Hello ! Bienvenu sur ce two-shot ! Première chose à savoir : il n'y aura pas de destiel ou de sabriel explicite ! Dans ma tête les deux existent mais ils ne sont pas le but de cette fic (si tant est qu'elle en ait un...) et je ne les aie pas du tout développés ! Ça peut être aussi bien pris comme du sheap ou de l'amitié !

(attend que la moitié de la salle ait passé les portes de sortie)

Ensuite, c'est ce que j'appelle une fic complète ou équilibrée. Pas de dominance dans les thèmes entre l'humour, l'angoisse et le réconfort ! Ça s'alternera avec l'histoire ! Y a quand même un bon fond de hurt/comfort, mais même ça c'est mixé avec le reste ;)

et maintenant je vous dis bonne lecture !

.

Sur la terre comme au ciel

.

Ciel

.

Chute et rechute

.

Castiel avait faim. Il avait soif aussi. Il avait utilisé ses derniers billets pour se rendre intraçable auprès de sa famille. Il avait donc mal par-dessus le marché. Mal au ventre à cause du tatouage encore douloureux, mal au ventre de ressentir cette sensation si peu habituelle de creux dans l'estomac qui vous tord les entrailles, mal au ventre depuis des jours d'avoir vu ses espoirs se briser après y avoir cru tellement fort. Avoir cru que Dean pourrait apprécier une créature surnaturelle, un ange, un enfoiré d'emplumé.

Castiel avait mal, terriblement mal. Et la maison était si loin...

000

- Ça fera sept dollars cinquante mes jolies, fit Gabriel avec un sourire rayonnant.

Les deux clientes rougirent de plaisir et l'Archange aux ailes déplumées récupéra le billet de dix avec un clin d'œil charmeur. Encore un bon pourboire dans la poche ! Il était le meilleur ! Il rejoignit Stan à la caisse qui encaissa la commande et mit de côté son tip. Il en profita pour récupérer les deux cafés et l'assiette de pancakes pour la table douze et son couple d'amoureux qui se mangeaient des yeux. C'était presque mignon. Dommage pour le gars que ce soit la quatrième naïve qu'il ramenait depuis le début de la semaine avec l'intention de la trousser dans sa voiture garée en face. Et quel malheur que Gabriel ait, par une affreuse maladresse, fait tomber des laxatifs dans son café ! Déplorable, vraiment...

Il avait quand même eu droit à un pourboire généreux. Comme quoi, la justice divine ça payait !

Après ce petit tour de malice, Gabriel prit une pause assis au comptoir en regardant avec délice le jeune homme qui venait de sortir se tortiller et devenir verdâtre. Aujourd'hui, ce dernier allait avoir bien du mal à jouer les bourreaux des cœurs !

La cloche de la porte d'entrée carillonna, rappelant Gabriel à l'ordre. Ou presque. Dans une minute ! On n'était qu'en milieu de matinée et les clients de cette heure n'étaient généralement pas pressés. Pour l'instant, l'Archange devait absolument combler son besoin urgent de sucre. À voir tous ces pancakes et ces tartes lui passer sous le nez à longueur de journée, il découvrait ce qu'était la torture, la vraie. Heureusement, Piper la cuisinière ne rechignait jamais à lui refiler un donut ou un beignet. C'était pour son hypoglycémie, comprenez ?

Après avoir englouti sa pâtisserie avec quelques gémissements orgasmiques surjoués sous le regard dégoûté de Stan, Gabriel dut malgré tout essuyer ses doigts plein de sucres et retourner à la salle pour s'occuper du nouveau client.

- Bienvenue au Blue Paradise Monsieur ! Je vous conseille grandement la tarte aux noix de pécan, elle est du tonnerre ! déballa Gabriel avec un immense sourire en tendant la carte avant de se figer.

Oh merde. Oh putain de bordel de merde de Luci en string !

- Gabriel ? souffla Castiel en plantant ses grands yeux bleus dans les siens.

- Non le pape. Bien sûr Gabriel ! Qu'est-ce que tu fiches ici ? Tes deux singes de compagnies sont dans le coin ? demanda-t-il en regardant autour de lui avec méfiance.

Rien de tel que c'est deux-là pour ruiner votre petite vie tranquille et faire la publicité de votre existence.

- Non, murmura Castiel en baissant les yeux. Je voudrais juste... Manger, déglutit-il avec difficulté en lâchant une poignée de petites monnaies devant lui.

Gabriel baissa les yeux sur la ferraille et remarqua les vêtements froissés, le visage fatigué et l'allure générale pas très net. Il soupira. Son frère cadet s'était apparemment mis dans une belle galère. Pour changer... Et lui ne pouvait décemment pas laisser Cassi comme ça. Il était vraiment trop bon !

- Piper, un double cheeseburger avec une frite géante, deux parts de tartes et deux cafés ! commanda Gabriel à voix haute.

- Gabriel je ne... voulut protester Castiel qui s'était attendu au mieux à un cookie et peut-être un café, au moins un verre d'eau.

- C'est pour moi, grumpha l'Archange en faisant la moue.

Gabriel retourna au comptoir pour se donner contenance. Son petit frère, ici... Il ne l'avait pas vu venir celle-là ! En même temps, avec tous les anges qui devaient se balader sur terre, statistiquement il avait déjà dû en croiser un ou deux dans un costume humain mais vu que personne ne connaissait sa tronche... Sauf Castiel. Or le voir lui, ici, dans son diner parmi tous ceux existants en Amérique et à St Louis, pendant son service ? Ça relevait du miracle ! Le Paternel était vraiment chiant parfois...

- Gabe, je crois pas qu'il pourra payer tout ça ton gars, remarqua Stan en jetant un coup d'œil méfiant au clochard.

- Je paye pour lui, souffla Gabriel en jouant avec ses doigts.

- Il y aurait donc un cœur sous tout ce vice ? se moqua Piper en posant le hamburger et son accompagnement sur le passe-plat.

- Hey ! Je suis la vertu même ! rétorqua le blond en ajoutant les cafés au plateau ainsi que les tartes.

- Tu parles, grogna Stan. Dieu aurait honte en voyant à quel point tu salis le nom de l'un de Ses fils.

Si tu savais Stannounet, si tu savais, pensa Gabriel avec amusement.

- Puisque je suis aussi horrible que ça, vous allez vous débrouiller sans moi un moment ! Je vais manger avec ma B.A. du jour !

Gabriel rejoignit Castiel et s'assit en face de lui sur la banquette. Il crut un instant que son jeune frère allait se jeter sur le pauvre cheeseburger comme un loup affamé et tout manger y compris le plateau, voir même la table ! Mais non, Castiel eut un sursaut de fierté et se retint malgré son envie visible de tout engloutir d'une seule bouchée. Du moins il se contint au début.

Gabriel regarda avec stupéfaction et tristesse son frère dévorer le burger, prenant à peine le temps de mâcher, preuve qu'il n'avait pas dû manger à sa faim depuis un bout de temps. Ça faisait vraiment peine à voir.

- Refais-moi la même chose sans les cafés Pipe ! lança-t-il sans un regard au cuisine.

Gabriel commença seulement à manger sa première part de tarte pendant que son cadet faisait un sort au frite. Ce n'est qu'arrivé à la fin que Castiel regarda honteusement ses mains couvertes de gras, de sel et d'autres choses qu'il valait mieux ne pas identifier. Il ne s'était passé qu'une poignée de jours depuis son passage chez les Winchester et il avait déjà l'impression d'être couvert de toute la crasse du monde. Les pauvres petites serviettes en papier sec mises à disposition n'allaient pas lui être d'une grande aide.

Un chiffon humide tendu par Gabriel apparut dans son champ de vision.

- Presque pas utilisé depuis ce matin.

Castiel n'hésita pas longtemps avant de se débarbouiller les mains ainsi que le visage. Quand il releva les yeux, un nouveau burger était devant lui avec ses frites.

- Vas-y plus doucement cette fois, lui conseilla Gabriel en attaquant sa deuxième part de tarte.

Castiel suivit le conseil et prit le temps de savourer. Il ne savait pas quand allait être son prochain repas alors autant profiter de l'aubaine.

- Alors dis-moi, qu'est-ce que vous avez branlé toi, gigantor et le porte-flingue, pour foutre un tel bordel sur terre ? Je n'ose plus me brancher sur radio ange et mes pouvoirs angéliques sont en pannes sèches mais les infos-télé en disent assez, surtout avec la pluie de météorite. Vous avez énervé Raphy et il a décidé de se garder le paradis pour lui tout seul ?

- On te croyait mort, fit remarquer Castiel en reposant son plat, l'estomac soudain noué.

- Pour vous c'était tout comme ! argua fermement Gabriel en se calant dans au fond de la banquette. Je ne vous suis d'aucune aide pour l'instant et je n'ai pas envie d'y laisser ce qu'il me reste de plumes. Alors quoi ? Raphy fait un caca nerveux parce que Michou n'a pas bien rangé son bureau avant de partir ?

- J'ai tué Raphaël, lâcha brutalement Castiel en plongeant ses yeux dans les billes dorées.

- Impossible. T'as peut-être un petit truc en plus Cassi mais tu n'as certainement pas la force pour tuer Raphaël !

- Je me suis fait aider. Par Crowley et... Par les âmes du purgatoire.

- Et donc tu as tué Raphael, répéta froidement Gabriel.

- Oui.

Gabriel se pencha soudain par-dessus la table et attrapa Castiel par le col de son sweat-shirt.

- Donne-moi une seule bonne raison pour ne pas te tuer sur le champ, gronda-t-il entre ses dents sans se préoccuper de Stan et Piper qui les regardaient horrifiés.

- Je n'en vois aucune.

Les narines frémissantes, Gabriel foudroya des yeux l'angelot qui avait tué son frère aîné, le dernier présent dans cette dimension. La terre n'ayant pas été détruite quand il s'était réveillé de son errance, il en avait déduit que les deux frangins avaient réussi à enfermer Luci et Mimi. Mais Raph' ? Gabriel était persuadé que c'était lui qui avait pris la relève ! Que c'était lui qui avait éjecté autant d'anges sur terre lors d'un grand ménage !

Raphaël était... mort ?

Tout dans les yeux de Castiel criait que c'était la vérité. La pure vérité.

Gabriel lâcha Castiel et se rassit, choqué. Raphaël était mort. L'un de ses jeunes frères l'avait tué, en usant d'âmes normalement confinées à jamais. Raph' était mort. Raphy. Raphaël. Son psychorigide de frère à l'orgueil démesuré. Mort.

- Gabriel ? Tu as besoin d'aide ? demanda Stan en voyant son collègue et ami anéantit et blanc comme un linge.

Il avait eu raison de trouver ce clochard louche !

- Emballe-moi les restes et mets-moi une boite de donuts. C'est fini pour moi pour aujourd'hui, je rentre.

- Mais, et le service de ce midi ?

- J'en ai rien à foutre de ce service à la con ! hurla Gabriel en frappant la table avant de se passer une main tremblante sur le visage pour se calmer. Écoute Stan, je.. Je viens d'apprendre qu'un... Qu'un proche est mort... Quelqu'un de très, très proche...

- Tu peux rentrer, on se débrouillera, et pareil pour demain. Appelle-nous quand ça ira mieux, intervint Piper en posant une main sur son épaule.

Gabriel hocha la tête et récupéra le sac en plastique contenant les boites en polystyrène que la cuisinière venait de remplir.

- Et toi, tu viens avec moi, gronda l'Archange en empoignant son frère cadet.

000

Castiel avait tout raconté à Gabriel. Tout ce qu'il avait manqué depuis qu'il était « mort » des mains de Lucifer. Il n'avait rien omis, rien caché, n'avait pas essayé de se justifier ou de s'excuser. Il avait simplement inventorié les faits. L'enfermement de Lucifer et Michel ainsi que de Sam. Le retour de Sam sans âme. La prise de pouvoir de Raphaël, sa plongée dans l'enfer de Machiavel avec Crowley pour récupérer les âmes du purgatoire. La mort de Raphaël, la libération des léviathans, leurs morts, le purgatoire, Naomie.

Gabriel avait écouté en silence, sans réagir, ses billes dorées fixées sur lui. Puis Castiel avait parlé de la tablette des anges, du sort de Métatron. Gabriel avait ouvert des yeux horrifiés, comprenant enfin comment cette longue et lente déchéance vers toujours plus de ténèbres et de malheurs avait eu une telle fin en apothéose.

Castiel le laissa appréhender les nouvelles et regarda à nouveau autour de lui avec des yeux émerveillés. La maison de Gabriel, de plain-pied, était incroyable et démesurée, tout comme le mauvais goût de son propriétaire. Des sols en marbres, des tapisseries psychédéliques, des statues grecques et romaines, des fourrures en guise de tapis et du mobilier qui devait dater des sixties. Ceci dit, le principe de décoration ne voulant rien dire pour Castiel, une table étant une table et une chaise, une chaise, sa forme, sa couleur et la façon dont elle s'harmonisait avec le reste lui étant un concept inconnu, il n'avait donc pas à s'inquiéter d'éventuels cauchemars à cause de la déco. Par contre, le double frigo américain de Gabriel, sa cuisine toute équipée aux placards bien remplis et les nombreuses chambres ainsi que l'espace disponibles, ça, ça l'impressionnait. Vraiment. Il en venait presque à espérer que son frère l'autorise à rester. Presque.

Il avait déjà été déçu et expulsé une fois et cette fois-là il n'avait pas annoncé à son hôte qu'il avait tué son frère aîné ainsi que d'autres membres de la famille ni qu'il avait été la cause du bannissement de la dite famille hors de la maison.

Il n'allait pas rester. C'était certain.

- Quand tu fous le bordel, c'est pas à moitié, soupira finalement Gabriel en caressant Fenrir, son Jack Russel qui s'était inquiété du silence et du calme inhabituel de son maître. Et donc, tous nos frères ont perdu leurs jolies petites plumes ? Dommage pour les dégâts collatéraux mais ça leur donnera une bonne leçon.

Castiel n'osa rien dire. La leçon lui paraissait très sévère à lui. Devenir presque humain après avoir vécu des millénaires d'existence angélique c'était... Avilissant. Castiel s'en voulait de penser ainsi mais les faits étaient là, vivre en faible singe dénudé devant répondre à des besoins biologiques primaires était purement avilissant pour un ange, quel que soit son rang.

- Et Raphy est mort, soupira à nouveau Gabriel en regardant le plafond.

- Il voulait relancer l'apocalypse.

- M'étonne pas de lui tiens. Mais mort...

Castiel aurait bien aimé s'excuser auprès de Gabriel mais il ne savait ni comment le faire, ni s'il en avait le droit. Il ne regrettait pas après tout, Raphaël l'avait tué ainsi que bon nombre de ses amis et il menaçait de libérer Lucifer et Michel. Sauf que Raphaël était aussi le frère de Gabriel, un frère très proche, et ce dernier semblait réellement anéanti par la nouvelle de sa mort.

Et puis, sans avertissement, l'Archange partit dans un violent fou rire.

- Finalement, faut croire que la fuite a toujours été la meilleure solution, ricana-t-il. Ne suis-je pas le dernier Archange en vie dans cette dimension après tout ? Ne le suis-je pas ! hurla-t-il au ciel, les yeux emplis de rage. Putain de Père...

Castiel le regarda avec une expression choquée sur le visage. Il y avait le blasphème bien sûr, mais aussi et surtout la peine évidente de Gabriel, chose totalement inhabituelle, autant pour un ange que pour cet ange en particulier. Et Castiel venait lui aussi de réaliser. Gabriel était le dernier. Le dernier des quatre Archanges à avoir vu Dieu, à Lui avoir parlé, à savoir où Il avait résidé. Gabriel était le dernier aîné...

- Prends la chambre que tu veux, fit le blond d'une voix très lasse. Le frigo est plein, fait comme chez toi. J'ai besoin d'être un peu seul. On reparle de tout ça demain.

Gabriel se leva, la mine défaite et s'enfonça dans le couloir menant aux chambres. Castiel le regarda s'en aller et son regard se dirigea automatique vers les boites repas. Avec honte, il devait admettre que la culpabilité n'était pas la seule chose à lui tordre le ventre.

000

Raphaël.

Mort.

Gabriel n'arrivait pas à l'accepter, à le concevoir.

Déjà que Lucifer et Michel étaient déclarés disparus.

Certes, ils étaient tous les deux bien vivants dans la cage. Totalement hors de porté et en train de se mettre sur la tronche mais vivant. Un jour, la terre disparaîtra, les mondes s'effondreront ainsi que les étoiles et l'ensemble de l'univers, alors la cage se rouvrira et ils reviendront. C'était une question de temps, plusieurs dizaines de milliards ou centaines de milliards d'années. C'était long, même pour un être comme lui, mais ça arriverait un jour, une maigre consolation mais une consolation quand même. Alors que Raphaël...

Raphaël était mort.

Sachant qu'il ne risquait a priori plus rien à renouer avec quelques-uns de ses pouvoirs, Gabriel avait cherché son frère, espérant presque que celui-ci s'apercevrait de sa présence et viendrait lui passer le savon du millénaire. Mais rien.

Il était mort. Bel et bien mort.

Raphaël avait rejoins le grand fleuve des énergies.

Gabriel ne digérait pas la nouvelle. Ce n'était pas une question de découverte de sa propre mortalité, ça, il avait déjà eu l'occasion de faire sa crise d'angoisse deux millénaires ou trois auparavant. C'était juste de savoir que Raphaël, quelqu'un avait qui il avait vécu durant des milliards d'années aux côtés de Luci et Michel, n'était plus. Qu'il ne le reverrait jamais.

Lentement, allongé sur son lit, Gabriel déploya ses ailes au-dessus de lui. Elles n'étaient que peau et os. On aurait dit un vieux poulet déplumé. Un petit duvet repoussait mais de façon très lente et parcimonieuse. Il n'avait pas eu le choix. Même préparé et millimétré, son tour de passe-passe avec Lucifer ne pouvait se faire sans dégât, sans qu'il ne meurt d'une certaine façon, ne devenant plus que l'ombre de lui-même.

Il avait mis un an à se rappeler qu'il était plus qu'un esprit errant. Une autre année à récupérer son corps et une de plus à le soigner – il y tenait à celui-là ! Pour rester hors des capteurs du paradis qui connaissait maintenant son existence en tant que dieu païen et embrouilleur en plus d'archange, il avait dû réduire ses pouvoirs à peau de chagrin, diminuer sa vitesse de soin et la repousse de ses ailes et de ses plumes, ainsi que celle de sa Grâce.

Il avait ensuite récupéré sa maison achetée au moment où Lucifer faisait son grand retour ainsi que le compte en banque bien garni qui y était associé, se félicitant au passage de sa prudence. Il avait ainsi pu tranquillement lécher ses plaies à l'abri des problèmes. Et pendant deux ans il avait vécu en banal humain, ne donnant plus sa justice divine qu'à l'aide de médicament plus ou moins violent, allant du simple laxatif à la pilule qui vous donnait des délires paranoïaques et, pour les pire cas, des poisons qui faisaient fondre vos organes de l'intérieur. Il avait débuté une petite vie tranquille en attendant de se remplumer, pas pressé. Qu'est-ce qu'une décennie quand on compte sa vie en milliard d'années ? Il avait pris un emploi de serveur pour voir du monde, renouer avec l'humanité, exercer sa justice directe et surtout, pour ne pas s'ennuyer. Il aurait préféré concierge mais déboucher les chiottes autrement que par un claquement de doigt ? Niet !

Pendant tout ce temps, il avait été persuadé que le Paradis était géré par Raphaël et que ça ne pouvait pas être pire que par Michel. Il s'était apparemment trompé et pas qu'un peu.

Et Raphaël était mort.

Gabriel Lui en voulait. Tout était entièrement de Sa faute ! Le comportement de Michel, la prison de Lucifer et la mort de Raphaël, tout était de Sa faute !

Gabriel frappa son matelas du poing en serrant les dents, maudissant ce Père qui laissait ses fils s'entre-déchirer, laissant s'écraser au sol ses ailes en piteux état.

000

Castiel se sentait bien, pour la première fois depuis très longtemps, peut-être même depuis avant sa chute.

Il avait pu profiter d'une douche, redécouvrant le plaisir de l'eau chaude coulant sur lui et du savon nettoyant la crasse. Il en était ressorti propre, apaisé et vivifié par le gel douche mentholé et réchauffé jusqu'au plus profond de lui. Il n'avait pas pu se résoudre à remettre ses vêtements crasseux, pas même son caleçon, il s'était donc glissé nu dans les draps de coton fin et avait manqué gémir de bonheur quand la couverture et l'oreiller en plumes l'avaient enrobé. Il se serait presque cru dans les ailes d'un de ses frères ou de retour à la maison, au Paradis.

Parmi toutes les chambres disponibles dont certaines lui avaient donné des sueurs froides – pourquoi des chaînes au mur ? - il avait choisit celle presque entièrement blanche, du sol au mur en passant par la literie. Au plafond des angelots peints le regardaient depuis leurs nuages sur un fond de ciel bleu. Des cupidons potelés étaient sculptés sur les colonnes baroques en marbre blanc et un vitrail coloré et majestueux représentant l'ascension de Marie servait de fenêtre.

Cette chambre lui avait semblé une évidence.

Maintenant il avait chaud et le ventre plein. Il se sentait en sécurité avec Gabriel pas loin et enfoui sous le duvet moelleux. Par conséquent, il se sentait aussi plus vulnérable que jamais.

Demain...

Demain il allait très sûrement devoir quitter tout ça. L'hospitalité de Gabriel ne s'expliquait que par le choc de la révélation. Une fois remis, il allait être jeté dehors. Encore. Ça allait lui faire mal à nouveau.

Ce cœur qui n'était qu'une artère hypertrophiée et qui ne servait qu'à distribuer le sang dans son corps lui faisait mal. Castiel commençait à comprendre toutes les expressions humaines idiotes à ce sujet : avoir le cœur lourd, gros, serré, crevé, brisé, fendu, ouvrir son cœur, avoir le cœur au bord des lèvres, avoir chaud au cœur... Cet organe qui lui avait toujours paru anodin et à peine plus utile que les autres, prenait soudain toute son importance maintenant que chaque battement lui était douloureux. Ce mal interne et moral lui paraissait bien pire que toutes les blessures physiques qu'une lame, angélique ou non, pouvait lui infliger.

Castiel ne connaissait qu'un remède pour faire diminuer la douleur.

Il dut utiliser toute sa volonté pour sortir du nid chaud et aller chercher un objet dans la poche de son jean. Un portable. Celui que Dean lui avait donné. Il retourna immédiatement sous les couvertures et se recroquevilla sur lui-même, le téléphone contre lui.

Castiel s'endormit, apaisé, dans cette chambre virginale à la gloire du paradis. Il était presque comme à la maison.

000

Gabriel jouait avec Fenrir dans l'immense salon, lui lançant encore et encore un os en plastique sans se soucier des éventuels dégâts que le chien causait en sautant sur les canapés, les tables ou en bousculant la décoration. Le Jack Russel venait de lui rapporter son jouet quand Castiel fit son apparition.

- Ça c'est un bon chien, le félicita Gabriel avant d'abandonner une friandise au poulet à son chien. Salut Cassi.

- Gabriel.

- La cafetière est pleine et tu sais où se trouve le frigo, dit-il avec une certaine froideur.

- Je ne veux pas te déranger plus longtemps. Cette nuit était déjà bien.

- Tu me quittes déjà ? Au petit matin ? Moi qui croyais que nous commencions une grande histoire d'amour ! Goujat !

Castiel regarda Gabriel avec incompréhension, déstabilisé par son humeur changeante, tantôt accueillante, tantôt glaciale. Sans parler de la référence. Aucun sort de Métatron ne pourrait lui donner assez d'informations pour suivre les délires de Gabriel.

- T'es pas obligé de partir, souffla Gabriel en mordant dans une barre chocolatée sortie de nulle part. Je doute que tu aies où que ce soit où aller, surtout depuis que Jesse James t'as foutu à la porte, et ma maison est grande.

- J'ai tué Raphaël, rappela Castiel en détournant le regard.

- Oh mais rassure-toi, je ne te le pardonne absolument pas, indiqua Gabriel d'une voix mielleuse en se rapprochant avant de le prendre par le col. Je t'en voudrais durant les siècles à venir pour ça ! Tu n'avais pas le droit de le tuer !

- C'était nécessaire, plaida Castiel. Il voulait relancer l'apocalypse.

- Rien à foutre ! J'en ai rien à foutre que sa mort ait été nécessaire ou qu'il ait déclenché une guerre civile au Paradis avec ton aide ! C'était mon frère ! Il avait peut-être mérité ce qui lui est arrivé mais ça ne m'empêchera pas de t'en vouloir pour avoir été l'instrument de Sa volonté !

- Tu disais qu'Il était parti, releva Castiel d'une voix étouffée en fronçant les sourcils.

- Sa volonté va au-delà du temps et de l'espace, grogna Gabriel en le relâchant.

- Il voudrait vraiment mieux que je parte je pense... déglutit l'ange déchu avec difficulté en se dirigeant vers la porte.

- Mais tu as fait ce qu'il fallait... continua Gabriel d'une voix grinçante et douloureuse. Je connais Raph', il ne se serait laissé raisonner par personne, pas même par Père. C'était le seul moyen pour l'empêcher de nuire davantage... Tu peux rester Castiel. Je t'en veux, énormément, mais je te suis aussi... Reconnaissant. D'une certaine manière, ajouta-t-il avec difficulté, la tête et les épaules basses. J'avais le pouvoir mais pas la volonté de tuer Lucifer. Il en aurait été de même pour Raphy... souffla-t-il amèrement. Reste ici Castiel. Je t'apprendrai la vie humaine. Tu verras, une fois qu'on s'y est fait, il y a des bons côtés.

Castiel rougit malgré lui, repensant immédiatement à sa nuit avec la faucheuse. Gabriel ne manqua pas de le voir et un sourire malicieux reprit comme par magie ses droits sur ses lèvres.

- Apparemment tu as déjà fait quelques découvertes ! Elle s'appelait comment ?

000

Ce fut étrange de vivre ensemble. Autant pour Castiel qui n'avait jamais vécu dans une maison humaine que pour Gabriel qui n'avait pas l'habitude de vivre avec quelqu'un – excepté Fenrir.

La première chose qu'ils firent fut d'aller trouver d'autres vêtements pour l'ange aux yeux bleus, les siens étant bon à brûler et ceux de Gabriel trop petits et serrés aux entournures. L'Archange en avait pesté toute la journée en réalisant que même la carrure de Castiel était plus grande que la sienne – et que les vêtements étaient un peu trop lâches au ventre. Gabriel lui montra ensuite les bases à connaître pour vivre en humain sans se faire repérer : le cinéma, la conduite, faire les courses sans donner une crise de nerfs au gérant du magasin, comme prendre soin de soi aussi pour ne pas tomber malade. Castiel avait particulièrement mal pris cette leçon. L'idée même que son corps puisse devenir inopérant à cause d'un virus de quelques nanomètres lui avait paru ridicule ! Gabriel lui avait donc fait un cours magistrale sur toutes les maladies que Castiel pouvait avoir et les symptômes correspondants s'il continuait à ne pas se protéger du froid ou de la pluie.

La leçon avait été efficace. Probablement un peu trop. Castiel était devenu hypocondriaque et mysophobe. Cela avait duré une bonne semaine pendant laquelle l'ange n'osa plus rien toucher jusqu'à ce que Gabriel lui dise, l'air de rien, qu'il avait de toute façon et manière naturelle plusieurs millions de bactéries dans le corps.

La bouteille de Javel avait été éloignée à temps et Castiel s'était finalement calmé. Entre temps, il savait qu'il devait prendre un parapluie quand il pleuvait.

- Je croyais que tu les avais observés pendant des millions d'année ? râla Gabriel un soir après avoir dû expliquer le principe des feux de circulations.

- Je me concentrais sur les choses importantes.

- C'est à dire ?

- Les louanges pour Père, les prophètes, l'avancée des forces démoniaques.

- Oh misère...

000

Castiel sut exactement à quel moment Gabriel se vengea de la mort de Raphaël.

Durant les cours d'auto-défense.

Gabriel avait réalisé que son cadet continuait de compter sur ses pouvoirs angéliques malgré la disparition de ceux-ci. Castiel agissait toujours comme s'il avait encore la force, la vitesse, l'endurance et les réflexes d'un ange soldat en pleine possession de ses moyens.

La chute fut rude.

Les chutes pour être exact.

Oui, clairement, Castiel en était sûr, l'enseignement de Gabriel sur les arts martiaux n'avait pour but que de lui faire mal et de l'humilier. Gabriel ne l'avait pas contredit à ce sujet. Il lui avait simplement rappelé qu'il était tout de même une cible de choix pour les frangins et frangines en colère. Savoir se défendre était impératif.

C'était vrai.

Mais Gabriel prenait quand même beaucoup trop de plaisir à jeter Castiel au sol, plus ou moins violemment, et à la menacer d'une dague, d'une épée ou d'une machette sous la gorge. Les pires sueurs froides arrivaient quand c'était un revolver qui se plaquait contre son crâne. Gabriel mettait juste quelques secondes de trop à éloigner le canon de l'arme. Quelques secondes interminables, la vie de l'ange aux yeux bleus suspendue à un fil.

000

- Au fait, tu ne m'as jamais dit pourquoi Topgun t'avait renvoyé au chenil, lâcha Gabriel au beau milieu d'un reportage animalier devant une forêt noire à triple étage.

- Il fait ça pour protéger Sam, expliqua Castiel en serrant dans sa main le portable qu'il gardait toujours dans une poche.

- Et en quoi ça va aider Samsquatch que tu sois à perpèt'-les-oies ?

- Je ne peux plus les soigner, dit-il d'une voix éteinte, et Sam allait mal. Dean a quand même trouvé un ange pour l'aider mais je risquais de les mettre en danger en restant. Beaucoup me recherchent.

- Et c'est qui la bonne poire?

- Ézéchiel.

- Nope, ça peut pas être lui, indiqua Gabriel en mordant à pleines dents dans la part de gâteau chargée de sucre, de chocolat et de liqueur à la cerise.

- Pourtant c'est bien lui qui a répondu à l'appelle.

- Deux choix : vous vous êtes faits avoir comme des bleus ou Ézéchiel a miraculeusement ressuscité après sa chute ! J'ai mis à jour mes infos maintenant que je me sais être peinard, expliqua l'archange en pointant ses ailes plus fournies bien que toujours dégarnies.

- Ce n'est pas Ézéchiel qui est en Sam ? interrogea Castiel d'une voix blanche.

- Gigantor a accepté de se faire posséder ? Vous lui avez fait un lavage de cerveau ou quoi ? Après Lucifer, personne de sain d'esprit n'accepterait à nouveau l'un des nôtres dans sa tête ! Remarque, on parle d'un Winchester alors le côté sain d'esprit...

- Dean m'a dit qu'il s'était présenté en tant qu'Ézéchiel, haleta Castiel, le visage d'une teinte crayeuse.

- Et moi je me suis fait passer pour un dieu et divers autres créatures pendant des centaines d'années Cassi ! Je me demande qui ça peut être en vrai...

- Je dois y retourner ! Il faut que je le prévienne !

- Castiel, je te rappelle qu'il t'a abandonné comme une vieille chaussette sale. Et tu veux encore l'aider ?

- C'est Dean.

Castiel le regardait d'un air déterminé, tout son corps reprenant sa posture droite et angélique. Gabriel pouvait presque deviner les ailes dans son dos.

- Que Père nous protège, gémit l'Archange en prenant sa tête dans ses mains. Avant je préviens Stan de ma démission. On sait jamais, ton petit copain pourrait avoir envie de me tuer, encore. Faut aussi que je retrouve où j'ai planqué mon gilet pare-balle...

.

A suivre...

.

J'ai commencé cette fic sans trop savoir où elle allait me mener. J'étais pas sûre de ce que je faisais, ni de si ça allait avoir un quelconque sens mais ça me plaisait quand même, bizarrement X) Bizarrement parce que je me suis vraiment posée des questions sur ce que j'écrivais !

Mais ça me plaît alors voilà :D La suite Mercredi prochain ! Le grand retour des Winchester )