« Je suis sur le toit d'un bâtiment. Toujours le même. Je m'adonne à ma procrastination usuelle. A l'horizontal, sur le sol, les yeux rivés vers le ciel, dont l'immensité céruléenne n'est peuplée que de ces masses cotonneuses blanchâtres. La plupart des gens pensent ainsi que je fais la sieste, et c'est la chose la plus facile à penser à me voir allongé par terre pendant des heures, mais il n'en est rien, je ne fais que penser, inlassablement. La foule atmosphérique distrayant vaguement mon regard pendant que je meuble mes pensées d'une myriade de conceptions. Si je le désirais, je pourrais avoir une vue imprenable sur le nord de Konoha, mais le ciel me contente, car je tente de trouver une part de logique dans tout ce qui s'est produit dans mon existence ces dernières années.
Depuis la mort de notre senseï à celle de mon propre père... Moi-même, ayant failli perdre la vie. Il s'est écoulé deux ans déjà, bientôt trois. J'ai appris alors à reconsidérer toutes les petites choses du quotidien qui me paraissaient futiles. Un simple sourire n'avait plus sur moi le même impact ou pour moi la même signification ; alors même qu'avant je ne déridais jamais mon visage d'adolescent épargné par le malheur pour le départir de sa moue blasée coutumière. Et ce, car je n'étais pas conscient de la chance que j'avais d'avoir mes deux parents qui m'aimaient et se préoccupaient de moi ; quand je leur en laissais l'occasion... Mais il faut croire que le proverbe qui dit qu'on ne se rend compte de ce que l'on a que lorsqu'on l'a perdu est d'autant plus vrai quand on est adolescent. Période ingrate à bien des égards. Je considère désormais avec gratitude ces personnes capables d'offrir un visage enjoué aux yeux de tous dans ces périodes de douleur, ces personnes souriantes et aimables qui tentent de remonter le moral de la masse, en faisant se dissiper de leur visage la souffrance endurée.
Et au fond, n'était-ce pas là, la plus grande force de Naruto. S'il n'avait pas eu cette attitude débonnaire et ce sourire franc, qu'aurait-il fait de la puissance et du chakra qu'il pouvait déployer sinon effrayer la population plus qu'elle ne l'était dans cette période de crise. C'est aussi probablement ce qui fera de lui un bon Hokage.
Tout ceci n'est qu'une petite considération perdue dans une pléiade, une infinité d'autres. Mes dernières préoccupations sont, je dois l'avouer beaucoup plus pragmatiques. La mort de mon senseï m'a d'abord fait prendre conscience du vide laissé par la mort, pour la famille, ceux qui restent. A celle de mon père, il s'est ajouté le poids de la charge qui lui incombait en tant que chef de clan ; et père de famille, notamment quand j'ai pris la décision de protéger et veiller sur Kurenaï et son enfant personnellement. Et dernièrement, plus égocentrique, j'ai imaginé et crains de ne rien laisser derrière moi de mon passage sur terre.
M'occuper du fils de mon maître m'a alors semblé l'exutoire le plus efficace et la solution la plus évidente pour palier à ce manquement. Par ma présence, ce garçon aurait, un substitut paternel à son éducation, un modèle, mais surtout un ami pour lui dire qui était son père et à quel point il a été un bon instructeur et un exemple pour moi.
Je me dois de perpétuer sa mémoire à sa progéniture... Qui finalement s'avère être de sexe féminin ; pour mon plus grand désarroi, moi qui me voyait déjà de reproduire le même schéma. Mais peu importe son genre...
Après tout, il m'avait fait passer, aux yeux du monde, de « bon à rien et fainéant » à « petit génie aux deux-cent points de QI » en se penchant sur mon cas et s'intéressant à moi... De plus, il n'était plus, depuis bien longtemps que mon instructeur ou mon senseï : c'était un guide spirituel, un ami et l'homme pour qui j'avais le plus de respect. Il a permis cette évolution, ce parcourt. Il a forgé mon « nindo » en remettant en cause les idées que j'arrêtais parfois de manière abrupte. Il m'a fait, il a fait de moi ce que je suis. Et je suis meilleur que je n'aurais jamais pu être sans lui...
Je tâcherais d'être une personne de cette qualité pour votre fille ... Asuma-sensei.
