Invitation

« Elle ne voudra jamais. Aucune d'entre elles ne voudront jamais. On va finir seuls, Seamus, seuls et ridicules ! » Se lamenta Dean Thomas.

« Dis pas n'importe quoi, on s'en fiche, ça n'est qu'un bal après tout. Et puis je suis sûr que plein d'autres mecs n'ont pas trouvé de partenaires, on ne doit quand même pas être les seuls à galérer, regarde-nous ! » Répondit le concerné en bombant le torse.

« Ouais ben justement. C'est peut-être ça le problème. T'es irlandais, mon vieux, et moi je suis black, on ne passe pas inaperçus. »

« Oh crois-moi, à côté de tous les frères et sœurs de Ron, je passe tout à fait inaperçu… D'ailleurs, il a trouvé une partenaire lui ? »

« Non, je crois qu'il a essayé Fleur Delacour l'autre jour, évidemment il s'est fait jeter. »

« Evidemment oui. Tu as pensé à Ginny ? Elle est plutôt jolie après tout, tu ne trouves pas ? Pas tellement à mon goût, mais au tien… »

« Déjà pensé, Neville l'a invitée et elle a accepté…. » Soupira Dean.

« Quoi ? Neville a une cavalière ? Non, ce n'est pas possible ! Là, on est mal ! Je te le dis, on est mal ! »

« C'est ce que j'arrête pas de te répéter depuis cinq minutes… On va être ridicules… »

Seamus Finnigan s'assit alors à côté de son ami, dans le canapé en velours rouge de leur Salle Commune pour soupirer à son tour. Ils étaient mal. Il fallait absolument qu'ils trouvent une cavalière pour le Bal de Noël organisé dans quelques semaines à peine. Beaucoup de jolies filles avaient déjà été prises et il ne s'agissait pas ni de venir seul ni de venir avec une affreuse Serpentarde. Imaginez-le aux côtés de Millicent Bullstrode. Non, Seamus n'avait vraiment pas envie d'être avec une fille pareille. Elle était bien capable de lui casser les pieds, au sens littéral du terme, pendant les danses.

Dean fixait le sol avec des yeux vides. Ce bal, ça aurait dû être quelque chose d'exceptionnel, quelque chose de fantastique. La première fois depuis des décennies que deux autres écoles venaient à Poudlard, qu'ils pouvaient rencontrer des élèves d'autres coins du monde, même si la plupart étaient bien plus vieux que lui et le prenaient pour un gamin. C'était une occasion d'apprendre des choses, même s'il savait qu'on le prendrait pour Hermione s'il partageait ces pensées avec quelqu'un.

Sans compter que le bal de Noël était quelque chose de grandiose à ce qu'il avait entendu. D'habitude, ils se contentaient d'une petite fête pour ceux qui restaient, les quelques-uns qui ne rentraient pas dans leur famille, comme Harry par exemple. Lui était tout le temps obligé de rentrer pendant les vacances, ou presque tout le temps.

Sa mère avait déjà eu du mal à le laisser partir dans une école de magie. Pour une moldue, c'était quelque chose d'assez improbable. Elle avait appris la nouvelle en même temps que lui, trois ans auparavant. Pour elle, c'était une incongruité, mais elle s'en était à peu près fichée, il n'était simplement pas question que son premier fils rate les fêtes de famille.

Quand bien même il les passait avec des inconnus de passage dans la vie de sa mère qui les collectionnait, ainsi que leurs enfants. Il fallait qu'il soit là, c'était tout. Même s'il s'ennuyait. Même s'il la détestait parfois d'oublier ainsi son père dans les bras d'autres, de laisser son souvenir s'évaporer, de lui imposer cette ribambelle de personnes qu'il ne connaissait pas.

Alors ce bal à Poudlard, c'était l'occasion de rester ici pour Noël, de ne pas subir les longs repas ennuyeux et les sourires factices. C'était la possibilité de passer un bon Noël, pour une fois. Le jeune homme avait vraiment envie d'étrenner cette robe que sa mère l'avait forcé à acheter et qui ne lui allait pas si mal, vraiment envie de passer du temps aux côtés d'une jolie jeune fille, même s'il ne se passait rien, au moins pour passer un bon moment et danser.

Et ça n'était pas sur ce canapé qu'il allait trouver ! Quoique. Il fallait peut-être qu'il cherche quelles filles il avait envie d'inviter, histoire de ne pas partir au hasard et d'interroger la première qui passait. On allait le prendre pour un sombral sinon, et il serait grillé avec toutes les autres. Il fallait donc réfléchir. Qu'est-ce que c'était compliqué cette histoire… Il ferma les yeux et se renfonça dans son canapé. Il pourrait peut-être chercher une autre fois, non ? Ils avaient encore le temps après tout… pensa-t-il une dernière fois avant de s'endormir, épuisé par sa journée de cours.

Les jours et les semaines passèrent, et Dean n'avait invité aucune jeune fille de l'école. Plus la date approchait et plus Seamus s'inquiétait. Lui-même avait trouvé une jolie jeune fille de Serdaigle, d'un an plus jeune qu'eux, qui mourrait d'envie d'aller au bal et le trouvait suffisamment à son goût pour l'accompagner. Mais Dean n'avait invité personne depuis leur conversation, il n'avait même pas fait mine. L'irlandais n'était sans doute pas le meilleur psychomage de la région mais ça ne l'empêchait pas d'avoir compris que quelque chose l'en empêchait.

« Bon. Là, va falloir me dire ce qui se passe. » Dit-il d'un air décidé après avoir poussé son ami contre un mur du couloir du premier étage.

« Eh, mais qu'est-ce que tu fais ? Tu vas me salir l'uniforme ! »

« On s'en fiche. » Rétorqua l'autre. « Qu'est-ce qui ne va pas ? Un jour, tu me dis qu'on est fichus à ne pas avoir de cavalière pour le bal, et après tu ne cherches plus personne, tu ne fais même pas semblant de t'y intéresser, qu'est-ce qui se passe enfin, Dean ? »

« Rien du tout. Elles sont toutes prises de toute façon, alors ça ne sert à rien de chercher, n'est-ce pas ? J'irai tout seul et puis voilà. » Répondit le jeune garçon, le regard baissé.

« Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je suis sûr que tu es capable d'en dégoter une, ça court quand même les couloirs, les filles, ici ! »

« Ouais, mais je n'ai pas envie. »

« Pourquoi ?! » demanda son ami, interloqué. « Non, attends, laisse-moi deviner. Tu t'es fait avoir ? »

« Comment ça ? Avoir par quoi ? »

« Par les papillons dans le ventre, les idioties qu'on sort sans savoir pourquoi, la guimauve tout partout, le cœur qui bat super fort et les membres qui n'arrêtent pas de flageoler ! »

« Euh… peut-être oui. Peut-être parfois. Mais qu'est-ce que ça fait ? » Demanda l'autre, perdu.

« On est fichus, on est fichus. Qui est l'heureuse élue ? Pour laquelle t'as réussi à tomber amoureux ? » Soupira Seamus.

« Tu ne vas pas aimer… » Essaya d'esquiver Dean.

« Quoi ? Ginny ? Hermione ? Non, ne me dis pas que tu es tombé dingue de Lavande quand même ! Une des jumelles Patil ? Ou Hannah ? Et pitié, ne me sors pas Luna… » Tenta tour à tour son ami, passant de la lassitude au désespoir.

« Pire que ça… » Répondit-il d'une petite voix.

« Mais qui, nom d'une crotte de dragon, Dean, qui ? »

« Daphnée… Daphnée Greengrass… » Avoua piteusement son ami.

« Non, attends… Une… Une Serpentard ? Sérieux mec, t'as osé ? Encore tu m'aurais dit Luna, je crois que j'aurais pu finir par accepter, on doit pouvoir trouver du charme à ses radis et à ses bouchons de bièraubeurre – quoique non, pas à ses bouchons, impossible – mais Greengrass quoi ! Cette fille doit être la plus prétentieuse que je connaisse, encore tu m'aurais dit sa sœur, Astoria, j'aurais pu comprendre, elle est un peu jeune mais elle a l'air moins débile que sa sœur, mais elle… Comment tu peux nous faire ça, Dean ? » Se lamenta Seamus.

« Je ne sais pas ! Mais… elle est jolie quand même, tu ne trouves pas ? Avec ses longs cheveux blonds… »

« A la Malfoy oui ! » le coupa son ami.

« Ses yeux vert bouteille si transperçant… »

« La couleur des serpents, de la trahison ! »

« Et puis elle est sacrément intelligente, elle a toujours de bonnes notes, elle travaille dur je crois, je l'ai vue plusieurs fois à la bibliothèque… »

« Sans doute pour un mauvais coup ! »

« Elle ne traîne même pas avec Malfoy et sa bande, elle se tient juste à l'écart, toute seule, comme si elle n'était pas totalement à sa place dans sa maison, comme si elle attendait qu'on vienne lui parler… » Continua de rêvasser Dean.

« Parce qu'elle les trouve même trop bêtes pour elle ! Cette fille est égoïste, égocentrique, prétentieuse et imbue d'elle-même ! »

« Je suis sûr que tu viens au moins de dire deux fois la même chose, avec tous tes adjectifs. » fronça des sourcils Dean.

« On s'en fout ! » explosa Seamus. « C'est une Serpentard, tu vas pas me dire que tu es tombé amoureux d'elle ! Par pitié, Dean, mon ami, mon frère, enlève-moi ton sourire débile de la figure ! Dis-moi que c'est une blague pour me faire peur ! » S'affola-t-il.

« Non, j'étais sérieux… elle est… formidable. J'ai comparé, je t'assure, j'ai bien cherché pendant ces derniers jours, toutes les filles jolies de l'école, et elle est…parfaite. » Fit-il avec un air rêveur.

« Rassure-moi, tu ne lui as pas demandé de t'accompagner au bal ? » s'assura Seamus avec un air soupçonneux.

« Non, non, je n'ai pas osé. Elle doit déjà être prise. Mais je ne veux y aller avec aucune autre, peut-être qu'elle sera libre pour une danse, on ne sait jamais. Je ne veux pas rater ça parce que j'irais avec une autre. »

« C'est décidé, tu as bu un philtre d'amour, impossible sinon. Viens avec moi, faut absolument qu'on aille voir Madame Pomfresh. » Décida Seamus, en le prenant par le col du pull et l'entraînant avec lui vers l'infirmerie.

« Mais je ne suis pas malade, je suis amoureux ! » répliqua mollement son ami pendant qu'ils avançaient.

« Oh si, crois-moi, pour dire des bêtises pareilles, tu ne peux qu'être malade… »