Moi, La Conquérante
I, Conquerer
Auteur : Sword'n'Quill
Traduction : Athena
Date de création : Juillet 1998
Chapitre 1
La pleine lune était accrochée, comme un joyau au-dessus de l'horizon, projetant ses rayons fantomatiques sur une clairière qui abritait un petit étang, protégée par de vieux arbres immenses, qui quant à eux, ne partageaient leurs secrets qu'avec les hiboux royalement perchés à leurs rameaux parfumés.
Un Palomino blond broutait l'herbe au bord de l'étang, son poil doré se reflétait sous la lumière réconfortante du feu de camp situé au centre de la petite vallée.
La maîtresse du cheval était assise à même le sol détrempé par la rosée, le dos appuyé contre un rondin. Accomplissant une tâche quotidienne, ses mains étaient occupées à affûter l'acier, dont l'écho se répercutait au-delà des eaux calmes de l'étang, pour aller chanter contre le rivage opposé en une mélopée martiale.
La compagne de la femme reposait à plat ventre sur la couverture de fourrure. Le bruit de sa plume qui grattait un parchemin de cuir, était étouffé par le son du va et vient rythmique que provoquait la pierre mouillée contre l'acier de l'arme. Son corps bougeait légèrement, pendant qu'elle rejouait dans sa tête, les scènes qu'elle allait retranscrire. Sa main libre venait occasionnellement, remettre en place derrière sa petite oreille, une mèche de cheveux blonds. La plume arrêta ses mouvements. La jeune femme fronça un sourcil, "Xena ?" Demanda-t-elle, sans lever les yeux du parchemin.
"Ouais ?" répondit sa compagne, insouciante, tout en poursuivant sa tâche
"Quand j'ai attaqué ce gros malfrat, tu sais, le chauve avec un bandeau sur l'œil, je l'ai frappé avec le bout gauche ou le bout droit de mon bâton ?"
Xena arrêta ses mouvements, inclina la tête, et réfléchit un moment. "Droit," répondit-elle, en hochant affirmativement la tête. "Définitivement, le bout droit."
Gabrielle leva le regard un instant, sourit, puis retourna son attention sur le manuscrit. "Merci !"
"De rien." Le son de l'affûtage emplit l'air de nouveau. "C'était une très bonne parade, à propos," mentionna-t-elle, avec désinvolture.
Gabrielle leva de nouveau le regard, ouvrant très grand ses yeux verts. "Vraiment ?"
"Oui. Vraiment." L'expression de Xena était tout à fait sérieuse. "Tu deviens incroyablement bonne avec ce bâton. De la poésie en mouvement."
La Barde ne put empêcher sa mâchoire de tomber grande ouverte. "Merci." Bredouilla-t-elle enfin, après plusieurs tentatives à demi étranglées. "Cela signifie beaucoup, venant de toi."
"Na," dit Xena en haussant les épaules, "je ne fais que relater ce que j'ai vu." Ajouta-t-elle en remettant son épée au fourreau. Elle se leva alors, dans un mouvement fluide, les muscles de ses longues cuisses luisant en bas relief dans la lumière ombragée du feu. "Je vais vérifier le périmètre. Je reviens bientôt."
Sur ce, elle disparut comme un spectre silencieux dans les ombres de la nuit.
Gabrielle jeta un œil, étudiant avec perplexité l'espace, maintenant vide, qu'occupait son amante. "Hé bien, allez savoir." Elle baissa les yeux vers son parchemin, et décida de laisser tomber, sachant qu'après une distraction comme celle-là, écrire était une cause perdue. Son esprit ne voulait plus que se rejouer les trente dernières secondes de sa conversation avec Xena. "Poésie en mouvement, euh ?"
Elle enroula soigneusement l'histoire à demi finie, noua la cordelette tout autour, puis glissa doucement le rouleau dans son sac. Elle se retourna, ensuite, sur le dos, en croisant ses mains sur son ventre, et s'affaira à contempler le ciel nocturne d'été, en attendant le retour de Xena.
Quelques instants plus tard, la vue de la Barde fut voilée par une apparition aux cheveux noirs comme l'ébène et aux yeux d'un bleu étincelant. "Tu vois quelque chose d'intéressant là haut ?" Demanda Xena.
"Maintenant oui," répliqua Gabrielle, avec un sourire moqueur. Elle se redressa sur les coudes et fronça les sourcils. "Tout est calme ?"
"Ouaip." Xena se débarrassa rapidement de son chakram, de ses bracelets et de ses bottes, en les disposant minutieusement en ordre autour de leur grabat, ses armes à portée de mains. Comme à son habitude, quand elles étaient aussi loin dans la nature, elle garda ses habits de cuirs souples, à la grande déception de sa partenaire.
Feignant ne pas remarquer l'expression sur le visage de Gabrielle, la Guerrière s'allongea sur les couvertures, puis prit son amante dans ses bras robustes, et posa un tendre baiser sur l'une de ses joues chaudes. Elle se laissa ensuite retomber, et regarda à son tour vers les étoiles qui tapissaient le ciel nocturne.
"Ça va ?" Demanda Gabrielle après un long moment, passé à écouter le rythme régulier des battements du cœur de la brave Guerrière dans son oreille.
"Je réfléchis."
Un autre moment de silence s'écoula, ponctué par le crépitement sourd du feu de camp.
"À quoi ?"
La poitrine de Xena se souleva quand elle prit une longue inspiration, puis s'affaissa lentement, en laissant l'air s'échapper. "Au fait qu'Autolycus aurait pu choisir un autre endroit que Corinthe pour se faire arrêter."
Comprenant le dilemme Gabrielle hocha la tête. Elle savait que Corinthe était l'un des quelques endroits que Xena évitait durant leurs voyages. Cela avait été le site de sa pire défaite, la bataille où elle avait du abandonner Solan, pour ne pas risquer la vie de celui-ci, et aussi pour éviter de perdre sa guerre. Les Corinthiens ne voyaient pas d'un bon œil la venue de la Princesse Guerrière, même après toutes ces années. Gabrielle avait entendu dire par d'autres Bardes, que des affiches pour l'arrestation de Xena, ornaient toujours les murs de la ville.
Maintenant, Xena était sur le point d'y retourner volontairement, pour aider un ami. Et Gabrielle remarqua sur le poids de cette simple allégation, à quel point sa partenaire avait changé.
"Xena ?"
"Mmmm ?"
"Que serait-il arrivé si tu avais gagné cette guerre ? Si tu avais conquis Corinthe ?"
Le silence qui suivit dura si longtemps que Gabrielle n'espérait plus de réponse et commençait à sombrer dans les bras séduisant de Morphée, quand soudainement la voix profonde de Xena s'insinua dans son oreille. "Athènes serait tombée, et la Grèce aurait été mienne."
"Est-ce… que c'était… ce que tu aurais voulu ?"
Xena réfléchit encore, plongée dans ses souvenirs amers. "À l'époque, oui. C'était ce pourquoi j'avais travaillé durant des années. La perte de ce rêve, m'a complètement dévasté. Borias était mort. Solan était avec les Centaures. Ma dignité était restée sur-le-champ de bataille. La seule chose qui me restait était mon armée, quoique je me demande encore aujourd'hui pourquoi ils sont restés avec moi après tout ça."
"Et maintenant ?"
"Maintenant ? Gabrielle, le monde n'a pas besoin que quelqu'un comme moi ait ce genre de pouvoir. Penses ce que tu veux de moi et de ma soit disant habileté à contrôler mon côté sombre. Nous savons toutes les deux que c'est là, quelque part à l'intérieur, à l'affût." Elle resserra sa prise sur le corps chaud qui reposait, en toute confiance, entre ses bras. "Non. Je n'ai aucune envie de revivre à nouveau ce rêve en particulier." Sa voix, quand elle brisa une fois de plus le silence, se perdit, et un sourire éclaira son visage. "Pas quand j'en ai tant d'autres en tête, que je voudrais revivre encore et encore."
Elle desserra sa prise, se cala, prit le visage de Gabrielle dans sa main, et s'avança. Leurs lèvres se rencontrèrent, puis lentement, elle embrassa la Barde avec langueur, jusqu'à ce qu'elles soient à bout de souffle.
"Oh ! Ouais," Dit Gabrielle, en souriant à son amante, "n'hésites surtout pas à revivre ce rêve autant de fois que tu le veux."
Xena lui retourna un de ses sourires féroces. "J'ai l'intention de faire exactement cela, ma Barde. Et tout de suite."
Le lendemain matin, Gabrielle émergea lentement du sommeil, en grognant, parce qu'un rayon de soleil audacieux, avait atterrit sur ses yeux clos. "Ugh," murmura-t-elle, tirant la couverture de fourrure par-dessus sa tête. "Juste cinq minutes, Xena. Je te le promets. Juste cinq minutes."
Il n'y eut aucune réponse. Pas qu'elle en attendait une, bien sûr. La Guerrière s'était, sans aucun doute, levée bien avant l'aube, avait effectué des centaines de longueurs dans l'eau de l'étang, mis au point quelques éblouissants mouvements d'épée, exploité un de ses multiples talents ou encore fait quoi que ce soit pour chasser les cauchemars de son noir passé qui la hantait.
Le soleil, réalisant que sa lumière n'avait pas réussit à sortir du lit la petite femme, redoubla d'ardeur pour réchauffer celle-ci, jusqu'à ce qu'elle soit près de rôtir sous l'épaisse couverture de fourrure qui la recouvrait.
"Ça va, j'ai compris !" S'écria Gabrielle, en repoussant la couverture de son corps en sueur. Se retournant sur le dos, elle regarda vers le ciel d'un air mauvais. "Apollon, si jamais tu décides de descendre nous payer une visite, s'il te plaît, ne me tiens pas responsable de ce que je vais te faire, pour tous ces tours que tu fais pour me réveiller chaque matin."
Le Dieu du Soleil choisit sagement de garder le silence, décidant qu'il valait mieux, envoyer ses rayons de soleil briller sur un territoire qui saurait être plus reconnaissant.
Soupirant de soulagement, la Barde s'assit, s'étira, bailla et tenta de remettre un semblant d'ordre dans ses cheveux ébouriffés par le sommeil. Sa vessie choisit ce moment pour déclamer bien fort, qu'un voyage dans les buissons était de rigueur.
Criant à l'injustice, elle roula hors du lit, se redressa sur ses pieds, s'étira de nouveau, et bailla jusqu'à s'en décrocher les mâchoires.
o Ses dents claquèrent ensembles, au moment ou elle ouvrit les yeux pour de bon. Elle scruta pour la première fois depuis qu'elle s'était endormie dans les bras de Xena la nuit dernière, les alentours du campement. L'envie de soulager sa vessie, si forte avait-elle pu être, disparut brusquement.
"Xena ?" Appela-t-elle doucement, tournant la tête à droite, à gauche, puis encore à droite.
Seul les bruits calmes de la forêt qui s'éveillait lui répondirent.
"Xena ? Xena, où es-tu ?"
Silence.
Son cœur se mit à battre un peu plus vite, tandis qu'elle scrutait une fois de plus les alentours. Toutes les possessions de Xena avaient disparu. L'absence de son armure et de ses armes pouvait facilement s'expliquer, car la Guerrière ne laissait jamais rien derrière elle, même pas pour une expédition de pêche.
Dans ce cas, cependant, tout avait disparu. Disparu comme s'ils n'avaient jamais existé.
La selle et le mord d'Argo manquaient, tout comme les sacoches de cuirs. La Barde leva la tête. "Argo ? Argo, viens ici ma fille."
Comme elle n'obtint pas de réponse, elle siffla. Cela aurait du faire revenir le destrier en moins de deux secondes.
Mais elle resta seule dans la minuscule clairière.
"Par le Tartare, qu'est ce qui ce passe ici ? Xena si c'est encore une de tes façons sadiques de m'enseigner une leçon, s'il te plaît, crois-moi, j'ai compris. Je le jure sur la tête de mon père, je ne dormirai plus jamais. Tu peux revenir maintenant, s'il te plaît ? Ce n'est plus drôle du tout."
Plus qu'irritée par les singeries de Xena, Gabrielle regarda les couvertures très tentées de retourner se recoucher en attendant que la Princesse Guerrière retrouve ses sens.
"Non," bredouilla-t-elle, à la vue qui s'offrait à elle. "Oh ! Non ! S'il vous plaît, non." Regardant l'endroit où avaient été étendues les deux couvertures remplies des effluves de leurs amours de la veille, une seule ne restait. Tombant à genoux, elle enfonça le nez dans la douce fourrure. Seule sa propre odeur s'en émana. De Xena, il n'y avait plus aucune trace. "Par les Dieux," chuchota-t-elle "Qu'est qui m'arrive ?"
Un bruit quelque part derrière elle la fit bondir sur ses pieds, bâton à la main. "Xena, est ce que c'est toi ?"
Le bruit était répétitif et Gabrielle reconnut, le bruit de pieds chaussés de bottes se déplaçant dans la forêt, insouciants du tintamarre qu'ils provoquaient… Correction faite, beaucoup de pieds chaussés de bottes… Et ils se dirigeaient droit sur elle.
En tournoyant sur elle-même, elle repéra un épais fourré et courut s'y réfugier, avec l'intention de découvrir si c'était des amis où des ennemis, qui avançaient sur elle.
Après un moment, les premiers signes de vie entrèrent dans la vallée. Des soldats en armures et lourdement armées menaient un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants, attachés ensemble au moyen d'entraves et de chaînes qui pendaient à leurs poignets ainsi qu'à leurs chevilles.
La Barde compta vingt soldats et au moins cinq fois plus de captifs. Elle resserra sa grippe sur la hampe de son bâton et son esprit élimina une variété de plan d'attaque. "Par les Dieux, Xena," murmura-t-elle, "où es-tu ?"
Gabrielle tressaillit quand les hommes et leurs captifs piétinèrent ses possessions comme si celles-ci n'avaient été que du fourrage appartenant au sol de la forêt. Quand le dernier soldat passa près de sa cachette, elle commença à regarder devant elle, en traçant mentalement un chemin où elle pourrait continuer à les suivre sans être vue, du moins jusqu'à ce qu'elle trouve le moyen de venir à bout de tant de soldats tout en espérant que sa tentative serait couronnée de succès.
Les bois devenaient très denses, près du sentier que suivait le groupe, et Gabrielle le choisit comme point d'entrée, se glissant silencieusement hors de sa cache, elle planifia son embuscade. "Tu vas me devoir gros pour ça, Princesse Guerrière."
Juste au moment où elle allait bouger, elle fut arrêtée par une main qui lui agrippa l'épaule. Elle se retourna vivement, et leva son bâton, passant près d'envoyer, l'étranger qui se trouvait là, dans le monde d'Hadès. "Que… Que faites-vous là ? C'est vraiment dangereux ici en ce moment. Vous devriez partir le plus loin possible d'ici et vite."
L'étranger, un vieil homme desséché avec une barbe qui lui descendait jusqu'à la taille, lui sourit calmement, comme s'il n'avait pas entendu un mot de ce qu'elle avait dit. "Tu dois venir avec moi. C'est vraiment important."
"Je dois ?! Peut être ne m'avez vous pas compris, monsieur. Vous devez retourner d'où vous venez. Seul. Je dois traquer ces soldats et trouver une façon de délivrer ces gens. Je n'ai pas le temps de bavarder avec vous."
Le petit homme posa gentiment une main sur le bras de Gabrielle, et la regarda de ses yeux sombres, l'air le plus sérieux du monde. "Tu dois prendre le temps, Gabrielle de Poteidia. Le sort du monde repose entre tes mains."
Les yeux de Gabrielle se rétrécirent. "Comment connais-tu mon nom ?"
"Ce n'est pas important pour le moment. Ce qui est important, toutefois, c'est le message que je dois te délivrer."
Soupirant de frustration, la Barde se passa la main dans les cheveux en regardant en vainement les soldats et leurs captifs. Peut-être pourrait-elle mettre au point son embuscade un peu plus loin sur leur route si elle se dépêchait. "Je suis désolée. Je ne peux pas… Je…"
"Il le faut. S'il te plaît."
Les épaules de Gabrielle s'affaissèrent en guise de défaite, et son visage afficha une expression d'intérêt, par pure politesse. "Qu'as-tu à me dire ?"
"Pas ici. Trop de soldats, viens. Il y en a de plus en plus chaque jour. D'immenses armées stationnent à Corinthe. La guerre est proche. Tu dois venir avec moi, dans un endroit sûr. Tout te sera révélé là."
"Mais ces gens …"
"Ils sont en sécurité pour le moment. Ils seront employés dans les mines de la Conquérante."
Gabrielle fronça les sourcils. "La Conquérante ?"
"Ça, aussi, te sera expliqué. S'il te plaît, Viens."
Elle regarda une dernière fois en direction du sentier, puis se retourna vers l'homme qui attendait patiemment. "C'est bon, conduis-moi."
Gabrielle se retrouva dans une minuscule caverne, l'intérieur était éclairé par la lumière d'un petit feu qui brûlait en son centre. D'épaisses fourrures étaient étendues sur le sol autour du feu, et des sacs de provisions, d'eau, et de vêtements traînaient, ici et là près des murs stériles. La Barde avait visité plus d'une fois des cavernes d'ermites durant ses voyages avec Xena, et celle-ci n'était pas différente des autres.
Pendant que l'homme s'installait confortablement sur les peaux près du feu, Gabrielle choisit de rester debout, réfrénant avec de grands efforts, l'impatience qu'elle avait de s'en retourner aider les captifs. Elle planta le bout de son bâton dans le sol sablonneux, et s'appuya dessus en regardant l'homme étrange qu'elle avait à ses pieds. "Qu'as-tu tant à me dire ?"
L'homme afficha un sourire serein. "Tout d'abord, mon nom est Manus. Je suis le prêtre des Parques."
"Les Parques ? Qu'est ce qu'elles ont avoir avec tout ça ?"
Manus dissimula ses mains à l'intérieur de sa robe et fixa son regard sur le feu. "Beaucoup. Contre leur gré, la tapisserie de la vie, a été retissé, formant un présent qui n'aurait pas du être."
Déconcertée, Gabrielle secoua la tête. "Plaît-il ? Pourrais-tu m'expliquer ça un peu plus en détails ? Je ne pense pas avoir très bien saisi ce que tu viens de dire."
"Tu connais une femme prénommée Callisto, ai-je raison ?"
"Oui, je la connais bien."
"Dans ta réalité, c'est une Déesse, vrai ?"
La Barde se renfrogna. "Que veux-tu dire, 'dans ma réalité' ?"
"Exactement ce que je viens de dire. N'est-elle pas une Déesse ?"
"Qu'e… ? Oui, c'est une Déesse ! A-t-elle fait quelque chose de répréhensible ? A-t-elle changé quelque chose ?"
Manus hocha la tête. "En effet, oui. Le monde où tu t'es endormi hier soir, n'est plus le même que celui où tu viens de t'éveiller. En tant que Déesse, Callisto s'est arrangé pour changer le cours de l'histoire en retournant dans le temps pour prévenir un événement important, que les Parques avaient prédit.
"Et quel est cette chose qu'elle a changé ?"
"Dans ton monde, il y a un homme qui se nomme Hercule. Je présume que tu as entendu parler de lui ?"
"Hercule ! Bien sûr, je le connais. Tout le monde connaît Hercule ! C'est le plus fabuleux héros de tous les temps !"
L'homme hocha tristement la tête. "Personne dans ce monde ne connais Hercule, parce qu'il n'est jamais né. Callisto a tué sa mère avant qu'elle ne puisse le mettre au monde."
"Par les Dieux," murmura Gabrielle, en fermant les yeux, pour imaginer l'horreur d'un monde sans Hercule. Tous ces gens qu'il avait sauvés, maintenant morts, parce qu'il n'existait pas. Les Géants et les monstres qui dévastaient le pays et qu'il avait tués, avec sa force légendaire. "C'est impossible."
"C'est malheureusement la vérité."
"Pourquoi Callisto voudrait-elle faire une chose pareil ? Qu'a-t-elle à y gagner ?"
"Ses motivations ne me sont pas connues, j'en ai peur," répondit Manus d'un ton lourd "le seul gain, la seule concrétisation que l'on peut affirmer, c'est qu'elle est maintenant assise à la droite de la Grèce."
"Répètes ça ?"
"La Conquérante c'est la Grèce, et Callisto est assise à la droite de son trône."
"C'est la seconde fois que tu mentionne cette Conquérante. Qui est-elle exactement ? Un nom, s'il te plaît. Plus d'énigmes."
"Gabrielle, je parle par énigmes pour que tu comprennes bien la gravité de la tâche que les Parques m'ont demandées de te soumettre."
La Barde serra les poings de frustration. "Quelle tâche ? Qui est la Conquérante ? Qu'est ce qui ce passe ici ? Il y a plein de choses que j'ai besoin de faire, et jouer à la devinette n'en fait pas partie."
Manus leva ses mains faisant signe à la Barde de se calmer. "Je vais te poser une dernière question. Je crois que la réponse t'éclairera."
Soupirant profondément pour se calmer, Gabrielle acquiesça. "Bien, quelle est cette question."
"Quelle est la chose la plus importante qu'Hercule ait fait, et qui ait eu un impact direct sur ta vie."
Gabrielle fronça les sourcils, en réfléchissant à toutes les fois où elle avait rencontré Hercule. Toutes ces rencontres avaient été importantes. Laquelle l'était plus que les autres ? Était-ce la fois ou il avait délivré Prométhée, un Titan enchaîné, aurait sûrement jeté le chaos sur la terre, cela se serait reflété sur ce monde. Le feu continuait à danser sur les murs de la caverne pendant qu'elle réfléchissait.
Elle se gratta la nuque. Quoi d'autre aurait pu avoir un impact sur sa vie ? La seule autre chose à laquelle elle pensa, fut quand le chemin d'Hercule avait croisé celui de…
Elle regarda en l'air, en état de choc. "Xena. C'est ça, n'est ce pas. La Conquérante dont tu parle, c'est Xena."
Manus hocha la tête. "Oui. Xena est la Conquérante de la Grèce. Sans Hercule pour changer ses noirs desseins, elle s'est rebâtit une armée et a marché sur Corinthe. Athènes est tombée peu après. Elle gouverne la Grèce, l'Inde, l'Égypte, la Chine, et plusieurs autres pays avec Callisto à ses côtés. Et maintenant, juste au moment où l'on se parle, elle se prépare à entrée en guerre contre Rome, et César. Les Parques m'ont affirmées qu'aucun des deux ne seraient victorieux. Comme un feu de broussaille, l'effet de cette guerre s'étendra aussi loin que la Gaule profonde et bien d'autres endroits qui ne sont pas connus à ce jour. Des millions d'être humains périront, et les civilisations que nous connaissons seront anéantit. Cette guerre ne doit pas être déclenchée."
Gabrielle resta plantée là, toujours en état de choc, le crâne remplit d'images. Elle ne pouvait accepter ce qui venait de lui être révélé. Les pièces du casse-tête refusaient de se mettre en place.
"Toi seule as le pouvoir, d'empêcher que ça ne se produise, Gabrielle," Affirma Manus solennellement.
"Moi ?" Comment suis-je sensée arrêter une guerre ?" Ses yeux s'emplirent de larmes. "Est-ce que Xena me connaît dans cette réalité ?"
Le vieil homme se leva et vint poser une main compatissante sur le bras de la Barde. "Non, elle ne te connaît pas. Poteidia a été détruite voilà bien des années par un Seigneur de Guerre du nom de Draco qui, ce faisant, a tenté de défier la suprématie de Xena. Dans cette réalité, tu n'as jamais existé."
Les larmes qui étaient emprisonnées dans ses yeux, roulèrent lentement sur ses joues. "Alors, comment suis-je sensée faire ce que tu me demandes ? Cela m'a pris des années pour obtenir la confiance de Xena. Et c'est parce que Xena avait choisit de faire le bien. Je n'ai pas tout ce temps devant moi ! Et même si je l'avais, elle me fera sûrement exécuter avant même que je n'ai seulement eu la chance de lui parler."
"La route est parsemée d'embûches, Gabrielle," affirma Manus, qui lui tapotait le dos pour la consoler. "Il y a cependant une chose qui pourra t'aider."
Essuyant ses larmes du revers de la main, Gabrielle regarda l'homme. "Et qu'est ce que c'est ?"
"Il y a un joyau encastré au bout du sceptre de la Conquérante. Xena ne connaît pas ses propriétés, bien que Callisto les connaissent. C'est la Pierre de Chronos, et elle a le pouvoir de changé le cours du temps, mais seulement un mortel peut s'en servir. Si tu pouvais, je ne sais par quel moyen, récupérer cette pierre, tu pourrais l'utiliser et retourner au moment ou Callisto a assassinée Alcmène. Si Hercule vient au monde, les fils de la tapisserie de la vie reviendront se positionner correctement et cette réalité prendra fin. Tout redeviendra comme avant.
"Alors, tout ce que j'ai à faire, c'est m'approcher suffisamment de Xena, voler la pierre, comprendre son fonctionnement, retourner dans le passé, et empêcher Callisto de tuer Alcmène ?" Le ton de Gabrielle était dru.
"C'est ça ou, tenté de convaincre la Conquérante d'abandonner ses plans de guerre. D'une façon comme d'une autre, le sort du monde repose sur tes épaules."
La Barde secoua la tête. "Pourquoi moi ?" Murmura-t-elle.
"Parce que tu es le lien, Gabrielle. Tu es le pivot sur lequel les deux réalités se fusionnent."
Levant son bâton la jeune femme parcourue l'espace restreint de la caverne, son visage passant du chagrin à la confusion, à la résolution, puis au chagrin une fois de plus. "Vais-je… Vais-je… réussir ?" Demanda-t-elle finalement.
"Même les Parques elles-mêmes ne connaissent pas la réponse à cette question, Gabrielle. Je suis désolé."
Gabrielle rit amèrement. "Je n'en espérais pas moins. Depuis quand les Dieux nous seraient-ils utiles ?" Elle empêcha Manus de répondre en levant la main. "Oublis ça. C'était une question de rhétorique."
Cessant ses allers et venus, elle s'assit devant le feu, en fixant les flammes qui y dansaient, comme si elle pouvait y lire un quelconque présage. La voix de Xena résonna dans sa tête. 'De toute ta vie, tu ne t'es jamais défilé devant rien.'
C'était la vérité. Pas quand ça comptait en tous cas.
Elle se releva, avec la ferme intention d'accomplir la tâche qu'on lui avait confiée. "D'accord, alors, " dit-elle d'une voix résolue, "indiques-moi la direction d'Athènes."
Manus sourit. "La Conquérante réside à Corinthe."
La Barde secoua les mains. "Corinthe, Athènes. Indiques-moi la route. J'ai une pierre à retrouver."
Le Sage ne put s'empêcher d'afficher un sourire moqueur, face au courage de la jeune femme. "Quelques mises en gardes, avant que tu ne partes."
"Quoi ?" Demanda Gabrielle, distraite, et prête à partir.
"Peu importe les raisons qui ont poussées Callisto à vouloir gouverner aux côtés de la Conquérante. C'est toutefois, la même Callisto que dans ton monde. Elle sait qui tu es, et devinera sans doutes tes intentions, si jamais elle te découvre. Je n'ai aucun doute qu'elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que tu mènes à bien la tâche qui t'incombe."
Lançant les mains dans les airs, la Barde roula les yeux. "Fantastique ! Comme si ce n'était pas déjà assez difficile de ruser pour voler le joyau de la Conquérante du Monde. Maintenant, je dois rivaliser avec Callisto ?" Elle se retourna pour regarder le petit homme. "Autres choses que je devrais savoir ?"
Manus fronça les sourcils. "Tu vas devoir changer de vêtements."
Gabrielle lui retourna son regard. "Mes vêtements ? Qu'est qui cloche avec mes vêtements ?"
"Tu porte des vêtements d'Amazones, Gabrielle. Les Amazones n'existent plus, à part quelques petites tribus ici et là, dans les endroits isolés. Et de plus, celles-ci vivent constamment dans la peur. Callisto à fait de leur génocide son ultime priorité. Elle balai toute forme d'Amazone de la surface de la terre.
"Callisto ?" Depuis quand s'inquiète-t-elle des Amazones ?"
"Elle ne s'en préoccupait pas au début. La Conquérante voulait ratifier un traité avec les plus gros bataillons d'Amazones jamais connues. Elle en est venue très près. Les Amazones auraient échangé leurs meilleures Guerrières contre la paix. Mais leur nouvelle Reine, une femme du nom de Velesca, a mis fin à ces plans et a presque réussit à tuer Callisto l'an passé quand elle effectuait des patrouilles de reconnaissances pour la Conquérante. Callisto a pris cet affront de façon vraiment… très personnelle… et s'intéresse à elles depuis ce jour. Te promener avec ces vêtements, signerait ton arrêt de mort."
Tout embrouillée et enchevêtrée, Gabrielle médita sur ce qu'elle venait d'entendre. Elle réalisa que l'absence d'Hercule avait après tout eu des effets beaucoup plus dévastateurs qu'elle ne l'avait considéré. Dans cette réalité, Xena n'était pas morte et elle, Gabrielle, n'avait jamais existé, donc il n'y avait eu personne pour empêcher Velesca de s'emparer du trône des Amazones. Elle soupira. Les Amazones, ses amies, parties. Sa famille, partit. Xena une cruelle étrangère qui régentait presque toute la terre.
De tous, seulement Callisto restait intact. Peut-être pourrait-elle utiliser cela à son avantage le moment venu. Peut-être...
"D'accord, je peux faire face," dit-elle tout haut. "Peut-être. Y a-t-il autre chose que j'ai besoin de savoir."
"Non, tu sais tout de ce que les Parques m'ont appris, " répliqua Manus, en fouillant dans un de ses sacs sur le sol. Il en ressortit une jupe et un chemisier de paysanne, qu'il tendit à Gabrielle.
En prenant les vêtements, la Barde regarda le petit homme et souleva un sourcil.
Après un moment, le prêtre comprit et rit. "J'aurais l'air ridicule si je portais cet ensemble, j'ai peur que ce ne soit le choix des Parques. Je ne fais que suivre leurs instructions."
Gabrielle ne put s'empêcher de sourire. "Je suppose que je dois te croire. Y a-t-il un endroit où je puisse me changer ?"
Le prêtre s'inclina, "Je vais sortir de la caverne et te laisser ton intimité. Dis-moi quand tu auras terminé."
Quelques instants plus tard, Gabrielle s'était habillée et avait reçu les dernières recommandations. Regardant sa longue jupe de paysanne et sa modeste chemise, elle ne pouvait pas croire combien elle avait changé. Cet accoutrement lui faisait penser à ce qu'elle portait la première fois où elle était partie de chez elle, toute jeune, pour vivre l'aventure. Ces vêtements lui semblaient, aujourd'hui, grotesques. Et maintenant trois ans plus tard, elle était là, bien loin d'être la petite fille naïve qui se baladait accrochée aux basques de Xena.
"D'accord," dit-elle comme Manus terminait de froisser et mettre de la boue sur le bas de sa jupe, pour que ça ait l'air plus authentique. "Autres choses ?"
"C'est tout, je pense," le prêtre retourna son attention vers le feu qui crépitait.
"Hum… De combien de temps est-ce que je dispose ? Je veux dire, avant que la guerre n'éclate."
"De ce que j'ai entendu des soldats qui passent en ne remarquant pas ma petite résidence, je dirais, une lune, pas plus de deux au pire. Quand la Conquérante désire quelque chose, cela ne lui prend pas des années pour l'obtenir."
Gabrielle renifla. "C'est Xena, c'est certain."
"On dit qu'elle attend que d'autres troupes arrivent des confins de sa gouverne. Ceux de Chine débarquent à peine. Quand tout le monde sera présent et fin prêt, elle mettra les voiles vers Rome."
Un mois ce n'est pas vraiment long pour empêcher la Conquérante d'entrée en guerre. Spécialement si cette guerre est contre César. Je sais combien elle le haïssait, et j'ai le ferme pressentiment que c'est la même chose dans cette réalité, pensa Gabrielle en agitant sa jupe. Je suis bonne, mais pas aussi bonne. Ça m'a tout l'air que ce sera la pierre ou rien. J'espère qu'elle arrive avec un mode d'emploi ou quelque chose du genre.
Se redressant le dos et se carrant les épaules, la Barde soupesa son bâton et laissa échapper un long soupir. "Je suis prête."
"Ton bâton … ce n'est pas une bonne idée." Manus affichait une fois de plus cet air chagriné.
Gabrielle roula les yeux vers le ciel. "Et pourquoi pas ? Pas assez long ? Trop… heu… en bois ?"
"Trop Amazonien," rétorqua-t-il en montrant du doigt les marques sur celui-ci. "Si les soldats ne peuvent les reconnaître, Callisto et la Conquérante, elles si.
"Elles n'auront qu'à vivre avec ça, alors. Ce bâton vient avec moi. Si Callisto vient assez près pour reconnaître les marques sur mon bâton, c'est qu'elle m'aura déjà reconnu. Je suis désolé, Manus, mais je vais devoir prendre la chance que l'armée de Xena ne fasse pas la différence entre un bâton d'Amazone et une Masse de Guerre Sparte."
"Cela ne me semble pas très sage," dit Manus d'une voix colorée.
La Barde soupira. "Manus, moi, une simple Barde de Poteidia, je vais volontairement m'opposer à la Conquérante du Monde, en lui volant le joyau qui orne son sceptre ou en tentant de l'empêcher d'entrée en guerre contre son pire ennemi. Si tu peux trouver de la sagesse là dedans, j'aimerais que tu me le dises, parce que moi je n'en trouve pas."
Manus sourit. "Tu marques un point." Concéda-t-il.
"Merveilleux. Je suis heureuse que nous soyons d'accord. Alors maintenant, quel chemin mène à Corinthe ?"
L'imposant palais en pierre monolithique de la Conquérante émergeait du sol Corinthien comme un phénix surgissant des flammes du Tartare. Une analogie appropriée, si on se référait à l'incendie massif qui avait précédé son entrée triomphale dans la ville, cette première fois. Elle avait fait expier la cité en la brûlant de part en part, et s'était empressé de faire payer le seul homme qui ne l'avait jamais défait, en lui imposant le châtiment ultime. Tout ceci en l'espace de trois ans.
La Conquérante n'était rien, si ce n'était qu'extraordinaire.
Le sol massif, était inondé de soldats, qui s'affairaient à divers préparatifs pour la guerre à laquelle ils allaient bientôt prendre part. La lumière d'innombrables feux de camps, se perdait dans l'horizon, créant une aube illusoire.
Les soldats, presque tout grecs, étaient concentrés à leurs tâches, en une quiétude militaire silencieuse. La Conquérante pouvait à tout moment jeter, sur l'un d'eux, un œil qui enverrait leurs âmes vers Hadès, avant même que leurs corps ne réalisent qu'ils étaient morts.
Et personne, qu'ils soient des volontaires où des circonscrits, ne voulait en faire les frais.
Les tentes avaient été montées rapidement, les armures attendaient qu'ont les enfilent, et les armes qui étaient aiguisées telles des rasoirs étaient prêtes pour la bataille. Les conversations étaient muettes et il n'y avait que très peu d'éclats de rire, pour gâcher ce semblant de paix nocturne.
Cela faisait un énorme contraste d'avec la bande de maraudeurs que la Conquérante avait eu l'habitude de mener, voilà bien des années.
Peu de gens savaient que Xena avait perdu une armée dans sa vie. Avoir été contraint de subir l'épreuve du gantelet était quelque chose qu'elle se gardait bien d'oublier, et elle y pensait à chaque matin en comptant les pays qu'elle avait conquis avec habileté. Ça avait été une humiliation qui ne se répéterait pas. Dès lors, elle s'était relevée de ce faux pas, grâce aux sentiments de loyauté malavisée que lui consentaient ses hommes. Elle en avait, tout de même, tiré une leçon, il n'y avait pas d'honneur parmi les voleurs.
Cette fois, sa recette pour s'alléguer l'obéissance absolue était effroyablement simple.
La peur.
La peur qu'elle engendrait, l'avait portée au sommet du monde, et cette même peur l'y maintiendrait.
À l'intérieur des murs du palais, l'atmosphère était différente. Dans la massive salle à dîner - assez grande, disait-on, pour contenir le mont Olympe avec de l'espace en plus - le son des joyeuses célébrations résonnaient contre les imposants murs de pierres, dont la monotonie était interrompue par de gigantesques tapisseries colorées, qui avaient tenu les artisans occupés pendant plusieurs années. La musique sourde était presque inaudible, masqué par le son des voix qui portaient des toasts, et par les conversations éthyliques. La salle était remplie par les odeurs délicates et raffinées que dégageaient des fragrances venant des quatre coins du monde.
D'audacieuses couleurs rampaient dans l'immense salle illuminée par des centaines de torches, qui teintaient chaque coin d'ombre, de la couleur de l'arc-en-ciel, et d'encore bien d'autres coloris si la nature dans son infinie sagesse les avait inventées.
Au-delà de tout ceci, la Conquérante, était assise, son visage sans expression pareil à une montagne de granite. Le trône qui supportait son corps était un cadeau de Cléopâtre en personne. Les gens disaient qu'elle avait troqué son règne contre un baiser de la Conquérante. La véracité de cette histoire était beaucoup plus prosaïque que ce que les Bardes se complaisaient à raconter. Mais l'idéalisme romantique inhérent de ce conte faisait bonne impression, et tout un chacun permettait à la rumeur de se répandre.
La Conquérante était vêtue d'une longue robe, d'un style emprunté aux Empereurs de Chine. Cousue dans sa robe des centaines de joyaux sans prix, dessinaient un large dragon qui s'enroulait autour de son corps pour finalement reposer la tête sur sa fière poitrine.
Une simple couronne en or décorait sa chevelure corbeau, et de fines lanières dorées lui descendaient presque jusque dans la nuque. Son corps ne portait pas d'autres ornements, à part la large bague qu'elle portait au majeur de la main gauche. La pierre qui y était monté était exactement de la même couleur que ses yeux.
Derrière elle, de beaux et corpulents jeunes hommes faisaient battre des rameaux lentement pour chasser la chaleur qui trempait son corps.
Elle était effroyablement distante et terriblement belle. Le plus beau joyau de la Grèce, c'était elle. Hors d'atteinte et intouchable. La perfection personnifiée.
C'est du moins, ce que les poètes, déclamaient pour s'attribuer ses faveurs.
En ce moment même, malgré toute cette opulence, elle s'ennuyait de façon abyssale.
La fête, qui se tenait ostensiblement en l'honneur de ses trois années de règne sur la Grèce n'avait pas été son idée. Bien au contraire. Sous la majestueuse robe, continuait de battre le cœur sauvage d'une Guerrière. Dans les profondeurs de son âme, Xena croyait toujours que son épée dictait son règne. La politique, croyait-elle était pour les faibles ; pour ceux qui n'avaient ni la force du corps, ni celle de l'esprit. Ceux-ci devaient alors dissimuler cette faiblesse derrière un masque de servitude ingrate pour obtenir ce qu'ils voulaient.
Jusqu'à maintenant, la civilisation avait été construite pour jouer à ce jeu d'eunuque, et si elle voulait que l'on se souvienne d'elle, pour elle, et non comme d'un Seigneur de Guerre sanguinaire et affreusement bénie par la chance, elle devait s'astreindre à y jouer mieux que quiconque.
Et c'est ce qu'elle faisait depuis trois ans.
Ça ne voulait pas dire qu'elle devait y prendre plaisir, cependant.
Ses yeux perçants, scrutèrent la foule encore une fois, pendant qu'elle réprimait l'urgence de tambouriner des doigts le bras de son trône, espérant que quelque chose se passe, n'importe quoi, pour briser la monotonie de la soirée.
Elle aperçut Callisto à l'extrême droite de son champ de vision. Callisto avait décidé de troquer son habituel habit de cuir noir en faveur d'une robe. Tout aussi impossible que cela puisse paraître, le nouveau vêtement en révélait plus encore que sa tenue de combat. La robe était bleu foncé et or, avec un décolleté si plongeant que Xena savait assurément que cela avait du être la commande du jour. La poitrine à peine cachée, laissait entrevoir un peu plus que nécessaire, les fermes rondeurs de la femme blonde, à chaque fois qu'elle remuait ne serait ce qu'un petit peu.
Des yeux chocolat, rencontrèrent les siens, et un séduisant sourire prit naissance au coin des lèvres de Callisto comme elle finissait sa conversation avec un homme basané, qui tentait tant bien que mal d'ajuster son pantalon. Le laissant pâle, et en sueur, elle s'éloigna de lui.
"Oh ! Xena," ronronna Callisto à l'oreille de la Conquérante, en se penchant sans pudeur offrant à Xena une vue extrêmement appétissante sur ses trésors cachés, "n'est-ce pas une merveilleuse fête ?"
Xena lui lança un regard qui aurait congelé un volcan en éruption, s'il y en avait eu un. Toutefois cela ne chamboula pas Callisto qui s'était habituée à cette expression si particulière, au fils des ans, et tout spécialement quand cela lui était destiné.
"Ne sois pas comme ça, ma chérie," continua la blonde, qui laissa traîner un doigt le long du bras de la Conquérante. "Ton peuple t'adore, tout simplement." Le doigt séduisant traîna le long de sa clavicule proéminente et dénudée. "Alors, pourquoi ne pas te détendre…" il glissa lentement vers la vallée que formaient ses seins. "…Relaxe…" puis glissa sous le tissu, taquinant sa peau chaude et souple. "…Et amuses-toi."
En un mouvement plus rapide que l'éclair, le poignet de Callisto se retrouva coincé dans une poigne de fer, pendant que Xena retirait la main baladeuse qui s'était insurgée dans son décolleté.
Combattant pour ne pas permettre à la douleur de se refléter dans ses yeux, la belle blonde se redressa en faisant la moue. "Tu n'es plus jamais amusante, mon amour. N'as-tu jamais entendu dire que toujours travailler et ne jamais s'amuser fait de toi une femme très ennuyante ?"
Demeurant complètement impassible, Xena appliqua encore un peu plus de force à sa prise, écrasant un peu plus, presque jusqu'à fracturer les os délicats du poignet de Callisto, puis défit son étreinte, en envoyant valdinguer la mince femme, loin d'elle, lui faisant ainsi perdre la face devant la foule.
"Parfait. Sois comme ça," s'écria Callisto résistant à l'envie de frotter son bras meurtri. "Je vais devoir aller chercher mon plaisir ailleurs."
Pour la première fois de la soirée, l'expression de la Conquérante changea, alors qu'elle affichait un sourire en coin. "Fais donc ça."
Les doigts de Callisto la démangeaient à la pensée de frapper le visage condescendant de Xena, mais son esprit stoppa les élans de son corps. Ce n'était pas facile, pour Callisto d'être ce qu'elle était, mais pour que son plan si minutieusement élaboré, porte ses fruits, elle devait agir en loyale subalterne.
Fermant les yeux, un sourire s'afficha sur ses lèvres sensuelles, laissant les images d'une vision qui serait bientôt une réalité : la vision de la fière Conquérante, son ennemie jurée et bien aimée du passé et du présent, de toutes les réalités confondues réelles ou fausses, Xena la Princesse Guerrière les fers au cou, agenouillée à ses pieds, comme une bête servile n'existant que pour nourrir les caprices de celle que l'on prénommait Callisto.
Bientôt. Oui, très bientôt, ma douce…
Ouvrant les yeux, Callisto fit un clin d'œil obscène en direction de la Conquérante, et disparut dans la foule, avec l'intention de se laisser aller à ses fantaisies dans le confort et la paix de sa chambre.
Dans l'obscurité du crépuscule, Corinthe se dessina dans l'horizon orangé. Gabrielle traversa la dernière lisière de forêt qui bordait une douce colline ronde. Ses yeux s'ouvrirent grands quand elle regarda en contrebas. Des centaines de petits feux rougeoyants parsemaient le paysage, et s'étendaient à perte de vu. L'omnipotent et lointain palais Corinthien, semblait surgir de ces flammes telle une ombre noire. Elle est là dedans, quelque part.
Dans son esprit, Gabrielle imagina Xena en train de regarder cette même scène depuis sa chambre dans le palais. Me sens-tu ? Sais-tu que je suis ici ? Y a-t-il quelque chose en toi qui désire quelqu'un qui n'a jamais existé dans cette réalité ?
Croisant ses bras, la Barde frictionna sa peau car elle frissonnait. Aussi fou que cela puisse paraître, j'espère que oui Xena. Parce que c'est la seule chance qu'à ce plan de fonctionner.
Désespérée, Gabrielle rit. "Ouais, si elle ne te tue pas avant."
Se dissimulant de nouveau dans la forêt, la Barde étendit sa couverture sur le sol et installa un petit camp pour la nuit. Pour atteindre la Conquérante, elle devrait trouver un moyen de s'infiltrer dans un campement remplit de milliers de soldats armés. Des stratégies s'élaboraient dans sa tête, pendant qu'elle mâchouillait les rations que Manus lui avait données, de temps à autre elle rinçait sa bouche avec l'eau de sa gourde.
Refusant de ne s'en tenir qu'à un seul plan, elle s'étendit sous la fourrure épaisse et observa les étoiles, espérant qu'elle trouverait l'inspiration sous ses couvertures.
Frissonnant de froid, et sans même un petit feu pour faire chauffer du thé, elle serra les couvertures autour d'elle, et pria pour un miracle.
La fête battait son plein et en était à son plus fort, quand la Conquérante céda finalement à son désir d'échapper ces visions, ces odeurs et ces sons de réjouissances, donné en son honneur. Elle fit un petit signe de tête vers ses porteurs qui avancèrent et encastrèrent des poignées dans son trône, puis la soulevèrent au-dessus de leurs puissantes épaules, comme ses yeux vacillaient une dernière fois sur la foule.
Au même instant, les gens se tournèrent vers elle, et se redressèrent fièrement en levant leurs verres en son hommage. "À la Conquérante !" Crièrent-ils à l'unisson. "Longue vie, à son règne !"
Connaissant l'obéissance de ses porteurs, Xena inclina silencieusement la tête, ceux-ci s'empressèrent de l'escorter loin de la salle, avec à leur tête, le Capitaine de la Garde Royale, le beau, mais malheureusement incompris, Marcus.
Ses oreilles apprécièrent le calme qui régnait dans les couloirs frais, et ses yeux voletaient sur les formes sombres que les torchèrent faisaient valser sur les murs de pierres. A cet étage, les seuls sons audibles, étaient le bruit mat des pieds nus de ses porteurs qui marchaient, et le pas résolu des bottes de Marcus qui les menaient vers ses appartements privés, tout en haut du palais.
Ils arrivèrent finalement devant une porte indéterminée - Xena n'était pas du genre à dévoiler la route qui menait à son sanctuaire privé - les porteurs posèrent le trône de la Conquérante sur le sol. Affichant un sourire, Marcus offrit sa main, que Xena prit, se permettant d'être escorté en bas de son trône.
Relâchant la chaude main de Xena, Marcus dégaina son épée et ouvrit la porte. Il entra vivement pendant que son autre bras, appuyé sur le cadre de la porte, barrait le chemin, dans le but évident de prévenir que la Conquérante entre avant qu'il n'ait pu vérifier que la pièce était sûre.
Affichant son premier sourire de la soirée, Xena déjoua facilement la 'protection' de Marcus, en lui tordant le bras pour qu'il l'enlève du chemin et entra dans ses quartiers.
"Le jour où je ne pourrai pas vaincre un simple assassin dans mon propre palais, sera le jour où, avec joie, je te remettrai ma couronne en main propre," ronronna-t-elle à l'oreille de son ancien compagnon de lit, en passant tout près de lui, son visage arbora le rictus d'un prédateur.
Relâchant un long soupir silencieux, Marcus remit son épée dans son fourreau, attentif pendant que sa Régente balayait la chambre, de long en large, de son regard bleu azure, n'y voyant, elle non plus, aucune raison de sortir son chakram si astucieusement dissimulé.
Le seul mouvement à l'intérieur de la chambre, était celui de ses servantes de corps. Une grande femme à la peau d'ébène et une petite femme asiatique qui arrivèrent dans la pièce principale, et s'inclinèrent avec grâce aux pieds de la Conquérante.
Déterminé à se rendre utile, Marcus passa devant le trio et entra dans la salle des bains, sa main était posée sur le manche de son épée, anticipant un trouble quelconque. Voyant qu'il n'y avait rien qui aurait pu susciter un intérêt particulier, il se rendit jusque dans la partie la plus privée de tous les quartiers, l'endroit où dormait Xena.
La chambre était toujours la même, dominée par un large canapé-lit ; les pontifes disaient à mots couverts, qu'il était assez large pour y coucher son armée en entier chevaux inclus. Un immense feu flamboyait dans l'âtre du foyer, et les couvertures avaient été dépliées et parfumées de senteurs florales, anticipant les activités nocturnes de la Conquérante, si toutefois il y en avait. Marcus ne put s'empêcher de sentir le rouge lui monter aux joues, au souvenir de son propre passage entre les draps de la Conquérante. Comme en toutes autres choses, elle était une amante extrêmement passionnée et l'avait amené à des endroits où aucun homme n'aurait pu imaginer qu'il était possible d'aller, des endroits où aucun homme n'aurait jamais pu rêver d'aller.
La rougeur sur ses joues s'amplifia, il espérait secrètement, qu'elle le choisirait ce soir pour assouvir l'ennui qui semblait émaner des pores de sa peau.
Réalisant qu'il avait rêvassé un peu trop longtemps, le soldat aux cheveux sombres soupira et se détourna du lit qui lui faisait signe, puis retraversa la salle des bains jusqu'à la pièce principale, pour être accueilli par les yeux étincelants de Xena. Il rougit encore une fois, et s'éclaircit la gorge, il se sentait comme un adolescent. "La voie est libre." Dit-il finalement.
"Comme s'il y avait eu un doute ! Tu peux prendre congé."
Il sursauta, et releva la tête, mais les yeux tantôt étincelant de Xena avaient été remplacés par la froidure qui caractérisait son expression depuis maintenant plusieurs mois, depuis que sa guerre contre César était assurée. Refoulant un soupir de déception, il exécuta une révérence parfaite.
"Comme vous voulez, Majesté."
Du regard, il rassembla les porteurs, et il sortit de la chambre, en refermant doucement la porte derrière lui.
Avec un parfait synchronisme, les deux servantes se redressèrent et entreprirent de débarrasser Xena de son accoutrement.
La lourde robe glissa sur ses épaules, révélant le corps endurci d'une Guerrière, qui s'était caché sous des vêtements de civilités. Des muscles fermes et une peau tannée irradièrent doucement dans la lumière tamisée de la pièce. La plus grande des deux femmes fit glisser la couronne de sa tête, pendant que la plus petite était passée derrière elle, et retirait soigneusement l'épingle à cheveux qui retenait sa longue tresse opulente. Elle la défit délicatement, permettant ainsi à l'épaisse chevelure de retomber bien au-delà de sa taille effilée.
"Votre bain est prêt, Majesté," dit doucement Ling Li, la belle petite asiatique qui lui avait été donné en cadeau par sa bien aimée Lao Ma.
Hochant la tête, Xena, se rendit, nue, dans la salle des bains et glissa son long corps sous l'eau calme et vaporeuse. Elle refit surface pour prendre une bouffé d'air, repoussant les cheveux noirs qui lui collaient au visage, elle s'adossa enfin contre une des parois du bain. Elle permit à l'eau chaude d'accomplir la magie quotidienne qu'elle effectuait sur la tension de ses muscles crispés par l'ennui.
Calmant ses pensées, elle écouta le clapotis de l'eau qui léchait les bords pierreux de son bain, et les bruits doucereux, que ses servantes de corps produisaient en se déplaçant dans la pièce attendant qu'elle formule ses souhaits.
"Assistez-moi," commanda-t-elle doucement, sans se soucier d'ouvrir les yeux.
Le bruissement de vêtements qui glissent sur le sol se fit entendre, et dans la seconde, un autre corps la rejoignit dans le bain chaud. L'odeur soutenue d'herbes broyées se fraya un chemin jusqu'à ses narines et elle leva un bras indolent, permettant à la femme devant elle d'étendre sur sa chair chaude le savon parfumé.
Accroupit à la tête du bain, Ling Li leva une jarre de céramique et mouilla une fois de plus les cheveux de la Conquérante. Elle commença alors à laver la chevelure noire et abondante de Xena, en lui massant le cuir chevelu et le cou pour chasser les tensions de sa maîtresse.
La Conquérante ronronna comme un chat devant un bol de crème pendant qu'on soignait affectueusement son corps. Les deux servantes étaient libres de partir depuis longtemps, mais préféraient rester à son service pour des raisons que Xena ne prenait pas la peine de s'expliquer. Elles la servaient bien et elle les récompensait, en ne les frappant pas, et en ne criant jamais après elles, ne leurs demandant que ce qu'elles étaient prêtes à offrir.
Elle les avait déjà prises l'une et l'autre, dans son lit, à l'occasion, séparément ou en même temps, et le referait sûrement quand l'envie lui en reprendrait. Mais, elle connaissait aussi l'attachement que les deux femmes avaient l'une pour l'autre. Elles étaient tombées amoureuses l'une de l'autre, alors la plupart du temps, Xena les laissait en paix.
Sentant que son corps commençait à répondre aux attentions intimes qu'il recevait, Xena plongea la main entre ses cuisses, et attrapa le poignet de la femme noire, beaucoup plus gentiment, cependant, qu'elle ne l'avait fait avec Callisto plutôt ce même soir. "Pas ce soir," murmura-t-elle, relâchant sa prise sur la femme et se relevant de toute sa hauteur dans le bain.
La grande femme noire, prénommée Niamey, s'inclina simplement et sortit du bain, en prenant une serviette des mains de son amante, elle attendit que Xena quitte les eaux parfumées du bain.
Soigneusement séchée, puis huilée avec de la lavande, la Conquérante s'assit confortablement dans un des fauteuils de la pièce principale, attendant patiemment que Ling Li termine de peigner ses cheveux, pour remettre un semblant d'ordre dans cette masse épaisse. Xena avait enfilé une tunique de soie bleue. Les courbures de son magnifique corps, pouvaient se voir au travers du tissu qui lui moulait le corps. Les deux servantes jetaient des coups d'œils furtifs, admirant la vue, tout en terminant de prodiguer les soins usuels à leur maîtresse.
"Y aura-t-il autre chose, Majesté ?" Demanda Niamey, son corps d'ébène reluisant dans la lumière des torches.
"Vous pouvez partir, " répliqua Xena, en se levant et en leurs faisant un signe de la main.
Les deux femmes firent une profonde révérence, puis sortirent silencieusement de la pièce.
La Conquérante s'approcha de la grande fenêtre qui surplombait l'est, en direction de Rome. Inconsciemment, elle répéta les mots de Gabrielle, en scrutant la noirceur de ses yeux rétrécis. "Me sens-tu, César ? Peux-tu sentir mon souffle dans ton cou ?"
La nuit, bien sûr, ne lui offrit pas de réponse.
Après quelques moments, elle se détourna de la fenêtre et marcha jusqu'à la massive table où était déployés ses plans de guerre. Une carte géante de l'Italie et plus précisément de Rome, la regardait inopinément de la table. Ses yeux balayèrent la carte, saisissant les images du jour où elle traverserait victorieuse la ville Italienne, la tête de l'arrogant César embrochée au bout de son épée.
Une chaleur concupiscente se diffusa dans son ventre, un sourire noire, impitoyable prit naissance, sur ses lèvres. Elle était le visage sombre de la mort personnifiée ; l'épée de la rétribution et la marchande de vengeance.
Une dague apparut soudainement dans sa main, et avec un grognement digne des démons du Tartare, elle l'enfonça au cœur de Rome, et ricana, tandis que la poignée de la dague trembla encore, sous la force de l'impact. "Tu m'appartiendras, César."
Le matin arriva avec les rayons du soleil et Gabrielle prit un moment pour prononcer une fervente prière, souhaitant qu'hier, n'ai été qu'un rêve. Mais quand ses yeux verts, embrouillés par le sommeil, s'ouvrirent, seul le vide les accueillirent. "Très peu pour cette prière," murmura la Barde en roulant hors du lit et en étirant son corps fatigué et ankylosé. La faim se fit sentir avec vengeance, les rations qu'elle avait avalé la veille, n'avait pas satisfait son appétit. L'idée de chasser et de tuer un malheureux lapin ne lui plaisait guère. "Hé bien, de toute façon, il paraît qu'être maigrelet et affamé est à la mode ces temps-ci."
Plusieurs plans s'étaient présentés à elle pendant la nuit, mais aucun ne semblait ressortir dans son esprit. Elle suivrait la route la plus directe. C'est tout ce qu'elle savait.
Gabrielle se mit presque à rire tout haut, quand elle s'imagina affrontant dix milles hommes ou plus encore, leurs demandant impérieusement d'être amenée à leur dirigeante. "Ouais. Ça fonctionnerait. Je me demande bien, si je serais aussi efficace si on me coupait la tête ?"
Se grattant la nuque derrière ses longs cheveux, la Barde arpenta les limites du terrain où elle avait passé la nuit.
Une odeur putride flottait dans l'air matinal, et son nez se plissa de dégoût, elle suivit la senteur, passant par une brèche entre les arbres, et regarda, la volumineuse armée, en contrebas. Femmes et enfants, la plupart arrachés à une vie de dur labeur, erraient parmi les soldats, leur servant des rasades de ragoût à l'aspect collant qui provenait des chaudrons fumants. Vu la puanteur, Gabrielle se demanda si les femmes tentaient d'aider où de faire obstacle à l'effort de guerre. A l'expression que les hommes affichaient, de ce qu'elle pouvait en voir, ils semblaient se poser la même question.
Le visage de la Barde s'éclaira. "C'est ça ! Je me ferai engager comme aide de camp. Pas aussi courageux que de me présenter au portail du palais, mais au moins j'aurai un pied dans la porte, et je garderai ma tête là où elle se trouve.
Satisfaite de son plan, pour le moment, elle prit son bâton avec confiance - se disant que cela pourrait paraître un peu trop agressif pour une aide cuisinière - elle mit ses sacs de voyages au travers de celui-ci, et l'accota sur son épaule.
"D'accord, Gabrielle. Que le spectacle commence !"
