-V-

Une Rose Pour Lui

Chapitre premier

Johnson observait Londres du haut de son balcon. Malgré le fait que la nuit soit déjà avancée, on pouvait encore entendre le bruit des voitures au loin et quelques conversations floues qui s'effaçaient parmi les ténèbres. La jeune femme tourna le dos à la ville et s'enfonça dans l'escalier de pierre qui menait au musée…

Une fois à l'intérieur, elle se dirigea vers la chambre de son hôte et cogna délicatement à la porte.

- Mh? fit la voix à l'intérieur.

- Je peux entrer? demanda la jeune femme.

- Donnez-moi encore un instant et je vous rejoins dans le salon…

Johnson s'éloigna alors de la porte puis alla prendre place dans le fauteuil. Elle eut à attendre au moins deux minutes avant que l'hôte ne la rejoigne. Un grand homme vêtu uniquement de noir et dissimulé derrière un masque de Guy Fawkes vint la rejoindre dans le salon. Il prit place à son tour sur le fauteuil et tourna la tête vers elle.

- Vous vouliez me voir? demanda le dénommé « V ».

- Oui… C'est à propos de votre requête… Je ne suis pas certaine de pouvoir y arriver seule… avoua Johnson.

V lui pris délicatement la main. Johnson savait que derrière le masque, un regard implorant venait de se poser sur elle…

- Je ne peux pas vous y obliger mais vous savez pertinemment que je ne peux me résoudre à retourner en ces lieux… prononça-t-il sur un ton grave.

- Je sais mais vous connaissez tous les dangers que je prends en y allant… Vous avez détruit le parlement et semé la discorde dans tous les régimes policiers mais Finch est toujours là et je n'ai pas quittée sa liste noire…

V détourna son regard d'elle et soupira bruyamment. Le silence retomba ensuite entre eux et un certain malaise s'installa.

- Je vais le faire mais je tiens à pouvoir vous contactez en tout temps pour que vous puissiez me guider, dit la jeune femme après un bref instant.

- Merci… c'est un immense service que vous m'accordez.

V se leva et posa un regard bienveillant sur Johnson.

- Dormez bien cette nuit et demain je vous donnerai les indications pour vous rendre là-bas…

Il prit ensuite la direction de sa chambre et s'y enferma après avoir souhaité bonne nuit à Johnson. La jeune femme soupira et passa sa main dans ses cheveux courts. Comment allait-elle faire pour se rendre à Larkhill sans se faire voir des hommes de Finch qui fouillaient déjà les lieux? Ces fameux documents étaient très convoités par ce qui restait du gouvernement mais plus particulièrement par V. Il n'avait aucunement l'intention d'y retourner après ce qu'il y avait vécu. Pourtant il était persuadé que des document le concernant étaient encore dissimulés dans un sous-sol de l'aile nord qui avait été épargnée de l'incendie. Malheureusement pour lui, Finch en avait eu vent et il s'était précipité là-bas pour enfin savoir qui était l'homme derrière le masque.

Johnson eut un léger rictus puis repensa à ce qui l'avait menée jusqu'au musée et jusqu'à V. Plusieurs personnes auraient pu clarifier cela en disant qu'il ne s'agissait que du hasard mais la jeune femme n'y croyait pas du tout…

Johnson était bénévole à la bibliothèque de Londres et son boulot se résumait à remettre les livres en place après la fermeture de l'établissement.

Deux semaines après l'explosion du parlement, Johnson se retrouva seule dans la réserve en train de lire une vielle version de Shakespeare beaucoup trop usée pour servir encore. Elle n'y comprenait que la moitié mais chaque mot suivi d'un autre composait une agréable mélodie verbale…

Elle était plongée dans sa lecture lorsqu'elle entendit un bruit de pas dans l'autre salle. Johnson ferma silencieusement le livre et se saisit d'une patte de chaise cassée en tant qu'arme de fortune. Elle s'avança ensuite vers la source du bruit avec prudence…

- Je vous prie d'excuser mon intrusion mais mon répertoire littéraire rapetisse de jours en jours… prononça une voix derrière elle.

Johnson sursauta violemment et dans un cri strident, elle se cacha derrière une étagère. La jeune femme était secouée de tremblements dus à la peur et elle tentait désespérément de reprendre son souffle. Elle entendit des pas qui se dirigeaient vers elle et ses mains se serrèrent sur la patte de chaise.

- Je ne vous veux aucun mal, n'ayez crainte… dit l'homme qui s'était soudainement planté à la droite de Johnson.

La jeune femme s'éloigna de lui avant de se rendre compte à qui elle avait affaire…Lorsqu'elle le reconnu elle se demanda si elle n'était pas devenue folle ou si ses collègues ne lui faisait pas une mauvaise blague…

- Qui êtes vous? demanda-t-elle avec méfiance.

- Qui suis-je? Je suis celui qui, apparemment, a contribué à la libération de notre belle Angleterre… répondit l'homme.

- V?

Ses mains se desserrèrent de son arme et Johnson se laissa lourdement tomber sur le tabouret qui était derrière elle.

- Comment êtes-vous entré? demanda la jeune femme.

- C'est à moi que vous demandez cela? dit-il avec une pointe d'humour dans la voix.

Johnson plongea son regard dans les yeux vides du masque puis esquissa un faible sourire à l'homme.

Johnson se réveilla le lendemain matin sur le fauteuil dans une position plutôt inconfortable. Elle avait rêvé à sa rencontre avec V et celle-ci sourit rien qu'en y pensant.

Une bonne odeur de nourriture flottait dans l'air et la jeune femme se dirigea automatiquement vers la cuisine où V lisait un livre tout en préparant le repas.

- Good morning M. Fireworks…dit Johnson en allant s'asseoir à la table.

- Bon matin belle demoiselle! Est-ce que vôtre altesse se sent d'attaque pour une bonne omelette? demanda V en exécutant une révérence ridicule.

- Évidemment! J'ai une grosse journée devant moi, il faudrait bien remplir ce maigre petit corps qu'est le mien avant qu'il ne se vide de toute son énergie! s'exclama-t-elle avec bonne humeur.

- Parfait!

Il déposa le déjeuner sur la table et s'éloigna avec sa propre assiette en direction de sa chambre. C'était comme ça à tous les jours; il refusait de se montrer d'une façon ou d'une autre lorsqu'il s'agissait de manger.

- Toujours contre le fait de manger avec moi, V? demanda Johnson.

- Je préfère lire tranquillement dans ma chambre si cela ne vous gêne pas tendre Jezebelle… répondit-il cordialement.

Johnson eut un frisson de rage. Elle détestait se faire appeler par son prénom et V le savait très bien. C'était sa façon à lui, toute polie, bien entendu, de lui dire de la fermer sur ses habitudes et de ne pas l'emmerder sur son complexe. Mais Johnson n'était pas n'importe quelle idiote qui se laissait mener par un homme si amicalement chiant…

- Je suis navrée, j'avais oublié que votre visage cramé vous complexait à ce point, cracha-t-elle avec mépris.

V s'arrêta net. Il eut à son tour un frisson de rage puis il prit une grande inspiration pour se calmer, ne serait-ce qu'un peu. Johnson le voyait tenter de reprendre son calme et de respirer profondément et celle-ci se mit rapidement à regretter ce qu'elle venait de dire…

- V, je… Je ne voulais pas dire ça, je suis désolée… dit-elle faiblement.

- Vous l'avez dit… Maintenant laissez-moi tranquille, je vous prie, répondit-il froidement avant d'aller s'enfermer dans sa chambre.

Johnson entendit la serrure de la porte cliqueter et elle savait qu'il s'était embarré pour l'oublier et oublier ce qu'elle venait de dire. V comprenait qu'elle en avait assez, mais autant s'était-il attaquer à ce qui agaçait Johnson, elle ne s'était pas gênée de lui rappeler à quel point il était laid et honteux.

De l'autre coté de la porte, V avait lancé avec dédain le masque qui couvrait son visage. Il porta son regard dans le miroir et devant lui, un homme démoli par la vie et honteux le regardait avec un air de chien battu. Son visage n'avait pas été complètement brûlé mais les marques de l'incendie étaient définitivement présentes et évidentes. Aucune femme ou être humain sensé ne resterait ami avec quelque chose d'aussi laid et d'aussi haineux. Malgré lui, V aimait bien Johnson et ne tenait pas particulièrement à ce qu'elle fuit devant une telle horreur mais si un jour il se montrait, elle allait certainement s'en éloigner tranquillement… Comme Evey…

V eut un terrible pincement au cœur. Sa douce, délicate Evey… Elle n'aurait jamais été heureuse avec lui de toute façon. Il devait la laisser partir… V lui avait fait croire en sa mort pour qu'elle s'éloigne de lui et qu'elle ne s'attache pas à un tel dépris. Elle était tellement belle et douce… Jamais V ne s'était rapproché autant du bonheur qu'avec cette petite étoile qui illuminait ses nuits et ses jours. Bien que tout ait presque toujours été platonique entre eux, V ne pouvait demander plus même si Evey lui laissait croire qu'elle se foutait de son apparence. Elle était sûrement bien mieux loin de lui.

- Je suis tellement désolé… murmura-t-il en pensant à ce qu'il lui avait fait endurer.

V se secoua un peu et reprit ses esprits. Il ne devait plus vivre dans le passé et Evey en faisait maintenant partie. Il posa à nouveau son regard bleu sur son visage et décida de remettre son masque. Même lui n'endurait pas la vue de son propre visage.

Il se leva et, après une grande inspiration, il déverrouilla la porte. Johnson l'entendit et leva les yeux vers la porte. Lorsqu'il déverrouillait sa porte, ça voulait dire qu'il voulait lui parler mais qu'il ne sortirait pas de sa chambre pour ça. La jeune femme se leva et tourna délicatement la poignée pour ensuite pousser la porte. Ce qu'elle vit la rendit encore plus honteuse. V avait la tête entre les mains et il semblait encore frustré.

- Hey…

- Tu peux fermer la porte derrière toi… dit-il sans même relever la tête.

Johnson s'exécuta et ferma la porte sans faire de bruit, comme si le moindre grincement allait faire exploser les plombs de V. L'atmosphère était assez tendue et ni l'un ni l'autre n'était confortable.

- Je commence? demanda Johnson.

- Bien sûr…

- Je… Je pensais ce que je voulais dire V… Mais je me suis mal exprimée et je m'en veux… Je ne veux pas qu'entre nous ça reste froid… dit la jeune femme en baissant les yeux.

V sourit derrière son masque. « Je pensais ce que je voulais dire… » Cette fille avait du cran et elle s'assumait.

- Je sais… Je vous ai provoqué aussi, on peut dire… Mais sachez que je tiens à ce que notre relation reste saine. Je vous pardonne et je demande votre pardon, dit-il en la regardant enfin.

- Je vous pardonne et je vous demande pardon… répondit-elle comme s'il s'agissait d'un code d'excuse entre eux.

V lui prit la main pendant un bref instant et porta son regard sur le visage désolé de « la petite orpheline ». Il l'appelait comme ça lorsqu'elle était triste ou simplement désolante. C'était en quelque sorte une vérité puisqu'elle avait perdu son père en pleine adolescence et il lui arrivait d'avoir des élans de tendresse envers V. Elle avait été plutôt malmenée par sa mère qui faisait de son mieux pour faire vivre sa fille en pleine guerre. Et ce n'était pas facile pour une juive et sa fille de vivre parmi les anglais qui leur faisait presque revivre le génocide.

Johnson se glissa lentement dans les bras de V et se mit à respirer l'odeur de cuir neuf et le parfum qui se dégageait de lui. V referma ses bras autour de la belle et ils restèrent ainsi pendant un bon moment. Jezebelle remarqua dans son cou un endroit non couvert par les vêtements noirs et profita de ce rare instant pour y déposer ses lèvres. V frémit sous ce geste inattendu et tenta de se relaxer malgré la panique générale qui s'était emparée de lui.

Pour lui répondre, il l'éloigna de son torse quelques instants et caressa la joue de Johnson avant de la rapprocher à nouveau de son torse.

- Je suis désolée, V…