Chapitre 1
Ianto finissait de resserrer le nœud de sa cravate lorsque son cellulaire se mit à sonner de ce cri strident et angoissant. « Torchwood » lut-il sur l'afficheur de l'appareil. Rien à dire, ou à répondre. Il fallait seulement se rendre au cœur même de Cardiff, dans le grand sous-terrain qui cachait les activités du groupe clandestin.
Malgré l'urgence, le jeune et grand gallois jeta un dernier regard dans le miroir, pour s'assurer que son apparence était impeccable.
A grands pas, il quitta son appartement, glissant une clé pour verrouiller, et une clé pour déverrouiller, une porte de logement, une porte de voiture …. Il s'engouffra, les trop longues jambes, dans son véhicule, embraya, et malgré le trafic et l'heure de pointe arriva au centre opérationnel de Torchwood 3 avant ses collègues.
Le patron, agité, s'exclama en entendant l'alarme « Enfin, vite nous devons partir » sans même avoir tourné la tête pour savoir qui arrivait.
« Jack, tu vas attendre les autres j'espère », Ianto lui déclara simplement; le benjamin de l'équipe commençait à peine à participer aux missions.
« Ah Ianto », sourire en coins du grand gaillard, du patron impatient. « Dommage mais ils viendront dans la voiture d'Owen, ils pourront s'y loger; suis-moi! »
Jack Harkness portait son manteau de la RAF en dépit de la chaleur de juillet. Il glissa rapidement vers l'ascenseur au centre de l'édifice, tendit la main vers Ianto « Tu as ton cellulaire et ton PDA, tu les mettras au courant dans le VTT »
Ianto ne pouvait argumenter, il prit donc place aux côtés de son patron et l'ascenseur s'élança doucement dès que le capitaine le mit en marche en quelques manipulations de son fidèle bracelet d'agent du temps, de ce joli objet de cuir souple à son poignet musclé.
Il arrivait sous la plaque de béton lorsque les deux hommes entendirent retentirent l'alarme les avisant de l'arrivée des autres membres de l'équipe. Rapidement, au risque de perdre l'équilibre, Ianto leur envoya un message texte pour qu'ils se rendent aux pas de course vers le VTT.
Le véhicule était stationné derrière le Centre du Millenium; Ianto venait à peine de finir de s'attacher quand il aperçu Gwen et Owen arrivant au pas de course.
"Jack!", il pointa du doigt, exigeant que le patron impatient laisse le moteur tourné et attende les deux autres.
Ianto mis en marche son main-libre.
"Tosh?", une simple question.
"Quai 4, gare centrale.", une réponse simple.
Il répéta à voix haute pour toute l'équipe; Jack put finalement démarrer.
"Ianto, tu restes sur ma gauche en tout temps". Owen était le mentor d'Ianto pour le mois, et prenait sa tâche au sérieux. Les membres de l'équipe n'était pas particulièrement inquiet des compétences et forces du plus jeune de leur groupe; mais chacun prenait à cœur d'en faire un membre aussi élitiste qu'il l'était tous.
Gwen se mit, selon son habitude, à réciter ce que tous savaient sur les travaux actuels à la gare centrale, justement au quai 4. Chacun se faisait un devoir, une obligation, de lire toutes les actualités, des plus ridicules aux plus pertinentes, afin de ne jamais être pris de court. De toute façon, la faille qui les gardait très occupée par période, les maintenait également dans l'ennui le plus total parfois pour des semaines complètes.
"Quai 4, shift d'ouvriers en rotation de 24 heures, les travaux ont commencé il y a cinq... non six semaines; un effondrement de terrain", elle arrêta soudainement sa récitation.
Effondrement de terrain, il y a six semaines.
"Ciboire", s'exclama Ianto. "Tosh, peux-tu faire évacuer les ouvriers du quai 4 immédiatement?"
"Fait! Et je m'occupe de faire fermer la gare au complet." Tosh était expéditive.
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C'était maintenant Owen qui sentait sa pression montée rapidement. L'adrénaline augmentait plus vite que les kilomètres parcourus.
« Évidemment, évacuer la gare centrale à cette heure du matin, va causer un embouteillage monstre. Comment pensez-vous qu'on pourra se rendre astheure ? »
« Et tes jambes, elles te servent à quoi ? » lança avec sa pointe de sarcasme habituelle le capitaine intrépide.
D'ailleurs, les passagers devaient se rendre à l'évidence, Jack ralentissait déjà. On était pourtant à au moins une dizaine de coins de rue de l'entrée principale de la gare. Le VTT fut stationné en zone interdite en deux temps, trois mouvements, et le groupe Torchwood se lança à la course vers l'endroit critique. Owen traversa la rue en diagonale dès qu'il le put, Ianto le suivant assidument. Jack et Gwen continuèrent sans les suivre.
« Envoyeille Ianto, on va passer par la ruelle derrière la gare ; tu as ton arme chargé sur toi ? »
Ianto ne répondit pas car la voix de Jack retentissait dans son oreillette « Sois prudent mon beau ; nous avons une sortie de prévue demain soir, j'aimerais t'avoir à moi en un seul morceau ». Ianto espérait que Jack avait pris le temps d'ouvrir la piste privée et que tout le groupe n'avait pas entendu son commentaire. Il ne répondit pas plus à Jack qu'il ne l'avait fait pour Owen. Plus il se rapprochait du but, plus il se demandait ce que le groupe aurait à affronter cette fois.
Owen dans sa lancée, faillit se faire frapper par deux voitures à deux occasions – engueulant vertement le deuxième conducteur.
« Ianto, t'arrives-tu coudon ? » hurla-t-il dans sa colère. Pourtant son collègue était juste derrière lui, à quelques secondes derrière lui.
La ruelle débordait de monde.
« On passerâs jamais icitte Owen ».
« Laisses-moi faire, tu vas voir ! »
« Torchwood, Torchwood. Dégagez, Torchwood, Torchwood", Owen hurlait à s'en arracher les cordes vocales. Pourtant, il continuait à courir, et parcouru sans s'arrêter, ni reprendre son souffle, les derniers pieds à faire pour arriver à la porte d'entrée de la station de gare.
Tosh avait avisé le groupe que tous les ouvriers avaient quitté le quai 4, que tout le système de train complet était immobilisé, que Cardiff aurait une journée de congé inattendue.
Gwen et Jack étaient déjà à l'intérieur de la station, tentant de s'orienter entre les travailleurs du matin tentant de quitter les lieux et les touristes pris en otage dans une évacuation de bousculade et de panique.
Le quai 4.
Ils s'engouffrèrent dans les escaliers, retrouvant Owen et Ianto, armes à la main, parcourant en douceur les rails en construction.
« Ne vous avancez pas trop », Jack leur demanda, sautant agilement sur les rails lui-même.
C'est à moment que le groupe entendit retentir l'arrivée d'un train, des profondeurs même du sol.
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Ianto et Owen n'attendirent pas que le capitaine leur ordonne de quitter les rails et de remonter prestement sur le quai. Ianto, plus grand, appuya ses fortes et grandes mains sur le rebord du quai et en pliant prestement les genoux se retrouva sur le quai. Il tendit le bras droit vers Owen le souleva rapidement hors du trou d'où surgissait soudainement un train fin, élancé, d'un gris métallique aveuglant, aux fenêtres foncées. Jack accourait déjà vers ses collègues, plus près du point d'arrivée de ce train. Gwen avait figé sur place, l'arme pointée sur l'engin. Une voix caverneuse, outre-tombienne, beugla lourdement « Le train s'arrête dans 10 secondes. Attention aux portes. Attention au quai »
Tosh criait dans les oreillettes du groupe « Que se passe-t-il ? Tout monte en flèche dans mon écran. Qu'est-ce qui se passe ? »
Ianto calmement « Tosh, un train entre en gare. Calme-toi ! »
Comme l'avait dit la voix, le train s'arrêta soudainement, mais sans pour autant démontrer le moindre soubresaut.
Les portes s'ouvrirent. Des passagers effarés, paniqués, regardaient autour d'eux. Les plus braves s'approchèrent des portes, regardant à droite, regardant à gauche, mais nuls n'osèrent sortir.
C'est alors que Ianto s'approcha de l'un d'eux, et que Owen tentait de le retenir, que ...
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24 heures plus tard.
Jack faisait les 100 pas dans le centre opérationnel. Il avait les allures du tigre à la chasse, et du tigre très affamé à la chasse.
Depuis la disparition du train, et d'Ianto qui s'y était fait engloutir à son corps défendant, il était incapable de penser à quoi que ce soit d'autres, que de retrouver le plus jeune équipier de son groupe. Et son amant.
Il avait contacté Unit, Martha ; il avait bousculé Tosh pour qu'elle découvre où le train réapparaitrait. Lorsque la porte s'était refermée, après que le train ait happé Ianto, le train avait suivi les rails en direction de Londres. Rapidement, Owen avait communiqué avec Tosh, lui expliquant la situation. Mais Tosh avait rapidement conclu que le train avait été transporté hors de la dimension actuelle car le train n'apparaissait nulle part au pays de Galles.
Jack était resté sur place, la main dans le vide, la paume vers l'espace où cinq minutes à peine, la porte s'était refermée. Il avait vu le regard d'Ianto, sa paume également déposé sur la vitre de la porte. Leurs mains encore tissées dans cette coupure tragique de leur séparation. Owen et Gwen avaient du forcer leur capitaine – son inaction, son inhabilité à prendre charge les avaient un peu effrayés. Jamais Jack n'avait laissé un événement le troubler. Son attachement à Ianto était connu, mais il n'avait jamais hésité à le lancer dans le danger, au même titre que les autres membres de l'équipe. Depuis que Ianto était devenu un agent de terrain, et que chaque membre du groupe devait se charger de sa formation, aucun privilège, aucun échappatoire ne lui étaient permis. Il devait performer et souffrir comme tous et chacun.
Mais l'émotion dans le visage de Jack était claire – il ne s'agissait pas d'un membre de son équipe qui avait disparu mais son compagnon, son amant.
Sa colère, 24 heures plus tard, était à peine réprimée.
«Stie Stie Stie. Récapitulation groupe. Salle de conférence. Maintenant. »
Tout ce que Tosh pu faire durant la récapitulation fut de répéter ce que tous savaient : le train mystérieux n'était pas un type de train connu dans le monde actuellement, il fonctionnait sur pneumatique et non sur rails, il était sorti du trou béant, du à l'affaissement trente-huit jours plus tôt, il contenait des passagers effrayés, une voix interne automatisée annonçait l'arrêt qui ne durait que 60 secondes à peine, une force magnétique interne attirait les gens à l'intérieur, le train se déplaçait mais ne se rendait nulle part.
« Ok, idées, suggestions, que pouvons-nous déduire ? lancez-moi des propositions, des solutions », Jack semblait plus en contrôle, son ton était plus militaire, plus dirigé, moins personnel.
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Gwen mit son chapeau d'analyste et recommanda d'aller sur le site où officiellement le train avait disparu.
« Owen et toi y êtes allés hier et n'avez rien vu »
« Mais on peut chercher au niveau du terrain, voir la qualité du terrain, y'a-t-il risque d'affaissement. Ce train n'est pas devenu invisible, il serait entré en collision ; il ne s'est pas envolé, Tosh l'aurait détecté. Il est apparu d'un trou créé il y a 38 jours, peut-être le terrain s'affaissera seulement dans 38 jours, tu les connais mieux que nous les interactions temporels »
Jack, debout depuis le début de la rencontre dans la salle de conférence, s'assit soudainement et son sourire réapparut.
« Gwen, mais c'est tout à fait possible. Tosh, peux-tu reprogrammer ton ordinateur ? Je pars avec Gwen. Owen tu te charges de nous trouver un ingénieur, un géologiste, un spécialiste, quelqu'un quoi - et tu nous l'emmènes ; je veux le meilleur, les meilleurs ; trouves nous des spécialités de terrain, d'excavation, qu'importe. Tu nous rejoins dans une heure avec une équipe de spécialiste. 60 km au sud de la gare, là où Tosh a vu que le train disparaissait. Je veux aussi un sketch de ce train. Allez, on fonce. »
Tosh regarda le groupe partir, la laissant derrière, inquiète autant ou presque que Jack. Évidemment, pour Jack, l'action enclenchée le guiderait à être plus objectif, à penser à Ianto comme en tant que membre actif et débrouillard de son équipe. Elle comprenait qu'Ianto était plus pour Jack, mais jamais Jack n'avait fait preuve de favoritisme, bien au contraire. Mais le jeune gallois avait pris place au cœur de Tosh lors de sa première mission avec l'équipe, quand malgré sa peur et son désarroi, il avait risqué sa peau pour tenter de sauver Tosh. Ianto demeurait discret, semblait plus souvent qu'autrement en pleine maitrise de ses sentiments, et actions mais Tosh avait appris beaucoup sur l'amant de Jack dans leurs instants communs d'emprisonnements par les cannibales.
Elle hocha la tête, comme pour se débarrasser de toiles d'araignées dans le cerveau et entrepris de reprogrammer l'ordi, de lancer un programme de détection des mouvements d'un train qui circulait dans le temps et l'espace et se mit à esquiver les premiers traits qui permettraient d'identifier ce train parmi tant d'autres. Jack avait accès à d'autres ressources et ce modèle du train, pourrait tous les aider à retracer Ianto et le retirer des pattes du train en perdition.
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Jack avait pris le volant avec Gwen à ses cotés. Il avait vu Owen démarrer sur deux roues vers une direction opposée. Le silence régnait dans la voiture, les mains-libres branchées, écoutant, attendant, avec fébrilité.
Quand Jack arriva près du village où Tosh avait détecté une pointe d'activité outre-temps et espace, il stationna prestement près de la place de l'église. Il se mit à courir vers la voie de fer, suivit de Gwen.
« Tosh, à combien sommes-nous de l'endroit ? »
« Tout droit Jack, au moins deux kilomètres »
Sur la droite, à l'est du village, un lac berçait la région. La voie ferrée suivait le village et le lac ; un panneau indicateur menaçait de contraventions tous jeunes qui tenteraient de s'y baigner.
Jack et Gwen ne pouvaient plus courir ; ils parcoururent ensemble à pas rapides la distance indiquée, avec au bout du fil, une Tosh constante qui les guidait.
« La, vous y êtes – juste à 100 mètres sur votre droite. »
Il y avait un terrain en vallon, quelques arbres verts ancrés solidement au sol, les berges du lac et absolument rien qui n'indiquait qu'un train aurait pu s'effondrer ou passer dans un trou béant.
« Tosh, nous sommes juste à l'endroit ; tu perçois quelques anomalies »
« Rien Jack. Rien du tout. »
« T'as des nouvelles d'Owen ? »
« Oui, il a passé par l'université et a forcé la main à un jeune en maitrise ; ils sont en route ; devraient arriver dans moins de 40 minutes ».
Quarante minutes. Jack perdait son calme, marchait de long en large, tapait de ses bottes chaque cm carré de terrain, humait, respirait, soupirait.
« Jack, tu ne sentiras pas Ianto ici ; tu ne le retrouveras pas de cette façon ; calmes-toi et parles-moi. Y'a déjà eu quelque chose dans ton passé qui t'a rappelé une distorsion comme celle-là ? », Gwen avait pris son ton d'inquisitrice impériale, sachant très bien comme ça asticotait Jack. S'il pouvait focuser son agitation sur elle, sur le tangible, il arrivait peut-être à vivre dans le présent et le possible.
Jack pris une très grande respiration. De la poche de son manteau, il sortit un petit flacon. Il le lui tendit.
Elle le saisit, vit les initiales IJ gravé sous le bouchon.
« Ianto ? »
« Oui, un cadeau de son père pour ses 19 ans. Il me l'a donné à mon anniversaire. »
«Ton anniversaire? »
Jack s'assit doucement au pied de l'arbre le plus près du point d'activité, fit signe à Gwen de faire de même.
« J'ignore quand est mon anniversaire, tu l'sais aussi bien que tous. Mais Ianto a choisi une date pour moi et nous avons réussi à le fêter ensemble, notre troisième tentative de sortie … la seule que nous avons réussi, sans être interrompu par la faille ou l'un d'entre vous en trouble. »
« Ah je ne le savais pas romantique notre jeune ! »
« Ne dis jamais à Ianto qu'il est romantique, Gwen, il ne te le pardonnera pas pantoute », Jack ne peut s'empêcher de rigoler doucement.
« Kesque vous avez mis dans ce flocon ? », Gwen n'avait toujours pas dévissé le bel objet.
« Goutes-y donc avant d'chiailler »
Gwen pris son temps, huma l'odeur et pris une toute petite gorgée. Et partis d'un fou rire, qui pourtant n'avait rien de très humoristique.
« Merde. De l'eau. Y'a pas à dire toi pis le jeune, vous vous lâchez lousse, sans bon sens ! »
« Laisses m'en un peu, j'ai soif. »
« Alors cet anniversaire, tu vas me raconter ? »
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