Voici une petite histoire en deux parties... J'espère que vous l'apprécierez.


Préambule : Les personnages de la série ne m'appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Jeff Davis. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.

DECLARATION

Pénélope Garcia, analyste informatique au Bureau d'Analyses Comportementales du F.B.I. à Quantico, était dans son petit bureau et, contrairement à son habitude, elle n'était pas plongée dans un quelconque programme informatique censé améliorer son temps de réponse aux demandes des agents de terrain, réponses qui, étant donnés les cas sur lesquels ils travaillaient, avaient en général tendance à être nécessaire la veille de la question. Alors elle n'avait eu de cesse que d'optimiser ses performances, parce que dans leur métier tellement difficile, une minute pouvait faire la différence entre la vie et la mort. Et elle était fière des résultats obtenus : elle pouvait se targuer d'avoir aidé à sauver bien des personnes, hommes, femmes et enfants indifféremment, qui n'entendraient jamais parler d'elle, ne sauraient jamais la part qu'elle avait prise dans la fin de leur cauchemar, mais pourraient reprendre le cours de leur existence parce que quelque part une ancienne hacker du nom de Pénélope Garcia avait juste promené ses doigts agiles sur son clavier pour trouver des réponses.

Mais qui allait lui donner à elle les réponses dont elle avait besoin aujourd'hui ? Quelle magicienne de l'informatique, quel sorcier du web allait pouvoir l'apaiser, lui permettre de trouver un nouveau sens à cette vie qui lui échappait soudain ?

- Idiote ! Stupide imbécile ! se répéta-t-elle pour la énième fois depuis qu'elle avait vu la petite tache bleue apparaître sur la bandelette.

Mais comment avait-elle pu être aussi négligente, aussi insensée ? On dit que l'amour rend idiot : alors elle devait être encore plus amoureuse qu'elle ne le pensait ! Parce que là elle avait vraiment atteint le comble de l'idiotie !

Et maintenant hein ? Quoi donc ? Comment se sortir de l'impasse où elle venait de se fourrer elle-même ? A qui confier son désarroi, ses craintes, ses hésitations ? JJ ou Emily auraient évidemment semblé toutes désignées s'il s'était agi d'une autre personne. Mais là…

Soudain Pénélope s'apercevait, une fois de plus, que sa vie tournait presqu'exclusivement autour de son travail : les longues journées dans ce bureau où elle se sentait chez elle, l'excitation de la traque couplée à l'horreur des enquêtes, les regards satisfaits de Hotch, les compliments de Rossi, les joutes verbales avec Derek, le plaisir de faire rougir Spencer et les délires avec les deux filles, leurs virées certains soirs, sans compter le baby-sitting avec Henry lorsque JJ voulait retrouver un peu son amoureux seule à seul… Oui, lorsqu'elle faisait le compte de ses relations, Pénélope Garcia s'apercevait que tout tournait autour de ce bureau, comme si elle n'avait pas d'existence réelle au-delà de ses murs. D'ailleurs, la seule fois où elle avait justement voulu s'affranchir de cette dépendance, elle avait bien failli en mourir, se souvint-elle avec un frisson d'angoisse, et ensuite perdre son boulot pour parachever le désastre ! Alors depuis elle n'avait plus quitté son petit monde.

Mais décidément elle n'imprimait pas les leçons et voilà qu'à nouveau elle se mettait en danger : oh, certes pas de mourir cette fois-ci, bien que… Fébrilement elle fit une recherche sur le web qui ne la rassura pas. Certes les proportions de morts en couches dans les pays développés étaient infimes, mais avec la chance qu'elle se trimbalait, elle avait toute les raisons de penser pouvoir faire grimper les statistiques !

En couches ! Bordel ! De nouveau la réalité venait la frapper en pleine figure, douloureuse comme un coup de poing.

- Pauvre stupide bêtasse crétine d'imbécile trop idiote pour prendre des précautions ! s'invectiva-t-elle en prenant sa tête douloureuse dans ses mains.

Bon sang ! On était en 2012 ! Comment, à son époque, avertie comme elle l'était, avait-elle pu se laisser ainsi piéger ! On n'avait pas idée d'être aussi irresponsable, évaporée, étourdie, et stupide, stupide, stupide !

- Bête à manger du foin ! Tiens ! C'est bien joli de rêver ma fille, mais maintenant il va falloir passer à la caisse et la note va être salée ! Mais qu'est-ce que tu croyais imbécile heureuse ! Qu'il allait te faire un grand sourire, te faire tournoyer dans ses bras et te demander de l'épouser ? Mais dans quel monde tu vis Pénélope Garcia ? Les contes de fée ça n'existe pas ! S'il y a au moins un truc que tu aurais dû apprendre après toutes ces années dans ce boulot c'est bien ça ! Les contes de fées ce n'est pas pour les stupides petites hackers trop idiotes pour garder leurs distances avec les mecs super canons qui ne pourront jamais voir en elle qu'un casse-croûte en attendant le festin auquel ils ont droit ! Ah il est beau le casse-croûte tiens ! Avec un élément qui n'a franchement pas été commandé à la base il va être renvoyé illico à la cuisine et en prime aucun risque que le beau prince ne revienne jamais traîner dans les parages !

Les larmes lui vinrent aux yeux en pensant à ce prince, son prince, celui pour lequel son petit cœur tout guimauve s'était mis à battre dès le premier instant où elle l'avait vu. Longtemps elle n'avait pas pensé pouvoir espérer plus que cette amitié qu'il lui avait accordée sans détour. Elle se délectait de leurs petits jeux de mots, de leurs plaisanteries, de la manière dont il la mettait en boîte mais aussi de cette façon qu'il avait de la faire se sentir quelqu'un, elle, l'insignifiante petite informaticienne qui aurait dû être transparente à ses yeux.

Et puis les choses avaient petit à petit évolué entre eux après l'épisode Tamara où elle n'avait pas mâché ses mots envers l'agent, risquant du même coup leur amitié : mais elle se devait de le mettre en garde et c'était uniquement l'amie qui avait parlé alors, pas la femme amoureuse qui avait souffert comme une damnée de le voir avec cette fille, parce qu'elle était tout ce qu'elle, Pénélope, ne serait jamais ! Ou peut-être qu'il y avait un fond de jalousie finalement, qui saurait jamais ? Mais elle n'avait pas pensé consciemment à cela : pour elle ce qui comptait c'était qu'en s'engageant dans cette aventure Derek se mettait en danger.

Ensuite… Il y avait eu ses longues semaines de bouderie respective, chacun sur son quant à soi, chacun déterminé à ne pas faire le premier pas. Et finalement l'impossible s'était produit : c'était lui qui était venu, l'excuse à la bouche, avec ce petit air contrit auquel elle n'avait jamais su résister et elle le soupçonnait de le savoir fort bien d'ailleurs ! Soulagée au-delà des mots elle avait retrouvé son ami, et leur relation avait insensiblement glissé vers quelque chose de plus tendre, de plus « privé », jusqu'à cette nuit où il l'avait raccompagnée chez elle après une pièce de théâtre romantique à souhait durant laquelle, à sa grande honte, elle n'avait pu retenir ses larmes, ce qui l'avait attendri et amusé à la fois.

S'il n'y avait pas eu cette pièce, ces larmes, auraient-ils fini la nuit blottis l'un contre l'autre au creux de son lit ? Aurait-elle connu cette extase dans les bras de l'homme qu'elle pouvait se permettre d'aimer à cet instant-là, même si ce n'était que pour une nuit, pour un fugace instant de bonheur qui ne se reproduirait jamais ? Elle n'aurait pas de réponse à cette question et elle n'en voulait pas : ce souvenir, cette première fois c'était pour elle l'un des plus beaux moments de sa vie. Elle n'avait plus été Pénélope Garcia, obscure petite tâcheronne du F.B.I, mais Princesse Pénélope, une femme belle, désirable, sensuelle, qui donnait et recevait du plaisir de l'homme auquel elle appartenait corps et âme.

Au petit matin, le teint brouillé du manque de sommeil, elle s'était répandue en excuses, lui avait dit qu'elle comprendrait qu'il veuille oublier, qu'elle ne lui en voudrait pas, qu'elle effacerait tout de sa mémoire. Bien sûr elle mentait : jamais elle n'effacerait le souvenir de ses mains sur son corps, de sa bouche lui susurrant des mots tellement doux, tellement tendres, de sa peau contre la sienne, du goût de sa sueur, de leurs langues qui se mêlaient dans un ballet érotique et brûlant… Non… Elle n'oublierait jamais. Mais elle le rangerait dans son coffre aux merveilles, pour se réchauffer les soirs trop froids, pour se rappeler qu'elle pouvait, elle aussi, connaître des moments de pur bonheur.

Il l'avait juste regardée, avait pris son visage entre ses mains si chaudes, si puissantes et lui avait demandé :

- Tu veux vraiment oublier ?

- Oui… Ce serait mieux non ?

- Mieux pour qui ?

- Pour toi bien sûr. Je sais que tu penses que c'était une erreur et…

- Parce que tu lis dans ma tête maintenant ma Princesse ?

Elle n'avait pas su répondre devant l'intensité du regard sombre fixé sur elle avec cette expression qu'elle ne lui avait jamais vue avant. Puis il avait approché son visage du sien et sa bouche était venue se poser sur la sienne, pas avec ce besoin, cette avidité de la nuit précédente, non, avec simplement infiniment de tendresse et de douceur qui lui avaient amené les larmes aux yeux tandis qu'elle répondait au baiser. Il s'était de nouveau reculé :

- Moi, je n'ai pas envie d'oublier. Et même si j'en avais envie, je ne pourrais pas. Et quand je te vois comme ça, la seule envie que j'ai, ma Princesse, c'est de recommencer vois-tu…

Ce matin-là ils avaient été en retard tous les deux, elle prétextant un bus raté, lui un problème de démarrage. Apparemment personne dans l'équipe n'avait mis en doute leurs excuses respectives.

Ensuite… Ensuite il y avait eu le conte de fées qui continuait et son prince qui venait la rejoindre chaque soir, du moins quand il n'était pas parti chasser les monstres et les dragons de ce monde moderne, non pas sur son blanc destrier, mais plus prosaïquement en avion, blanc tout de même, ou en quatre-quatre, noir par contre, l'épée remplacée avantageusement par le glock, la cape par une veste en cuir et le chapeau à plume par une carte du F.B.I., certes moins voyante, mais beaucoup plus efficace.

Quatre mois et demi, cent trente-sept jours de bonheur très exactement. Cent trente sept jours à se prendre pour la Princesse de son conte, celle qui avait toutes les qualités : belle, intelligente, sensuelle, amusante, incroyable… Cent trente sept jours à penser à lui quand il n'était pas là, à penser à lui quand il était là, à penser à lui tandis qu'elle cherchait à percer l'identité d'un affreux tueur psychopathe ou d'une meurtrière en série. Et surtout cent trente sept nuits à l'aimer à se perdre dans ses bras, parfois en rêve lorsque ses enquêtes l'emmenaient loin d'elle, mais souvent réellement. S'endormir contre son torse ferme après avoir fait l'amour, se réveiller dans sa chaleur et s'aimer une fois de plus, c'était l'idée que la petite Pénélope Garcia se faisait du bonheur.

Cent trente sept jours qui aujourd'hui allaient voler en éclat par le biais d'une simple tache… Une simple tache qui disait que la petite Pénélope Garcial était enceinte ! Oh, elle s'en doutait depuis déjà deux semaines, mais elle avait absolument voulu que ce ne soit pas ça, refusant la réalité de toutes ses forces : ce n'était pas possible, pas elle, pas comme ça ! Qui avait jamais vu une princesse enceinte hein ? Qui en avait jamais vu une promener son ventre de baleine de page en page à travers le livre de conte ? Qui avait jamais décrit une princesse affublée d'un moutard braillard et merdeux qui la crèverait tellement qu'elle n'aurait même plus la force d'aimer son Prince ? Lequel prince de toute façon n'allait pas tarder à prendre la tangente en apprenant la « bonne » nouvelle, parce que si on n'avait jamais vu de princesse en cloque, on avait pas plus vu de prince en train de changer une couche ou de donner un biberon ! Ces messieurs savent parfaitement affronter les dragons, les démons, les sorcières les plus effroyables, voler au secours des pauvres créatures en péril, mais si on leur parle de s'occuper d'un marmot, fini l'héroïsme et les grands serments ! Il n'y a aucune formule magique, aucune potion pour aider à élever un gosse !

Oui, la Princesse avait désormais mangé son pain blanc ! Le carrosse allait redevenir citrouille, son ventre aussi d'ailleurs au passage, les habits de cérémonie allaient se transformer en haillons, le cocher en rat, les valets en souris, et si le prince ramassait la pantoufle de vair, il la lui enverrait en travers de la figure pour lui apprendre à faire gaffe ! « Et merde, comment t'as pu faire pour te faire mettre en cloque au XXIème siècle avec toutes les méthodes de contraception à ta disposition ! Comment ça j'aurais pu faire gaffe aussi ? C'est vous les filles qui risquez de tomber enceintes non ? C'est à vous de faire le nécessaire ! Comme si je n'avais que ça à faire, moi, à penser à ces petits détails ! Et puis d'abord, pourquoi t'as attendue si longtemps pour contrôler que tu n'avais pas un polichinelle dans le tiroir ? Parce qu'évidemment, en gourde que tu es, maintenant plus question d'avorter ! Mais sans moi, je te préviens ! J'avais pas signé pour la pièce rapportée ! S'envoyer en l'air OK… mais ramasser les morceaux désatellisés hors de question ! »

Oui, il y a des moments où les princes oublient qu'ils sont princes et redeviennent juste des mecs égoïstes et pusillanimes qui n'ont aucune envie de faire face à leurs responsabilités.

Quelque part dans sa tête, une petite voix lui murmurait pourtant qu'elle devrait tout de même en parler à Derek. Peut-être se fâcherait-il, peut-être cela signifierait-il la fin de leur belle histoire, mais peut-être aussi qu'il accepterait de partager cette responsabilité avec elle, d'être présent pour l'enfant, et peut-être même qu'il serait ravi et…

- Arrête donc de rêver stupide idiote ! se morigéna-t-elle avant de replonger dans ses rêves de gamine. Si vraiment il tenait tant que ça à toi, ne crois-tu pas que depuis le temps il aurait proposé d'en parler à l'équipe ? Cent trente-sept jours, imbécile ! Il a eu cent trente-sept jours pour dévoiler votre relation et il n'a jamais émis l'envie d'en parler à qui que ce soit. C'est bien un signe ça non ? Alors si c'est le gars bien que tu crois, il proposera sans doute de participer à l'éducation de son enfant, mais arrête un peu de bâtir des contes ! Les contes n'existent pas, il serait temps que tu t'en rendes comptes crétine !

Son monologue fut interrompu par la sonnerie du téléphone.

- Garcia ! annonça-t-elle d'une voix morne, bien éloignée de son enthousiasme habituel lorsqu'elle répondait.

- Garcia ? s'étonna la voix de Hotch à l'autre bout. Tout va bien ?

- Oui monsieur ! rétorqua Pénélope en se redressant sur sa chaise, comme s'il avait pu la voir, avachie devant son écran, portant toute la misère du monde sur ses épaules.

- Bon tant mieux ! Parce qu'on a une situation de crise ici et j'ai besoin de vous !

- Bien sûr monsieur ! Que puis-je faire ? Une recherche sur internet ? Un programme à…

- Non, vous m'avez mal compris, la coupa son chef. J'ai besoin de vous ici, maintenant ! Je vous attends en salle de réunion !

Avant que l'informaticienne n'ait pu rétorquer quoi que ce soit, Hotch avait raccroché. Elle resta quelques secondes figée : une situation de crise ? Est-ce qu'il savait ? Est-ce qu'il allait la virer pour relation inapproprié avec un supérieur ? Ou pour être bêtement tombée enceinte ? Ou…

- Arrête un peu ton char ! Comment pourrait-il savoir que tu attends un gosse alors même qu'il n'a jamais su que tu sortais avec Derek, ce qui était tout de même plus facile à voir que ta grossesse ? Dans six mois je ne dis pas, tu vas ressembler à Moby Dick, mais pour le moment… Et puis arrête de parler toute seule Garcia ! C'est vraiment glauque ! Même si tu vas devoir t'habituer à être ta seule interlocutrice pour un sacré bout de temps idiote !

Elle prit un bloc et un stylo et se dirigea vers l'ascenseur en ne pouvant s'empêcher de s'inquiéter de cette « situation de crise ». Evidemment, rien dans la voix de Hotch ne lui permettait de savoir de quoi il retournait exactement, le chef du Bureau d'Analyses Comportementales, déjà bien difficile à déchiffrer face à face, étant carrément sphynxique au téléphone. Au fait, sphynxique, est-ce que ça existait ? Il faudrait qu'elle vérifie…