Blabla inutile: ce petit morceau de fanfiction prend place durant le 5ème tome, lorsque Sirius et Remus vivent ensemble au Square Grimmaurd. J'avais envie de travailler autour du lien unissant Remus et "l'autre", le loup qui sommeille en lui. En espérant que ce ne soit pas trop mauvais!

Le titre vient d'un poème de Paul Eluard, Une.

Bonne lecture.


Le vent glisse sur sa peau exposée, lentement, comme une caresse du ciel. Debout, face au froid, les minutes meurent alors que ses doigts écorchés parcourent les chemins rugueux de son visage ; peau dévastée, sentiers creusés, il ne sait plus : le sang a un goût de fer sur ses lèvres et les mots ne sont qu'une excuse aléatoire pour combler un silence trop pesant, trop long, dans son esprit embrumé par la lune. Cette dernière semble l'observer, de haut, ses clairs rayons s'étalant comme un baume sur ses blessures fraiches alors que les étoiles, muettes, luisent silencieusement avant que le jour ne les reprenne à la nuit. L'agonie est lente et l'angoisse grimpe le long de son dos épineux, remonte à travers ses os, résonne cruellement au sein de l'ossature, puis pénètre les diverses couches d'épiderme et de muscles, rejoignant le froid végétant en lui depuis si longtemps.

Le loup semble gronder une dernière fois avant de disparaître pour quelques temps, pour quelques fragments de lune décomposés qui reprendront forme le mois suivant. Remus laisse échapper un soupir peiné, arraché à son corps encore tremblant de fureur et de désespoir, puis entreprend de rassembler les lambeaux de vêtements qui jonchent le sol tels de la cendre froide, ses pas lourds sur l'herbe gelée à peine recouverte d'une pellicule de blanc. Il marche un long moment et l'ombre s'accroît aisément, conséquence de la peur, de l'amertume, de cet être isolé qui vit en lui et se manifeste sans son accord. Il vit dans l'inquiétude constante de sombrer, de laisser l'autre prendre le dessus pour le reléguer à la poussière et au néant. Les cicatrices s'accumulent le long de ses traits, mélange incertain de fines lignes blanches et cuivrées éclatées telles des constellations d'argent, et son corps est un champ de bataille où s'affrontent deux entités hétérogènes n'arrivant pas à coexister.

L'œil absent, il passe devant Sirius qui l'observe longuement, sans mots, sans éclat de voix, lorsqu'il rentre au Square Grimmaurd en titubant. Ses yeux brillent légèrement à la lueur de sa baguette, furtif éclat bleuté mêlé d'or, puis ses pas le mènent au salon où il se laisse tomber sans grâce aucune sur un fauteuil rongé par le passage de multiples vies.

De petites branches d'arbres cognent contre une des vitres de la maison, bruissement furtif et presque réconfortant, pense-t-il, puisque le silence est affreusement pesant dans cette maison portant les cicatrices d'une magie liée au mépris et à la mort.

Il se sent raide, laid et exténué lorsque Sirius trace du bout de l'index les imposants sillons de sang séché qui peignent son visage sans vergogne ; le rouge s'est assombri, oxydé, opérant un contraste prononcé entre une pâleur cirée et une couleur riche, sombre, ramenant à cette vie fourmillant dans les veines qui se contractent douloureusement sur ses bras tendus.

La pression des mains de l'autre homme sur ses épaules le ramène à la réalité et, doucement, Sirius encercle son cou, embrasse son front et laisse son menton reposer sur le haut de la tête de Remus qui s'autorise à fermer les yeux ; ainsi naissent quelques instants enlevés au cercle du temps, quelques minutes de répit avant que les blessures ne soient nettoyées et que la peau commence à cicatriser, à s'épaissir, abandonnant derrière elle les traces d'une affliction indomptable et sans fin.