excusait, me jurait qu'elle me faisait confiance, qu'elle ne recommencerait plus. Et chaque fois, je la croyais. Et je la crois toujours. Je savais qui elle pouvait être. Je connaissais mon Alice tendre, câline et douce et je ne désespérais pas de la retrouver un jour.
Une fois ses examens terminés, je pensais que, le stress en moins, les choses se tasseraient mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, tout empira. Suite à un stage comme assistante de production sur une chaîne de télévision nationale, elle a été embauchée. Malheureusement pour nous, elle travaillait de nuit et nous ne faisions que nous croiser à la maison. Elle passait ses journées à m'appeler, ne comprenant pas que je ne veuille pas lui parler plus de quelques minutes à chaque fois. Encore une fois, elle m'accusa de la tromper, de ne plus l'aimer. Elle pleurait au téléphone, me disant à quel point elle se sentait délaissée.
Lorsque l'on se retrouvait les week-ends, je redoublais d'attention. Prenant soin d'elle comme une princesse, la sortant, lui préparant le petit-déjeuner au lit, lui offrant des roses rouges ou des bijoux pour lui montrer que rien n'avait changé. Je lui faisais l'amour durant des heures, m'évertuant à lui montrer à quel point je l'aimais.
Les choses s'améliorèrent un temps, nous avions trouvé notre rythme. Je travaillais le jour, elle, la nuit et nos temps libres nous profitions l'un de l'autre.
Puis elle fut en lice pour le poste de Directrice des programmes. C'était une grande opportunité pour elle et je la soutenais. Elle a commencé à travailler plus, même les week-ends et les rares fois où elle rentrait, le stress d'échouer la rendait très nerveuse et elle se défoulait sur moi.
Le premier soir où elle m'avait frappé, on venait de lui refuser une programmation au profit de sa concurrente directe pour le poste de Directrice. Elle était dans une colère noire et, ce matin-là avant de partir, je n'avais pas eu le temps de faire la vaisselle. Apparemment, c'était suffisamment grave comme raison pour me faire dérouiller à coup de poêle à frire.
Je me rappelle encore de ses mots et de ses pleurs lorsque, fatiguée de frapper, elle s'était écroulée sur moi. J'avais fini par m'excuser et la consoler. Je ne supportais pas de la voir pleurer.
Le lendemain, j'étais bien trop amoché pour aller travailler et elle semblait plus qu'heureuse de m'avoir sous la main toute la journée. Elle me soigna, me chouchouta et me demanda pardon mille fois. Je retrouvais un peu de mon Alice, douce et aimante.
Encore une fois, ça ne dura pas bien longtemps. Les crises étaient beaucoup trop présentes dans ma vie personnelle pour ne pas affecter ma vie professionnelle. J'étais de plus en plus absent au travail. Officiellement, c'était la grippe, le rhume, la fièvre... Officieusement, c'était une lunette de toilette non rabaissée, un poil laissé dans la baignoire, une chemise mal repassée...
J'avais fini par être viré de mon boulot et, le même jour, Alice obtint sa promotion. Même si je n'avais pas la tête à ça, il avait fallu sortir et fêter ça. La serveuse m'avait regardé d'un peu trop près à son goût mais ça, je ne l'avais su que le soir en rentrant lorsqu'elle m'avait cogné à coups de livre à peine la porte d'entrée passée.
En plus d'avoir anéanti ma vie professionnelle, la situation commençait à s'étendre à ma vie sociale. Je ne voyais plus mes amis, d'ailleurs elle ne voulait plus que je sorte sans elle. J'étais soi-disant incapable de me comporter correctement sans elle pour me surveiller. Je m'étais éloigné de mes amis et de ma famille également. J'aurais été bien incapable de regarder ma sœur jumelle une seule seconde dans les yeux sans qu'elle ne sache que je lui cachais quelque chose de grave.
-C'est pas prêt encore ? demanda-t-elle d'une voix douce qui me fit frissonner de la tête aux pieds.
Le calme avant la tempête, pensai-je.
-C'était trop sale pour faire quoi que ce soit. J'avais la tête baissée sur le comptoir que je récurais.
-La faute à qui hein ? Son ton monta.
-La mienne, répondis-je la gorge nouée en espérant que ma réponse serait assez satisfaisante.
Elle fit le tour de la cuisine et ramassa le tabouret avec lequel elle s'était acharnée sur moi ce soir. Malgré moi, j'eus un mouvement de recul lorsqu'elle le remit à sa place pour s'y asseoir. Je ne ratai pas son sourire satisfait lorsqu'elle vit ma réaction. Je me détestais de la laisser faire. Je me haïssais de lui donner raison. Je me fustigeais de lui laisser autant d'emprise sur moi. Mais que pouvais-je faire d'autre ? Elle-même le disait, je le savais, je n'étais rien sans elle. Je n'avais plus d'amis, je n'avais plus de revenus et je serais la honte de ma famille si seulement ils savaient.
Mon père était un gradé de la Marine, il imposait le respect et menait sa famille à la baguette. Jamais il ne pourrait considérer que son fils soit une telle mauviette. Ma mère tiendrait pour mon père évidemment et ma sœur, je crois que ma sœur aurait honte de moi.
La cuisine étant propre maintenant, je fis cuire un peu de riz et mis le couvert tout en faisant réchauffer les restes des tomates farcies de tout à l'heure. Je les salerai bien entendu avant de les servir. Elle me regarda faire et chaque mouvement que je faisais devenait plus maladroit que le précédent et je sursautai lorsqu'elle prit la parole :
-A Forks, il y aura mon frère et sa colocataire aussi. Je ne la connais pas et je ne veux pas d'histoire compris ? Elle n'attendit aucune réponse. Tu ne la regardes pas, tu ne lui parles pas, merde Jazz tu ne respires même pas le même air qu'elle !
Elle tapa du poing sur le bar et je me figeai. J'avais eu mon compte pour ce soir alors j'acquiesçai en silence tout en sortant le riz du feu. Je me tournai vers l'évier pour l'égoutter. Je ne la sentis à mes côtés que lorsque d'une main, elle empoigna mon cou et de l'autre elle tenait ma main au-dessus de la casserole encore bouillonnante et elle murmura :
-Ce n'est pas parce que nous serons chez mes parents que je me priverai de te punir !
Son chuchotis me glaça le sang et je ne pus même pas acquiescer, seul un petit glapissement sortit de mes lèvres. Mon cœur battait la chamade, les secondes s'allongeaient, la vapeur se condensait sur ma main, c'était chaud mais pas autant que si elle décidait de l'y plonger dedans. Elle en était capable, elle avait déjà essayé de me noyer dans une bassine d'eau.
Puis elle me lâcha soudainement, j'expulsai tout l'air de mes poumons sans m'être rendu compte que j'avais arrêté de respirer. Du coin de l'œil, je la vis sourire, satisfaite, puis elle fit quelques petits sautillements en frappant des mains pour me faire sursauter, ce qui l'amusa encore plus.
-A table ! lança-t-elle joyeuse une fois que le riz fut égoutté.
Le reste de la soirée se passa sans encombre.
Une semaine plus tard, je me retrouvais de corvée de valises. Alice avait bossé toute la nuit et dormait actuellement dans notre chambre. La semaine avait été calme, elle m'avait juste giflé pour avoir oublié de reboucher le dentifrice. C'était il y a trois jours. J'avais fait beaucoup d'efforts cette semaine. Je m'étais efforcé d'anticiper la moindre faute qui déclencherait sa prochaine crise. Nous partions aujourd'hui pour Forks et, bien que c'était sa famille à elle, je ne me sentais pas de me présenter avec des bleus et un œil au beurre noir. Et malgré la scène du bouchon de dentifrice, je m'en étais plutôt bien sorti.
J'entassai mes vêtements dans une première valise. Je ne regardais pas vraiment ce que j'y mettais, de toute façon, dans sa famille, personne ne me remarquait vraiment. J'appréciais beaucoup Carlisle et Esmée, les parents d'Alice bien que quelques fois, le regard de Carlisle ne me rappelait que trop bien celui de sa fille en pleine crise de démence. Les sourcils froncés, le regard noir et la façon dont ils pliaient un côté de leurs lèvres, rien que d'y penser ça me faisait frissonner d'effroi. Bien sûr, Carlisle n'avait jamais eu de gestes déplacés devant moi ou envers moi mais il avait cette fureur dans le regard lorsqu'il était en colère qui ne me trompait pas.
Esmée quant à elle, était la gentillesse et la générosité incarnée ce qui me faisait dire que Carlisle devait avoir une technique pour se retenir. Il était évident qu'ils s'aimaient et qu'il n'avait jamais abusé d'elle.
Il y avait ensuite le frère d'Alice, un petit con prétentieux du nom de Riley. Je ne m'attardais pas sur lui, il le faisait bien assez pour nous deux. J'allais également rencontrer sa colocataire depuis deux ans avec qui il avait été au lycée et honnêtement, je ne savais pas comment elle pouvait supporter ce gars arrogant et imbu de sa personne.
J'entendis soudainement le bruit de l'eau couler sous la douche et je sus qu'Alice s'était réveillée. Je me dépêchai de faire sa valise, en me concentrant au maximum pour ne rien oublier, à mes risques et périls.
Je fermai tout juste nos deux valises lorsqu'elle passa le chambranle de la porte du dressing :
-Tu as fini Jazz ?
Sa voix était douce et elle utilisait mon surnom (que je détestais bien évidemment) ce qui était signe de bonne humeur. Nous allions passer une semaine dans sa famille et ils lui avaient beaucoup manqué, elle était heureuse et moi je soufflais intérieurement de soulagement.
Les quatorze heures de voiture reliant San Francisco à Forks se passèrent bien. Je conduisais et elle gérait la musique, cherchant les chansons les plus ridicules possibles que nous entonnions à tue-tête tout en nous balançant en rythme. Nous avons eu plusieurs fou rires, l'ambiance était légère et insouciante comme elle ne l'avait pas été depuis plusieurs mois. C'était pour des moments comme ceux-ci que je restais. Dans cette voiture, c'était mon Alice, celle qui riait, racontait conneries sur conneries, celle qui sautillait de joie pour rien ou si peu, celle que j'aimais de tout mon cœur et qui me le rendait bien. La tentation d'oublier tout le reste était bien trop grande. Aussi, je me surpris à poser ma main sur la sienne, un geste tendre que je n'avais pas eu depuis des mois. Son regard s'illumina, ses yeux s'humidifièrent et ses lèvres révélèrent ses dents parfaites en un sourire éclatant.
-Je t'aime, me dit-elle doucement.
J'amenai sa main jusqu'à ma bouche et lui offris un baiser.
-Je t'aime aussi Alice.
Un silence confortable s'installa le reste de la route, sa main confortablement installée dans la mienne. Tant qu'elle me laisserait faire, je ne la lâcherais pas. Elle finit par s'endormir et un sourire niais prit place sur mon visage. L'espoir s'installa en moi, peut-être que ces vacances nous permettraient de renouer des liens solides. Peut-être que nous avions besoin de nous ressourcer, nous retrouver en dehors de San Francisco, en terrain neutre.
Nous arrivâmes devant la maison des Cullen au milieu de la nuit. Alice ne se réveilla pas lorsque j'arrêtai le moteur alors je la portais à l'intérieur jusque dans sa chambre d'adolescente. Ses parents savaient que nous arriverions tard, ils avaient laissé l'ampoule du porche allumée ainsi que quelques lampes dans le salon et jusqu'à la chambre de leur fille. Ainsi je ne trébuchai sur aucun meuble avec mon amour dans les bras. Une fois qu'elle fut couchée, je lui enlevai ses chaussures et la couvris avec la couette, les nuits de novembre à Forks pouvaient être très fraîches.
Je repartis sur la pointe des pieds pour ne pas la réveiller et poussai la porte au maximum pour qu'elle n'entende rien de ce que j'allais faire. Je repassai par le salon pour aller à la voiture et récupérer les deux valises du coffre. Je savais qu'Alice voudrait que ses affaires soient dans la chambre dès son réveil, elle ne supporterait pas de sortir sans s'être lavée et apprêtée.
Le plus silencieusement possible, je revins poser les valises dans la chambre. Alice n'avait pas bougé et je pris quelques minutes pour l'observer avec une certaine fascination. Je devinais son corps frêle recroquevillé sur lui-même, elle avait rabattu la couette sur sa tête et seul son visage dépassait. Sa respiration était calme et un léger sourire ornait ses lèvres. Sans hésitation, j'y déposai un baiser aussi léger que les ailes d'une libellule.
Toujours sans bruit, je sortis de la chambre pour aller éteindre toutes les lumières de la maison. J'entrai dans le salon lorsque j'entendis du bruit dans la cuisine. Je pris tout de même le temps d'éteindre la lumière du porche et les lampes du salon, et, renonçant à celles du couloir pour l'instant, je me dirigeai vers la cuisine pensant avoir réveillé Esmée ou Carlisle avec mes allers et retours.
Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je tombai nez à nez avec une splendide jeune femme en plein délit de gavage de petits ours en chocolat fourrés à la guimauve.
Elle leva les yeux et son regard coupable me fit sourire.
-C'est mon péché mignon, m'avoua-t-elle la bouche pleine. Je suis Bella, tu dois être Jasper. Riley m'a dit que vous arriveriez dans la nuit. Je suis enchantée de te rencontrer. Où est Alice ?
Elle prit enfin une inspiration, elle avait débité son monologue sans respirer ce qui élargit mon sourire. Je serrai la main qu'elle me tendait :
-Je suis enchanté également Bella. Alice s'est endormie aux alentours de Seattle, je l'ai portée dans sa chambre en arrivant.
-Oh ! Elle sembla déçue. Je suppose que je la verrai demain dans ce cas.
J'acquiesçai tout en prenant un verre dans le placard pour me servir de l'eau. Elle rangea le paquet d'ours dans une boîte de céréales et je fronçai les sourcils de curiosité. Lorsqu'elle capta mon regard, elle haussa les épaules et me dit sur le ton de la confidence :
-Riley ne peut pas s'empêcher de me les piquer et il déteste les céréales. Si quelqu'un me les mange, je saurai que c'est toi et ma punition sera terrible !
Sa dernière phrase fut dite avec son index frappant mon torse et je ne pus retenir mon sursaut. Elle le remarqua mais ne dit rien. Je pouvais lire la curiosité dans ses yeux mais elle finit par sourire et me souhaiter bonne nuit après avoir pris une sucette dans le pot de bonbons sur le comptoir. Elle partit sans se retourner.
Intérieurement, je savais qu'elle plaisantait à propos de punition mais je n'avais pas pu refouler l'instinct de peur et mon corps avait réagi sans mon consentement. Les punitions auxquelles j'avais eu droit avaient bleui, brûlé et parfois cassé des parties de mon corps. Comme la fois où elle avait donné un grand coup de marteau sur les doigts de ma main droite et cassé trois de mes phalanges. Ou encore, la fois où elle m'avait jeté une louche d'huile bouillante de la friteuse sur mon torse nu. J'en portais encore les cicatrices.
Je secouai la tête en espérant que mes mauvais souvenirs disparaîtraient avec ce geste. La semaine toute entière n'avait pas été si mal, cette journée en voiture avait même été fort agréable. Je n'avais pas envie que mes idées viennent gâcher ça. Je bus mon verre d'eau d'une seule traite et pris le chemin de la chambre d'Alice. Je profitais de la salle de bain attenante pour me doucher et me détendre avant de rejoindre Alice dans le lit. Comme à son habitude, dès que je me couchai, elle vint se blottir tout contre moi. Je m'endormis très vite.
Je m'éveillai à la lumière du jour. Je papillonnai des yeux quelques minutes afin de m'habituer à la luminosité. Je fus perdu quelques instants en ouvrant finalement les yeux, puis je réalisai que nous étions à Forks, et que, pour une fois, le soleil était là et déjà bien haut dans le ciel. J'avais très bien dormi, d'une traite, sans rêve ni cauchemar. J'entendis l'eau de la douche couler dans la salle de bain attenante et ne résistai pas à l'envie de rejoindre ma belle.
Je sautai du lit, nu, pour ce que je voulais faire pas besoin de vêtements, mon érection matinale pointant la direction à prendre. Alice n'eut aucune réaction lorsque j'entrai et je pris ça pour une invitation silencieuse. Cette femme avait tellement de caractère que si elle n'avait pas voulu de moi, elle m'aurait hurlé de dégager avant même que je n'ouvre la porte. Je pris une grande inspiration et fus étonné de l'odeur qui régnait dans la salle de bain, ce n'était pas celle de son gel douche. Une épaisse buée m'empêchait de distinguer quoi que ce soit. Je posai finalement ma main sur la cabine de douche, l'ouvris et entrai.
A peine avais-je posé une main sur Alice qu'elle se mit à hurler comme une dingue. Je sursautai et fis un pas en arrière, je faillis glisser mais me retins à la paroi de la cabine. Elle avait arrêté de hurler et je levai les yeux vers elle pour m'apercevoir que ce n'était pas elle. Je la détaillais quelques secondes, je ne pus m'en empêcher. Bella avait un bras en travers de sa poitrine que je devinais généreuse mais pas trop et une main cachait ses parties les plus intimes. L'eau coulait le long des courbes de son corps, léchant sa peau diaphane. Ses cheveux étaient relevés en un chignon dont quelques mèches détachées venaient caresser ses épaules. Elle était délicieuse et exquise.
-Euh Jasper ? Demanda-t-elle.
-Mmmmm ? Fut tout ce que je réussis à baragouiner.
-Je peux savoir ce que tu fais là ? Sa voix tremblait légèrement.
A cet instant, je repris mes esprits. J'étais nu. Dans une douche. Avec une femme qui n'était pas la mienne. Puis j'y pensais, à la mienne, et je commençai à trembler de peur. Instinctivement, je mis mes deux mains sur mon érection et oui, j'avais besoin des deux mains. Puis je serrai les paupières pour m'empêcher de regarder son corps parfait.
-Je pensais que c'était Alice, m'expliquai-je. Et toi ? Pourquoi es-tu là ?
Elle soupira de dédain avant de me répondre :
-Riley m'a laissé sa chambre, j'imagine qu'il faisait salle de bain commune avec sa sœur ! Je n'ai pas vu l'autre porte.
Je restais là, silencieux, réfléchissant à ce que j'avais vu, je ne pouvais pas m'en empêcher. J'allais me réveiller soudainement dans mon lit et ceci n'aurait été qu'un rêve, je ne serais pas étonné. Son raclement de gorge me fit ouvrir les yeux que je refermai instantanément.
-Jasper ? Appela-t-elle.
Puis, avant que je ne réponde quoi que ce soit, elle poursuivit :
-Tu pourrais partir maintenant, s'il te plaît ?
Je me confondis en excuses toutes plus ridicules les unes que les autres. Je me retrouvai à bafouiller jusqu'à ce que j'aie fermé la porte séparant la salle de bain de la chambre d'Alice et je m'écroulai au sol contre celle-ci.
-Je peux savoir ce que tu faisais là-dedans ?
La voix contenue d'Alice me fit me mettre debout. Je n'osais pas lever les yeux et affronter son regard. Je savais qu'elle essayait de faire paraître sa voix calme mais je ne la connaissais que trop bien pour savoir qu'elle était dans une colère noire.
Comme je ne répondais rien, elle recommença :
-Je peux savoir ce que tu faisais Jasper, dans la salle de bain avec la coloc de mon frère en train de se doucher ?
Putain j'étais dans une merde noire !
-Je... hésitai-je.
-Tu quoi Jasper ?
Je pris une grande inspiration pour me donner du courage puis, mes yeux focalisés sur le sol, je répondis le plus sincèrement possible :
-Je me suis réveillé et j'ai entendu la douche couler, je croyais que c'était toi et j'avais envie de...
Elle se rapprocha et je me tus. Lorsque son visage fut tout près du mien, je fermai les yeux et crispai la mâchoire. Quoi qu'elle me fasse, je ne devais faire aucun bruit. Il ne fallait pas que quelqu'un nous entende au risque de l'énerver encore plus. Lorsqu'elle se pencha, sa bouche se trouva au niveau de mon oreille et elle murmura sensuellement :
-Tu avais envie de quoi Jasper ?
Je fus plus qu'étonné de sa réaction, c'était complètement inattendu. Peut-être que la nouvelle Alice, celle qui avait été avec moi toute cette semaine était capable d'une telle chose. Si tel était le cas, je n'allais pas passer à côté d'une telle opportunité !
Je me levai lentement et elle suivit mon mouvement. Maintenant, je la surplombais de plusieurs dizaines de centimètres. Je croisai son regard lubrique et souris :
-Je voulais te prendre sous la douche Alice.
Ma voix était assurée et grave, ma queue était tendue à bloc, enfin c'est ce que je pensais jusqu'à ce que ma belle se lèche les lèvres du bout de sa langue.
-Dans ce cas, Jasper, que dirais-tu que nous commencions de suite et que nous terminions par ce que tu avais prévu dès que la douche sera libre.
Je ne me fis pas prier et fondis sur elle.
Lorsque nous sortîmes de la douche, lavés et comblés, il était déjà plus de midi et tout le monde nous attendait pour le déjeuner. Lorsque nous nous assîmes à table, Bella était en face de moi, Alice à mes côtes, nous formions un triangle. Je pensais que ce serait plutôt gênant d'être installé face à Bella mais elle fit comme si rien ne s'était passé et je la remerciais intérieurement. Là n'était pas le moment mais je finirais par la remercier en personne pour sa discrétion.
Le repas se passa tranquillement, nous discutions de tout et de rien, puis, Alice se fit curieuse à propos de Bella :
-Et toi Bella ? demanda-t-elle un peu durement, puis, elle se racla la gorge et son ton se fit plus gentil. Tu fais quoi dans la vie ?
-Je suis photographe sous-marin. Riley m'a dit que tu étais directrice de programmation, en quoi cela consiste exactement ?
-Et bien je travaille pour une chaîne cinématographique et je gère la diffusion des programmes ainsi que la production de certains films. C'est surtout l'aspect financier et technique au niveau de la production, répondit-elle avec un sourire sincère.
Alice aimait parler de son boulot à qui voulait bien l'entendre.
-Tu as un léger accent Bella, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus, d'où viens-tu ?
La colocataire de Riley se mit à rire franchement, son visage s'illumina ce qui la rendit plus belle qu'elle ne l'était déjà.
-Moi qui suis là depuis dix ans, je pensais m'en être débarrassée depuis longtemps de cet accent ! Je viens de Londres.
-Si ça peut te rassurer, plaisanta Alice, je n'aurais jamais deviné !
Depuis quand Alice plaisantait ? Même ses parents semblaient étonnés de son comportement et ils me jetèrent un regard bienveillant. Comme si j'y étais pour quelque chose ! Ne savaient-ils pas qu'Alice faisait ce qu'Alice voulait. Mon opinion n'avait aucune importance, ma personne n'en avait pas non plus et ma voix encore moins !
-Et quel animal marin préfères-tu photographier ? demanda Alice.
Tous les regards convergèrent sur elle, l'étonnement se lisait sur tous les visages autour de la table. Esmée en tomba sa fourchette dans l'assiette et resta quelques secondes bouche bée. Depuis quand Alice s'intéressait-elle aux autres? Evidemment, Bella ne la connaissait pas et répondit sans surprise dans sa voix:
-J'aime les poulpes, commença-t-elle. Tu vois, tu peux photographier des centaines de dauphins, ils ressembleront toujours à des dauphins. Avec les pieuvres, chaque animal prend une forme différente, chaque image a une histoire et le résultat n'est jamais le même. Les meilleures photos sont celles où j'ai la chance d'avoir l'encre autour de l'animal. Je dois en avoir quelques-unes avec moi, si ça t'intéresse, je pourrais te les montrer?
-J'adorerai ça ! s'exclama Alice.
Je m'étouffai dans mon verre d'eau. Cela faisait des années que je n'avais pas vu mon Alice de cette façon. Je regardai Bella et lui souris, elle faisait des merveilles avec elle. Ses yeux croisèrent les miens et elle me rendit mon sourire. Elle était magnifique, d'une beauté simple.
Le reste de la soirée se déroula tranquillement. Après le repas, Carlisle et Esmée s'éclipsèrent au salon avec leurs enfants. Je me retrouvai seul avec Bella pour finir de ranger la table. Nous n'étions pas obligés, Esmée nous avait dit de tout laisser mais même sans nous concerter, nous nous mîmes à débarrasser ensemble.
-Jasper ? Chuchota Bella lorsque les portes de la cuisine furent fermées.
-Bella ? Dis-je en même temps qu'elle.
-Commence, me sourit-elle.
-Je voudrais te remercier de n'avoir rien dit sur l'incident de ce matin, je pense que j'aurais été très mal à l'aise.
-C'est normal Jasper, je ne pense pas qu'Alice apprécie de toute façon.
Je confirmai d'un hochement de tête.
-Ecoute Jasper, je sais que ce n'est pas vraiment ma place mais…
Je ne savais pas comment mais j'étais sûr du sujet de conversation qui allait suivre. Je la laissais hésiter tout en continuant à ranger les assiettes à dessert dans le lave-vaisselle, espérant secrètement qu'elle laisserait tomber. Elle n'était pas dans son élément, cela se voyait, de la pointe de son pied elle dessinait des formes aléatoires sur le carrelage, comme pour tester sa solidité avant d'avancer pour de bon.
-Je ne sais pas trop comment te dire ça, on ne se connaît pas vraiment, même si on s'est vus tout nus, plaisanta-t-elle en rougissant légèrement. Tu ne devrais pas laisser Alice te traiter comme ça, finit-elle d'une toute petite voix.
Je levai la tête d'un air ahuri. Même si je me doutais de ce dont elle allait me parler, l'entendre à voix haute était autre chose.
-Co...comment… j'étais incapable de former une phrase correcte.
Elle me sourit quand elle vit que je ne niais pas les accusations qu'elle avait prononcées à l'encontre d'Alice.
-Ma mère a abusé de mon père pendant de longues années. Il était Militaire, il n'en a jamais parlé, sûrement pour ne pas passer pour un faible, expliqua-t-elle. Mais moi, je savais. J'ai toujours su et je n'ai pas su comment l'aider. Elle n'a jamais levé la main sur lui cependant.
Sa phrase laissait entendre qu'elle savait que c'était le cas pour moi.
-Que s'est-il passé? Réussis-je à demander.
-Officiellement, les freins de sa voiture ont lâché, il a raté un virage et est tombé des falaises de la Push. Mais après des années d'abus psychologiques et d'insultes, soupira-t-elle, j'imagine qu'il voulait juste en finir.
Elle avait les larmes aux yeux. Je ne pus résister et la pris dans mes bras. Elle renifla bruyamment avant de m'enlacer les hanches avec ses petits bras. Sa révélation m'avait bousculé. Je repensais à ma propre situation. Souvent, il m'arrivait de penser que la mort serait beaucoup moins douloureuse, qu'elle serait mon unique moyen d'avoir la paix. Mais là encore, j'étais beaucoup trop lâche pour faire quoi que ce soit.
-Tu as l'air d'un gars bien, Jasper, me dit-elle en relevant la tête. Je ne veux pas que ce qu'a subi mon père pendant près de trente ans t'arrive à toi aussi. Tu es jeune, tu as la vie devant toi mais elle doit se faire sans elle. Elle est nocive pour toi.
Elle déposa un léger baiser sur mes lèvres et sortit de la pièce pour finir de ranger la table dans la salle à manger. J'avais ressenti beaucoup plus de choses lors de l'effleurement de ses lèvres sur les miennes que dans les longs baisers que je partageais avec Alice depuis des années. Qu'est-ce que cela signifiait ? Qu'est-ce que cela disait sur moi ? Sur mon couple ?
Je laissai tout en plan et m'éclipsai par la seconde porte de la cuisine. Je me retrouvai vite dans notre chambre et m'écroulai dans le lit, un bras en travers de mes yeux.
Je dus m'endormir car lorsque j'ouvris les yeux, la chambre était plongée dans le noir et le corps d'Alice était recroquevillé contre le mien. Tout à coup, ce contact me dérangea. J'avais la sensation de ne plus y être à ma place, la sensation que je ne lui appartenais plus. Je me surpris à penser à partir, la quitter pour de bon et pour la première fois depuis des années, aucun remord n'apparut pour me faire changer d'avis. Alice, comme pour me retenir, passa une jambe au-dessus des miennes et enroula son bras autour de mon torse. J'en eus la nausée. Je ne voulais plus qu'elle me touche. Je ne voulais plus qu'elle me regarde, ni même qu'elle me parle !
Les derniers jours, bien que fort agréables, n'avaient pas réussi à effacer des années de maltraitance physique et psychologique. Il fallait que je parte, Bella avait raison, j'avais la vie devant moi et avec Alice, ça n'avait rien d'une vie !
Délicatement, pour ne pas la réveiller, je sortis de son étreinte et partis de la chambre sans faire de bruit. Je pris la direction de la cuisine, j'avais besoin d'air, la terrasse serait parfaite. J'étais tellement pressé de sortir que je ne fis pas attention en traversant la pièce et percutai quelqu'un.
-Bella, m'étonnai-je.
Son sourire éclaira la pièce. Elle était pieds nus, vêtue d'une nuisette bleue nuit qui illuminait sa peau diaphane. Ses yeux brillaient de malice. Nous étions tellement proches que je sentais la chaleur émaner de son corps de déesse.
-Je suis venue boire et je n'ai pas pu résister, avoua-t-elle en haussant les épaules. Elle me montra en souriant le paquet d'ours à la guimauve qu'elle tenait dans les mains.
-Je comprends qu'il soit très difficile de résister, ma voix était rauque, suintante de désir, montrant clairement que je ne parlais en aucun cas des gourmandises qu'elle mangeait.
-Dans ce cas, ne résiste pas… soupira-t-elle avant de fermer les yeux et de lever la tête vers moi.
Je n'hésitai pas et me jetai sur ses lèvres, nos dents se cognèrent sous le choc. Elle était la meilleure des gourmandises. Sa bouche avait le goût du chocolat, et, lorsqu'elle l'entrouvrit, je pus glisser à l'intérieur et goûter à sa douce langue sucrée. Mes mains se posèrent sur ses hanches et je l'attirai contre moi. Nos baisers avalaient nos soupirs et nos gémissements. Puis je me perdis complètement, je n'étais plus Jasper, ce n'était plus Bella, nous étions un homme et une femme et nous nous désirions.
Ce trop plein d'envie était nouveau pour moi mais je n'avais pas peur, bien au contraire, j'étais bien, à la place que je méritais.
Cette nuit-là, nous fîmes l'amour passionnément sur le comptoir de la cuisine des parents d'Alice.
Le lendemain matin, je ne regardais plus la cuisine du même œil. J'aperçus un léger rougissement sur les joues de Bella mais il disparut suffisamment vite pour que personne d'autre ne s'en rende compte. De plus nous n'étions que tous les quatre, les parents d'Alice et Riley étaient partis tôt pour travailler.
-Il y a le carnaval de Forks ce soir et avec Bella, nous allons retrouver d'anciens amis du lycée, ça vous dit de venir ? demanda Riley.
-Ça aurait été avec plaisir, déclara sèchement Alice, mais je suis crevée ! Ça fait longtemps que je n'ai pas eu de vacances et j'ai besoin de me reposer !
-Tu veux te joindre à nous Jasper ? questionna Bella.
La main d'Alice qui se trouvait sur ma cuisse se crispa, ses ongles s'enfonçant dans ma chair à travers le fin tissu de mon pantalon de pyjama. Je tentai de cacher ma grimace mais Bella arqua les sourcils, me questionnant du regard. Lorsque ma main passa sous la table pour agripper celle d'Alice, son expression se fit compréhensive. Elle ne dit rien mais elle savait, sa mâchoire s'était serrée, comme pour s'empêcher de dire quelque chose de regrettable.
-Non merci, répondis-je les dents crispées. Alice n'a pas eu beaucoup de vacances ces derniers temps et j'aimerais profiter d'elle, dis-je en souriant à cette dernière dans l'espoir qu'elle me lâche et sa main s'enroula autour de la mienne comme si rien ne s'était passé.
J'avais dans l'idée de lui parler ce soir, je voulais en finir et, étrangement, je me sentais en confiance dans cette maison. Il y avait Bella bien sûr mais aussi la famille d'Alice et j'espérais qu'elle serait se retenir pour ne pas leur montrer qui elle était réellement.
Mais ce soir-là, après que Bella et Riley soient partis, je m'endormis comme une masse sans même me souvenir du moment où je m'étais couché.
Je m'éveillai difficilement le lendemain matin avec Alice en train de me secouer énergiquement.
-Quoi ? Grognai-je.
-Mon frère et Bella se sont faits agresser hier soir, ils sont à l'hôpital ! débita-t-elle.
J'ouvris précipitamment les yeux et je vis que son visage était défait, des larmes coulaient librement sur ses joues.
-Que s'est-il passé ? demandai-je en me levant pour m'habiller le plus rapidement possible. Est-ce qu'ils vont bien ?
Alice étant déjà prête, elle me fit passer mes affaires pour gagner du temps.
-Riley n'a reçu qu'un coup à la tête qui l'a assommé mais Bella…
Elle n'eut pas besoin de finir la phrase, je compris que c'était beaucoup plus grave pour Bella. Le moment était mal choisi mais je n'allais pas pouvoir me retenir d'être auprès d'elle, surtout si ses blessures étaient graves.
-Alice, commençai-je, il faut que je t'avoue quelque chose…
-Vraiment Jasper, ce n'est pas le moment, me coupa-t-elle. J'essayai de reprendre la parole mais elle leva son index en mise en garde. Mon frère est à l'hôpital. Je sais très bien ce que tu vas me dire et crois-moi, on en parlera bien assez tôt !
Je voyais bien qu'elle contenait sa colère. C'était bien une des premières fois d'ailleurs. Elle inspira profondément avant de m'attraper la main pour me tirer jusque dans la voiture. Elle prit le volant et démarra sans rien dire. Au bout de son allée, elle commença à parler:
-Avant hier soir, après que tu sois allé te coucher, Bella et moi avons longuement parlé. Elle m'a raconté ce qui était arrivé à son père.
Je n'osais pas la regarder. Elle semblait si calme et si sincère, si mature et réfléchie. J'aurais voulu qu'elle continue
Je voulais qu'elle continue mais nous arrivions déjà à l'hôpital. Main dans la main, nous nous dirigeâmes vers la chambre de Riley. Esmée était déjà à l'intérieur, assise sur le lit face à son fils. Elle se pencha et embrassa son front. Il ressemblait à un petit garçon dans ce lit d'hôpital, la tête bandée. Alice pressa ma main pour attirer mon attention:
-Je vais demander au bureau des infirmières où est la chambre de Bella, je reviens.
Alice s'absenta et je me tournai de nouveau vers la vitre. Esmée me vit et me fit un petit signe de la main, je décidai d'entrer.
-Je suis désolé de ce qu'il s'est passé, murmurai-je.
-Merci Jasper, soupira-t-elle en m'adressant un sourire qui n'atteignit pas ses yeux. Les médecins disent qu'il n'aura pas de séquelles de l'accident. Elle soupira. Je ne comprends toujours pas qui pourrait faire ça à Forks ! s'indigna-t-elle. Comment quelqu'un peut-il avoir tant de violence en lui !
Malgré moi, je pensai à Alice et ses crises de nerf. J'en eus des frissons, elle n'était pas capable de faire ça, si ? Non, pas à son propre frère, si ? Je secouai la tête, non ce n'était pas elle.
-Elle est dans la chambre 406, va la voir, dit cette dernière en entrant à son tour dans la chambre.
Elle me rassura d'un bisou sur la joue. Je sortis et pressai le pas pour rejoindre celle de Bella et j'entrai sans frapper, tombant nez à nez avec Carlisle qui sortit précipitamment en me bousculant au passage. Il murmura un pardon et s'enfuit comme s'il avait le diable aux fesses.
Je m'approchai de Bella. Elle semblait si petite dans ce lit immaculé. Toutes les parties de son corps qui dépassaient des draps étaient bandées. Son visage était tuméfié, elle avait des tuyaux qui l'aidaient à respirer. J'en avais pris des raclées, mais jamais comme ça. J'avançai doucement, comme si le déplacement d'air allait la casser. Elle semblait si fragile.
Tout à coup, son corps se tordit et toutes les alarmes hurlèrent. Une nuée d'infirmières envahit la pièce, me bousculant au passage. Elle crièrent des ordres, des médecins arrivèrent et hurlèrent plus fort qu'elles. Je ne comprenais rien, je voyais le corps de Bella se tendre et convulser et je sortis de la pièce, incapable d'en supporter davantage.
Je sentis la main de quelqu'un caresser mes cheveux et me rendis compte que j'étais accroupi dans le couloir de l'hôpital. Je sentis qu'on s'asseyait à mes côtés et tournai la tête pour voir Alice me sourire.
-Elle va bien, me dit-elle. Les médecins disent qu'elle va s'en sortir.
Toute la pression que je ressentais s'en alla et mon corps se relâcha de soulagement. Ma respiration se fit dure et des larmes coulèrent sur mes joues.
-Je sais comment je suis Jasper, dit Alice en essuyant mes larmes. Je sais que je t'ai fait souffrir et je ne pourrais jamais m'excuser pour tout le mal que je t'ai fait ! Sa voix était chevrotante, on sentait que sa gorge était nouée pour s'empêcher de craquer ou de pleurer. Mais je suis vraiment, vraiment désolée.
Maintenant elle pleurait et je la pris dans mes bras. J'avais toujours détesté la voir pleurer.
-Jamais je ne recommencerai, Jasper, je te le promets. Je sais qu'il est trop tard pour nous deux et je t'aime assez pour te laisser partir et être heureux.
J'éclatai en gros sanglots, la serrant plus fort contre moi.
-Je t'aime aussi Alice, merci.
Peu de temps après, Alice rentra se reposer et je me retrouvai au chevet de Bella. La rage monta en moi, je ne supportais pas de la voir dans cet état et je voulais trouver l'ordure qui avait fait ça. Un policier était passé pour nous poser quelques questions mais comme nous n'étions pas avec eux, nous n'avions pas pu lui être utiles. Le seul qui était là c'était Riley et il avait été assommé d'emblée. Bella avait peut-être vu quelque chose mais pour le savoir, il fallait qu'elle se réveille.
-Monsieur Whitlock ? Demanda le policier qui m'avait interrogé plus tôt en entrant dans la chambre de Bella.
-Oui ? Je relevai la tête que j'avais posé sur le lit pour le regarder.
-Avez-vous vu quelqu'un dans la chambre de mademoiselle Swan avant sa crise de tout à l'heure ?
-Carlisle Cullen en sortait quand j'entrais, dis-je incrédule, pourquoi ?
Le policier grimaça et répondit par une autre question:
-Son attitude vous a semblé normale ?
Il n'osait pas me regarder, il semblait plongé dans son calepin de notes. Je repensai à la façon dont Carlisle était sorti de la pièce. Il avait l'air très pressé. Il m'avait bousculé et s'était à peine excusé.
-Oui, il avait l'air normal, pourquoi ?
Je n'avais aucune idée de la raison pour laquelle je venais juste de mentir à un officier de Police. Il soupira, visiblement déçu avant de me répondre :
-D'après la prise de sang faite à mademoiselle Swan, il semblerait qu'elle ait été empoisonnée. Nous devons encore déterminer s'il s'agit d'une erreur de prescription ou d'un acte volontaire. Merci de vos réponses, si nous avons d'autres questions, nous vous contacterons.
Je lui fis un hochement de tête tandis qu'il ouvrait la porte pour sortir. Je ne comprenais toujours pas pourquoi je lui avais menti à propos de Carlisle. D'ailleurs, pourquoi ce dernier était sorti de la chambre de Bella comme s'il avait le diable aux fesses. Je décidai de mener l'enquête moi-même. J'embrassai Bella sur le front,l'un des rares endroits où elle n'avait pas de bandage. Il me sembla l'entendre pousser un léger soupir mais je n'en fus pas sûr.
Je sortis de la pièce et me dirigeai vers le service de Chirurgie que Carlisle dirigeait. Je ne savais pas où se situait son bureau alors je demandai à une infirmière qui m'indiqua la direction. Je frappai et entendis qu'il me dise d'entrer pour pousser la porte :
-Bonjour Carlisle.
-Jasper ! s'étonna-t-il. Que fais-tu encore ici, je pensais que tu étais rentré avec Alice ? Son regard fuyait le mien, il regardait partout autour de lui sauf là où je me trouvais.
-Je suis resté pour Bella, dis-je.
-C'est bien, c'est bien. Les médecins ont dit qu'elle allait s'en sortir.
Son ton était indécis, ce n'était ni une affirmation, ni une question. Je ne savais pas trop comment m'y prendre avec lui alors je décidai de ne pas y aller par quatre chemins :
-La Police pense qu'elle a été empoisonnée en plus d'avoir été battue, déclarai-je en essayant de capter son regard. Je le vis se crisper sur sa chaise. Je vous ai vu sortir de sa chambre en courant, juste avant que ça n'arrive, accusai-je.
-Qu'es-tu en train d'insinuer Jasper ? Son ton était ferme mais son corps le trahissait. Il s'était recroquevillé sur lui-même et ses yeux cherchaient un échappatoire.
-Je n'insinue rien, je constate.
-Je ne l'ai pas empoisonnée, dit-il cette fois en me regardant droit dans les yeux. Il avait peut-être ses défauts mais son regard ne mentait pas, il ne l'avait pas fait.
-Je sais que vous cachez quelque chose Carlisle, que faisiez-vous dans la chambre de Bella ?
-Je ne l'ai pas empoisonnée Jasper, c'est tout ce que tu as à savoir.
Là encore ses yeux étaient ancrés dans les miens. Je hochai la tête et sortis de son bureau. Quoi qu'il me cache, je finirais par le découvrir. Je décidai de retourner dans la chambre de Bella, je voulais être avec elle au cas où elle se réveillerait. En chemin, je m'arrêtai devant la chambre de Riley, et, voyant qu'il était seul, je décidai d'entrer. Il ouvrit les yeux quand il m'entendit approcher.
-Hey, murmura-t-il.
-Salut Riley, content de te voir ! Je lui souris et lui aussi. Comment tu te sens ?
-A part avoir la sensation qu'un avion fait des loopings dans mon crâne, ça peut aller, grimaça-t-il.
-Je suis désolé…
-Bella ? demanda-t-il inquiet.
-Elle va s'en sortir même si elle a morflé plus que toi, lui avouai-je.
-Je n'ai rien pu faire, j'ai reçu le coup à la tête et pouf, plus rien, le noir total ! C'est la dernière chose dont je me souviens avant de me réveiller ici, ma mère à mes côtés.
-Tu as vu quelque chose avant de te faire assommer ? demandai-je en croisant les doigts pour que ce soit le cas.
- Rien, je suis désolé, soupira-t-il. Je sais seulement qu'il m'a frappé avec une batte de base-ball, j'en suis certain.
-Merci Riley, lui souris-je.
Il acquiesça et ne put retenir son bâillement.
-Je vais te laisser, dis-je en me levant de la chaise sur laquelle je m'étais installé. Je retourne auprès de Bella.
-Prends soin d'elle Jasper, elle le mérite.
Puis il s'endormit. Je me demandai si Bella lui avait parlé de ce qu'il s'était passé entre nous où s'il ne faisait que supposer. J'entrai dans la chambre de cette dernière au moment où ses yeux papillonnaient légèrement. Je m'assis à ses côtés et pris sa main délicatement dans la mienne. Après plusieurs minutes d'attente, ses yeux s'ouvrirent. Elle prit le temps d'observer la pièce, sûrement pour comprendre où elle se trouvait et, finalement, ses iris rencontrèrent les miens. Un léger sourire fendit ses lèvres gercées et se transforma en grimace sous le coup de la douleur.
-Chut, susurrai-je en me levant pour caresser son front sans pour autant lui lâcher la main. Tout ira bien.
-J Jas...
-N'essaie pas de parler ma belle, ne te fais pas de mal. Est-ce que tu souffres? demandai-je inquiet.
Elle secoua la tête. Les antidouleurs que le médecin lui avait donnés devaient encore faire effet.
-Est-ce que tu te souviens de ce qu'il t'est arrivé ?
Elle acquiesça et essaya de me dire quelque chose. Je me penchai vers elle, tendant l'oreille.
-Aaaliiii, elle se mit à tousser violemment et je me reculai, continuant de lui caresser le front en attendant qu'elle se calme. Elle avait les larmes aux yeux lorsqu'elle soupira le nom d'Alice.
-Alice ? demandai-je pour être sûr d'avoir bien entendu.
Elle acquiesça et quelques larmes coulèrent le long de ses joues.
-Tu veux dire qu'Alice t'a fait ça ? M'étonnai-je.
Je me rappelai des derniers instants que j'avais passés auprès d'Alice et jamais je n'aurais pensé qu'elle puisse faire une chose pareille à quelqu'un. Puis je réfléchis un peu plus et me rendis compte à quel point j'étais con, bien sûr qu'elle était capable d'une telle horreur, elle me l'avait fait durant des années !
Elle pouvait s'en prendre à moi, mais elle n'avait pas le droit de toucher à une personne aussi gentille et aimante que Bella. Elle avait même cogné son propre frère ! N'avait-elle aucune limite ?
Je commençai à partir mais la main de Bella se resserra autour de la mienne, me coupant dans mon élan.
-Reste, murmura-t-elle, s'il-te-plaît Jasper, reste avec moi !
Ses yeux étaient remplis de terreur. Je ne savais pas si elle était terrifiée à l'idée que je parte où si elle avait peur qu'Alice ne revienne pour finir ce qu'elle avait commencé.
Et là, je réalisai. Bella avait été empoisonnée. Alice avait déjà tenté de finir ce qu'elle avait commencé ! Elle avait déjà essayé de la tuer !
Je me levai, incapable d'expliquer à Bella ce que j'allais faire et sortis devant la porte de sa chambre en lui lançant un vague "je reviens".
Je pris mon téléphone et cherchai dans la poche de ma veste la carte de visite de l'enquêteur qui m'avait interrogé plus tôt dans la journée et lui expliquai tout ce que je soupçonnais. Bella avait reconnu Alice comme son agresseur, Riley avait parlé d'une batte de base-ball, Carlisle était sorti précipitamment de la chambre de Bella et j'avais l'intuition que ça avait été pour la sauver ou pour empêcher que sa fille devienne une meurtrière. Le policier m'écouta religieusement et me remercia avant de raccrocher pour aller arrêter Alice.
Soulagé, je revins dans la chambre et m'assis à côté de Bella. Ses yeux étaient rouges, elle avait pleuré et je me promis que plus jamais, elle ne verserait une larme à cause de moi. J'allais prendre soin d'elle, je serais toujours à ses côtés, si tant est qu'elle veuille de moi bien sûr.
-Je suis là Bella, je reste, je ne partirai plus ma belle, c'est promis.
J'embrassai son front et la regardai sombrer lentement dans le sommeil sans se douter de la véracité de mes propos.
Tu vas avoir du mal à te débarrasser de moi, pensai-je.
Le lendemain, nous apprîmes qu'Alice s'était donné la mort, sûrement submergée par le remord. Elle avait fait une overdose de médicaments. Elle ne paierait jamais pour le mal qu'elle nous avait fait mais elle avait laissé bien en évidence dans la chambre, les preuves qui l'incriminaient : les somnifères qu'elle m'avait donnés pour pouvoir quitter la chambre sans que je ne le remarque, la seringue empoisonnée, la batte de base-ball couverte du sang de Riley et Bella, ainsi qu'une lettre expliquant le tout.
Une fois que Bella put sortir de l'hôpital, nous décidâmes de partir loin et c'est en Australie que nous avons vécu le reste de notre vie, heureux et amoureux.
