Chapitre 1. Chez Barjow et Beurk

Disclaimer : je ne tire absolument aucun profit de ce divertissement

Chapitre relu par ma chère beta, Dacian Goddess


"Barjow et Beurk" indiquait l'enseigne du magasin dont la vitrine peu attrayante exposait des crânes rétrécis, des ossements en tout genre et des flacons au contenu peu ragoûtant. L'Allée des Embrumes, qui n'abritait que des commerces peu recommandables, était vide à cette heure de la nuit ; seuls quelques miaulements de chats interrompaient le lourd silence, tandis que les pavés humides luisaient faiblement sous la lumière malade d'une lanterne oubliée, suspendue à un crochet rouillé sur le mur d'une boutique voisine.

Cachés sous une cape d'invisibilité, trois jeunes gens fraîchement sortis de l'adolescence tentaient d'ouvrir la porte de chez Barjow et Beurk à l'aide d'une épingle à cheveux.

—Dépêche-toi, Harry, murmura Hermione nerveusement. Elle ne put s'empêcher de jeter une nouvelle fois un regard inquiet par-dessus son épaule, plaquant ses cheveux épais contre son oreille pour avoir un champ de vision plus large.

—Je fais ce que je peux, répliqua Harry à voix basse, les dents serrées, ses yeux verts concentrés sur ce qu'il faisait. Voilà, je tourne et…

La porte s'entrouvrit. Sans perdre de temps, Harry Potter, Ron Weasley et Hermione Granger s'engouffrèrent dans le magasin et refermèrent la porte en silence. Ils poussèrent un soupir de soulagement en constatant qu'aucune clochette ne signalait l'entrée de « visiteurs ». Ils restèrent sous la cape par précaution et se faufilèrent au milieu des vitrines, tirant parti de la faible lueur de la rue qui pénétrait dans le local. Ils faisaient de leur mieux pour ignorer les tâches brunes sur les robes exposées à leur droite, ou les usages possibles des instruments inconnus qui pendaient au-dessus de leurs têtes. Hermione se força à détourner les yeux des ouvrages visiblement anciens, regorgeant de savoir, qui faisaient signe à son esprit avide de connaissance de s'arrêter un peu, juste quelques minutes, pour lire un ou deux paragraphes. Harry jeta un regard malveillant à l'armoire à disparaître qui avait servi à introduire des Mangemorts quelques mois plus tôt dans le château de Poudlard, son école bien-aimée, mais recentra bien vite ses pensées sur leur mission. Quant à Ron, il se sentait un peu nerveux et fier en même temps car ce soir, il allait une nouvelle fois participer à la destruction d'un des Horcruxes de Voldemort, ces abominations du Mage Noir, ces objets dans lesquels il avait caché des parties de son âme pour assurer son immortalité.

Sans faire de bruit, ils atteignirent la porte menant à l'arrière-boutique au fond du magasin. Les longs moments passés à déambuler dans Poudlard hors des heures autorisées sans se faire prendre se révélaient payantes lors de telles occasions : aucun mot n'était nécessaire entre les trois amis pour se déplacer en toute discrétion. Du coin de l'œil, Harry aperçut la cheminée qui l'avait mené par inadvertance chez Barjow et Beurk cinq ans plus tôt ; son âtre était plongé dans des ténèbres opaques, et un quart de seconde, il eut l'impression qu'un monstre allait en surgir pour les dévorer, lui et ses amis. La sensation passa aussi rapidement qu'elle était apparue, tandis que Ron ouvrait avec précaution la porte de l'arrière-boutique.

Ils se trouvèrent face à une salle tout en longueur qui s'étirait dans l'obscurité vers leur gauche et vers leur droite. Il n'y avait rien dans cette pièce, pas une fenêtre, lanterne ou bougie, qui aurait pu donner de la lumière. Hermione utilisa sa maîtrise des sorts informulés pour allumer sa baguette d'un Lumos silencieux. La faible lueur émise par la baguette ne leur permettait pas de voir le lieu où ils étaient dans son intégralité, mais était suffisante pour leur assurer de ne pas bousculer un objet en se déplaçant. Inutile d'ameuter qui que ce soit ; leur quête était un secret.

La forme massive et sombre d'une étagère leur barrait la vue. Harry savait qu'elle occupait le centre de l'arrière-boutique sur quasiment toute sa longueur ; il avait trouvé au nouveau quartier général de l'Ordre du Phénix, le groupe résistant à Voldemort, un plan de l'établissement que Hermione avait obligeamment dupliqué grâce à l'un des nombreux sortilèges qu'elle connaissait. Pour rejoindre le coffre qui abritait la Bible illustrée de Rowena Serdaigle (une des fondatrices de Poudlard), l'un des objets que Voldemort avait utilisé comme Horcruxe, ils devaient prendre sur leur droite. Harry fit signe de la main à Ron et à Hermione de le suivre. Au bout de quelques mètres, ils arrivèrent face au coffre et essayèrent d'identifier les enchantements qui très probablement le protégeaient.


Alors que Harry, Ron et Hermione s'invitaient dans le magasin et son arrière-boutique, un autre trio, qui montait la garde à l'étage, fut mis en alerte. Dès que la porte d'entrée fut ouverte, l'air de la pièce dans laquelle stationnaient trois serviteurs de Voldemort, connus sous le nom de Mangemorts, fut traversé par une vague qui fit trembler leurs vêtements comme une brise d'été et qui créa un léger picotement sur leur peau. Une alarme bien discrète mais diablement efficace. Severus Snape, Rabastan Lestrange et Alecto Carrow se levèrent d'un bond et s'engouffrèrent dans le couloir à la queue leu leu. Severus mena leur petite procession dans l'escalier dont les marches avaient été traitées pour étouffer les sons. Ils arrivèrent directement dans l'arrière-boutique de chez Barjow et Beurk, à l'opposé de l'endroit où se trouvait le coffre. Juste devant eux se dressait l'extrémité de la grande étagère qui occupait le milieu de la pièce. D'un signe, Severus indiqua à Alecto et Rabastan de prendre à droite de l'étagère ; ils seraient ainsi deux du côté où se trouvait la porte de communication avec le magasin, seule échappatoire possible pour les intrus. Lui-même prit par la gauche. Les visiteurs indélicats allaient se retrouver pris en tenaille.

Severus avança avec la plus grande discrétion en direction du coffre qu'il était chargé de garder avec Alecto et Rabastan. Il se demandait bien ce que le Seigneur des Ténèbres pouvait y cacher qui nécessitait d'être gardé vingt-quatre heures sur vingt-quatre par les Mangemorts les plus compétents. Il avait fait passer l'information à l'Ordre du Phénix car, bien qu'il ait assassiné leur leader (avec circonstances très, très atténuantes tout de même), il ne souhaitait pas vraiment que le Mage Noir qu'il servait officiellement prît le pouvoir. Qui donc l'Ordre avait-il envoyé pour voler le trésor de son « Maître » ? Tout à coup, l'air parut comme en mouvement, et il put voir près du sol des chaussures lacées éclairées par une pauvre lumière. Potter et ses sbires sous une cape d'invisibilité ! Ces idiots étaient sans doute là en free-lance. Les vacances de Noël n'étaient pas supposées débuter avant un mois, ou à peu près ; ils auraient dû être à Poudlard. A moins que la rumeur, à laquelle il n'avait prêté que peu d'attention, selon laquelle Potter avait quitté l'école ne soit vraie. Il soupira intérieurement. Comment faire pour épargner le gamin et ses amis sans provoquer la suspicion de ses deux acolytes ?


Pendant qu'un drame se préparait dans l'arrière-boutique de Barjow et Beurk, d'autres personnes s'apprêtaient à intervenir. A l'affût dans une chambre de bonne de l'autre côté de l'étroite rue, Remus Lupin et Fleur Weasley, tous deux membres de l'Ordre du Phénix, virent la porte du magasin d'objets de magie noire s'ouvrir et se refermer toute seule. Remus lança son Patronus immédiatement pour demander des renforts. Ils savaient que, quelque part, des Mangemorts surveillaient le magasin, mais jamais ils n'avaient perçu la moindre trace d'une activité de leur part. Ils tenaient peut-être là leur chance d'en capturer quelques-uns, et peut-être même de savoir pourquoi une simple boutique attirait sur elle l'attention du Mage Noir.

Une dizaine de minutes plus tard, Bill Weasley, Alastor Maugrey, Nymphadora Tonks et Kingsley Shacklebolt apparurent dans la petite pièce, l'emplissant momentanément du bruit de craquement caractéristique du Transplanage. Bill jeta un regard inquiet en direction de Fleur, son épouse de quelques mois, puis se concentra à nouveau sur les événements en cours.

—Quelqu'un est entré chez Barjow et Beurk sous une cape d'invisibilité, ou peut-être un sortilège, les informa Remus. C'est le premier signe d'activité inhabituelle que nous observons. Comme convenu lors de la dernière réunion de l'Ordre, nous allons opérer une reconnaissance, et voir si nous ne pouvons pas capturer des Mangemorts au passage.

La détermination s'entendait dans les paroles du loup-garou, et les autres se contentèrent de hocher la tête en signe d'assentiment. Ils se mirent en route immédiatement. Leurs gestes, leur façon de se déplacer, leur coordination, tout trahissait l'entraînement en vue d'occasions comme celle-ci.

Ils s'introduisirent en silence et en file indienne dans le magasin, mais ils oublièrent toute discrétion lorsqu'ils entendirent des sorts fuser ainsi que le bruit caractéristique d'un affrontement dans l'arrière-boutique. Dans leur hâte, ils se bousculèrent et tentèrent de passer tous les six par la porte menant à l'arrière du magasin, avant de se rendre compte qu'ils ne pouvaient passer que par deux. Ils rectifièrent la situation et s'engouffrèrent dans l'espace étroit sur leur droite situé entre le mur et l'étagère pour se diriger vers l'endroit d'où venait le bruit. Stupéfaits, ils distinguèrent à la lueur des sorts Ron et Harry aux prises avec Rabastan Lestrange et Alecto Carrow.


Harry fut le premier à se sentir observé : ses cheveux noirs se dressèrent sur sa nuque et il se figea. Ses deux amis furent alertés par sa posture rigide. Ron tenta de se retourner pour regarder si quelqu'un se trouvait derrière eux. Son mouvement fit bouger la cape, et leurs pieds furent visibles pendant un bref instant. D'instinct, se sachant découvert, Harry rejeta la cape derrière lui et attaqua.

Expelliarmus !

Dans l'urgence, il ne prit pas le temps de se concentrer pour utiliser des sorts informulés, mais il sut qu'il avait fait mouche lorsqu'il entendit une baguette tomber au sol. Il avait à peine fini de prononcer la formule du sortilège qu'il fut frappé par un Levicorpus silencieux ; il se retrouva suspendu en l'air, la tête en bas. L'étroitesse des lieux fit qu'il se cogna le crâne sur le coin de l'étagère et vit trente-six chandelles. Il ne lâcha pas sa baguette cependant.

Ron ne resta pas en reste. Tandis que Rabastan Lestrange cherchait sa baguette à tâtons sur le sol pierreux, Ron s'était accroupi et passa sous Harry, tout en lançant un « Stupéfix » qui rata de peu la tête d'Alecto qui se trouvait derrière Rabastan. La relative petite taille de la Mangemorte lui avait sauvé la mise.

Derrière Ron, Hermione dirigeait des sortilèges informulés à un Mangemort qui les avait pris à revers. Malgré ses compétences magiques, son adversaire se révélait coriace, contrant tous ses sorts sans effort, mais sans jamais répliquer. Son esprit d'analyse, toujours en veille malgré la délicatesse de leur situation, prit acte de ce fait. Sa curiosité batailla avec son instinct de survie et parvint à un compromis avec celui-ci.

Impedimenta ! lança-t-elle à voix haute. Sans attendre, elle lança ensuite un sortilège de Jambencoton sur le Mangemort avec qui elle se battait. Elle jeta ses sorts dans une succession si rapide que celui-ci ne put bloquer le second. Ses jambes lâchèrent, et il tomba sur Hermione. Par réflexe, elle l'agrippa dans une vaine tentative de garder son équilibre. Elle sentit qu'ils passaient à travers une barrière magique, sans doute un des enchantements qui protégeaient le coffre. Elle se retrouva sur le dos au beau milieu d'une route boueuse en rase campagne, nez à nez avec le visage pâle de Severus Snape.

Ron sentit plus qu'il ne vit la chute de Hermione dans son dos. Inquiet pour celle dont il espérait faire sa petite amie lorsque la guerre serait finie, il jeta un regard en arrière, et la vit disparaître ainsi qu'un Mangemort auquel elle s'accrochait.

—Hermione ! cria-t-il.

Sa distraction aurait pu être fatale aux deux jeunes gens si les membres de l'Ordre du Phénix n'étaient pas arrivés à ce moment. Ils maîtrisèrent rapidement Rabastan, qui venait juste de récupérer sa baguette sous l'étagère, et Alecto. L'un d'entre eux eut l'idée de faire apparaître des torches, mais Ron ne prêta aucune attention à ce qui se passait autour de lui. Il fixait du regard un point dans le vide sans cesser de murmurer « Hermione » d'un air dévasté. Harry, remis sur pied, se retourna et lui demanda :

—Que s'est-il passé ?

—Hermione ! Je l'ai vue disparaître, comme ça, dans le vide, je ne sais où. Un Mangemort s'accrochait à elle.

—Que se passe-t-il ici ? rugit Maugrey. Que faites-vous ici ? Vous auriez pu être tués !

Bill s'était glissé entre Ron et Harry et examinait avec intérêt le mur qui recelait le coffre de Barjow et Beurk.

—Ce mur est protégé par une barrière magique, dit-il. Le briseur de sorts était passé en mode professionnel. Cela ressemble à certains sortilèges égyptiens. En général, ces sorts envoient les malheureux qui les touchent dans des réalités alternatives dont il est difficile de revenir.

—Mais c'est possible ? De revenir, je veux dire, demanda Ron avec empressement. Il était à deux doigts de pleurer ou de piquer une grosse colère, c'était difficile à dire, même pour lui.

—Cela s'est déjà vu, répondit Bill. Mais cela peut prendre du temps. Il faudrait que j'examine cette barrière avec un peu plus d'éclairage, et je pourrais en dire davantage.

—Sait-on quel Mangemort est avec elle dans cette réalité ? demanda une voix empreinte de gravité que Harry identifia comme celle de Tonks.

—On aurait dit Snape, murmura Ron. L'homme avait été son enseignant pendant six ans, il connaissait bien sa silhouette. Dans l'espace étroit de l'arrière-boutique, tous l'entendirent et frissonnèrent.

Remus reprit alors son rôle de meneur.

—Kingsley, Tonks, je vous confie ces deux lascars, dit-il en désignant les formes emmaillotées de cordes et inconscientes d'Alecto et de Rabastan. Leur place est à Azkaban. Je vous fais confiance pour rester discrets sur les circonstances de leur arrestation. Voldemort a sans doute des espions au Ministère, inutile de les alerter sur la présence de Harry et de ses amis en ce lieu.

Kingsley et Tonks s'exécutèrent en silence. Toutefois, avant de se mettre en route, Tonks adressa un clin d'œil coquin à Remus, dont les joues s'empourprèrent un peu. Cela pouvait passer pour un reflet de la lueur des torches. Il reprit la parole :

—Ron, Harry, nous allons rentrer au quartier général, et vous allez nous dire ce que vous faisiez là.

Les deux jeunes gens lui jetèrent un regard angoissé.

—Et Hermione ? gémit Ron. On va l'abandonner ?

—Non, reprit Remus d'un ton rassurant. Mais il n'y a rien que nous ne puissions faire immédiatement ici. Maugrey, Fleur, vous montez la garde pour empêcher qui que ce soit d'approcher cette barrière. Les autres, nous partons.

Bon gré, mal gré, ils se mirent en route.

De retour au quartier général de l'Ordre du Phénix, qui n'était plus au Square Grimmaurd car le traître Severus Snape en connaissait l'endroit et pire, y avait accès, ils s'installèrent autour d'un thé dans la cuisine un peu délabrée d'une maison moldue de la banlieue londonienne. Harry prit la parole et en dit aussi peu que possible, insistant sur le fait qu'il ne faisait qu'exécuter la volonté de Dumbledore, et refusant de révéler ce qui intéressait réellement ses interlocuteurs, à savoir le pourquoi de sa présence chez Barjow et Beurk.

—Vous auriez dû reprendre les cours cette année, leur dit Remus d'un ton las. Vous auriez été en sûreté à Poudlard.

—Je vous ai déjà expliqué que nous ne pouvions pas, rétorqua Harry d'un air buté.

Bill joua les conciliateurs.

—OK, vous ne pouvez pas nous dire grand-chose, ni retourner à l'école. Nous pouvons tout de même vous aider, vous protéger.

Harry secoua la tête en silence. Au final, les adultes durent céder devant l'obstination à se taire des adolescents. Tous convinrent d'aller se coucher, non sans lancer d'abord des convocations pour une réunion extraordinaire de l'Ordre le lendemain.

Harry et Ron passèrent leur journée à rechercher dans la librairie des Black, déménagée du Square Grimmaurd avec l'Ordre, des contre-sorts à la barrière qui avait absorbé leur amie, et à s'entraîner au duel magique histoire d'occuper leur esprit au maximum. Ce ne fut pas facile après les émotions de la nuit et le manque de sommeil qui avait suivi, mais au cours de ces derniers mois passés à chasser les Horcruxes, ils avaient acquis une discipline impressionnante.

Bill et Fleur se firent passer pour malade chez leur employeur, Gringott's, et passèrent leur journée à examiner la barrière magique chez Barjow et Beurk. Leur expérience de briseurs de sorts leur fut bien utile en l'occurrence. En fin de journée, ils purent rapporter leurs conclusions lors de la réunion extraordinaire de l'Ordre.

—Cette barrière est définitivement un passage vers une réalité parallèle, entama Fleur devant une assemblée d'une quinzaine de personnes seulement, tous n'ayant pu se libérer facilement en dernière minute.

Quelques-uns se raclèrent la gorge de surprise, des chaises grincèrent sur le carrelage, signalant le tressaillement d'incrédulité de leur occupant.

—C'est de la magie très avancée, quasiment oubliée, fit remarquer McGonagall, la directrice de Poudlard.

Bill abonda dans son sens.

—Tout à fait. Ce type d'enchantement était courant en Egypte, au temps des pyramides. Certaines rumeurs disent que les Templiers l'utilisaient, mais la formule en a été perdue. Il existe cependant des papyrus qui relatent les aventures de certains sorciers qui ont réussi à revenir de tels mondes parallèles. Tous ont eu des épreuves assez difficiles à subir, car la vocation de ces mondes est de retenir les malheureux qui y sont projetés. La plupart de ces survivants (il jeta un œil à Harry en disant ce mot, car ce surnom collait au jeune homme depuis des années) sont devenus fous.

Le découragement se lisait sur presque tous les visages.

—Détruire cette barrière ferait-il revenir Hermione ? demanda Arthur Weasley, le père de Ron.

Bill rejeta en arrière ses longs cheveux roux avant de répondre à son père.

—Cela pourrait aussi détruire ceux qu'elle retient prisonniers. Ce n'est pas certain, mais c'est une forte probabilité.

—Donc, si je comprends bien, intervint Harry, dont la voix laissait sourdre la colère qui bouillonnait en lui, nous ne pouvons accéder à ce que Voldemort (des réactions horrifiées émanèrent de quelques participants à cette réunion lorsqu'ils entendirent ce nom prononcé à voix haute) cache derrière cette barrière, ce qui nous rapprocherait de la victoire, si nous ne sacrifions pas Hermione ?

—Si ce n'était que Snape, je dirais de le faire, reprit Remus d'un ton vindicatif. Mais Hermione…

Ron se leva brusquement. Sa chaise en bakélite tomba sur le sol derrière lui.

—C'est absolument hors de question ! s'écria Ron avec force. Il faut la retrouver.

Sa détresse était évidente dans ses yeux bleus cerclés de cernes sombres et la rougeur de son visage qui rivalisait avec ses cheveux.

Calme-toi, Ron ! ordonna Molly, sa mère. Tu ne crois tout de même pas que nous allons laisser une des nôtres périr en compagnie d'un traître ?

—Selon les témoignages dont j'ai parlé tout à l'heure, il faut environ deux à trois mois pour sortir d'un monde parallèle, dit Bill.

—Nous avons donc pris une décision cet après-midi, que nous allons soumettre à votre approbation, ajouta Remus.

Les regards attentifs de tous les participants se braquèrent sur lui ; pas un bruit, hormis une horloge qui marquait le temps au-dessus de la cheminée, ne se faisait entendre.

—Bill et moi allons suivre Hermione et Snape dans la réalité parallèle pour aider Hermione, et peut-être Snape s'il est raisonnable, à revenir parmi nous.

Une éruption de protestations se fit entendre immédiatement. Tonks regardait son amant avec incrédulité. Fleur protestait à voix haute qu'elle ne laisserait pas partir son mari sans espoir de retour, car même si son corps revenait, la reconnaîtrait-il encore ? Le visage de McGonagall avait pris un teint rouge absolument pas seyant, qui se reflétait sur celui d'Arthur Weasley. Maugrey avait l'air pensif, comme s'il calculait le pour et le contre de cette décision. Seuls Harry et Ron affichaient un air d'espoir.

Maugrey frappa du poing sur la table.

—Silence ! Laissons-les donc nous expliquer leur plan.

—Merci, Alastor, dit Remus. Comme je disais, Bill et moi allons suivre Hermione et Snape. Nous aimons tous Hermione, et nous voudrions tous la revoir avec nous. Quant à Snape, il est très doué. Si nous pouvons l'amener à coopérer, son aide peut se révéler précieuse pour sortir de ce monde parallèle. Une fois revenus, nous pourrons peut-être tirer de lui des informations utiles avant de le livrer au Ministère de la Magie. Ensuite, Bill s'impose naturellement pour cette expédition. Ses compétences en briseur de sorts, ses connaissances, en font un sorcier de valeur. De plus, il est encore jeune et physiquement en pleine forme. Je ne dis pas ceci pour t'offenser, Alastor, se hâta-t-il d'ajouter en se tournant vers l'ancien Auror à la jambe de bois. Celui-ci hocha la tête pour montrer qu'il n'était pas vexé. Remus continua.

—Le deuxième choix s'est porté sur moi, car je suis celui qui connaît le mieux Severus. Kingsley aussi le connaît bien, nous avons tous été à Poudlard à la même époque, mais personne ne se souciera de mon absence, vu que je suis sans emploi. Cela serait trop suspect si Kingsley et Bill disparaissaient en même temps.

—Et par rapport à… ton problème ? objecta Arthur. Il faisait allusion au fait qu'une fois par mois, Remus devenait un loup-garou.

—C'est un risque à courir. Bill connaît des enchantements qui devraient me contenir lorsque le problème se posera.

Sa voix n'était pas trop assurée en disant cela, et Bill lui-même parut inquiet à l'idée de contenir seul un loup-garou. Cependant, cela devait être fait. Aucune autre personne de l'Ordre n'était plus qualifiée pour réaliser ce tour de force. De plus, cela n'était pas dit, mais tous pensèrent que Bill, ayant été mordu par un loup-garou lui aussi, bien que ce ne fut pas lors d'une nuit de pleine lune, était le mieux placé pour comprendre et maîtriser un tel monstre.

—Et pourquoi cela ne pose-t-il pas de problème à Bill de quitter son travail pendant plusieurs mois ? demanda Hestia Jones, une sorcière brune qui n'avait pas encore parlé.

—J'ai pris un congé sans solde. J'ai promis aux gobelins de revenir avec des connaissances approfondies sur ces barrières magiques qui les empêchent d'accéder à tant de trésors en Egypte, dit-il avec une lueur espiègle dans ses yeux clairs.

Harry se leva.

—Je vous fais confiance pour réussir à ramener Hermione, dit-il solennellement.

—Moi aussi, ajouta Ron.

—C'est donc décidé, dit Remus. Nos affaires sont prêtes, nous partons dès ce soir.

—Quoi ? hurla Tonks. Ses cheveux de Métamorphomage avaient pris une couleur rouge muleta. Tu comptais m'en parler quand ?

La teinte écrevisse était décidément un must ce soir.

Fleur enfonça le clou.

—Sûrement votre départ peut attendre demain ?

Remus et Bill secouèrent la tête.

—Non, nous ne pouvons pas attendre, répondit Remus. Nous avons déjà presque vingt-quatre heures de retard sur eux. Si nous voulons les rattraper, nous devons partir au plus tôt.

Un silence de plomb s'abattit sur la petite assemblée, qui fut bientôt rompu par le bruit des chaises en mouvement. Les membres de l'Ordre se mirent debout. Tous, un par un, souhaitèrent bonne chance à Bill et Remus. Tonks, Fleur, Harry et Ron les accompagnèrent chez Barjow et Beurk. Ils y furent accueillis par Elphias Dodge et Dedalus Diggle, de service ce soir-là dans l'Allée des Embrumes. Sans dire un mot, le groupe se dirigea vers l'arrière-boutique où, les larmes aux yeux mais déterminées à faire les sacrifices nécessaires pour la victoire, Tonks et Fleur regardèrent l'homme de leur vie disparaître vers nulle part.