Disclaimer : j'essaie pas d'enfreindre les droits d'auteurs avec cette fanfiction, je m'amuse juste à écrire.

L'innocence perdue

Je m'appelle Nora, je suis une des six éliatropes primordiaux. Je crois que je devrais vous raconter mon histoire maintenant, il ne me reste plus beaucoup de temps.

Quand j'étais enfant, j'avais un frère dragon, Efrim. Il était tout pour moi. On avait un endroit préféré où on allait jouer tous les jours, un pré traversé par un petit ruisseau. On sautait dans l'eau, on s'éclaboussait, on se roulait dans l'herbe et on restait étendus sur le dos, heureux, à chercher des images dans les nuages. Parfois, les enfants éliatropes, tous merveilleux, venaient nous rejoindre et jouaient avec nous. Certains jours, je grimpais sur le dos de mon frère et on allait s'amuser dans la forêt. Quand la nuit nous surprenait, on se blottissait l'un contre l'autre et on s'endormait, confiants, sous les étoiles. On n'avait jamais peur parce qu'on savait qu'on ne risquait rien et que tout le monde nous aimait.

On avait aussi dix frères et sœurs, les autres dragons et éliatropes primordiaux. Pour tout dire, nos frères et sœurs étaient tous nettement plus âgées que nous pour deux raisons : Efrim et moi étions les derniers à être sortis de notre dofus et, pour une raison mystérieuse, on vieillissait encore plus lentement qu'eux. On nous appelait le petit Efrim, la petite Nora, et ça nous convenait très bien.

D'accord, par moments, je me sentais un peu désavantagée par rapport à eux. Mes sœurs et mes frères étaient des personnes extraordinaires. Chibi et Grougaloragran s'occupaient de science et de connaissances, Mina et Phaeris, de sagesse et de spiritualité, Yugo et Adamaï étaient de courageux aventuriers, Glip et Baltazar transmettaient leur savoir aux jeunes générations et Qilby et Shinonomé maitrisaient la médecine et gardaient la mémoire de leurs vies antérieures. Moi, j'étais juste la petite Nora si innocente, celle qui s'endormait presque toujours pendant les réunions du Conseil des Six, celle qui ne savait rien faire à part jouer et cueillir des fleurs dans les prairies mais que tout le monde aimait bien parce qu'elle avait un joli sourire. Parfois, j'aurais aimé avoir un talent spécial, moi aussi.

Un jour où je me sentais un peu triste, je me suis confiée à Shinonomé, ma grande sœur dragon. Elle m'a annoncé quelque chose de très étrange : « Nora et Efrim ont aussi un talent très spécial mais Shinonomé souhaite de tout son cœur que Nora ne le découvre jamais. » J'ai trouvé ça surprenant et j'ai même eu peur. Je lui ai même demandé si mon talent spécial risquait de mettre les personnes que j'aime en danger. Elle m'a répondu que non mais que moins j'en saurais, mieux cela vaudrait.

Je n'ai plus posé de questions. De toute façon, ma vie n'était rien d'autre que du bonheur en continu, alors pourquoi aurais-je voulu changer quoi que ce soit ? Et puis, d'étranges créatures mécaniques appelées les Méchasmes sont arrivées. Le premier contact a été assez gênant mais on leur a souhaité la bienvenue et ils sont vite devenus nos amis. Je me souviens qu'Orgonax, le plus jeune des Méchasmes, est devenu l'un de mes meilleurs amis. On jouait souvent ensemble et on était heureux.

Et puis, un matin, Efrim et moi n'avons pas trouvé Orgonax dans le pré où on allait s'amuser tous les trois. On l'a longtemps cherché, en vain. Quand nous sommes rentrés à la maison, la guerre était déclarée. On n'arrivait pas à y croire. Efrim et moi nous nous sommes proposés pour aller parler et négocier mais nos frères et sœurs nous ont dit qu'ils préféraient nous épargner ça. Ils nous ont envoyés dans notre chambre.

Ensuite, les Méchasmes nous ont attaqués. Je me souviens de tous ces éliatropes qui couraient dans les rues, terrifiés, en essayant de se protéger ou de se réfugier dans les caves. Je n'étais pas encore une guerrière à cette époque. Je n'avais jamais appris à utiliser mon wakfu comme une arme. Efrim et moi avons quand même essayé de nous interposer et les Méchasmes… ils l'ont tué. Ce jour-là, le Krosmoz s'est arrêté pour moi.

J'ai passé les jours suivants dans ma chambre, sans parler et sans manger. J'étais tellement éteinte à l'intérieur que mon grand frère Yugo a été obligé de me traîner à travers un portail pour que j'assiste à une réunion du Conseil. Avec le recul, je réalise qu'il était inquiet pour moi, comme tous mes frères et sœurs. Ils luttaient tous pour régler le problème avec les Méchasmes et moi, je ne les aidais pas. J'ai pleuré en silence pendant toute la réunion, pendant qu'ils parlaient.

C'est Qilby qui a proposé de construire un vaisseau pour quitter notre planète. J'étais contre, je voulais qu'on essaie d'abord de dialoguer et de comprendre ce qui avait poussé les Méchasmes à nous attaquer mais comme d'habitude, personne ne m'a écoutée. On la trouvait trop innocente, trop gentille, trop faible et trop ignorante pour donner son avis, la petite Nora. Ils m'ont encore envoyée dans ma chambre.

La construction de ce vaisseau immense a duré pas pal de temps mais on a fini par embarquer. Au moment du décollage, je trainais dans les couloirs sans savoir où j'allais et j'ai fini par me trouver dans le dortoir des enfants dont les parents avaient été tués par les Méchasmes. Je me souviens d'une petite fille toute de rouge vêtue qui pleurait encore et encore. Je l'ai prise dans mes bras et bercée. Avant de me rendre compte de ce qui se passait, tous les enfants avaient leurs bras autour de moi et pleuraient ensemble.

Pleurer avec eux m'a fait énormément de bien et je crois que ça les a aidés, eux aussi. Par la suite, je me suis rendue compte que m'occuper de ces orphelins me redonnait force et courage. A chaque fois que je le pouvais, je venais jouer avec eux, dans leur dortoir. Glip a voulu me réprimander la première fois qu'il a vu qu'on dessinait sur les murs mais pour la première fois de ma vie, je lui ai tenu tête. Je lui ai expliqué que les enfants avaient besoin d'un exutoire, de quelque chose pour canaliser et comprendre leur tristesse, et il a fini par avouer que j'avais une bonne influence sur eux. C'était la première fois de cette vie qu'il me faisait un compliment.

A partir de là, mes frères et sœurs se sont mis à me traiter comme une adulte. J'étais présente à toutes les réunions du Conseil et tout le monde m'écoutait quand je parlais. J'avais des responsabilités, aussi. Je n'étais plus la petite Nora qu'on envoie dans sa chambre, j'étais la sœur fiable à qui on racontait ses problèmes. Au bout d'un moment, j'ai eu un doute et je suis allée interroger Shinonomé. Elle m'a confirmé ce dont je me doutais déjà : Efrim et moi avions bien un talent spécial et il s'était déjà déclenché dans certaines de nos vies passées. Une fois que lui et moi savions ce que c'était que de souffrir, on développait une sensibilité spéciale à la souffrance d'autrui et on devenait capable d'écouter, de comprendre et de soulager les douleurs. En fait, j'étais une thérapeute-née sans le savoir.

Je comprenais maintenant pourquoi ma grande sœur souhaitait que je ne découvre jamais mon talent spécial. Elle voulait m'éviter les souffrances et les malheurs, tout simplement. Ma planète natale me manquait, mon frère dragon me manquait encore plus, mais en même temps je savais que je ne voulais par redevenir l'enfant ignorante que j'avais été il n'y avait pas si longtemps de cela. Mes amis avaient besoin que je sois forte et sage et si je pouvais utiliser mes nouvelles capacités pour eux, c'était tant mieux.

Les années ont passé tandis qu'on errait dans l'espace. Je crois qu'on avait tous peur que cette errance ne se termine jamais, même si personne n'osait l'avouer. Pendant ces années, j'ai développé mon talent spécial. J'ai appris à écouter en concentrant toute mon attention sur la personne en face de moi, j'ai appris les mots qui consolent et ceux qui rassurent. Les éliatropes venaient vers moi quand ils avaient besoin de se sentir mieux. Pratiquement tout le monde s'est mis à me faire des confidences et j'ai fini par garder énormément de secrets. Quand je me sentais trop triste, j'allais dans la salle des dofus et je me confiais à celui d'Efrim. Je ne sais pas s'il pouvait m'entendre mais cela me soulageait de lui parler. Ou alors, je m'isolais dans la serre et je m'imaginais que j'étais sur notre planète natale, avec mon frère bien-aimé. Je restais là dix, vingt minutes, je rechargeais mes batteries et ensuite je retournais à mon poste.

Et puis, un jour, on a découvert une petite planète bleue. A notre grande joie, elle était viable. On s'est tous installés sur place, on a caché notre vaisseau dans un ancien volcan et on a essayé de reconstruire plus ou moins notre vie d'avant. A nouveau, je pouvais sentir la présence de la déesse Eliatrope et mon cœur a éclaté de joie le jour où nous avons inauguré son temple. Je crois qu'à ce moment-là, on était presque tous heureux. La seule exception, c'était Qilby, qui boudait dans son coin, je ne sais pas pourquoi. On était heureux, après tout...

A suivre…