Ecrit à la commande de minimilie. J'espère que ça va te plaire, mon canard !
We Happy Few
En toute franchise, Orga trouvait tout le pays de Fiore bien moins animé que l'Est et ses montagnes remplies de monstres et d'humains eux-mêmes à moitié sauvages. Quand on grandissait dans un coin où l'espérance de vie avoisinait les trente ans – quand on était en bonne santé, en excellente forme physique et pourvu d'une chance de cocu – on se sentait forcément un peu dépaysé quand on pouvait sortir de chez soi sans courir le risque d'être agressé par un wendigo. Ou une horde de loups. Ou un voleur. Ou à peu près n'importe quoi.
D'un autre côté, c'était plutôt pratique de ne pas avoir à pourchasser le dîner. Surtout quand on avait failli se retrouver avec une colonne vertébrale brisée en deux comme un biscuit – un coup pareil, on pouvait plus être aussi sportif qu'avant.
C'était pour ça qu'Orga était venu à Magnolia – l'espérance de vie et la possibilité de mener une vie de paresseux éhonté. Si son père avait pu le voir, il lui aurait arraché les oreilles et les aurait enfilées sur son collier, juste à côté de celles de ses frères – dans la tribu d'Orga, on croyait fermement à la vertu des raclées.
Si Orga avait regretté son père, il aurait été satisfait d'avoir Jiemma comme maître de guilde. Le maître n'avait aucune estime pour ses subordonnés, les jetait dehors dès qu'ils faisaient un pas de travers… Une attitude typique de l'Est. Dire que le Tueur de dieu était venu à Fiore pour y trouver du changement.
Il avait bien plus de respect pour la jeune dame que pour le maître. Ça, c'était une femme. Elle lui rappelait Kamacuras, la femme-mante religieuse, l'une des divinités les plus adorées de l'Est, à la fois pour sa grâce inimitable et pour le fait qu'elle pouvait obliger quelqu'un à manger ses propres tripes. On ne plaisantait pas avec la jeune dame.
En dehors de cela, il n'y avait pas grand-chose à Sabertooth qui lui rappelait le pays. Sauf le gamin lyuli. Il avait reconnu son engeance au premier coup d'œil, et c'était avant de voir les yeux rouges. Comment le morveux avait pu parvenir à l'âge d'homme, il n'en avait pas la moindre idée. Les nomades étaient peut-être des bons à riens qui volaient tout ce qui brille, mais ils auraient au moins dû avoir le bon sens de ne pas laisser vivre un enfant marqué par les Autres.
Mais le mioche était vivant, et il était là, et il avait le bon sens de ne pas s'approcher d'Orga, préférant se faire l'ombre – ha ha – de l'espèce de crétin blond à grande gueule qui semblait consacrer plus de temps à s'envoyer en l'air qu'à bosser. Il aurait pas fait long feu à l'Est, celui-là. Tout comme le dandy au chapeau ridicule qui dégoisait des mots d'un kilomètre et qui se mettait à piailler dès qu'il prenait une claque pour n'avoir pas dit les choses clairement. Une vraie lavette.
Mais le gros changement qui annonçait « ici ce n'est pas l'Est » c'était les chats. Orga n'avait eu l'occasion de voir des chats dans l'Est – des chiens, ça oui, plus ils étaient gros, mieux ils pouvaient défendre et plus il y avait à manger en cas de besoin. Mais des chats…
Et en plus ils parlaient !
Si seulement ils n'étaient pas toujours fourrés dans les pattes de l'abruti ou du petit monstre. De toute façon, Orga ne savait pas s'il aurait pu les approcher dans le cas contraire.
Il le pourrait probablement s'il parvenait à s'empêcher de pousser mentalement des glapissements de fillette. Il était supposé être un homme, pas une mauviette !
