Chapitre 1 : Je compte sur toi.

Une semaine s'était écoulée depuis que le FBI, aidé d'un détective surdoué mais rajeuni, avait fait couler l'Organisation. Difficile de retrouver une vie normale après une année entière de course poursuite, surtout lorsqu'on est coincé dans le corps d'un enfant de 8 ans. Alors que plus rien ne semble le retenir de tout avouer à Ran, Shinichi hésite encore. En attendant, il n'a pas d'autre choix que d'aller en cours, pour ne pas éveiller les soupçons de son amie.

La journée suivait son cours à l'école primaire de Beika. Au fond de la salle des CE1, un jeune garçon aux cheveux noirs et portant des lunettes rondes, s'apitoyait sur son sort. A côté de lui, une fillette de son âge lisait un magazine, les deux ne semblaient pas écouter un mot de ce que leur institutrice expliquait aux élèves.

« Je ne peux pas rester un jour de plus assis sur cette chaise », lâcha Conan.

- Tu devrais trouver de quoi t'occuper, au lieu de te passer ton temps à te plaindre », lui répondit Haibara.

Conan marmonna quelques jurons, et tourna la tête vers sa voisine.

« Pourquoi tu viens encore en classe, toi, d'ailleurs ? Tu pourrais rester au laboratoire d'Agasa et travailler sur l'antidote, ce serait plus utile que de perdre ton temps ici. Rien ne te retient. »

Haibara posa son magazine et lança un regard noir à Conan.

« Tu crois vraiment que personne ne se poserait de question si je disparaissais d'un seul coup sans explication ? Et puis, je te rappelle que compte tenu des faibles chances que je parvienne à créer un antidote permanent un jour, il faut bien que je suive le cursus scolaire, tu ne crois pas ? »

Elle avait dit ces mots avec un petit sourire narquois en direction du détective, qui répondit par un soupir.

« Tu ne m'as pas vraiment convaincu, à ta place j'aurais déjà trouvé un stratagème pour faire croire que je suis parti étudier autre part, et m'enfuire enfin d'ici. Tu es sûre que ce n'est pas parce que je te manquerais trop ? »

- Très drôle. C'est vrai que je ne pourrais pas me passer de ce genre de discussion passionnante avec toi. Et je te rappelle que si tu es bloqué ici, c'est parce que tu n'as pas le courage d'avouer la vérité à ta petite amie. Quel dommage que tu sois si lâche, vraiment… »

Conan lâcha un nouveau soupir, comprenant qu'une nouvelle fois il ne pouvait que s'incliner devant les attaques d'Haibara.

« Tu devrais être content, tu n'as plus à agir comme un enfant de 8 ans pour cacher ton identité à l'organisation, tu peux enfin être toi-même. Même si tu risques de passer encore du temps ici, tu vas de nouveau avoir de quoi t'occuper à l'extérieur, non ?

- Je suis toujours coincé chez le vieux Kogoro une bonne partie du temps… Si je n'avais pas ses enquêtes à résoudre, je serais devenu fou !

- Tu es vraiment compliqué comme garçon… Tu as de la chance d'avoir une petite amie aussi naïve et stupide, avec n'importe qui d'autre toute cette supercherie n'aurait pas duré 3 jours.

- Ai-je bien entendu où tu as dit que j'étais compliqué ? Toi, la gamine la plus difficile à cerner du Japon, c'est trop drôle ! »

Conan regardait Haibara d'un air moqueur, mais elle ne se démonta pas.

« Je crois que…

- Vous deux au fond ! C'est bientôt fini vos scènes de ménage ? »

Ils tournèrent la tête en même temps vers l'institutrice, toute la classe les regardait à présent. Haibara sentit ses joues rougir quelques instants pendant que Conan s'excusa comme à son habitude, le sourire aux lèvres. Le fait de voir son amie décontenancée était toujours une victoire pour lui.

Sur le chemin du laboratoire du professeur Agasa, Conan essaya tant bien que mal de lui parler plus sérieusement.

« Sinon, Haibara… Tu sais… Je compte sur toi pour… pour l'antidote. En combien de temps penses-tu le mettre au point, avec les données de l'Organisation ? »

Haibara sembla tressaillir un instant, puis elle le dévisagea froidement.

- Tu ne sais donc vraiment pas parler d'autre chose ? ça me prendra le temps qu'il faudra. Ne t'inquiète pas, tu vas l'avoir, ton antidote adoré. »

Conan lui donna une petite tape dans le dos, et répondit, amusé :

« Et toi, tu ne peux pas arrêter de prendre mal tout ce qu'on te dit ? Tu dois bien être impatiente d'enfin retrouver ta taille normale, après si longtemps ! »

Haibara regarda son ami qui attendait sa réponse en souriant, les bras derrière la tête.

« Pourquoi ?

- Comment ça pourquoi ?

- Pourquoi devrais-je me réjouir de retrouver mon apparence ? »

Conan perdit son sourire et la fixa avec incompréhension.

« Qu'est-ce que tu racontes…. Je ne vois pas ce q…

- C'est facile pour toi », l'interrompit Haibara. « Tu as une famille, des amis, une petite copine, tu es l'idole de tout un lycée… Rien ni personne n'attend Shiho Miyano.

- Quelle serait la différence avec aujourd'hui ? Et tu imagines toutes ces années d'études à subir de nouveau ?

- Ce serait l'occasion de prendre un nouveau départ, récupérer toutes ces années perdues à travailler pour l'organisation, vivre enfin ma propre vie… »

Après le nombre incalculable de fois où Conan s'était fait berné par Haibara, il ne parvenait pas à savoir si elle était sincère. Mais ses paroles n'étaient pas vides de sens, l'Organisation avait volé la jeunesse de Shiho Miyano, en plus de sa famille et ses rêves.

« Tu as raison, tu mérites une seconde chance… »

Haibara releva soudainement la tête, surprise, et se tourna vers Conan. Elle avait lâché tous ces mots sans vraiment y réfléchir, mais plutôt parce qu'ils collaient à l'image qu'elle voulait donner d'elle. Elle ne s'attendait pas à ce que Conan approuve, et sa réaction la toucha. Négativement.

(Que je disparaisse de sa vie ne semble lui poser aucun problème), pensa-t-elle.

« Dire que je commençais à m'habituer à ta présence, tes sarcasmes quotidiens me manqueraient trop si tu restais une fillette, tu ne crois pas ? »

Haibara faillit esquisser un sourire mais se retint au dernier moment. Elle feignit l'indifférence :

« Inutile d'être hypocrite, je sais bien que tu ne me parlerais pas en ce moment même si je n'étais pas celle qui peut te rendre ton corps. »

Conan semblait s'attendre à cette réaction et éclata de rire.

« Tu sais, personne ne t'en voudrait si un jour tu devenais un peu plus sincère… Etre si froide et distante en permanence doit être épuisant, non ? »

Haibara ne put s'empêcher de rougir légèrement. Elle avait sous-estimé son ami. Mais elle se reprit de nouveau en un éclair.

« Venant de toi, Kudo-kun, je ne sais pas comment le prendre. Tu peux me rappeler qui ment à ses plus proches amis depuis plus d'un an, et n'a pas jamais été sincère avec sa prétendue petite amie ? »

Conan poussa un long soupir, puis sourit.

« Qu'est-ce que je te disais… »

Ils n'échangèrent plus aucune parole avant d'arriver chez le Professeur Agasa. Ce dernier proposa à Conan de rester pour le dîner mais celui-ci refusa.

« Merci Professeur, mais j'ai rendez-vous avec le FBI dans deux heures, il ne vaut mieux pas que je tarde ici. »

Cette phrase piqua la curiosité d'Haibara.

« Vous continuez vos petites réunions alors que l'Organisation s'est effondrée ?

- Je n'en sais pas plus que toi. Jodie m'a appelé ce matin pour me prévenir qu'elle avait quelque chose à m'annoncer. Ça n'est probablement pas très important. »

Haibara hocha la tête et partit en direction de son laboratoire.

(Même si c'était important, il ne m'aurait rien dit. A quoi bon demander…), jugea-t-elle.

Installée devant son ordinateur qui projetait les nombreuses formules que la jeune fille avait testées jusqu'à lors, elle inspira longuement. Elle n'avait pas osé l'avouer à Conan, mais toutes les données récupérées au QG de l'Organisation s'étaient avérées inutiles. Elle soupçonnait un ou plusieurs des scientifiques d'avoir détruit les informations capitales avant de fuir, dans la précipitation. Ainsi, Haibara ne progressait pas, alors que son ami comptait sur elle depuis des mois. Elle se sentait tellement perdue et futile, que des larmes commencèrent à couler sur ses joues.