Personnages : Kranz Maduke, Bardolias S. Fanghini
Spoilers : volume 11
Disclaimer : les personnages sont à Kentarô Yabuki et aux studios Gonzô (bien que ces derniers aient lamentablement plongé dans le OOC la tête la première... et qu'ils s'y soient noyés)
Note : je retire cette mini-fic des 'neko drabbles' (note à moi-même: trouver un autre titre), même s'il est court, je trouve ça mieux de le mettre en tête de ce recueil-là.
Voilà, sur ce, bonne lecture dans la mesure du possible. :)


Il n'a pas toujours été aveugle. Il se battait déjà en tant que Chrono Number avant de perdre la vue. Lorsque ça lui est tombé dessus, il n'a d'abord pas réalisé les conséquences que ça allait forcément entraîner : il n'a pas immédiatement réalisé que sa carrière de Number allait prendre fin, et qu'il n'y avait plus rien à espérer pour lui. Pour quelqu'un qui a fait du combat sa raison de vivre, il ne peut y avoir pire condamnation. Ou plutôt, il ne devrait pas y avoir pire.
Mais quitter les Numbers, ça veut aussi dire le quitter lui. Et ça Kranz ne peut s'y résoudre.

Son partenaire vient le voir alors qu'il est pitoyablement en train de s'entraîner comme il l'a toujours fait, alors qu'il arrive à peine à savoir où lui-même se trouve. A sa grande honte, il ne l'a pas entendu arriver - pas avant qu'il ne fasse éclater une bulle de chewing-gum juste derrière lui. Il sursaute, fait volte-face et veut plaquer la lame de son poignard contre la gorge du nouveau venu - il sait bien de qui il s'agit, et il ne s'en sent que plus humilié. Mais l'autre ricane et évite son coup avec facilité, enserrant son poignet d'une main. Kranz n'insiste pas : inutile de se ridiculiser davantage en se battant dans le noir. Il reste immobile à attendre que l'autre le lâche, et ses prunelles mortes sont figées dans la direction qu'il pense être celle de son visage. Un instant s'écoule, qui lui paraît une éternité - à lui aussi peut-être. L'autre sert un peu plus fort, et son avant-bras commence à l'élancer douloureusement, mais bien sûr il ne le montre pas. Il le sent qui se penche vers lui, et cette sale odeur de café trop sucré qu'il connaît si bien remplit ses narines d'un seul coup.

« J'te préviens direct' : les faibles ont rien à faire ici. Ceux qui sont pas assez forts pour servir Chronos, ils dégagent ! »

Puis il le lâche et tourne les talons, et Kranz ne bouge pas. Du moment où même son partenaire le méprise, il n'a plus sa place ici. Il le sait, il s'est attendu à cette visite, à ce verdict. Mais pas à ce désespoir muet qui se met à hurler dans sa tête ; on l'a entraîné à ne rien laisser paraître de ses sentiments, et même si celui-ci lui donne le plus grand mal, il n'est pas une exception, ne constitue pas un écart à sa ligne de conduite.
Alors Bardol s'arrête, les bruits de ses pas ont cessé. Et il parle, mais d'une voix moins chargée de colère que tout à l'heure.

« Ne me déçois pas. »

D'abord Kranz ne comprend pas. Ne me déçois pas.

« On est des Numbers, et ça veut dire qu'on continue de se battre même si on nous arrache les bras et les jambes - encore plus si on se fait charcuter, même. Et t'es mon partenaire, j'en accepterai aucun autre. »

Plus tard, Bardol se défend en prétextant qu'il a dit ça pour ne pas avoir à se retrouver avec un boulet : un imbécile du style de Janus qui déprécie ouvertement sa façon de procéder, ou pire, un faible du même acabit qu'Heartnet, qui se refuse à ne pas épargner les femmes et les enfants.
Kranz hoche simplement la tête de cet air impassible qui lui est propre, et fera mine de le croire. Mais ces quelques mots, je n'en accepterai aucun autre, qui sous-entendaient presque que Bardol désobéirait aux ordres donnés, ces mots-là Kranz les tourne et les retourne dans un coin de sa tête, pour s'en souvenir et les garder précieusement.