Lemon Curd
« Je peux vous apporter autre chose ? »
Eren détestait cet emploi.
De nature plutôt enjouée, il ne supportait plus de voir, chaque soir de chaque semaine plus d'hommes d'âge moyen, déprimés par la vie. Souvent, l'un d'entre eux semblait tellement au fond du gouffre que le jeune homme ne pouvait s'empêcher de tenter de la réconforter. Mais leur désespoir semblait si grand qu'en définitive, si l'homme semblait quelque peu apaisé et qu'Eren semblait joyeux en apparence, il sentait au fond de lui un immense vide, laissé par les personnes qu'il avait déjà perdues et cet avenir incertain qui était le sien.
Mais il devait continuer à travailler, chaque soir de la semaine avant de rentrer chez lui. Ce travail lui assurait non seulement de quoi subvenir à ses besoins mais également de réunir progressivement une petite somme qui lui permettrait d'ici quelques années de reprendre ses études.
Depuis la mort de ses parents dans un spectaculaire accident de voiture, il devait se débrouiller seul. Il avait presque atteint la majorité à cette époque, et après les quelques années désastreuses qu'il avait passé à errer de foyer en foyer, il avait décidé de prendre sa vie en main et avait prit son indépendance.
Souvent, le travail était dur et peu gratifiant, mais jamais il n'avait regretté cette décision.
Eren rejoignit les vestiaires après son service. Il se dévêtit rapidement, rangea soigneusement son uniforme dans son casier et pris ses propres habits – jean, tennis de ville et sweat. Il prit une douche rapidement puis se rhabilla, avant d'attraper ses affaires, de saluer ses collègues et de s'engager dans les rues de la ville, désertes à cette heure plus qu'avancée de la nuit. Il n'aimait pas faire ce trajet seul. De temps en temps, une de ses collègues, qui semblait s'être prise d'affection pour lui, faisait le trajet pour une bonne part avec lui, habitant non loin d'ici. Mais depuis quelques jours, elle n'était pas venue. Les choses étaient ainsi dans ce coin de la ville : on survis, on mange, on dort. On se lie de temps en temps avec quelques personnes, mais dès qu'on peut foutre le camp, on le fait, sans un regard en arrière.
Eren arriva juste à temps pour monter dans la dernière rame de métro, et s'assit lourdement à une place vacante. Le wagon était presque vide, et seules deux autres personnes voyageaient avec lui : une femme au visage tiré de fatigue, et un homme ivre qui semblait s'être assoupi depuis un bon moment, sa tête dodelinant sur sa poitrine, où s'était formée une tâche sombre, qu'agrandissait le filet de salive s'écoulant de ses lèvres.
L'attention d'Eren se reporta sur la vitre face à lui. Il semblait bien jeune, cependant ses yeux étaient ceux d'un vieillard. Eteints. Pâles. Blasés.
Il sorti son baladeur et enfonca ses écouteurs dans ses oreilles, se concentrant sur la musique et fermant les yeux. Bientôt, il atteint son arrêt, et sorti de la rame, puis de la bouche de métro, les mains enfoncer dans les poches dans l'espoir de les réchauffer. Il se dirigea vers son immeuble, non loin de là.
Le garçon soupira. Il franchit le portail, se dirigea vers les escaliers et rejoignit bientôt la porte de son appartement. Il s'engouffra à l'intérieur et se dirigea vers son balcon après s'être déchaussé. Il s'accouda à la balustrade et contempla les lumières mouvantes de la ville qui s'étendait non lion. Son salaire ne lui permettait pas d'y vivre, il avait donc choisi un petit appartement dans une banlieue assez éloignée, le forçant à utiliser les transports en commun matin et soir. La nuit était fraîche, et la bise lui fouettait le visage. Eren aimait ce moment de la nuit où tout était silencieux, les habitants du coin dormant depuis déjà plusieurs heures. Il resta là à contempler le paysage alentour, puis rentra à l'intérieur, prenant soin de fermer la baie vitrée derrière lui.
Il traversa la seule pièce constituant son appartement et fit couler l'eau dans la douche, lui permettant de chauffer un minimum pendant qu'il se déshabillait de nouveau. Eren se lavait toujours deux fois : la première fois lui permettait de se débarrasser de toute odeur du bar –tabac, alcool, parfum des clients, odeur du bois dégagée par le comptoir… la deuxième fois était moins utile, mais lorsqu'il se lavait, il avait l'impression de se sentir plus léger, comme si une partie du poids qui le retenait dans ce monde s'en allait. Seulement, ce poids ne le quittait jamais vraiment. Il le ressentait à chaque instant, chaque jour un peu plus pesant. Oui, il avait hâte que sa vie change.
Il enfila prestement un pantalon de jogging, un simple tee-shirt blanc et un polo. Après un quart d'heure passé à végéter devant la télé, sentant que le sommeil ne viendrait pas si facilement après ses quelques tracas de la soirée, il enfila une paire de chaussures et choisit d'aller faire un tour dans la rue en bas de son immeuble pour se vider la tête.
Il n'emporta que ses clés, se disant que la balade serait brève et qu'après le nombre d'heures de travail qu'il avait fourni, la fatigue ne tarderai pas à le rattraper, le forçant à faire demi-tour et à rentrer.
Tout en marchant, il admirait le ciel. Il était dégagé ce soir, ce qui était plus que rare dans cet environnement pollué par le centre ville la moitié du temps, pluvieux le reste du temps.
Ses pas le conduisirent plus loin que prévu, et il se rendit compte qu'il n'était jamais venu dans ce coi du quartier. Au loin, il aperçut un par cet dirigea ses pas vers les balançoires, intrigué et toujours pas fatigué le moins du monde.
Il enjamba sans difficulté le portail qui gisait sur ses gonds, rouillé et inutile depuis un moment déjà à assurer la sécurité du périmètre de ce petit coin de verdure inattendu.
Le jeune homme s'assit dans une balancoire, faisant tinter les chaînes la retenant à la strcture. La nuit était calme, et les bruits de la nature étaient appaisants. Il se mit à somnoler sans même s'en rendre compte.
Une sorte de murmure le réveilla, lui faisant ouvrir les yeux soudainement. Quatre individus lui faisaient face. L'un deux, positionné devant les trois autres, souriait d'un air méchant. Son visage chevalin était contracté en un sourire cruel, et tout dans sa posture transpirait la suffisance. Eren comprit très vite qu'il s'agissait d'une des nombreuses bandes de voyous du coin, et que ce parc était leur territoire. Il se maudit de ne pas avoir emmené son téléphone.
Face-de-Cheval s'avanca en ricanant, et à sa démarche, il était évident qu'il s'agissait du chef.
« Allez, merdeux, file tout ton fric et ton téléphone ! Grouille-toi ou je vais te faire très mal ! »
Les yeux du garçon furent attirés par un éclat dans la main du voyou : la lame du couteau qu'il avait sorti avait accroché un rayon de lune. Le jeune homme déglutit : il savait que dans ce genre de situation, la victime ne se faisait pas simplement dérober ses affaires, mais versait aussi son sang, sans raison apparente, dans bien des cas…
Il se maudit une nouvelle fois de ne pas avoir prit son téléphone…
Quand tout à coup, aussi incongru que cette pensée lui parut, il se mit à rire. D'abord, ce ne fut qu'une sorte de gargouillis, que les voyous interprétèrent comme un signe de peur, ce qui les fit ricaner. Quand Eren se mit à franchement rire, rejetant la tête en arrière, les chapines de la balancoire tintant de plus belle, les voyous s'immobilisèrent, interdits.
« Mais il est con, celui-là ! Tu comprends pas ou quoi ? »
Eren ne pouvait retenir le fou rire qui s'était emparé de lui. Même s'il avait pensé à prendre son téléphone, il ne lui aurait absolument servi à rien. Non seulement la police n'intervenait jamais dans ce genre d'endroit, même après la découverte d'un corps dans le coin, mais en plus, il n'aurait pu appeler personne. Les seuls numéros composant son faible répertoire étaient ceux du bar, de Mikasa –sa collègue- qui avait mystérieusement disparue depuis quelques jours, et de son ancienne maison, numéro qu'il n'avait pu se résoudre à effacer même après tout ce temps. Il était tout seul, dans un moment comme celui-ci, et il se dit que sa nuit promettait de ne pas s'améliorer davantage que sa journée, si ce n'était pire.
« Mais il se fout de notre gueule, ce petit con ? Connie, va lui faire la peau à cette enflure ! »
Le plus petit des voyous s'avanca, dans une posture belliqueuse, sûr de sa supériorité sur ce chétif garçon qui se trouvait devant lui, assis sur cette balançoire, dans des vêtements presque trop grands pour lui.
Le corps d'Eren était parcouru de légers tremblements tandis qu'il essayait de reprendre son souffle, ayant retrouvé un semblant de sérieux dans la situation à laquelle il était confronté. Il se releva doucement. Il le savait, il ne pouvait pas se contenter de se défendre et d'attendre que quelqu'un vienne l'aider.
N'importe qui lui ayant prêté un minimum d'attention à cet instant aurait vu le doré flamboyant dans son regard, son rictus figé, le mouvement imperceptible que firent ses muscles tandis que son buste s'effaçait légèrement, prêt à recevoir l'assaut lui étant destiné.
Dans toutes les situations dangereuses qu'il avait traversé jusqu'alors, et sans qu'il y ait réellement prêté attention, Eren avait réagi instinctivement, se battant furieusement pour se protéger, habité, possédé presque par une rage indicible qui traversait tout son corps, lui donnant une volonté de fer et une force peu commune.
Mais le voyou, aveuglé par sa soif de se battre, ne prit pas le temps de le regarder plus avant, et se lança la tête la première dans le corps-à-corps.
Eren d'une torsion du buste s'effaça sous l'assaut de son agresseur, qui tenta de réagir, mais trop lentement. Balançant maladroitement son bras droit pour frapper Eren au visage alors qu'il cherchait toujours son équilibre, l'autre en profita pour écarter sa main de son avant-bras, et le frappa sous le menton, de la paume de la main, lui brisant plusieurs dents. Le voyou se plia sous la douleur, ce dont Eren profita pour lui décocher un coup de coude retourné à la tempe, puis lui écraser le visage de son genou, l'envoyant au tapis pour un petit moment.
Les trois autres voyous avaient marqué un temps d'arrêt face à ce soudain revirement, mais cela ne dura pas : d'un même mouvement, ils le chargèrent, à couteaux tirés, prêt à déchirer la chair de leur victime et à faire couler son sang.
S'ensuivit une furieuse mêlée où, à cause du nombre, Eren recevait pour chaque coup donnée deux coups en réponse. Ce fut un violent échange de coups de poings, de pied et d'esquive lorsque l'un d'eux tentait de lui enfoncer son arme dans le torse ou le visage.
Alors que le combat se déplaçait en forçant Eren à reculer face à eux, le garçon marcha sur une pierre, ce qui le fit trébucher sur le dos, sa tête cognant durement le sol. Il sentit quelque chose d'humide et chaud se répandre dans ses cheveux, les rendant poisseux contre son crâne. Les trois voyous suspendirent leurs gestes, et tandis que la tête d'Eren pulsait sourdement, brouillant sa vision, il vit apparaître au-dessus de lui Tête-de-Cheval, le regard mauvais, un sourire triomphant sur les lèvres.
« Tu ne reconnaîtra pas dans le miroir quand j'en aurai fini avec toi, sale connard ! »
Alors qu'il approchait son couteau du visage d'Eren, ce dernier distingua une forme qui se déplaçait en marge de sa vision. Il prit d'abord la silhouette pour un des voyous, avant d'entendre un râle et de vaguement distinguer le visage surpris de Tête-de-Cheval.
« Mais qu'est-ce que… » fut tout ce que le chef de bande parvint à dire avant que le troisième voyous ne s'effondre sur lui, le nez en sang. Puis la silhouette fondit sur lui, et tandis que la vision d'Eren s'assombrissait, il entendit Tête-de-Cheval couiner avant de prendre ses jambes à son cou. La dernière chose que le jeune homme perçut fut des cheveux noirs et brillants, séparés par une raie impeccable sur le coté, qui lui chatouillèrent les pommettes tandis que l'inconnu se penchait sur lui pour vérifier ses pupilles. Il entendit des mots prononcés d'une voix suave, grave, lui parvenant dans un lointain murmure, et dont il ne comprit pas le sens… puis il perdit connaissance.
Salut! Me revoilà avec une nouvelle histoire, vous comprendrez vraiment le titre dans le prochain chapitre... Je suis sensée dormir depuis plusieurs heures, mais j'avais vraiment envie d'écrire! Je vais quand même aller me coucher sans relire avant de poster, pare que je me lève dans trois heures, moi! 0_0 je corrigerai ce weekend, promis!
J'ai toujours trouvé que Levi était comme une tarte au citron meringuée (ça faisait un titre très laid donc j'ai pris le Lemon Curd à la place ^^')... Pas vous? Déjà, parce qu'il est carrément à croquer, mais aussi parce qu'il a ce caractère revêche, mais on sent bien que c'est juste pour se protéger... Il est sensible en réalité, et peut même être très gentil je pense. Mais un ancien voyou, ça a une sacré carapace, hein? ^^
Allez, j'arrête de divaguer! A la prochaine! :D
- Pourquoi travailler quand avec quelques mots on peut s'évader si loin? - =^^=
