Chapitre 1 : Premières rencontres

La température était douce en ce jour de printemps. Une petite brise légère volait, mais ne parvenait pas à effacer la chaleur des rayons de soleil qui commençaient à reprendre de la vigueur. Ce quartier résidentiel de Tokyo était désert en cette heure avancée de l'après-midi, seul un couple de chats s'y promenait jusqu'à ce qu'un jeune garçon arrive dans la rue.

Il n'avait pas plus de quinze ou seize ans. Ses cheveux un peu hirsutes, couleur de feu, contrastaient avec un visage plutôt doux et calme, mais néanmoins très marqué pour un adolescent de cet âge. Il donnait le sentiment d'avoir grandi trop vite, poussé par les turpitudes de la vie. Il portait des chaussures un peu usées, un jean troué et un tee-shirt couleur sable. Des bandelettes blanches lui entouraient les mains, un peu comme celles d'un boxer. Ce qui attirait pourtant l'attention n'était pas tant ses vêtements que la boite qu'il portait dans son dos. Il s'agissait d'une boite d'apparence si lourde qu'on se demandait comment il pouvait seulement supporter de la tenir ainsi, accrochée sur les épaules par deux lanières de cuir usé. Elle semblait faite d'un métal gris et usé et arborait de nombreuses gravures, toutes en arabesques et dont une semblait représenter une sorte de félin.

Antonio chercha dans sa poche un bout de papier qu'il sortit et lut, cherchant son chemin. Il remarqua enfin la grande grille qui se trouvait à seulement quelques mètres de lui et ne pu s'empêcher de pousser un juron.

« - Quelle ville ! Tourner pendant si longtemps pour trouver son chemin, c'est vraiment du n'importe quoi. A tous les coups, je vais être le seul à avoir respecté mon engagement, comme d'habitude. »

Soupirant de frustration, il se mit à marcher en direction de la grille lorsqu'il vit un bus s'arrêter devant, ses portes s'ouvrant pour laisser descendre les gens. Une seule personne en descendit néanmoins. Un jeune garçon, comme lui, peut-être d'un an plus âgé, pas plus. Son visage était encadré par des cheveux mi-longs d'un bleu improbable. Des gants noirs aux doigts découpés lui protégeaient les mains et son air dur semblait aller de paire avec son apparence de baroudeur. Antonio se raidit lorsqu'il aperçut que le jeune garçon portait une boite semblable à la sienne et celui-ci le remarqua également. Jetant d'abord un œil à la grille, il ferma les yeux un court instant, puis se dirigea vers Antonio.

« - Je suppose que tu es là pour les mêmes raisons que moi. Tu reviens pour le vieux chauve ?

Antonio haussa les sourcils de surprise en entendant ce vieux surnom.

- Tu fais partie de la même fournée que moi ? Je ne me rappelle plus bien de mes anciens camarades, mais visiblement, tout comme moi, tu as réussi à devenir Saint.

- Tout à fait, lui répondit-il en lui tendant une main qu'Antonio serra. Je suis Requiem, Saint de l'Hydre Mâle. Et toi tu es…

- Ah ! Requiem ! Je me rappelle de toi, toujours à te bagarrer, lui dit-il en rigolant en se remémorant de vieux souvenirs. Je suis Antonio, Saint du Lynx à présent.

- Antonio ? J'avoue ne pas trop me rappeler de toi, rétorqua-t-il avec un ton qui sembla quelque peu condescendant. »

Le ton de la discussion était sur le point de s'échauffer quand un taxi arriva, laissant sortir une jeune fille aux cheveux rouges et au visage recouvert par un masque. La nouvelle arrivée paya le taxi, puis resta à regarder les deux autres, une boite métallique à ses pieds. Elle les dévisagea un instant.

« - Tiens donc, ne serait-ce pas les deux nigauds que voilà ? Comme ça faisait longtemps !

- Dis donc, toi, pour qui tu te prends ? Lança Requiem qui s'apprêtait à la saisir par le col, mais dont la main s'arrêta à quelques centimètres d'elle, en dépit visiblement de ce que souhaitait le garçon aux cheveux bleus.

La jeune fille éclata de rire.

- Toujours aussi sociable, le nigaud, relâchant d'un coup son emprise télékinésique pour se diriger vers Antonio. Et toi, tu ne te rappelles pas de moi non plus ?

- Cela fait bien longtemps que je n'avais pas entendu ces sobriquets. Que de souvenirs, Lissa !

- Ah oui, Lissa… J'aurais du me rappeler de toi, la petite snobinarde prétentieuse, mais il est vrai qu'avec ce masque qui cache ton visage de mégère, j'avais quelques doutes. »

Encore une fois, le ton était monté d'un cran et, cette fois, Requiem et Lissa semblaient bien décidés à en venir aux mains. Antonio, au milieu, ne savait pas vraiment qui il préférait voir assommer l'autre. Pourtant, lorsque les deux invoquèrent le pouvoir de leur cosmos, il comprit qu'il valait mieux que ça en reste là. Des Saints se battant entre eux pour des motifs aussi légers n'était pas une bonne chose, et risquait de très mal se finir, surtout en pleine rue où des passants pouvaient surgir à n'importe quel moment.

Il allait s'interposer quand une voix les interrompit. Elle venait de l'interphone de la grille.

« - Ah, en voilà de nouveaux. Ça, c'est une bonne nouvelle. Entrez vite, un domestique vous attendra à la porte d'entrée pour vous guider. Ne traînez pas, d'autres vous attendent ! »

Lissa poussa un petit soupir dédain et tourna les talons pour passer la grille qui s'ouvrait devant elle s'avançant dans l'allée. Antonio regarda alternativement les deux, puis s'engagea aussi dans l'allée.

« - T'as entendu le vieux chauve ? Ne traîne pas, Requiem. »

Ce dernier haussa les épaules et s'engagea dans l'allée à son tour.

Tout semblait luxueux dans ce domaine, qui ressemblait plus à un manoir pour vedette richissime qu'à un orphelinat. Entre les magnifiques jardins, pleins de fleurs de mille couleurs, et les colonnes de marbre blanc, complétant élégamment l'architecture du bâtiment, il semblait difficile de croire que de jeunes enfants abandonnés y étaient recueillis. D'ailleurs, ce n'était guère plus vrai aujourd'hui. Le nombre de résidants diminuait régulièrement depuis des années.

Les trois jeunes Saints furent accueillis par un domestique qui leur ouvrit la porte et les conduisit à une grande salle de conférence, visiblement réservée à des présentations destinées à la presse. De nombreuses chaises y étaient disposées, même si très peu d'entre elles étaient occupées. En effet, outre un homme chauve d'une quarantaine d'année qui se trouvait sur l'estrade, seuls quatre autres jeunes hommes s'y trouvaient.

Le temps ne fut néanmoins pas à la discussion, car l'homme fit s'asseoir promptement Antonio, Requiem et Lissa.

« - Eh bien, c'est à croire que vous vous êtes tous passés le mot. Depuis hier, les arrivées se sont enchaînées. Je commencerai tout de même par vous remercier d'être revenus, fidèles à vos engagements pris il y a un peu plus de six ans maintenant. Merci à tous d'être revenus ici. Au cas où certains d'entre vous m'auraient oublié, ce dont je doute fort, je suis Tatsumi, l'intendant de l'orphelinat en l'absence de mademoiselle Kido.

Une ombre sembla passer sur son visage à ce moment-là. Un voile de tristesse, mais également un voile de fatigue. Antonio fronça les sourcils. Il s'était assis à plusieurs rangs de l'estrade, ne tenant guère à être trop proche, ni de Requiem, ni de Lissa, mais il lui semblait qu'il y avait quelque chose de bizarre sur le visage de Tatsumi. Il n'eut pas le temps d'y songer d'avantage, l'homme chauve reprenant à ce moment la parole.

- Comme vous le savez ou peut-être pas, selon le degré de collusion de vos maîtres respectifs avec le Sanctuaire, ma maîtresse, mademoiselle Kido, était…, il se reprit brusquement, presque lui-même surpris de ses paroles, est la réincarnation de la Déesse Athéna que vous avez juré de protéger en devenant Saints. Comme vous le savez peut-être également, beaucoup de Saints ont périt au cour des deux dernières années, entre autre du fait d'une guerre violente menée contre Hadés, Dieu de la Mort.

Un silence parcouru l'assistance. En effet, certains d'entre eux en avaient entendu parler. Le Dieu Hadés avait tenté de plonger la Terre dans l'obscurité en provoquant une éclipse solaire permanente, et les batailles menées n'avaient à priori laissé aucun survivant, pas même la déesse Athéna elle-même, qui avait disparu depuis avec sa garde rapprochée. Tatsumi, sentant un certain malaise, reprit son discours.

- Bien que Mademoiselle Kido ne soit pas présente aujourd'hui, elle avait tout de même laissé pour instructions que nous tentions de façon continue de trouver et de ramener toutes les armures de son Ordre, afin de reformer ses rangs au plus vite. Voilà pourquoi vous êtes partis en camp d'entraînement et voilà pourquoi vous allez bientôt repartir pour la Grèce où se trouvera désormais votre demeure et…

- C'est peut-être toi, le chauve, qui va nous dire où doit se trouver notre demeure ?! Le coupa violemment un jeune garçon aux cheveux roux et au regard agressif.

- La demeure n'est pas la question, l'interrompit un autre garçon, grand, aux cheveux courts et violets qui le fusilla du regard. La question que je me posais, c'est surtout, quel est l'état de la garde d'Athéna justement ? Si je suis votre raisonnement, Tatsumi, il semblerait qu'il ne reste plus grand monde pour protéger le Sanctuaire.

- Et il te semble bien. Ce n'est pas à moi de vous informer de l'état du Sanctuaire, mais il est urgent que les protecteurs de la Déesse se rassemblent de nouveau. C'est d'ailleurs l'une des exigences premières de mademoiselle Kido, que ses chevaliers se rassemblent tous au plus tôt.

- Ce qui m'étonne tout de même, lança un peu timidement un jeune blond, c'est que nous ne soyons pas plus nombreux aujourd'hui. De mémoire, nous étions bien une quinzaine à partir pour les camps, non ? Que sont devenus les autres ? Ont-ils déjà rallié le sanctuaire ?

- Malheureusement non. Il se trouve que quatre de vos camarades sont morts au cours de leur entraînement, et trois autres sont portés disparus. Nous sommes sans nouvelles d'eux et ne savons même pas s'ils sont encore en vie. Un seul autre de vos camarades est encore attendu, mais ne s'est toujours pas présenté. Il vous rejoindra là-bas plus tard s'il se présente ici, mais nous n'en savons pas plus. Nous sommes à sa recherche à l'heure actuelle.

- Quatre morts, trois disparus et un déserteur ? Pff, quelle honte.

Tous se retournèrent vers ce garçon aux longs cheveux bruns rassemblés en une queue de cheval, avec un sentiment visible d'antipathie, excepté le rouquin que la remarque amusa jusqu'à l'éclat de rire.

Tatsumi se tordit les mains de gêne et de ressentiment refoulés.

- Je vous en prie ! Un peu de respect pour vos camarades ! En outre, vous allez être amenés à travailler ensemble. Vous devriez essayer de vous entendre. Bon, quoiqu'il en soit, vous partirez d'ici trois jours pour le Sanctuaire, en espérant que durant ce laps de temps votre dernier camarade nous aura rejoint. Toutes les infrastructures de l'orphelinat sont à votre disposition dans l'entre-temps, ainsi que les dortoirs, afin que vous puissiez dormir et vous reposer. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serai dans mon bureau. »

Il commença à s'avancer dans les rangées, marchant en direction de la sortie de la salle quand, soudain, Antonio l'attrapa par le bras. Il dévisagea Tatsumi pendant de longues secondes, puis ferma les yeux en soupirant.

« - Et si vous nous disiez plutôt ce qui vous est arrivé ? De loin, je ne voyais pas très bien, mais on vous a visiblement roué de coups récemment. C'est l'un de vos pensionnaires qui se prend pour Requiem et joue les fortes têtes ?

Tous se mirent à fixer Tatsumi, remarquant effectivement des ecchymoses sur son visage, mal camouflées par un maquillage maladroit. Le vieux chauve les regarda tous tour à tour, presque pris de panique, et finit par se dégager le bras violemment.

- Ça, ça ne vous regarde pas, ce sont les affaires de l'orphelinat. Occupez-vous de vos affaires et ne vous mêlez pas de miennes, ça vaut mieux pour vous ! »

Ce sur quoi, il sortit précipitamment en claquant presque la porte, laissant derrière lui interrogations et malaise. Le jeune homme blond se leva de sa chaise.

« - Si on est amenés à travailler ensemble, il serait peut-être bon de refaire les présentations. Après six ans passés loin les uns des autres, ça ne sera sans doute pas de trop. Je vais donc commencer. Je suis Hiro, Saint de bronze du Dauphin, dit-il en posant devant ses pieds une autre boite métallique sur laquelle était gravée un dauphin.

- Mon nom est Lissa, Saint de Bronze de l'Oiseau de Paradis

- Quant à moi, je suis le Saint du Microscope, enchaîna le garçon aux cheveux violets, Kuwabara.

- Vous me faites tous marrer à vous présenter comme ça, interrompit le rouquin. Je n'ai rien à faire avec une bande d'imbéciles dans votre genre, je me casse moi ! Lança-t-il sèchement avant de sortir en claquant la porte.

Un long moment de silence suivi son départ.

- Eh bien, quelle tête de chien ! Moi, c'est Antonio, Saint du Lynx. Je crois que celui qui vient de sortir est Niwa, non ? Il a l'air d'avoir pas mal changé depuis qu'il est parti en camp d'entraînement… Je pensais me souvenir d'un garçon sympathique et jovial, pas d'un sociopathe…

- Oui, c'est bien lui, confirma Requiem. Si j'ai bien vu sa Pandora Box, il est devenu Saint du Renard. Quant à moi, je suis Requiem, Saint de l'Hydre Mâle.

- Je vois que tout est en ordre, le meilleur pour la fin, dit le garçon aux longs cheveux noirs. Moi, c'est Jaku, Saint de la Grue. Bon, et maintenant que la petite bande de scouts est réunie, on fait quoi ? »

Avant qu'aucun n'ait eu le temps, ni de commenter sa présentation, ni de faire la moindre réponse, un fracas de verre brisé retentit dans tout le manoir, suivi de cris.

« - Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Hiro.

- On ne le saura pas si on ne va pas voir, répliqua Jaku, en courant vers la porte de la salle, suivi très vite par les autres. »

Arrivés dans le hall, ils virent un groupe d'hommes en armure grise, dont un s'effondrant devant Niwa qui montrait les dents.

« - Vous allez voir, bande de minables, si je suis un pauvre gars apeuré !! »

Pour toute réponse, le groupe d'agresseurs se dispersa d'un seul coup, certains sortant par la porte d'entrée, d'autres s'engouffrant au contraire dans les couloirs ou à l'étage.

Niwa ne se fit pas prier et sortit à leur poursuite à l'extérieur de la demeure, suivi de Kuwabara, tandis que Jaku se ruait dans un couloir et que Hiro grimpait les marches quatre à quatre. Antonio, Requiem et Lissa se regardèrent un court instant, et chacun couru dans une direction, Antonio à l'étage, Requiem dans le couloir et Lissa à l'extérieur.

Arrivant à l'étage, Antonio revêtit immédiatement sa Cloth, couleur sable. Il regarda de part et d'autre et vit Hiro en prise avec un des agresseurs en armure grise et s'apprêtait à aller à son aide lorsqu'un bruit le fit se retourner. Un autre était derrière lui et l'attaquait en traître. Le Saint du Lynx ne se fit pas surprendre et esquiva gracieusement le coup d'un mouvement félin.

« - Qui êtes-vous ? Pourquoi nous attaquer ?

- Si tu n'es pas capable de te débarrasser de moi, c'est que tu ne vaux pas la peine que je te réponde, rétorqua hargneusement l'homme en gris qui ne perdit pas plus de temps et l'attaqua de nouveau. »

En dessous d'eux, tandis que Jaku s'amusait à envoyer son adversaire la tête la première contre le mur, Requiem toisait le sien d'un regard glacé. Au bout de quelques secondes, il fit un geste désinvolte et s'adressa à lui d'un ton navré.

« - Pff, allez va, tu peux partir. Je n'ai pas envie de perdre mon temps avec toi. Les petites frappes devraient toujours apprendre à tenir leur place.

- Pour qui tu te prends ? Tu ne crois tout de même pas que je vais me contenter de t'écouter et…

De l'électricité crépita autour du poing de Requiem, alors qu'il assenait un uppercut d'une violence incroyable sur la mâchoire de l'homme en armure. Le garde s'effondra foudroyé, mais sans réprimer un petit rire.

- Tu me casses les oreilles et j'ai horreur de ça, dit le Saint de l'Hydre Mâle, totalement indifférent aux râles de son ennemi.

- Tu fanfaronneras… moins face à… lui. Ah ah ah ! aaah… »

Avant que Requiem ne puisse lui poser la moindre autre question, l'homme rendit l'âme.

A l'extérieur, Niwa en armure lacérait son opposant à l'aide de ses ongles, transformés en véritables griffes, tandis que Lissa bondissait comme une gazelle pour éviter les coups qui lui étaient destinés.

« - Je m'ennuie avec toi, tu es trop lent pour m'atteindre.

- Si je suis trop lent, je compenserai autrement !

L'homme bondit face au soleil, profitant que la jeune fille soit aveuglée pour lui asséner un coup qu'elle tenta de parer, mais trop tard, rejetée un peu plus loin en se tenant le ventre. Sans attendre, l'autre se jeta sur elle, mais une pierre bondit soudainement sur lui en le frappant à la tête.

- Je supporte mal que des laiderons me touchent, lui lança la femme Saint, au comble de la colère. »

Une dizaine de pierres se soulevèrent du sol et tournoyèrent autour de l'homme qui ne parvenait pas à toutes les éviter et qui finit par tomber à genoux.

- Non seulement, tu as osé me toucher, mais en plus tu m'as fait mal. Ça va se payer, nabot ! Subit la Tornade Céleste ! »

Des mains de Lissa jaillit une poussière lumineuse qui enveloppa l'homme en armure grise. Ce dernier se prit soudainement la tête entre ses mains, en hurlant, ne pouvant éviter la déferlante de poussière qui le projeta à plusieurs mètres de sa position initiale. L'homme rendit l'âme, le regard révulsé. La femme le regarda d'un air carnassier et satisfait, puis se retourna pour voir Kuwabara regarder son adversaire déjà à terre avec à peu près le même regard dédaigneux.

Antonio commençait à bien s'amuser avec son ennemi, il assenait, lors de chacune de ses esquives, des entailles supplémentaires avec ses deux dagues recourbées.

« - Mes coups de crocs te font souffrir ? Tu ne veux toujours pas me dire qui vous envoie ? J'ai en réserve bien pire que ça pour toi.

- Tu rêves ! Je vais te faire ravaler tes fanfaronnades ! Lança l'homme le poing serré, déterminer à porter un coup violent.

- Puisqu'il en est ainsi, lui répondit Antonio, en secouant la tête de dépit, prépare-toi à subir les Griffes du Lynx ! »

Joignant le geste à la parole, Antonio lança ses deux dagues dont les lames étaient à présent léchées par les flammes. Tournoyant sur elles-mêmes, elles créèrent un tourbillon de flammes qui engloutit totalement l'homme en gris, s'effondrant au sol complètement brûlé. Antonio s'approcha de lui, mais dans un sursaut, son ennemi lui porta un coup au visage qui lui fit tomber son casque. Il sembla tout à coup voir un fantôme.

« - Toi ? Non, ce n'est pas possible… ou alors tu serais… »

N'ayant même plus la force de finir sa phrase, l'homme en gris s'écroula au sol. Antonio resta silencieux un long moment absorbé par ses pensées, et entendit des bruits de discussion au rez-de-chaussée, il se décida à y retourner, non sans appréhension.

Il croisa Hiro dans le couloir qui s'était défait de son adversaire sans grande difficulté non plus et ils rejoignirent les autres qui étaient rassemblés devant le corps d'un des agresseurs.

« - C'est quoi, ça, ce comité d'accueil ? Hurlait presque Niwa, encore plus énervé qu'auparavant. C'était un piège ? Il est où le pépé, d'abord ?

- Calme-toi, Niwa, tenta Kuwabara. Vu sa réaction, Tatsumi n'y est pour rien, et après le discours qu'il nous a tenu tout à l'heure je ne vois pas quel serait son intérêt à nous faire tuer.

- J'irai même jusqu'à dire qu'on a maintenant la réponse à la question de tout à l'heure, concernant l'agression qu'il a subie, vous ne pensez pas ? Ajouta Hiro.

- Voyons voir un peu ce qu'on peut tirer de ce minable, se contenta de répondre Requiem qui se pencha sur le corps de l'homme défait par Hiro. Bon, il ne parlera visiblement plus maintenant… mais qu'est-ce que… »

Dans un mouvement de surprise, il relâcha soudain le corps, avant de s'en approcher de nouveau. Outre sa texture étrangement rugueuse, Requiem remarquait à présent que la peau de l'homme était grise. Et trop froide pour quelqu'un qui venait à peine de se faire tuer. En fait, sa chair semblait être faite de terre. Il secoua la tête, autant confus que ses camarades, lorsqu'il découvrit que le bras gauche du cadavre arborait un tatouage.

« - Etrange dessin, mais attendez… Ces points reliés par des lignes, ça ne ressemblerait pas à la représentation d'une constellation ? Avança Jaku.

- Si, il me semble qu'il s'agit même de la constellation du Sculpteur, lui répondit Lissa.

- Je vous ai déjà dit de ne pas vous occuper de ça, les coupa brusquement Tatsumi qui réapparaissait soudainement. Je vais organiser votre départ pour la Grèce au plus tôt, tant pis pour les retardataires.

- Et si tu nous disais plutôt de quoi il retourne, l'interrompit Antonio. Maintenant, que tu le veuilles ou non, on est impliqués dans ton affaire. Alors dis-nous tout.

- Mais, non, je…

- Si tu refuses de parler, je dispose du moyen de te délier la langue, ou même d'obtenir ce que je voudrais sans avoir à te faire parler, le coupa sèchement Kuwabara, le doigt pointé vers le front de Tatsumi.

Sachant à quel risque il s'exposait en se confrontant à un Saint, l'homme chauve poussa un profond soupir de résignation.

- Je voulais à tout prix éviter que vous ne vous retrouviez mêlés à cette affaire. Je ne pensais pas qu'ils reviendraient juste maintenant. Pour tout vous dire, je ne sais pas qui ils sont, ni pour le compte de qui ils agissent. Ces hommes viennent régulièrement depuis trois mois. Tout ce que je sais, c'est qu'ils m'ont laissé en vie le temps que vous reveniez. De leur propre aveu, c'est après vos Cloth qu'ils en ont. Voilà pourquoi je tiens à tout prix à ce que vous retourniez au Sanctuaire au plus tôt. Là-bas, ils n'oseront sans doute rien tenter de plus.

- Mais toi ? Lui demanda Hiro, compatissant. Si tu restes ici après notre départ, ils ne t'épargneront sans doute plus.

- Peu importe ma vie. Je l'ai toujours dédiée à mademoiselle Kido.

- T'as raison, va te jeter sous un pont qu'on entende plus parler de toi, lança hargneusement Niwa.

- Ça suffit Niwa, tu devrais respecter un peu plus…, commença Hiro »

Une pierre passa à travers la fenêtre en grand fracas et tous se mirent en garde, attendant un éventuel agresseur qui n'apparut toutefois pas. Jaku, lui s'approcha de la pierre, remarquant qu'un message y était attaché, message qu'il lut à voix haute.

« Bon retour en votre demeure, Saints. Je me doute que vous avez hâte de courir en direction de la Grèce, néanmoins, je me ferai un plaisir de venir vous accueillir demain, à midi, au Rocher de la Tête de Mort. Il est évident que si vous décidiez de ne pas venir, je me ferai un plaisir de venir tenir compagnie à votre ami chauve.

Signé : Le Sculpteur »

Kuwabara garda un moment les yeux fermés, réfléchissant.

« - Il semble maintenant confirmé que le commanditaire de ces agressions soit bien le Saint du Sculpteur. Mais pourquoi un Saint chercherait-il à voler des armures à ses semblables.

- Peu importe ses motivations, on ne peut pas laisser Tatsumi comme ça. Soit on va au rendez-vous, soit on l'emmène en Grèce avec nous qu'il le veuille ou non, dit le Saint du Dauphin avec empressement.

- Moi, je suis d'avis d'aller faire sa fête à ce traître. On va lui montrer qui est le plus fort.

- Je suis d'accord avec Jaku, et de toute façon je trouve trop dangereux de laisser un voleur d'armure en liberté, ajouta Requiem. Il pourrait nous tomber dessus n'importe quand. Autant profiter de la chance qu'il nous donne.

- Bon, je suppose qu'on est tous d'accord alors, avança Lissa avant de se retourner en sursaut à cause de la porte claquée par Niwa qui venait de sortir. Bon, presque tous alors… Antonio ?

Antonio était tout du long resté en retrait des autres. Sa main restait désespérément crispée sur sa poitrine, un peu comme s'il tenait quelque chose pendant à son cou. La question de Lissa le prit de cours en le faisant sortir de ses rêveries.

- Oui, oui… Bien sûr, on est tous d'accord. On ne peut pas laisser le vieux chauve aux prises avec un Saint psychopathe. »

Il se força à faire à tous un sourire forcé, de ceux censés faire croire que tout va bien, alors qu'ils ne font que démontrer de manière flagrante que ce n'est pas le cas. Aucun des Saints présents ne fit pourtant de remarque, et ils décidèrent d'un commun accord d'attendre tranquillement le lendemain pour aller au rendez-vous.