SPRING
BASÉ SUR LE ROMAN - watch?v=piJU9A8pacw
ㅤ « Kill me Tommy. »
Froid, dur et impitoyable. Un canon plaqué sur son front aqueux et ses cheveux crasseux, une seule et simple caresse pour le rendre au monde lamentable et désastreux dans lequel il existait. Son râle était brûlant et sa vue déplorable, exactement conforme à l'état du monde actuel, englouti par les éruptions solaires d'autrefois. Il tremblait, autant sous la haine que sous la peur ; à la fois totalement contradictoire et cohérente et, ses yeux noircis par les ténèbres reflétaient tout le désespoir de l'Homme. L'Homme englouti et déchu à la fois par lui-même, par les autres et par l'Univers. Thomas, lui, tremblait. Effrayé, horrifié et épouvanté. Le bras tendu, l'index sur la gâchette, il suffisait d'une simple pression, d'une seule étreinte sur ce petit objet pour rendre son ami à Gaïa. Le rendre d'une manière éternelle à l'Univers et le laisser partir comme des milliers de pétales au gré du vent, imprégnant la Terre de ce qui avait fait de lui un être vivant.
Newt n'était plus. Il n'avait jamais été un Homme de la Terre ou même un Homme du Ciel. Il n'avait été qu'un apôtre du Néant ; vide, asséché et insignifiant. Un non-être. Dépouillé de tout ce qui le constituait, de toute son humanité, il ne s'était pourtant jamais senti aussi vivant qu'en cet instant, le canon braqué sur son visage où des veines saillantes, noires comme l'onyx, avaient pris place. Elles semblaient vivantes, se déplaçaient par elles-mêmes et le brûlaient chaque seconde, à l'unisson avec les battements frêles de son cœur. Comme un venin qui se répandait à chaque bouffée d'air qu'il osait prendre, juste pour le punir de s'accrocher à Gaïa ou même Ouranos alors qu'il n'était que le fils de Chaos. Le fils du Néant. C'était douloureux, probablement la plus grande douleur qu'il n'eut jamais connu et pourtant, au fond de lui, Newt en était heureux et satisfait. Cette douleur qui semblait lui arracher le cœur à chaque instant, qui prenait place sur son corps par l'intermédiaire de ses veines saillantes et noires, qui le rapprochait de la mort et de l'oubli... C'était tout ce qu'il avait senti de plus exaltant jusqu'à lors.
La haine qu'il portait en lui évoluait en unisson avec ses veines fiévreuses et, la vision de Thomas, apeuré sous lui, démuni par ce qui se produisait, l'énervait au plus haut point. Sa prochaine bouffée d'air frais lui procura un excès de colère où il agrippa, de ses deux mains tremblantes, le canon du pistolet contre son front. Il ferma les yeux et souffla à nouveau, un souffle aussi fiévreux et corrosif que les éruptions solaires qui avaient ravagés la Terre et, dans ce souffle, Thomas n'y ressentit rien d'autre que le Chaos. La mort et la destruction qui s'était opéré sur l'Univers tout entier. La destruction qui s'opérait chez Newt.
Lorsque le blond rouvrit les yeux, toutes les paillettes dorées semblables à des étoiles qui constituaient les yeux fauves du garçon venaient de s'étreindre, englouties par les ténèbres. Englouties comme le Soleil chaque soir qui ne faisait plus le poids face à la Lune sauf que cette fois, l'obscurité, Phaesphoros, l'avait remporté d'une manière éternelle. Thomas, épouvanté par la disparition des étoiles de son monde tenta de venir caresser le visage du blond, une dernière fois, juste pour apercevoir à nouveau ses yeux fauves, juste pour qu'il revienne à lui. Seulement, la poigne que Newt exerçait sur le canon du pistolet était tellement forte qu'il était impossible pour Thomas de décoller son arme du garçon et impossible pour lui de simplement lâcher cette dernière ; qu'aurait fait Newt s'il avait eu l'usage à lui seul du pistolet?
ㅤ « Newt... »
Sa voix avait vacillé et s'était laissé submergé par la peur si bien que Newt ne manqua pas de réagir à cela. Un sourire narquois et cruel se dessina sur ses lèvres, étirant ces dernières doucement, de manière machiavélique alors que ses yeux aussi noir que l'ébène fixaient le brun d'une manière vicieuse et moqueuse. La voix du blond se brisa légèrement, elle ne ressemblait plus en rien à celle de Newt. A celle du garçon que Thomas avait côtoyé, avec qui il avait passé cette aventure et avait noué un lien fort et indescriptible.
ㅤ « Oh Tommy... Si seulement tu savais à quel point je te hais. Tout ça, tout ce que j'ai vécu, c'est entièrement de ta faute. Depuis le premier jour, je t'ai haï. »
Et cette haine qu'il ressentait à l'égard de Thomas avait totalement pris le pas sur l'amour qu'il portait à son ami. Elle était si intense, si effrayante qu'il n'avait plus eu le courage de lutter. A quoi bon lutter quand l'on était le fils du Néant? C'était son destin après tout, pourquoi devait-il continuer de se battre? C'était un monstre, un démon à elle-seule qui vivait au plus profond de ses entrailles et se délectait de la scène. Tordait ses boyaux et les dévorait un par un jusqu'à le dévorer lui ; son âme et sa conscience. Sa dignité et son humanité. Dévastatrice. Il le haïssait. Parce que tout ça c'était de sa faute. Et Thomas le savait. Les mots de Newt le blessèrent profondément et pourtant, il savait qu'il le méritait. Qu'il était la cause de l'anéantissement de Newt, qu'il était celui qui lui avait indirectement retiré toute son humanité et qui avait fait naître en lui ce Néant qui, petit à petit, jour après jour, l'avait dévoré. Jusqu'à l'anéantir, à le rendre vide. Et aujourd'hui, la Braise achevait son œuvre.
Et cette œuvre, Thomas la détestait lui aussi. Il était coupable de l'état de Newt, coupable de la mort de son ami, coupable de la perte de ses étoiles, coupable de tout. Quelque chose d'humide et froid le fit sortir de ses remords, il cligna des yeux et se rendit compte alors que l'état de Newt, s'était aggravé. Les veines noires qui régnaient légèrement sur son cou et son visage auparavant, s'étaient intensifiées, l'on ne distinguait plus rien de ses yeux et du sang s'échappait de ses lippes. Et pourtant, Thomas le trouvait encore magnifique. Il aurait aimé cueillir du bout de ses doigts le cil qui reposait sur la joue du blond, encore intacte, rouler ses doigts dans sa chevelure comme l'on roule ses doigts dans l'écume de la mer ou dans les nuages.
ㅤ « Je t'en supplie.. Si tu t'es, ne serait-ce qu'une seconde, considéré comme mon ami, fais le... Tue-moi. »
Une larme dévala avec lenteur la peau abîmée du blond et s'arrêta sur la limite de sa mâchoire, s'accrochant une dernière fois à la vie, avant de terminer son chemin sur le visage de Thomas dont les oreilles vibraient d'une manière désagréable. Les dernières paroles de Newt avaient étés de trop et il n'était plus capable de quoi que ce soit. Il n'arrivait plus à réfléchir, plus à se concentrer et à entendre ce qui l'entourait. Plus rien n'était accessible à son ouïe. Le râle de Newt se faisait de plus en plus saccadé et de plus en plus fiévreux, se plaquant sans grâce à chaque fois sur le visage du brun.. Sa haine s'était atténué et quelques idées claires, quelques bribes de souvenirs faisaient écho chez le blond qui se permit de fermer les yeux un instant ; un dernier soupir, cette fois rempli d'un soupçon de bien-être, s'échappa de ses lèvres entrouvertes. La vision d'une petite fille blonde, souriante et pleine de vie s'imprima sur ses paupières closes et le fit sourire distraitement ; elle représentait toute l'espérance du monde, avait fait de son monde misérable, quelque chose qui en valait un peu la peine avant WICKED. Lizzy. Son image, pourtant si agréable, s'échappa bien vite et sombra dans les abysses qui s'attaquaient à son cerveau. La dernière image qui s'imprima sur les paupières du blond ne fut rien d'autre que Thomas.
Thomas, incapable de se souvenir de son prénom, mais aussi qui s'était élancé dans le Labyrinthe, sans aucune crainte. Tommy, qui avait su lui rendre le sourire et avait su lui faire ressentir de multiples sentiments. Le garçon aux yeux ambrés qui avait représenté tout l'espérance de son monde à lui, avait porté la lumière et l'amour... Il l'avait aimé, du plus profond de son être. Aussi profondément que ce qui lui avait resté, que ce que le Néant ne lui avait pas déjà pris. Et il ne le regrettait pas... Lorsque finalement, le visage de Thomas sombra avec celui de Lizzy au plus profond de son être, Newt ouvrit de nouveau les yeux et porta la main à sa ceinture, empoignant son couteau et relâchant le canon de Thomas.
ㅤ « Merci pour tout, Tommy. »
Au moment où Newt empoigna son surin, la pointe vers son cœur, le cil qui avait régné sur sa joue jusqu'à lors s'envola. Au gré du vent. Il disparut sous les yeux du brun, porté par les éléments et à cela, Thomas comprit. Alors que ce frêle cil s'était échappé et avait rejoint les éléments, il était temps pour Newt de faire de même. Un bruit sourd retentit, assourdissant et presque irréel... Le brun cligna des yeux, le visage humide et se rendit compte alors que plus rien ne faisait pression de l'autre côté de son canon ; plus rien ne se trouvait face à lui si ce n'était que le visage de Newt ; autant vide qu'apaisé qui ne tarda pas à sombrer sur le côté, à même le sol. Thomas baissa alors, machinalement et lentement, son arme qui tomba à ses côtés ainsi qu'aux côtés du blond. Il avait rejoint les éléments. Comme des milliers de pétales en plein printemps qui s'échappait des arbres et des fleurs sous le gré du vent, Newt s'était échappé de la Braise et de lui-même sous Thomas ; finalement plus vivant que jamais. Il avait gagné toute humanité dans la mort.
