Auteure : Tch0upi.

Titre : Wearing Gold

Disclamer : Tous les petits personnages présents dans cette fanfiction appartiennent à Masashi Kishimoto.

Rating : K+

Couples : Naru/Sasu.

Note de l'auteure : Salut ! Voici un OS assez long que je posterai en 3 parties. C'était pour un concours pour la Saint-Valentin mais je voulais le poster pour vous ici, en espérant qu'il vous plaise ! Bonne lecture à vous !


Wearing Gold

Part I.


Elle est dure et étincelante comme de la porcelaine. La glace. Je me vois dedans. Penché vers l'avant, mes deux genoux écorchés, je me vois dedans. Mon visage, reflétée dans la surface blanche, paraît encore plus pâle. Mes yeux noirs comme la nuit sont les repères que j'ai pour me retrouver. La nuit... Elle est au-dessus de moi aussi scintillante que la glace. Même à trois ans, la première fois que mes parents m'ont enfilé des patins, et que je me suis écroulé lourdement sur le sol gelé, en me fixant dans cette porcelaine froide, j'ai su - et pour toujours - que ma place y était.


Un gémissement m'échappe quand mon dos encaisse toute la force du choc, tandis qu'une douleur vive me traverse le corps. Je reste un instant immobile avant de me redresser. De la neige couvre mes jambes et je soupire de lassitude. Encore raté...

Au loin, un rire aigue retentit et je lève les yeux, la panique commençant à me submerger. Mais je me détends aussitôt en reconnaissant ma meilleure amie Karin. Arrivant du parc, et marchant dans la neige jusqu'à la patinoire, elle tape dans ses mains en m'adressant un sourire tendre. En la regardant, je me rends alors compte qu'il fait plutôt froid : sa chevelure, d'un roux flamboyant, qu'elle a horreur d'abîmer d'habitude, est écrasée sous un bonnet, ses mains emmitouflées dans de larges gants de laine, et elle porte une écharpe lui couvrant la bouche jusqu'au nez. Ses pommettes, seul bout de peau dévoilée, sont rouges, témoignant de la basse température. Elle n'a pas mit ses lunettes : dans quel but, après tout ? Les vitres seraient toutes givrées.

Elle s'appuie sur la bande de la patinoire et d'une main, descends son écharpe.

- Tu t'es fait mal, p'tit coquin ? s'enquit-elle, moqueuse.
- Tu sais très bien que non, fis-je en roulant des yeux. Si j'étais vraiment en douleur, tu ne serais pas là à te moquer de moi...
- Vrai, lâche-t-elle. Je volerais à ton secours !

Je me relève sans problème et me remets à faire de longs cercles sur la longueur de la patinoire. En tombant, je me suis étiré un muscle, et une légère douleur m'élance désormais dans la cuisse. Peu importe. Après une nuit de sommeil, ça passera.

Karin reste sur place quelques instants, comme elle le fait chaque soir qu'elle vient me retrouver. Il est sûrement passé vingt-deux heures. Il est tard, personne ne traîne dans le coin - surtout quand il fait si froid. Même les gars de l'équipe de hockey ne sont pas assez courageux pour sortir leurs culs à cette température et tout le monde sait qu'ils sont friands de jouer, n'importe quelle raison est bonne pour sauter sur la patinoire - je sais personnellement que certains d'entre eux sèchent les cours parfois.

C'est justement pour cette raison que je suis là. Premièrement, l'hiver ne me dérange pas. J'ai grandi dans un royaume de neige et j'adore le vent froid sur ma peau. Et deuxièmement, à cette heure et dans ce temps, personne ne risque de me voir pratiquer mes sauts et mes figures. Il n'y a que Karin. Et elle, ça va.

Elle assiste en silence, comme à notre habitude, à ma modique prestation. Comme chaque fois, je rate mon saut en spirale et finis contre la surface dure de la glace. Je m'entends crier, ma respiration transformée en fumée blanche s'élevant dans la nuit éclairée par les grands néons. Alors que je me relève, Karin est passée de l'autre côté de la bande et me rejoint. Je la regarde, surpris, me demandant à quel moment elle a enfilé ses patins. Elle me prend les mains et essuie la neige sur mon manteau et sur mes genoux. Je siffle de douleur malgré moi quand elle appuie sur ceux ci, sans faire exprès bien entendu.

- Si je ne te connaissais pas aussi bien, je dirais que tes genoux sont en sang et te font souffrir. Mais, évidemment, toi ça ne t'arrêtera pas.
- Tu me connais bien alors.

Mais je ne bouge pas. Je devrais m'élancer à nouveau parce que mes progrès sont presque inexistants et qu'il faut que je fasse mieux, mais à quoi bon ? Je suis tout seul là-dedans... Bon, il y a Karin, et mes deux autres meilleurs amis. Mais j'ai tout de même souvent l'impression d'être seul. Ils sont gentils et m'encouragent, mais ils ne comprennent pas ma situation. Ils ne peuvent pas le comprendre...

Karin me sourit et je plonge dans ses yeux auburns. Elle est légèrement plus petite que moi et pourtant, elle a toujours agi comme une grande sœur. Avec ses cheveux et ses yeux hors du commun, Karin a une peau claire, un teint qui ressemble au mien. Ses yeux sont toujours pétillants, ses lèvres roses toujours luisantes d'un baume - c'est le seul maquillage qu'elle porte et ça lui va très bien, ça la rend encore plus scintillante. Elle est mignonne. Je ne peux pas dire le contraire. De taille moyenne, elle a des formes où il faut et un bon caractère. En fait, même frêle comme elle est, je ferais attention à ne pas l'énerver, si je n'étais pas son ami depuis l'enfance. Elle sait faire attention à elle, elle n'a besoin de ni moi ni les deux autres garçons de notre bande pour se protéger et ce, nous l'avons appris à nos dépends.

Je souris en me remémorant la façon à laquelle j'avais présenté Suigetsu à mon amie d'enfance. Suigetsu, qui est apparu dans nos vies il y a deux ans, au début du lycée. Il était un des rares mecs à ne pas me mépriser à l'école et nous nous sommes rapidement liés d'amitié. Lui et son meilleur ami Juugo nous avait alors joints, Karin et moi. Depuis, nous étions un quatuor. Mes seuls amis, en vérité. Mais ça n'avait pas été facile au début. Du côté de Suigetsu, dès le premier jour, il avait eu le béguin pour elle. Elle, elle l'avait trouvé débile. Et Juugo, elle l'avait insulté de bête de foire. Il faut aussi dire que Juugo est très grand (il fait en fait deux têtes de plus que moi) et très musclé. Un monstre, disait-elle. Suigetsu, tombeur, avait tout de suite songé à charmer mon amie et avait vite appris à la connaître. Ce jour-là, il s'était peut-être récolté une nouvelle amie, mais un coquard, aussi.

Enfin. Depuis, nous sommes très liés, tous les quatre. Mon sourire s'affiche un peu plus sur mon visage gelé et Karin ricane tout bas.

- À quoi penses-tu ?
- Rien, dis-je. Il fait froid, on devrait rentrer.
- Toi, qui veux rentrer ?
- Je m'exercerai demain. Mon couvre-feu est à vingt-trois heures.

Karin penche la tête et tire de sa poche son portable. L'écran s'allume et elle me sourit à nouveau de ce sourire moqueur. Elle lève la tête et me nargue :

- Eh bien, dépêche-toi, tu as cinq minutes pour être chez toi.
- Quoi ? m'écrie-je.

Elle se met à rire et je grogne en me donnant une poussée vers le bord de la bande, près de la petite porte qui grince doucement au gré du vent. Je vais me faire tuer, c'est garanti ! Ma mère déteste quand je dépasse le couvre feu ! Je peux déjà dire adieu à mon entraînement de demain. De toute façon, je ne peux pas avoir tous les soirs de la semaine pour moi, il faut bien que je fasse mes devoirs dans tout ça...

Karin me suit et commence à enlever ses patins, se hissant sur la bande pour s'y assoir.

- Si on se dépêche, on n'aura pas un gros retard. Et tu diras à tes parents qu'on s'est croisés et qu'on a beaucoup parlé.
- Ils vont me réprimander en me disant que ce n'est pas une heure pour socialiser...
- On peut toujours essayer. Aller, dépêches-toi ! Et n'oublie pas ton bâton.

Je regarde le bâton de hockey qui gît sur la patinoire à côté de mon sac de sport qui contient tout mon équipement. Je soupire en roulant des yeux et attrape le tout puis je suis mon amie à travers le parc pour rentrer.


Aujourd'hui, il fait encore un temps glacial. Mais aujourd'hui, personne n'a le choix de se retrouver sur la patinoire. L'équipe dans laquelle je joue dispute une partie et bien qu'il souffle un vent très froid, il fait chaud ici sur le banc. Je m'assois après mon quart et respire profondément, essoufflé. J'aperçois Karin dans l'estrade, qui m'applaudit. Mes parents sont là, également, quelque part et je n'ai pas envie de croiser leurs regards. Je crains toujours de laisser transparaître mes sentiments... Ils n'ont pas besoin de savoir que je déteste ce sport. Que je suis là pour leur faire plaisir.

Je sors de mes pensées quand j'entends la moitié du publique se mettre à crier. Mon équipe vient de mettre un but. Je vois notre capitaine lever les bras en l'air et nos coéquipiers se jettent sur lui pour célébrer. Il est tellement hautain, ce mec. Il regarde tout le monde de haut. Je le regarde alors qu'il patine vers le banc, cognant son poing contre ceux de nos coéquipiers qu'il croise sur son chemin. Il a une attitude exécrable. Il se croit parfait. Je le dévisage alors qu'il passe devant moi, me regardant mais ne portant pas plus attention à moi qu'un vieille rondelle brisée et abandonnée dans la neige.

Naruto Uzumaki, capitaine. Il est grand, blond et stupide. Il est très doué au hockey. Il a du talent, je lui reconnais. Il est très fort et est un athlète complet, ça, je veux bien. Mais il est arrogant. La modestie, il ne connait pas. Pas du tout. Pourtant, quand on ne le connaît pas, on pense qu'il est très gentil. Il a des yeux bleus d'apparence innocents et un sourire... un sourire magnifique. Seulement, dès qu'il se met à aboyer...

Mes pensées s'interrompent lorsque je reçois un coup solide sur l'épaule. Mon corps manque d'aller s'écraser vers l'avant contre la bande. Je me retourne, énervé, vers l'imbécile qui nous sert de capitaine.

- Alors comment on se sent ? s'exclame-t-il.
- De quoi tu parles ? grogné-je.
- De ne pas être le héros du match, comme d'habitude.
- Va bouffer de l'air, Uzumaki.

Une dernière chose à son sujet : il me déteste. Il ne vit que pour me pourrir l'existence. Il a du talent, est très séduisant (enfin, à l'extérieur, hein) et tout le monde l'aime. Moi aussi, je le déteste. Il n'a jamais rien d'intelligent à dire. Une véritable petite peste.

Il rigole bruyamment à mes côtés et pose son bâton à l'horizontal sur ses genoux pour vérifier la palette. Le ruban s'est un peu déchiré quand il a marqué. Il examine le tout en fronçant les sourcils et je me perds un moment dans la contemplation de son visage. Ses traits, plus particulièrement. Sa peau est d'un magnifique teint bronzé. C'est un sportif d'hiver, mais il passe l'été à s'entraîner au soleil, c'est normal qu'il a cette peau divine.

Mais à quoi je pense ? Je détourne le regard rapidement avant qu'il ne remarque quoique ce soit. À ce moment, Suigetsu revient au banc et j'aperçois le coach me faire signe. C'est mon tour.

- Essaie de marquer pour moi, Uchiha. Oh attends, c'est vrai, tu n'en es pas capable ! s'esclaffe le crétin de service dans mon dos.

Je retiens une réplique et Suigetsu me lance un regard compréhensif en me tapotant l'épaule. Il s'assoit et je m'élance sur la patinoire. Je déteste ce sport. Je patine jusqu'au centre où l'arbitre est sur le point de faire la mise en jeu. Une fois la rondelle lancée sur la glace, mes coéquipiers s'élancent et patinent à toute vitesse jusqu'au but adverse. Je les suis sans problème : j'ai beau ne pas aimer ce jeu, j'ai un avantage certain sur chacun de mes coéquipiers et adversaires, je patine plus vite et mieux qu'eux. Le patin, c'est la base de ce sport, mais c'est aussi le sport que je rêve de faire. Le patin artistique est ma passion à moi. Les figures, les sauts, les amplettes. Les mouvements, la danse sur la glace. C'est un art, et c'est magnifique à regarder. Quand j'étais petit, j'adorais la danse et le patin. C'est mon frère qui m'a proposé de réunir les deux et depuis, je ne veux plus penser à quoique ce soit d'autre. Un jour, je me vois faire les olympiques.

Mais bon, après un moment de rêverie, je reviens toujours sur terre en me rappelant que mes parents n'adhèrent absolument pas. Mon père m'a toujours dit que ce sport, c'était... pour les filles. Bien sûr, il y a des hommes qui en font, c'est ce que je répliquais, mais pour mon père, un homme qui s'adonne à ce sport, c'est méprisable et pas très masculin. Alors, il m'a fait inscrire dans une équipe de hockey. Évidemment : quel sport est plus viril que celui-là ? Je n'ai pas la carrure pour ce jeu. Ça fait trois ans que je joue dans cette équipe et je ne suis pas le meilleur, loin de là. Mon coach me garde parce qu'il dit qu'il n'a jamais vu de patineur plus vite et plus habile que moi. Je suis utile en avantage et pour concurrencer l'équipe adverse par la vitesse. Depuis, je joue dans cette équipe parce que ça me garde en forme et me permet d'avoir une raison pour venir entraîner mes figures le soir alors que mes parents croient que je pratique mes lancers frappés.

Je ne peux rien leur dire. Ils seraient tellement déçus. Je n'ai même jamais dit à mon frère que je continue de patiner en secret. Il pense que je me suis résigné et que j'ai fini par aimer le hockey. En réalité, je ne déteste pas ça, c'est un bien grand mot de dire je « déteste ». C'est bien, mais pas ce que j'aime réellement. Et puis, depuis l'année dernière, le nouveau joueur me rend la vie misérable. Lui qui s'est lié d'amitié avec tous les autres gars et qui est deveneu capitaine. Le même type qui a convaincu chaque joueur de l'équipe que j'étais le bouc émissaire de préférence et que c'était tellement amusant de se moquer de moi plutôt que d'un autre... Et pour couronner le tout, je dois aussi les supporter au lycée, puisqu'ils sont dans la même classe que moi. Heureusement que Suigetsu est également de l'équipe et de ma classe. Sans lui, je ne survivrais pas à ces idiots.

Je me réveille lorsque je me fais écraser sans douceur sur la bande. J'entends un « Hé Uchiha, tu dors ? » et je me relève, un peu sonné. Un gars de l'autre équipe s'élance vers l'autre bout de la patinoire avec la rondelle. Pas de temps à perdre, je pousse sur mes pieds et réussis à le rattraper. Ne pouvant rien faire d'autre, je me jette de tout mon long et la longueur de mon bâton lui fait sauter les patins. Il s'écrase à son tour et ne parvient pas à ses fins. Notre gardien de but attrape la rondelle dans son gant au moment où les coéquipiers de ce type viennent m'attraper par derrière alors que je me relevais tout juste.

- C'est une faute ! gueule l'un d'eux.
- Il l'a fait tomber !

L'un d'eux, un qui n'a pas parlé, me retourne et me serre par le col. Il fait au moins une tête de plus que moi, si ce n'est pas davantage. Il n'a pas l'air très content. Merde alors.

- Tu veux faire le malin ?
- Non merci, sans façon, dis-je bêtement.
- Bats-toi.
- Quoi ?
- Mais dans quel monde tu vis ? Bats-toi ! Ça fait partie du jeu, imbécile ! Bats-toi !

Je n'ai pas fait un mouvement qu'il lâche les gants et me frappe violemment à la mâchoire. J'entends des cris de protestation dans les estrades et d'autres qui viennent de mon équipe. Je suis étendu sur la glace, ma main vient se poser là où j'ai reçu le coup. Aye... Cette brute n'y est pas allé de main morte. Bordel que ça fait mal. Je me recroqueville et reste un moment immobile, encore plus sonné maintenant.

Bientôt, une main se pose sur mon dos. Je lève la tête et aperçois Suigetsu. Je me redresse avec son aide.

- Ça va mon vieux ?
- Ouais...

Une fois sur mes patins, je rejoins le banc et me laisse tomber dessus. Ma main tremble sur ma mâchoire, de douleur et de froid. Suigetsu retourne chercher mes gants que j'ai abandonnés là-bas et me les rapporte. En levant la tête, je vois que la partie est arrêtée. Les joueurs de mon équipe et ceux de l'autre sont en grande tension. J'ai l'impression qu'ils veulent tous se bagarrer. Naruto, en tant que capitaine, s'est vite rendu sur les lieux et discute avec l'arbitre afin de régler les hostilités.

- Ils vont le suspendre, suggère Suigetsu en restant debout sur la patinoire à côté de moi.
- Tu crois ?
- Il t'a frappé alors que tu n'avais pas accepté l'invitation.
- Hm...

Je regarde au loin et l'arbitre baisse le bras, signifiant que la faute revient à celui qui m'a frappé, mais également à moi. Je l'ai fait tomber en premier, après tout. Je soupire et me lève. Mais le coach m'intercèpte.

- J'envoie quelqu'un d'autre, toi tu vas te reposer. Tu peux quitter la partie.
- Quoi ? Mais ça va, dis-je, étonné.
- Va, je te dis, grogne-t-il.

Je fronce les sourcils, puis finis par accepter. Je prends mon bâton et me retourne pour me lever. Je marche dans la neige jusqu'à l'immeuble du lycée. Nos parties se font à l'extérieur dans la cour de l'école, puisque l'estrade accueille plus de personnes.

Dans le vestiaire, je lâche mon équipement au sol et me déshabille en poussant des jurons. Un petit coup sur la mâchoire, ce n'est pas ça qui envoie un joueur en dehors de la partie. J'espère que cet idiot se fera réprimander pour le manque de discipline.

Une demi-heure plus tard, les joueurs reviennent, la partie étant terminée. Je sors de la douche, habillé et touchant du bout des doigts mon coquard. Naruto entre le premier, toujours celui à mener les autres. Il me cherche aussitôt du regard et quand il me trouve il se dirige vers moi. Accompagné de deux de ses chiens de garde, il me plaque sur les casiers brusquement. Je ne comprends rien. Il a l'air menaçant. En plus, sur ses patins, il est deux fois plus grand que d'habitude.

- T'es fier de toi ?
- Qu'est-ce que j'ai fait ?
- Un joueur de moins en fin de match, ça nous a fait perdre !
- Vous n'étiez pas moins puisqu'ils ont aussi récolté une faute !
- Arrête de trouver des excuses. T'es nul, tu joues mal et t'es doué qu'à te faire tabasser, crache-t-il en ma direction, ses yeux bleus lançant des éclairs.

Je veux dire quelque chose, mais que répondre à ça ? Je me sens, étrangement, un peu déçu. Moi qui croyais qu'il viendrait à ma défense lorsqu'il s'est élancé vers l'arbitre tout à l'heure - je suis dans son équipe, il serait temps qu'il me considère comme son coéquipier. Mais non. Je ne suis qu'une nuisance. Je déteste ce sport (maintenant, je le dis sans arrière pensée), je déteste Naruto. Je déteste qu'il ait cet avantage sur moi. Oui, je suis nul, quelqu'un pourrait-il finalement s'en rendre compte ?

Kiba Inuzuka, alié gauche, et aussi son meilleur ami, rit à côté de lui.

- Le coach trouve que tu patines mieux que nous. Pff. Mais quelle jolie qualité. Tu devrais aller faire du patin artistique, tiens !

Naruto pouffe d'un rire méchant et je fronce les sourcils.

- Hé ! Laissez-le tranquille ! s'exclame Suigetsu derrière eux.

Le blond se retourne et, en apercevant mon ami, roule des yeux et me laisse finalement en paix.

- Mouais, peu importe ! grommelle-t-il.

Je le suis du regard, énervé. De quel droit il se donne ? Je ne peux décidément pas le sentir ! La défaite, c'est celle de l'équipe. Pas la mienne exclusivement !

Ces joueurs, ils sont tous des brutes...


Ce soir-là, je suis à nouveau sur la patinoire, en train de pratiquer mes sauts. J'ai une douleur impossible à la tête à cause du coup que j'ai reçu mais ça ne m'empêche pas de vouloir m'améliorer. Si je réussis dans cette discipline, je pourrai dire au revoir au hockey et à ces imbéciles. Rien ne me ferait plus plaisir.

Je reste là à m'entraîner au moins deux heures. J'ai les joues rouges par le froid mais je persiste à répéter mes doubles boucles piqués.

Je dois bien être à ma centième reprise quand je m'élance à nouveau. Je fais plusieurs fois un tour sur moi-même tout en sautant, mais je retombe lourdement sans être capable de retenir mon équilibre. Mes coudes prennent le choc et je crie de douleur en retenant ma tête. Je peux y arriver... Encore quelques coups d'essais et ce sera dans la boîte. Mais en me redressant, j'entends des rires étouffés. La panique me submerge, tandis que je cherche des yeux : puis je les vois, dans le parc. Ils sont trois. Naruto Uzumaki est au centre, à côté je reconnais Kiba, et le troisième est un autre mec de l'équipe dont le nom m'échappe. Ils me fixent et rient désormais à gorge déployée.

- La princesse des glaces ! lance la voix de Naruto avant de se remettre à rire.

Je me renfrogne en essayant de ne pas me mettre à bouillir de rage. Finalement, les coups d'essais, ce sera pour plus tard. Je me dirige vers mon sac et mon bâton et récupère le tout. En vitesse, je m'installe sur le bord de la bande et défait mes patins pour enfiler mes bottes. Mais les trois me rejoignent.

- C'est vrai, finalement ! s'exclame Naruto.
- Tu fais vraiment du patin artistique, s'étonne Kiba. Quel ringard.
- Ce ne sont vraiment pas vos affaires, répliqué-je en ne rencontrant aucun de leurs regards, me concentrant sur les lacets de mes bottes.

Naruto continue à se moquer.

- En fait, c'est pas très étonnant. T'as toujours été ringard. Et puis tu t'es vu ? T'es tout maigre, tu n'as rien d'un joueur de hockey. Je suis sûr que je pourrais te briser rien qu'à te plaquer un peu trop fort...

Je me relève brusquement, fatigué de l'entendre, et lui fais face. Il a beau être plus grand que moi, il ne me fait pas peur. Il me regarde, surpris et faisant semblant de garder son air cool. Il sourit, hautain, alors que je me défends :

- Non, justement, je ne suis pas un joueur de hockey. Félicitations d'avoir percé le mystère à jour, Sherlock. Maintenant fiche-moi la paix.

Puis je prends mon sac, mon bâton et j'attrape mes patins par les lacets et m'engage dans l'allée du parc, pour rentrer chez moi. Je pensais en avoir terminé, mais j'entends sa voix derrière moi. Il dit quelque chose à ses amis que je refuse d'écouter. Je continue à m'éloigner, montrant bien que je suis en colère, mais il me rattrape, seul. Les mains dans ses poches, le foulard qui pendouille contre son torse, il a le nez et les joues roses quand il poursuit la conversation.

- Nan mais vraiment, tu es sérieux dans ce sport ?
- Je t'ai demandé de me foutre la paix, grogné-je.
- Sérieusement ! Tu veux faire dans le mondial ? dit-il et dans sa voix la méchanceté clignote furieusement comme un gros néon vert au milieu d'une ruelle obscure. Pour ça faut avoir du talent, tu sais. Et de ce que je viens de voir, c'est mal parti pour...

Je me mets à courir et ça l'interrompt. Il s'arrête et je ne me soucie pas de lui. Je suis plutôt déterminé à rentrer. Je veux bien faire comme si, mais ses paroles continuent à agir en moi comme un venin. Du talent... Je patine peut-être bien, mais mes figures sont réellement mauvaises et malgré la pratique, je ne m'améliore jamais. Et cet idiot a raison. Ce qu'il vient de voir, c'est la réalité. Il a raison. Et même si ça m'énerve de le constater : ça me fait mal.

Je l'entends finalement au loin me crier de revenir, de ne pas être un tel bébé, mais les rires de ses amis qui l'ont rejoint ne me donnent pas du tout envie de revenir. Et puis, même pour lui tout seul je ne me retournerais pas. Naruto Uzumaki est né pour faire de ma vie un enfer.


- Mais quelle peste ! s'écrie Karin et je la regarde comme si elle avait un troisième oeil sur le front.
- Tu viens de t'en rendre compte ? réponds-je, sarcastique.
- Bah... Je ne le côtoie pas à tous les jours, contrairement à toi.

Nous sommes en train de déjeuner dans la classe de science. Le prof nous a gentiment permis de manger ici à la condition que l'heure nous serve aussi à avancer notre projet. Suigetsu et Juugo sont là, nous sommes quatre à travailler sur ce foutu devoir. Je n'arrive pas à me concentrer alors que j'ai en tête une seule chose : mes figures horribles que je rate à tous les soirs depuis que Naruto et sa bande ont découvert mon secret le plus précieux.

Dans la chambre des joueurs, ils ne manquent pas une occasion de se moquer de moi et, oh, bien sûr, l'équipe entière sait désormais que je fais du patin artistique. Si mon coach l'apprend, il me jettera de l'équipe en riant jusqu'à en mourir asphyxié. Quelle honte... Pourtant, je n'ai pas de honte à aimer cette discipline. J'aime patiner, j'aime danser sur la glace et exécuter tous ces mouvements, cette chorégraphie. Ce qui me blesse, c'est le regard des autres, leur incapacité à comprendre que ce n'est pas tout le monde qui aime la même chose qu'eux et que je peux être doué dans ce sport même si je suis un garçon. Ce qui me blesse, ce sont les paroles cruelles et insensibles de Naruto Uzumaki.

Il est pourtant gentil avec ses amis. À l'entraînement, il agit normalement. Il parle sans aucune trace de méchanceté et s'amuse bien avec les autres gars. Parfois, je le regarde et me perds dans mes pensées, me surprenant à m'imaginer être son ami. L'imaginer me parler avec douceur, me sourire sincèrement, et s'amuser avec moi. Avec moi, il s'amuse, oui. Mais moi je n'ai aucun plaisir. Il aime tellement me faire du mal que cela devrait devenir son sport à lui. Franchement...

- T'inquiète pas, Sasuke. Ne le laisse pas te marcher sur les pieds, me dit Karin. Il est juste jaloux parce que tu patines mille fois mieux que lui. Pour un joueur de hockey, c'est difficile à avaler d'avoir des défauts comme ça.
- Ouais, c'est vrai, admet Suigetsu. Et puis Naruto a beau être le capitaine, je l'ai vu plus d'une fois essayer d'améliorer son croisé. Il a du mal à le synchroniser sur les deux jambes et il te regarde souvent faire tes exercices à l'entraînement. Tu es bien meilleur que lui.

Je médite sur les paroles de mes deux amis et me perds à nouveau longuement dans mes pensées. Naruto Uzumaki, me regarder avec jalousie ? Jamais. Il ne me regarde tout simplement pas, c'est aussi simple que ça.

Après un moment, je referme mes cahiers, range ce qu'il reste de mon déjeuner dans mon sac et regarde l'heure sur mon portable.

- J'ai encore le temps de faire quelques longueurs sur la patinoire avant que les cours ne reprennent, marmonné-je.
- OK, fait Karin. Je te texte ce soir. Il faut terminer ce projet !
- Oui, oui, fis-je.

Je les quitte et sors de la classe. En refermant la porte, j'aperçois au bout du couloir Naruto en compagnie d'une fille que je connais à moitié. Une blonde de notre cours de maths, si je me souviens bien. Et la scène à laquelle j'assiste est bien désolante. Il essaie de l'embrasser, mais elle recule et s'énerve. Je l'entends d'ici :

- Non, Naruto, tu es sourd ? Je veux qu'on arrête. Notre relation ne mène à rien, c'est fini.
- Mais, Ino, tu...

Elle lui répète de la laisser tranquille et s'éloigne à pas furieux dans la cage de l'escalier à quelques pas de là. Naruto soupire en se passant une main sur le front et dans les cheveux. À le voir, il a l'air sincèrement bouleversé. Je reste là, mal à l'aise, puis écarquille les yeux quand il me voit. Oh non. Ça va merder pour moi. Assister à cette misérable scène qui l'a rendu pathétique, je vais avoir ma fête pour avoir simplement vu ceci. Ce gars est si fier qu'il pourrait me torturer pour me faire garder ça secret. J'avais un secret moi aussi, mais il a été révélé alors je me fous de lui.

Je ne lui accorde pas plus d'attention et me détourne pour poursuivre mon chemin dans l'autre direction, remontant mon sac sur mon épaule. À mon grand malheur, il m'appelle et me poursuit.

- Hé ! Attends une minute, Uchiha.
- Je promets de garder le silence jusqu'à la mort, t'es content ? marmotté-je.
- C'est pas ce que tu crois, se défend-t-il aussitôt. Je suis doué avec les filles. C'est juste celle-là, elle est trop difficile.
- Doué avec les filles hein ? C'est pas ce que je viens de voir.
- Comme si tu pouvais parler, toi. Tu n'as jamais eu de petite amie, continue-t-il alors qu'il me suit à travers les couloirs.
- Qu'est-ce que tu en sais ?
- On te voit jamais avec personne.
- Ça ne veut pas dire que je ne suis pas bon avec les filles.
- Arrête de te faire des illusions Uchiha. Tout le monde sait que t'es encore puceau. Bon Dieu, tu fais du patin artistique !
- Vas-tu la fermer espèce de sombre crétin ? crié-je en m'arrêtant enfin.

Il s'arrête et regarde tout autour. Un sourire carnassier s'étend sur son visage en comprenant que je l'ai interrompu afin qu'il ne crie pas à tout le monde ce que j'essaie de garder pour moi. Encore une fois, je n'ai pas honte de faire ce que je fais. Mais supporter une école entière d'idiots à rire de moi, ce n'est pas ce dont j'ai besoin pour m'améliorer et devenir meilleur. J'ai besoin au contraire de calme et de solitude.

- Quoi ? se moque-t-il méchamment. Je t'ai vexé ? Pleure pas, c'est pour rire.
- Je ne ris pas.
- C'est que t'as pas d'humour, c'est tout.
- Et toi, tu penses que t'es un Don Juan mais je viens de voir la vérité. Laisse-moi tranquille maintenant.

Sur ce, je continue mon chemin. Mais évidemment, il ne me lâchera pas comme ça aussi facilement ! Je n'ai pas fait trois pas que sa main attrape mon poignet. Je sursaute au contact et me retourne, prêt à lui crier à nouveau dessus.

- En réalité, je voulais te voir.
- Tiens donc ?
- Je vais peut-être me faire virer de l'équipe.
- Bonne nouvelle, grogné-je.
- Mes résultats sont trop bas et le coach ne veut pas que je néglige mes études. Je voudrais que tu m'aides à améliorer mes notes, comme je sais que tu es un génie dans toutes les matières.
- Tu veux sûrement dire par là de faire tes devoirs à ta place et de t'autoriser à copier sur moi lors des examens ?
- Tu sais, l'humour dont je te parlais ? C'est exactement ça. Tu t'améliores, princesse des glaces !
- Débrouilles-toi tout seul, dis-je froidement.

Et je me remets à marcher en direction de la cours, en méditant ce qu'il vient de me dire. Moi, l'aider avec ses notes ? Alors qu'il me rend la vie si difficile ? Il rit toujours de moi avec ses amis. Il s'amuse à se moquer et je devrais l'aider. Il se fourre bien le doigt dans l'oeil s'il pense comme ça.

C'est donc frustré que je saute sur la patinoire.


- Non, tu ne vas pas accepter quand même ! s'exclame Karin, outrée.

Nous sommes assis sur mon lit. Suigetsu et Juugo sont installés sur ma table de travail et Suigetsu flâne sur facebook alors qu'il devrait pourtant faire la recherche nécessaire pour la poursuite du travail. Pendant ce temps, Juugo s'intéresse plutôt à notre conversation. Karin est devant moi, abasourdie et indignée par ce que je viens de dire, chose qui, moi aussi, me surprend le premier.

- Écoute, Karin... Si je l'aide... Ça pourrait alléger nos rapports et il arrêterait peut-être de me faire la vie dure... Il me laisserait peut-être tranquille.
- Ce gars fait tout ce qu'il peut pour te faire du mal, franchement, moi je...
- Et puis il me l'a demandé... gentiment peut-être pas, mais poliment.

Karin prend une pause dramatique tout en me regardant bizarrement. Elle est choquée, et je le suis aussi un peu. Malgré moi, je me sens un peu coupable de lui avoir refusé l'aide qu'il est venu me demander. Qui sait, peut-être que c'est difficile pour lui, les cours et tout ça, et qu'il a dû marcher sur son orgueil pour me demander. Avec sa rupture, et le risque de perdre sa place dans l'équipe... J'ai peut-être été injuste.

- Tu es sûr que ce n'est pas pour sa belle gueule ?
- Quoi ?...

Juugo pouffe de rire à côté de moi et c'est sûrement à cause de ma gueule.

Elle me prend de court avec cette insinuation. Mes joues prennent une teinte tomate à mon insu. La façon qu'elle me fixe me gêne terriblement et je ne peux m'empêcher d'être soudainement nerveux.

- Mais de quoi tu parles ?
- Sasuke, je connais tes faiblesses. Tu aimes bien les blonds. Je le sais très bien. Et même si c'est un crétin fini, méchant, imbu de lui-même, arrogant, cruel et toujours en train de te pourrir la vie, tu ne peux pas nier qu'il est séduisant. Même beaucoup.
- Eh... Eh bien, t-tu te trompes, ce n'est pas du tout...
- Je t'ai coincé ! s'exclame Karin, un grand sourire aux lèvres en pointant sur moi un index accusateur.
- Là n'est pas la question ! crié-je.
- Hé ! lance Suigetsu. On devrait travailler là ! Fini les conversations de mecs ! Sasuke, promets moi de ne jamais tomber amoureux de ce type, pour l'amour du ciel !
- Promesse faite sur le champ ! m'écrié-je.
- Merci mon vieux!
- Bon, on se remet au travail ? propose Juugo.

Je souffle tout bas, sauvé pour cette fois. Karin me regarde, avec un petit sourire suspicieux. Elle a raison. Je ne devrais pas aider Naruto. Ce type ferait n'importe quoi pour me blesser. Il est toujours en train de me décourager, de me faire du mal et de se moquer de moi ou de ce que j'aime. Il ne mérite rien venant de moi. Mais elle a aussi raison sur un autre point : il est séduisant. Le patin artistique est mon secret, mais j'en ai aussi un autre, qui n'est connu que de mes trois amis. Je préfère les hommes. Et Naruto est définitivement attirant. Physiquement, j'ai un très grand faible pour lui. Mais toute cette beauté disparaît aussitôt qu'il ouvre la bouche pour me couvrir d'insultes et de paroles méchantes.

Mes amis ont bien raison. Que cet idiot se débrouille tout seul ! On le fait tous, après tout, non ?


Le lundi suivant, je surprends une conversation. Je suis dans la bibliothèque, dans une rangée, quand je reconnais la voix de Naruto Uzumaki. Il éclate d'un grand rire. Il doit avoir de la compagnie... En écoutant plus longtemps, je reconnais Kiba, la grosse brute de l'équipe qui lui sert aussi de meilleur ami.

- Tu devrais vraiment penser à étudier plutôt qu'à blaguer ! lance alors Kiba en prenant un ton plus sérieux. Je te rappelle que tu risques d'être jeté de l'équipe.
- Pas nécessaire de me le rappeler de façon si drastique Kiba, ronchonne le blond. Je sais...
- Tu as demandé à Uchiha de te donner un coup de main ?

Je serre les lèvres alors qu'un sentiment de culpabilité m'envahit. Je me prends en main et même si je déteste cet imbécile, je fais quelques pas pour sortir de la rangée afin qu'il me voit.

- Nan, oublie. Le ringard me déteste. Et puis, je n'ai pas besoin d'un coincé comme lui pour m'améliorer. Ma réputation en souffrirait, si jamais on me voit avec lui. Il fait du patin artistique ! Il...

Je m'arrête devant la table où il est assis avec son ami. Ils s'interrompent et tournent tout deux la tête vers moi. Je vois leurs regards surpris et les grands yeux bleus écarquillés du blond rivé droit dans les miens. Je ne sais pas si j'arrive à masquer le fait que ses mots viennent de me blesser. Tant pis. Je me retourne aussitôt et ne perds pas plus de temps ici.

Je me dirige vers la sortie et déboule dans les couloirs du lycée. Je suis presque à la cage d'escalier quand il me rattrape, enroulant sa grande main autour de mon poignet.

- Attends, Uchiha ! crie-t-il.
- Attention à ta réputation, y'a des gens autours, idiot, marmonné-je en tentant de me défaire de son emprise.
- Tu aurais changé d'avis, par hasard ? Si c'est le cas, je viens de merder, pas vrai ?

Il me lâche et je me retourne pour lui faire face.

- J'avais en tête de t'aider à la condition que tu me foutes la paix et gardes le silence au sujet du patin artistique...
- Hey, tu ne peux pas m'empêcher de te taquiner si ça me chante. C'est amusant et ça me fait rire ! C'est mon droit et je le revendique, débite-il en croisant les bras, rieur.
- Et c'est mon droit de refuser de t'aider, dis-je froidement. Qu'est-ce que j'en ai à battre que tu sois jeté de l'équipe après tout ?

Il soupire bruyamment et s'appuie d'une main sur le mur. C'est là que je me rends compte que mon dos touche à ce même mur et qu'il est devant moi, tout près. Il me regarde en se mordant la lèvre du bas pendant un long moment. Je me fais violence pour garder patience. Je n'ai qu'une envie, le pousser brusquement et m'enfuir en courant.

Finalement, il reprend la parole, plongeant dans mes yeux.

- Ok, voilà. Tu m'aides et je ne parle plus de ton petit secret. Marché ? demande-t-il avec son sourire niais en me présentant sa grosse main.
- Essaie toujours, idiot. Tout le monde le connaît déjà, ce "secret" !
- Mince, c'est vrai.
- Inutile de continuer à essayer. Laisse-moi tranquille maintenant !

Je le pousse enfin et en savoure chaque instant. Il se décale sur le côté en marmonnant un « Hé ! Tout doux ! » qui me fait rager encore plus. Non mais il me prend pour un chien ou quoi ? Je l'entends continuer à rechigner alors que je m'aventure dans le couloir, préférant aller prendre l'autre escalier. Mettre plus de distance entre ce type et moi, pour essayer d'oublier que de proche, il est encore plus beau que de loin et que... putain, il sent si bon.


Huit heures se sont écoulées et je n'arrive pas à m'enlever son odeur de ma tête. Ni l'intensité de la couleur de ses yeux. Allongé sur le dos sur mon lit, j'essaie de penser à autre chose. La culpabilité m'a quitté au moment où je l'ai entendu parler avec Kiba à mon sujet. L'entendre dire que je suis ringard et que je nuirais à sa réputation m'a définitivement enlevé toute envie de l'aider. C'est moi qui étais stupide et Karin qui avait raison.

Maintenant, le problème, c'est que mon coeur bat étrangement vite quand je pense à lui et ça me fait peur, en même temps de m'énerver. Premièrement, il ne mérite pas que je prenne une seule minute de mon temps consacrée à lui. C'est un idiot, un con, un sale type qui s'amuse à me faire du mal, à rire de moi et à se moquer de ce qui est important pour moi. Vraiment, je ne devrais pas avoir ces pensées en ce moment. Je devrais l'oublier au fond d'un immense trou noir et utiliser mon temps pour m'entraîner au lieu de ça.

Fort de ma nouvelle résolution, je me lève de mon lit et enfile ma veste. Je prends mon équipement et je fourre tout ce dont j'ai besoin dans mon sac de sport. J'attrape mon bâton de hockey mais à ce moment précis, mon père nous appelle de la cuisine pour nous dire que le dîner est servi. Mince alors. J'irai m'entraîner plus tard...

Je descends l'escalier, bientôt suivi par mon frère aîné. Itachi a l'air éreinté et je ne suis pas le seul à le constater. En nous assoyant à table, ma mère nous sert nos assiettes et aussitôt avons-nous commencé à manger que mon père lui demande comment s'est passé sa journée. Itachi est en droits à l'Université. Là où il en est dans son cheminement, il travaille dans un cabinet avec un vrai avocat et agit en quelque sorte comme son assistant. Les journées sont longues et il doit avoir beaucoup de dossiers à traiter, en plus de ses cours... C'est sûrement aussi épuisant pour l'esprit que mes séances d'entraînements le sont pour mon corps.

- Et toi Sasuke ? demande mon père. Comment va ta tête ?
- Ça va, dis-je. Ça ne fait plus mal.
- Il faut que tu t'endurcisses. Le hockey, c'est pas fait pour les gringalets.

À ses mots, je sens mon estomac se retourner. J'allais prendre une grande bouchée, mais je laisse mon poignet s'abaisser. Eux continuent à manger normalement tandis que moi, je pense à mes entraînements nocturnes, secrètes. Pendant que mes parents me pensent en train de pratiquer mes lancers, mes techniques de passes et en train d'entraîner mes biceps, moi je pratique mes boucles, mes doubles et triples piqués, mes figures artistiques... Ils seraient si déçus s'ils apprenaient la vérité et je ne souhaite pas qu'ils l'apprennent la veille du jour où je quitterai la maison pour faire les olympiques. Peut-être qu'avec un peu de temps ils sauraient digérer la nouvelle. Je n'ai plus quatre ans. Aujourd'hui, je sais ce que je veux et ce que je suis et ça, c'est définitivement pas un joueur de hockey.

Ravalant ma salive, je pose les mains sur la table et me racle la gorge.

- En fait, euh... Maman, papa.
- Oui ? fait ma mère avec un sourire tendre.

Je regarde mon père qui vient de poser son attention sur moi. Itachi, face à moi, me fait comprendre qu'il sait ce que je m'apprête à dire et qu'il est avec moi. Je soupire. C'est maintenant.

- En réalité... Le soir, quand je sors m'entraîner... Ce n'est pas pour m'améliorer au hockey. La vérité, c'est que je suis nul dans ce sport. Je n'ai aucun talent et ce n'est pas ça que je veux faire.

Je respire profondément et me confesse enfin :

- Je veux faire du patin artistique. Professionnel ou amateur aux Jeux Olympiques, m'entraîner pour participer à des compétitions mondiales, je crois vraiment avoir du talent pour ça et j'adore...
- Non, déclare mon père froidement et fermement.
- Quoi ? m'étranglé-je.
- Il est hors de question que je laisse mon fils pratiquer ce... cette activité. Sasuke, tu crois que je veux te voir te ridiculiser devant des millions de personnes ? Tu t'engages dans un domaine où les gens ne feront que rire de toi. Tu es un homme, tu devrais penser à faire un sport masculin.
- Il y a des hommes qui exercent cette discipline, papa ! crié-je.
- Oui et ils sont tous tapettes !
- Et bien les joueurs de hockey aussi peuvent être gays, qu'est-ce que ça prouve ? hurlé-je, hors de moi. Le sport que l'on fait ne définit pas notre préférence sexuelle ! Maman a pratiqué un sport "masculin" lorsqu'elle était adolescente, et pourtant, elle est mariée et a deux enfants aujourd'hui !
- Ne manque pas de respect à ta mère, jeune homme ! s'emporte mon père.
- Alors n'en manque pas à ton fils !
- Sasuke ! s'indispose ma mère.

Je ne souhaitais pas que la conversation finisse comme ça. Mais pourquoi mon père est-il aussi borné ? J'essaie de me calmer, mais je bouille de l'intérieur.

- Papa, je crois que... commence Itachi calmement.
- Cette querelle ne te regarde pas, Itachi, lui dit mon père gentiment.
- C'est toujours moi le problème, après tout, dis-je froidement.

Mon père vire pratiquement au rouge. Je me lève dans le but de quitter la table, furieux, mais il se lève aussi et m'intercèpte.

- Où crois-tu aller comme ça ? Nous n'avons pas terminé. Et je t'interdis de te rendre au parc pour pratiquer ce... ce sport ! C'est pour t'éviter de souffrir que je suis si stricte avec toi.
- Eh bien c'est raté. Je souffre déjà de devoir me taper cette foutue équipe de hockey peuplée de tous ces idiots ! Je souffre parce que ces crétins se moquent de moi, mais je crois en moi et je sais que je peux faire de grandes choses !

Je m'élance vers le hall d'entrée puis vers l'escalier.

- Sasuke, tu vas revenir ici tout de suite ! Nous n'avons pas terminé !

Je monte à toute vitesse, récupère mes patins et mon manteau et redescends. Ma gorge me brûle et je sens les larmes se pointer au bord de mes yeux. Mais je refuse de pleurer. Je suis fort et je dois avoir confiance en moi.

Je suis fort. Je crois en moi. Je me répète ces mots comme un mantra.

- Sasuke ! gueule mon père en me rejoignant.

J'enfile mes bottes en ignorant son sermon, puis me lève et attrape mon sac et mes patins.

- Papa, c'est inutile d'essayer de me faire changer d'avis. Même si tu m'obliges à continuer à jouer au hockey ça ne changera pas qui je suis. Malgré tout tes efforts, je suis désolé, mais j'aime le patin et, je suis encore plus désolé, mais j'aime aussi les hommes. Je... Je suis gay, papa.

Il est scandalisé. Au moins, il a arrêté de gueuler. Mais son expression me fend le coeur et son silence me broie les os. Je n'avais pas prévu sortir du placard ce soir. Ça non. Mais il n'a fait que m'enrager et envenimer mon envie de crier au monde entier ce que je suis vraiment. Il a tort de penser tout ce qu'il pense. Il était temps que quelqu'un le ramène à la réalité : on ne peut pas faire ce qu'il veut qu'on fasse, personne n'est pareille et il doit le comprendre une bonne fois pour toutes. Sinon, je resterai une statue de glace pour le reste de mes jours sans jamais pouvoir m'épanouir...

Il ne dit rien, ne fait que me fixer avec ses yeux écarquillés. Deux larmes coulent sur mes joues et j'aurais espéré qu'il s'excuse d'avoir crié sur moi en réalisant à quel point c'est sérieux et important pour moi qu'il sache la vérité. Mais il ne dit rien. Et je sors en claquant la porte.


Je me souviens de mon enfance. J'adorais sentir le vent glacial de l'hiver sur ma peau quand on sortait pour jouer dehors. Je me jetais dans la neige, et j'avais si hâte d'atteindre la patinoire. Dès que j'ai appris à me déplacer sur mes patins, je me suis épris d'un amour infini pour cette activité. Je suis aussi naturel en patin que sur mes pieds. Même que je suis plus maladroit sur mes pieds. Je suis fait pour patiner. Il n'y a pas d'autre explication. Mon coeur appartient à ce monde hivernal, à cette surface glacée qui ressemble à de la porcelaine. Je m'y vois tel que je le suis. Ma réflexion y est plus fidèle que n'importe quel miroir.

Parfois je me surprends à songer que je suis fait de la même matière. Mon coeur et même mon âme sont faits en porcelaine qui se brise aussi facilement que si on les frappe avec une lame acérée. C'est ce que vient de faire mon père, je crois. Il m'a brisé comme on brise un vulgaire bout de glace indésiré.

J'arrive au parc avec le souffle déjà court et les joues rougies par le froid. Mais je m'arrête à une bonne distance de la patinoire. Quelqu'un est là. Je m'avance un peu et, dans la lumière des grands luminaires, je vois une silhouette. J'entends alors la musique, du métal, fort et rude. Je fronce les sourcils puis m'approche discrètement, essayant de ne pas me faire voir.

Et je le vois enfin. C'est Naruto. Il est seul, ou du moins je le crois. Un regard tout autour et je le confirme, il est bien seul. Je l'observe un moment et comprends ce qu'il fait : il fait des longueurs. De droite à gauche, à toute vitesse, pour pratiquer sa technique de freinage. Il pratique aussi son croisé sur le côté et je me souviens de ce que Suigetsu m'a dit. Il avait du mal à le synchroniser sur les deux jambes.

« Il te regarde souvent pendant les entraînements, a aussi dit mon ami. »

Je ravale ma salive dans ma gorge sèche et écarquille les yeux en le voyant, à chaque aller et venue, s'arrêter sur le bord de la bande où il a installé ses cahiers et ses livres de cours. Il a un crayon en mains et je comprends ce qu'il fait. Il s'entraîne et étudie tout à la fois. Mon coeur loupe un battement en voyant qu'il est à bout de souffle et qu'il est en sueur. Il ne lâche pas pourtant. Il continue même lorsque je le vois grimacer sous l'effort. Il est essoufflé, mais il n'arrête pas.

Je reste là, les bras ballants, mon sac et mes patins s'étant écroulés dans la neige de chaque côté de mon corps. Je suis étonné. Vraiment. Je ne savais pas que Naruto était de ce genre. Il a donc vraiment du courage, et il ne fait pas que parler sans agir. Il a l'intention réelle d'améliorer ses notes et je comprends à l'instant que le hockey est important pour lui - de la même façon que le patin l'est pour moi. Je le vois toujours en compagnie de ses amis et avec eux, il se moque, crie et rigole haut et fort comme un imbécile, mais sous mes yeux à l'instant, il est sérieux. Et persévérent. Je ne le connaissais pas ainsi...

Je sors de mes pensées lorsque Naruto s'emmêle les patins et s'écroule violemment et durement. Je l'entends pousser une plainte de douleur et je sursaute sur place. J'hésite alors que pourtant j'ai une folle envie de le rejoindre et l'aider à se relever. Mais je me souviens de ses mots cruels et son attitude envers moi. Sa méchanceté et sa façon rude et habituelle de toujours me faire du mal. Pourtant, il a l'air différent de ce qu'il est normalement. On dirait un tout autre garçon.

Il se relève et patine jusqu'au banc où il finit par se laisser tomber. Il respire bruyamment, je peux l'entendre d'où je suis. Il a bien travaillé, il devrait se reposer.

Soudainement, il se relève et va chercher ses livres de cours. Il retourne s'assoir et je l'entends jurer tout haut. Il n'a pas l'air satisfait de ses performances, ni de ses devoirs. Peut-être après tout avait-il sincèrement besoin d'aide... Et moi, je l'ai repoussé injustement.

Je serre les poings, prends mes choses et contourne la patinoire pour le rejoindre.

Il entend mes pas quand je suis derrière lui et se retourne brusquement.

- Qu'est-ce que tu fous là ? grogne-t-il.
- Je suis venu m'entraîner, marmonné-je.

Il me dévisage et voit que je n'ai pas emporté mon bâton de hockey. Le sien git sur la patinoire près du filet.

- Tu viens pratiquer tes figures de ballerine ? rit-il amèrement

Je serre la mâchoire et essaie de me rappeler ma bonne intention : celle de l'aider pour ses cours.

- Si... Si tu as toujours besoin d'un coup de main pour...
- Non, ça va, je peux encore le faire tout seul, s'énerve-t-il.
- Tu sais, c'est bon, j'ai changé d'avis...
- Mais qu'est-ce que tu ne comprends pas ? s'emporte-t-il en se levant pour me faire face.

Sur ses patins, il fait presque deux têtes de plus que moi. Je me pince les lèvres en le voyant si énervé. Ses yeux sont comme un ciel de tempête, sombres et profonds, dangereux, intenses. Je me sens trembler alors que mon estomac se noue.

- Je n'ai pas besoin d'aide et encore moins de toi, toi qui es toujours si parfait !
- Quoi... ? murmuré-je, soudainement plus certain de suivre.

Il pousse un rire amer en me regardant des pieds à la tête.

- Ne fais pas l'innocent. Tout est parfait chez toi. Tu es un parfait patineur, surdoué selon le coach. Tu as les résultats parfaits à l'école. Tous les profs le chantent sans cesse. Tu as la famille parfaite. Tes parents sont toujours là, dans les estrades à tous nos matchs pour t'encourager. T'es parfait et ta vie est parfaite alors arrête de venir me faire chier en voulant m'aider alors que nous savons tous les deux que je ne t'arriverai jamais à la cheville.
- Tu... tu crois que ma vie est... parfaite ?
- Laisse-moi tranquille Uchiha, crache-t-il méchamment. J'ai beaucoup de rattrapage à faire. Et puis si tu veux vraiment mon avis, personne n'a envie de ton aide. Tu ne fais que nous faire sentir encore plus misérable.

Il jette ses cahiers sur le banc et saute sur la patinoire pour continuer ses échauffements et son entraînement. Je reste là et soudainement, le froid semble se faire encore plus intense et plus douloureux sur la peau. Mais c'est à cause de l'eau qui coule sur mes joues que ça fait mal en gelant et je ne m'en rends compte que quelques longues minutes plus tard.

Je m'essuie rageusement et veux me pencher pour prendre mes choses et partir mais mes jambes ne veulent pas m'obéir. Je suis comme dans un état second. Jamais je n'avais ressenti de douleur pareille auparavant - elle n'est pas physique. C'est étrange, c'est intérieur, c'est... si désagréable et si... si douloureux. Je ne bouge pas, je n'y arrive pas du moins. Au centre de la patinoire, Naruto a pris son bâton et s'exerce à lancer la rondelle. Il la frappe fortement et j'entend l'écho abominable qu'elle produit en s'écrasant sur la bande. Au bout d'un moment, il se retourne et me fixe de loin.

Mais je me suis déjà enfui en courant.


Mon frère essaie de me parler, les jours qui suivent, mais soit je suis cloitré dans ma chambre, soit je sors très tard ou très tôt pour être certain que la patinoire ne soit pas prise par une certaine personne que je n'ai pas envie de croiser. Depuis cette soirée où j'ai avoué à mes parents la vérité, je me sens à la fois plus fort que jamais et à la fois plus faible et fragile que jamais aussi.

À l'école, j'essaie d'être seul, même si c'est difficile avec mes trois amis qui se font du souci pour moi. Les mots de Naruto me tournent dans la tête comme un poison infernal. « Personne n'a envie de ton aide. Tu ne fais que nous faire sentir encore plus misérable. » Est-ce que c'était vrai ? Et si j'étais malgré moi... « parfait » aux yeux des autres et que ça blessait ceux qui essayaient de l'être ? Je ne me suis jamais considéré comme parfait. Je savais que j'étais doué pour le patin, mais je n'ai pas fait exprès d'avoir de très bons résultats scolaires tout au long des années. Naruto m'avait rentré dans la tête que je faisais souffrir les gens - son regard ce soir-là me l'avait bien fait comprendre. Il avait paru épuisé, comme s'il se tuait à essayer d'être parfait mais n'y arrivait pas. Qui pouvait être parfait après tout ? Personne ne l'était ! Un gars comme lui devrait savoir ça... Il ne peut pas être aussi con qu'il n'en a l'air quand il est entouré de ses amis. Et dans ces moments-là, je sais que ce n'est pas le vrai lui.

Malgré moi, je me suis mis à le connaître un peu plus. Durant les jours qui ont suivis, il était à la patinoire tous les soirs où j'y allais. Il s'entraînait et essayait d'étudier en même temps. En le voyant, je me cachais derrière l'architecture de la balançoire du parc et partais après l'avoir longuement admiré. Au fil des semaines, j'ai noté que le mardi et le jeudi il n'était pas là. Alors je profitais de ces soirs-là pour reprendre mon entraînement.

Mais impossible de me concentrer. Je ne pouvais cesser de penser à Naruto Uzumaki. À ses mots cruels mais aussi aux sentiments qui m'habitaient. Je voulais tant l'aider. Pourquoi est-ce que cela me hantait-il autant ?

Ce soir, c'est mardi, alors je m'installe sur le banc et enfile mes patins pour essayer désespérément de réussir mon double piqué.

Mais je continue à le rater et à m'écraser minablement sur la surface de porcelaine.


Je soupire alors que je saute sur la patinoire.

Le ciel est tout bleu et un vent frais souffle aujourd'hui. Il ne fait pas très froid. L'air est doux, si bien que le coach a décidé que l'on s'entraînerait dehors. Je ne porte qu'une veste par-dessus deux t-shirts assez épais et un foulard qui vole au vent alors que je patine.

- Commencez par vous échauffez en faisant dix tours de la patinoire ! lance Kakashi, notre coach.

Je m'exécute sans dire un mot. Tenant mon bâton à deux mains, je me tourne et suis les autres joueurs de l'équipe qui commencent un tour.

- Hey princesse des glaces, tu veux pas nous faire un joli casse-noisette aujourd'hui ? me nargue Kiba en arrivant à côté de moi.
- Laisse-moi tranquille, Inuzuka.
- On va être la risée de toute l'école avec quelqu'un comme toi dans notre équipe, pourquoi tu pars pas, hein ?
- Je te manquerais beaucoup trop, voyons. Et rien ne me ferait plus plaisir, au passage.
- C'est vrai, rit-il. Sur qui est-ce que je jeterais mon dévolu sinon ?

Et sur ce, il me pousse brutalement dans le but de me faire tomber et c'est ce qui arrive : je perds équilibre. Je tombe douloureusement sur le dos alors que Kiba éclate d'un grand rire tout en continuant à avancer. Les autres gars passent devant moi en riant. Je pense un moment à retenir un soupir, mais le laisse finalement sortir.

Je me relève en reprenant mon bâton que j'avais laissé tomber.

- Rien de cassé ?

Je lève la tête. Naruto s'est approché de moi, l'air fatigué. Son sourire habituel, moqueur et jovial, n'est nulle part en vue.

- Non, c'est bon, dis-je en me renfrognant.

Il regarde autour de lui comme s'il cherchait à s'échapper. Puis il repose ses magnifiques yeux bleus sur moi et me regarde de la tête aux pieds. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens mes jambes trembler et mon coeur faire de drôles de pompes. Des petits papillons, c'est la sensation que j'ai, au creux du ventre. Pourquoi je me sens ainsi ? Je ne peux pas avoir le béguin pour lui. Cette seule idée est impossible, inconcevable et je devrais tout de suite arrêté d'avoir ces réactions physiques devant lui, mais comment ?...

- Ne les laisse pas te marcher sur les pieds.

Et il s'en va. Je le regarde se joindre aux autres et continuer à patiner. Je reste là, un moment, à la fois étonné et étourdi quand une main se pose sur mon épaule. Je me retourne et aperçois le coach.

- Sasuke, viens un peu par là.

Sans poser de questions, j'avance le long de la bande, derrière laquelle il marche quelques pas. Vers le fond de la patinoire, loins des regards, nous nous arrêtons et Kakashi balaye le paysage de ses yeux noirs afin de s'assurer que les joueurs s'occupent à faire leurs tours sans rechigner. Pendant ce temps, moi, je me demande ce qu'il veut bien me dire. Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

Finalement, il me regarde et commence d'une voix ferme :

- Écoute, j'ai entendu parler de ta véritable... « passion », si l'on peut le dire comme ça. Tes coéquipiers en parlent.

Je soupire. Manquait plus que ça !

- Coach, je... Écoutez, je ne compte pas vous laisser tomber, je peux continuer dans l'équipe pour cette année...
- Évidemment que tu continues, me dit-il.

Puis il se penche et me sourit. Je fronce les sourcils.

- Mais je le vois bien à quel point ça semble important pour toi. Tu vas peut-être trouver ça étrange, mais je suis ton coach et aussi ton professeur (Kakashi Hatake est notre professeur de sport) et je te garde à l'œil depuis un moment. Ils te font la vie dure et c'est bien dommage. Je connais ton talent immense. Tu es fait pour le patin, et...
- Je n'ai pas vraiment besoin qu'on me fasse un discours sur comment ne pas abandonner ses rêves et...
- Et si tu me laissais terminer ? fait-il sans s'énerver.

Je reste silencieux et après un petit moment, il poursuit.

- Je voulais te proposer quelque chose. Une sorte de... compromis.
- Quoi ?

Il tourne la tête vers la droite et observe l'autre bout de la patinoire. En suivant son regard, je me rends compte que c'est Naruto qu'il regarde et qu'il me désigne ensuite du menton.

- Naruto et toi avez du mal à vous entendre, et je sais qu'il peut être assez cruel quand il est avec ses amis. Vous êtes très différents et je ne te demande pas d'être son ami. En fait, ce que j'attends de toi, c'est... d'essayer de l'aider.
- Je lui ai déjà offert mon aide, mais il a été très clair avec moi, m'enquis-je aussitôt.
- Naruto a beaucoup de mal dans ses cours et il tient vraiment à sa future carrière de hockeyeur. C'est son rêve et je sais qu'il peut le réaliser, tout comme je sais que toi tu peux devenir un patineur hors pair. Il n'en a peut-être pas l'air, mais Naruto n'a pas une très grande confiance et il essaie toujours de s'améliorer alors qu'il est mon meilleur joueur.
- Qu'attendez-vous de moi ?
- Je voudrais que tu l'aides à améliorer ses notes, mais surtout...quelques petites imperfections dans sa technique de patinage. Notamment son croisé. Tu es impeccable dans cette discipline, je ne peux que compter sur toi.
- Et qu'est-ce que j'y gagne ? Des insultes qui pleuvent sur moi comme un déluge, non merci...
- Un coach personnel.
- Puisque je vous dis que Naruto me déteste et ne cesse de m'insu... Quoi ?
- Tu as du talent, Sasuke. Et tu ne devrais pas le gaspiller à jouer au hockey. Ce n'est pas ce que tu es.

Je le regarde fixement pendant de longues secondes. Derrière, j'entends le son rauque des lames qui fauchent la glace. Les rires de mes compagnons résonnent également dans l'air, mais je reste concentré sur Kakashi. Ai-je bien entendu ?

- Vous voulez être mon coach ? Mon coach… personnel ?

Je m'enfourche presque les mots sur la langue. Je n'y crois pas vraiment. Kakashi est un entraîneur de hockey, qu'est-ce qu'il connaît au patin artistique ? Mais l'idée d'avoir un coach semble concrétiser un peu mon rêve, et c'est surtout le rendre un peu plus sérieux. Je m'imagine un moment en train de m'entraîner sérieusement, avec quelqu'un qui est là pour évaluer mon évolution et qui pourra me dire ce qui est bon, ce qui ne l'est pas, ce que je dois améliorer pour réussir et surtout quelqu'un qui pourra m'emmener loin.

Puis, ses paroles me rentrent réellement dedans et je me sens soudainement embarrassé. « Tu as du talent, Sasuke. Et tu ne devrais pas le gaspiller à jouer au hockey. Ce n'est pas ce que tu es. » Pourquoi mon père ne peut-il pas s'en rendre compte ? J'aurais aimé qu'il soit celui à me dire ça…

- Vous le pensez ?

- Je ne l'aurais pas dit sinon, m'affirme-t-il avec un sourire en coin.

Je ne sais pas quoi dire. Je me contente de me tourner la tête et regarder le blond qui patine tranquillement, à côté de ses amis, mais même si ceux-ci sont en train de lui parler, il a l'air ailleurs. Je me mordille la lèvre un moment et me tourne vers Kakashi.

- Donc, tout ce que j'ai à faire, c'est de l'aider et c'est dans la boîte ? J'aurai un coach ?

- Naruto traverse des moments difficiles. Un coup de main l'encouragerait un peu. Je te le demande parce que je sais que tu as la possibilité de l'aider, pas seulement pour ses cours, mais pour sa future carrière. Je crois énormément en lui. Et en toi aussi. C'est aussi pour ça que je te propose de t'entraîner personnellement. Tout ce que je te demande, c'est de rester dans l'équipe pour le reste de cette année. D'une part pour être plus proche de Naruto et de l'autre, parce que je serais à court d'un joueur si je te perdais.

- OK. Mais pourquoi moi et pas lui, au fait ? Je veux dire… vous êtes coach de hockey. Logiquement…

- J'ai déjà entraîné une jeune femme qui a fait carrière comme patineuse et elle est allée très loin. Et Naruto a la possibilité de devenir professionnel et à ce moment-là, je ne pourrai plus l'aider, au niveau où il sera. Quant à toi, je pourrai toujours être à tes côtés. Je suis qualifié, Sasuke, ne te fais pas de soucis.

- Je ne m'en fais pas ! m'exclamé-je aussitôt.

Et un sourire immense prend place sur mon visage.

- En fait, je suis content. Merci beaucoup Kakashi !

Il me tape l'épaule affectueusement.

- Tu me remercieras quand tu seras sur le podium internationale, avec l'or olympique accroché au cou.

Je souris un peu plus et accepte son offre. Endurer les moqueries de Naruto pour le reste de cette année scolaire ne devrait pas causer de problèmes ! L'année prochaine, j'aurai un vrai coach et je pourrai dire adieu au hockey et bonjour à mes rêves les plus fous !

Kakashi me fait signe que la conversation est terminée et que je peux retourner à l'entraînement. Je me retourne et m'apprête à continuer mes tours, quand je pense à un truc et reviens sur mes pas.

- Mais… Kakashi, il y a mes parents. Ils n'acceptent pas que…

- Ne t'inquiète pas pour un si petit détail, m'assure-t-il. L'année prochaine, tu auras dix-huit ans. Ils n'auront plus leur mot à dire.

Je souris.

Mon « futur » coach a toujours les bons mots pour me réconforter.


J'essaie de me mettre en œuvre deux jours plus tard. Lors d'une fin de matinée particulièrement froide, un mardi. Une fine neige tombe et elle se transforme en un tapis glacé dès qu'elle touche le sol déjà enneigé. Ma chance me sourit alors que je trouve Naruto seul à la cantine. Je me demande où ses amis sont, eux qui sont toujours là à guetter ma présence pour ensuite rire de moi et de ma passion. Quoiqu'il en soit, je respire profondément et, prenant mon courage à deux mains, m'approche et m'assoit face à lui sur la table placée près d'une grande baie vitrée.

- Salut, dis-je.

Il me regarde, surpris de me trouver. Il déjeune en solitaire, grignotant un sandwich.

- Que me vaut un tel honneur, princesse des glaces ? dit-il en retrouvant son air moqueur et ce rictus carnassier que j'abhorre.

J'ouvre la bouche pour parler, mais je me rends compte à cet instant très précis que je n'ai pas pensé à élaborer un plan. Que dois-je dire ? Salut, je viens t'aider non par pitié, mais parce que le coach trouve que tu as du potentiel, mais que tu as besoin d'aide, alors me voici ! Et impossible de lui dire que je souhaite l'aider, il m'a déjà dit de laisser tomber alors qu'au départ c'est moi qui ai refusé sa demande. J'aurais l'air de quoi ?

Il faut que je trouve une façon subtile de réussir à gagner son accord pour l'aider. Mais comment ? Je ne suis déjà pas sûr de ce qu'il faut que je fasse. Un coup de main pour ses cours, d'accord, mais quoi d'autre ? Il a quelques difficultés pour ses techniques de patin. Je me souviens que Kakashi a parlé d'un manque de confiance et qu'il serait bien si je pouvais l'encourager… Comment un mec comme lui peut-il manquer de confiance ? Comme je le connais, il en déborde. Il est très doué et adore avoir l'attention. Peut-être que je le connais mal, après tout…

Je prends conscience de son regard fixé sur moi et je décide d'improviser. Même si je sais que ce sera un désastre…

Je pose mon cartable et sors mes cahiers de cours.

- Rien, je pensais seulement m'avancer dans mes devoirs.

- Là, à côté de moi, alors qu'il y a toutes ces tables libres dans la cafèt' ?

- Il n'y en a pas vraiment de libres, et comme je sais que tu me détestes, tu ne me parleras pas alors j'aurai la paix.

Il lève un sourcil et je fais semblant de commencer à étudier. Zut. Quelle stratégie ingénieuse ! Si ça se trouve, il va juste simplement avaler ça et continuer à manger sans m'adresser la parole. Mais qu'est-ce que je suis bête ! Comment je passe à la suite, moi ?

Après un silence gênant, durant lequel il me regarde et durant lequel je m'affaire de mon côté à faire semblant d'étudier, il finit par tendre une main et fermer mon cahier fermement. Surpris, je lève la tête et me fâche - enfin, je joue la comédie, mais bon…

- Quoi ?

- Qu'est-ce que tu veux, Uchiha ?

- Je te l'ai dit, j'étudie…

- Ne me prends pas pour un idiot.

- C'est ce que tu es, marmonné-je dans ma barbe en baissant la tête.

- À quoi tu joues ?

- Mais à rien !

Il plisse les yeux et serre les lèvres. Pourquoi faut-il toujours qu'il soit si énervé avec moi ? Toujours sur ses gardes, comme si je suis le seul humain qu'il ne peut supporter dans toute cette école.

- Je sais lire entre les lignes, dit-il. C'est le coach, non ? Il te fait pression pour que tu m'aides. Parce que je vais être jeté de l'équipe si mes résultats scolaires ne s'améliorent pas. Je l'ai bien vu, à notre dernier entraînement. Il t'a pris à part et a discuté avec toi assez longtemps. Et tu arrives là et tu me fais ton numéro pour que j'accepte ton aide. Mais figures-toi que je n'ai pas besoin de ta pitié. Je peux me débrouiller.

Froissé et contrarié, il se lève et commence à assembler ses choses pour partir. Mais je me lève aussi et le suis.

- Écoute, ce n'est pas de la pitié.

Il ne m'écoute pas et continue son chemin. Je le suis comme une petite souris.

- On peut le faire incognito, pour que personne ne nous voit, si tu ne veux pas que ta réputation en souffre. Chez toi ou chez moi, qu'est-ce que j'en ai à faire ? Tant qu'on travaille. Et je peux aussi t'aider avec ton croisé…

Il s'arrête au milieu du couloir, où je me rends compte que nous sommes dans le corridor menant à son casier. Il se tourne vers moi et me prends par les bras pour m'écarter du chemin et la seconde suivante, je me retrouve plaqué contre un mur. Assez doucement pour que ça ne me fasse pas mal, mais assez fermement pour que je me taise. Son regard a l'air méfiant et énervé.

J'ai l'impression d'être brûlé là où ses mains me touchent les bras. Il est si chaud… Et son odeur, à nouveau, m'envahit. Pourquoi dois-je ressentir de l'attirance pour ce mec ? Je dois être maudit…

- Qu'est-ce que tu veux dire, m'aider avec mon croisé ? Je patine très bien, alors tu peux repasser pour ça. Je n'ai pas besoin de…

- Je ne le fais pas pour toi, dis-je doucement sans élever la voix, abandonnant toute haine.

Il s'arrête sans me lâcher. Ses yeux bleus, de près, semblent cacher quelque chose. Ils sont difficiles à déchiffrer. Je ne sais pas pourquoi, mais j'aimerais pouvoir le faire. Les décoder, les comprendre. Ils cachent quelque chose…

- Le coach pense que tu pourrais devenir professionnel. En fait, il en est persuadé. Il sait que tu iras très loin. Et il veut que tu puisses réussir. Le hockey universitaire, c'est pour toi, et la ligue professionnelle après… Mais tu ne peux pas y arriver seul, si tu as déjà des difficultés…

Quelque chose a de nouveau changer dans le ciel orageux de son regard. Je les fixe, fasciné, envoûté. J'ai des frissons qui me remontent le long de l'échine.

- Et qu'est-ce que t'en as à faire ? Pourquoi toi ?

Là, je détourne les yeux. Embarrassé, je cherche à tout prix à éviter son regard.

- Il… pense que j'ai du potentiel aussi. Il croit que je suis le seul à pouvoir t'aider. Ce n'est pas une question de faiblesse ou de qui est le meilleur, tu sais. Je suis loin d'être parfait, contrairement à ce que tu crois. Si tu veux t'améliorer, il faut que tu t'investisse toi aussi. Kakashi m'a promis de devenir mon coach personnel en échange de faire de toi une future star du hockey. Nous avons tous les deux notre part du marché. Tu gagnes des cours privés et l'année prochaine, tu n'auras plus à me voir la tête dans l'équipe. Et moi j'aurai la chance de, peut-être, patiner sérieusement.

Il m'écoute, méfiant, jusqu'au bout sans jamais regarder ailleurs. Il finit par me lâcher et je souffle discrètement en espérant qu'il accepte. Il se redresse (il s'était un peu penché pour me tenir en place) et me tapote l'épaule doucement.

- OK. J'accepte. Tu me donneras quelques cours en privés pour les matières qui me donnent le plus de mal, mais à la condition que ce soit chez moi. Et l'année prochaine, je ne veux pas voir ta tronche. Tu me ficheras la paix. Compris ?

- Oui. T'inquiète, je ne veux pas voir la tienne non plus, marmonné-je même si j'ai l'impression de mentir.

- On s'entend alors.

Il sort son portable et m'inscrit dans ses contacts, après quoi il s'éloigne. Je reste là, une sensation étrange dans l'estomac. Étrange et douloureuse.


À SUIVRE...