Auteur : Shirenai
Titre : Avant que l'ombre...
Personnages/Pairing : Seishirô/Subaru
Rating : M, bien tassé (bloodplay, UST, masochisme flagrant...)
Disclaimer : Tokyo Babylon appartient aux CLAMP et je les en remercie. Le titre est à Mylène Farmer et je conseille d'écouter cette chanson en lisant.
Note : Les textes qui suivent se situent tous plus ou moins dans la même veine et traient de la relation entre Subaru et Seishirô dans Tokyo Babylon (voire dans X/1999 mais ça peut se placer dans les deux). C'est un recueil d'OS.
Bonne lecture
Avant que l'ombre...
Seishirô était là, devant lui. Subaru n'osait pas croire que ce qu'il avait vu en rêve était le reflet de la réalité. Il avait pourtant fallu qu'il se résolve à accepter cette vérité quand il avait aperçu le corps de sa jumelle gisant derrière son ennemi. Hokuto, étendue au sol, immobile, dans les vêtements maculés de sang qu'elle lui avait empruntés.
Tu l'as tuée…
Le Sakurazukamori l'avait fait, il avait vraiment pris la vie de sa sœur. Le chef du clan Sumeragi ne savait s'il devait s'effondrer ou laisser la colère l'emporter. Seishirô avait franchi la mauvaise limite.
Tu vas payer...
Subaru se prépara à l'affrontement. Préparation plus d'ordre physique que mentale, d'ailleurs, car si le jeune homme avait largement les capacités et la condition pour tenir ce genre de combat, son esprit, encore faible, indécis, fragile était ce qui l'inquiétait le plus. Il ne pouvait définitivement pas mener une lutte contre ses propres sentiments en même temps qu'une lutte contre la personne vers laquelle ces sentiments étaient dirigés. S'il définissait l'ordre de ses priorités, le choix était facile : Seishirô d'abord, les fantômes de son passé ensuite. Pour le moment son objectif premier était de mener ce combat à son terme – quel qu'en soit le terme, justement – et quelque chose lui disait que ça n'allait pas être chose aisée.
Le chef du clan Sumeragi se protégea à la hâte du sort que lui lança son ennemi. Cependant son instinct lui soufflait que ce n'était pas la chose la plus importante à éviter. Le décor changea soudain autour de lui ; il se retrouva dans le noir, devant un immense cerisier en fleur. Probablement celui qui était associé au Sakurazukamori et devant lequel ils s'étaient rencontrés. Une multitude de souvenirs lui revint à la vue de cet arbre. La première fois qu'il avait vu Seishirô, qui à l'époque n'était encore qu'un lycéen, la mort de Hokuto, et, il le pressentait, les affrontements à venir entre eux. Cet arbre était leur mémoire. Il avait contemplé les meurtres de Seishirô, sa rencontre avec Subaru et il contemplerait, immobile, inlassablement, leurs oppositions futures.
L'exorciste regarda autour de lui. Évidemment, son adversaire avait disparu. Restant sur le qui-vive, Subaru se concentra sur sa perception des énergies spirituelles. Il sentait la sienne, et une forte énergie négative qui émanait du cerisier, mais celle de Seishirô restait introuvable. Il tenta les yeux fermés de situer l'endroit où se trouvait son opposant dans l'illusion qu'il avait créée, car il était forcément quelque part, tapi dans l'ombre, à le regarder se débattre contre ses chimères. Après s'être assuré qu'il n'y avait vraiment aucune autre source d'énergie sinon la sienne et celle de l'immense arbre, le chef du clan Sumeragi ouvrit soudain les yeux et lança une attaque contre le large tronc du cerisier.
D'abord rien ne se passa. Puis il y eut un petit crépitement. Quelques traits de lumière, et le fûda finit par voler en éclats, l'arbre avec lui. Subaru eut un petit sourire satisfait et avança vers l'endroit où l'arbre s'était trouvé quelques secondes avant.
« Ton idée de maquiller ton énergie au milieu de celles amassées par le cerisier n'était pas mauvaise. Je me suis demandé si tu étais vraiment dans l'illusion. Mais la masse des énergies était tellement effrayante et négative que je me suis dit que tu ne pouvais être que là. Seishirô. »
Il courut jusqu'à ce dernier, résolu à en finir. Mais quand il voulut le frapper, sa main traversa l'épaule de sa cible sans la toucher. Emporté par son élan, son corps aurait suivi le reste de son bras si la masse sombre qu'il avait prise pour Seishirô n'avait pas repris son apparence de cerisier. Subaru se trouvait coincé, emprisonné à même le tronc de l'arbre. Il était sur le point de se faire absorber par cette inquiétante masse d'énergie qu'il avait sentie. S'était-il vraiment trompé ? Seishirô n'était-il donc pas là ? Il était pourtant certain de ne pas s'être trompé dans sa perception des énergies – s'il y avait un domaine où il était certain de ses pouvoirs, c'était bien celui-là – alors où avait-il commis une erreur ?
Seishirô apparut face à lui, ombre sortant de l'ombre à pas lents. Arborant son habituel sourire dédaigneux et cette expression qui respirait le mépris, il marcha jusqu'à se trouver presque contre Subaru et murmura :
« Dommage, Subaru-kun. Ton analyse était pourtant bonne. Tu as juste été trop confiant et en as oublié que tu étais dans mon illusion, où je contrôle à volonté l'espace, le temps, la forme des choses. Tu ne vois jamais que ce que je veux que tu voies. »
C'était vrai, il en avait oublié le principe même de l'illusion. S'il s'était méfié un peu plus, peut-être aurait-il réussi à atteindre Seishirô et briser ce sort. En attendant il était complètement à la merci de ce dernier et tentait désespérément de se défaire des racines de l'arbre. Il se faisait l'effet d'un moucheron pris dans la toile d'une araignée et qui voit sa mort courir sur les fils de soie. La main de Seishirô vint délicatement emprisonner son menton et le releva. Les yeux de Subaru croisèrent alors les siens. Il sentait la peau fraîche du Sakurazukamori épouser les contours de son visage, son souffle tiède ébouriffer vaguement quelques mèches de cheveux, sa présence inquiétante proche, si proche de lui… Le jeune homme se mordit la lèvre inférieure.
Il ne pouvait pas accéder à ses fûda et ses bras, à l'opposée l'un de l'autre, ne pouvaient pas composer d'incantation. Ne lui restait que la solution de la douleur pour se sortir de cette illusion. Lorsque ses dents percèrent enfin la peau tendre de ses lèvres, le sang n'eut pas le temps de couler jusqu'à entrer en contact avec le tronc de l'arbre ; les doigts fins de Seishirô étaient là pour le recueillir. Le rouge carmin, éclatant, contrastait avec la blancheur de sa peau, qu'il soulignait avec élégance. Le sang était une couleur qui allait bien autant à sa personnalité qu'à sa physionomie, constata tristement Subaru.
Le Sakurazukamori recula un peu pour contempler sa proie empêtrée dans l'illusion et dans les ressentis et lécha le bout de son doigt d'un air satisfait, ou était-ce gourmand ? Quoi qu'il en fût, le geste ne passa pas inaperçu aux yeux de Subaru qui, éberlué, ne comprenait pas l'attitude de son adversaire. Il voulait l'achever, oui ou non ? Son aîné revint ensuite vers lui et ce qui se passa laissa l'exorciste perplexe. Était-ce un produit de son esprit malade ou bien Seishirô était-il vraiment en train de l'embrasser ? Les dégâts que l'on recevait dans une illusion se transposaient à la réalité, en était-il de même pour ce baiser ?
Les lèvres posées sur les siennes étaient-elles réelles ? Il sentait bien le goût de son propre sang, en loin, sur la langue de son opposant qui se jouait de ses inhibitions mais malgré cela, il restait incapable de distinguer ce qui appartenait à la réalité de ce qui relevait de la fiction. Au bout d'un moment, la langue de Seishirô délaissa la sienne pour aller parcourir la ligne osseuse de sa mâchoire. Ses lèvres embrassèrent la pommette droite de Subaru, sa tempe, avant de redescendre vers la joue. Dans le même temps sa main gauche serpenta jusqu'à son cou qu'elle serra brutalement. Le garçon sentit tout à coup l'air lui manquer et suffoqua. Il sentit la tête lui tourner, sa vision se brouiller quand la poigne de desserra. Il avala goulûment l'air et reprit pleine conscience de ce qui l'entourait.
Seishirô le regardait toujours, les lèvres teintées de sang. Celui de Subaru, qui provenait sans doute de cette douleur cuisante qu'il sentait sur sa joue. Son ennemi reprit son petit jeu. Là où ses lèvres caressaient la peau tendre du jeune homme, ses doigts laissaient une coupure d'où s'échappaient quelques gouttes de sang chaud. L'exorciste perdait pied. Partagé entre le mélange du plaisir et de la douleur, son corps et son esprit réagissaient d'une manière bien étrange. Une voix au fond de lui criait qu'il devait se débattre, s'échapper de ce cauchemar mais son corps se cambrait, s'offrait un peu plus à la caresse impitoyable de son tortionnaire.
Touche-moi…
Le plaisir de la douleur, la douleur du plaisir coupable, humiliant eurent raison du sens commun de Subaru, qui finit par se laisser complètement aller dans les bras de Seishirô. Ses gémissements se firent plus longs, plus forts. Sa respiration bruyante trahissait ses sensations. Les yeux mi-clos, il gémit :
« Prends-moi. Je te veux. »
Son adversaire s'arrêta. L'instant d'après, sa main transperçait l'épaule gauche de Subaru qui, surpris, ne contint pas son cri de douleur. Les doigts se teintèrent de nouveau. Un murmure :
« Je pourrais t'arracher le cœur… »
Bien sûr qu'il le pouvait. Il avait tout pouvoir sur sa proie, tant physiquement que mentalement. Il avait plié Subaru à sa volonté et ce dernier n'attendait que son prochain geste. Il attendait que ce corps bien trop loin se rapproche du sien, l'emporte dans l'enfer du plaisir charnel dans un tourbillon de douleur et de plaisir. Il méritait de souffrir. Les genoux du jeune homme flanchèrent et il courba l'échine, haletant. La main se retira de son épaule et les doigts poisseux colorèrent ses joues.
L'exorciste était au bord de la folie. Il le voulait. En lui, sur lui, contre lui, près de lui. Il voulait s'énamourer de cette ombre menaçante avant de se laisser absorber par elle.
Ne faire qu'un…
Laisser l'obscurité le posséder, l'avaler, le faire disparaître. S'abandonner une unique fois à ce plaisir coupable que son corps lui réclamait à grands cris. Le garçon revint soudain à la réalité. A genoux sur le bitume, haletant et tremblant encore des sensations qu'il avait découvertes, le treizième chef du clan Sumeragi se demanda si ce qu'il avait connu dans cette illusion était la mort ou le désir. Il s'était senti périr sous les caresses de Seishirô et renaître des mains de celui-ci. Une fois, puis deux, encore, encore. Il en voulait encore. Subaru voulait sentir encore une fois les doigts rouges de son sang contre sa peau.
Avant que l'ombre ne le tue.
Fin
