CHAPITRE 1

Il était sept heures du matin lorsque j'entendis ma mère monter le grand escalier qui menait à ma chambre.

- Debout, Lydia! Il est déjà tard, si tu ne te lève pas maintenant, tu...

Elle stoppa quand elle ce rendis compte que j'étais réveiller et habillé.

Je la regardai en ajoutant :

- Je suis déjà debout, par contre le petit monstre ne l'est toujours pas, vas la réveiller elle!

- Lydia! Soupira-t-elle, bon...Très bien, mais descend au moins prendre ton petit-déjeuner.

Ma mère n'aimait pas que je traite ma petite sœur, Avery, de monstre. Elle disait souvent que la famille était plus forte que tout. J'étais entièrement d'accord avec elle, cependant Avery pouvait vraiment agir comme une petite peste parfois. Ma petite sœur aimait vraiment me pousser à bout.

Comme, par exemple, la fois ou elle subtilisa mon baladeur mp3 et le cassa en s'amusant à le lancer chez les voisins, pour que nôtres vieux chien, Rex, aille jouer a « vas chercher la balle ». Elle me faisais souvent sortir de mes gongs, mais elle restait ma sœur. Je l'aimais bien plus que ce que je ne le laissais paraître.

Une fois mes longs cheveux blonds brossés, je descendis dans la salle à manger, là où ma mère avait préparé le petit-déjeuner pour la famille.

Mon père était là, lui aussi.

Tient, je trouvais ça étrange. Je ne comprenais pas ce qu'il pouvait encore faire ici,

Il aurait déjà dû être parti au travail.

- Tu n'es pas encore à ton bureau, papa?

Il me regarda avec un sourire et ses grands yeux bleus que je tenais évidemment de lui, ainsi que la couleur de mes cheveux.

- Non pas encore, j'ai rendez-vous ce matin à huit heures trente pour discuter de mon prochain reportage qui doit se dérouler en Asie, me répondit-il en buvant une gorgée de son café.

Mon père était journaliste, ou plus précisément envoyé spécial. Vous savez, le genre de personne que l'on aperçoit à la télévision quand il se passe une galère ou un fait divers quelque part dans le monde. Il était donc souvent absent à cause de son travail, ce qui ne nous empêche pas d'être une famille unie ! Il arrive même parfois à ma mère de l'accompagner durant ses missions qui durent normalement une à deux semaines. Dans ces cas-là, ils faisaient appel à une nounou qui nous gardait, moi et ma petite sœur, et ce même si j'estime être assez âgée pour surveiller ma petite sœur toute seule.

- Ah! Super, ça sera pour combien de temps, cette fois?

J'étais assez curieuse de nature, et je voulais savoir si ma mère allait l'accompagner.

- Normalement deux semaines, mais je dois en discuter au boulot, je vous en parlerai quand vous rentrerez de cours toi et ta sœur, en attendant dépêche-toi de manger ou tu vas rater ton bus, m'avertit-il en fronçant les sourcils.

- D'accord, Chef!

Je m'exécutai, buvant mon bol de lait d'une seule traite tout en rangeant ma pomme dans mon sac.

Une fois le petit-déjeuner prit, je montai à la salle de bain me brosser les dents, je croisai ma petite sœur dans les escaliers qui me fit une petite grimace à mon passage.

Il était maintenant sept heures trente, j'étais à l'arrêt de bus quand le fameux transport arriva. Heureusement que mon lycée n'était pas très loin de chez moi.

Montant à bord, je remarquai que quelques personnes y étaient déjà assises.

Je choisi une place avant de m'affaler sur le siège et de coller ma tête contre la vitre armée, bien évidemment, de mes écouteurs. La musique avait un sacré don de m'apaiser lorsque j'étais nerveuse, et je devais l'avouer, cette rentrée me terrorisait.

Je ne connaissais absolument personne. Aillant emménagé sur cette île de l'océan indien que depuis trois semaines maintenant à cause du travail de mon père, il n'était pas évident de débarquer comme ça, le jour de la rentrée dans un lycée dont je n'avais même pas retenu le nom !

Au fur et à mesure que le bus avançait, je regardais à l'extérieur pour admirer le paysage.

Bon, il est vrai que je ne connaissais personne ici, mais vivre sur une île tropicale, il y avait pire je l'avoue. Les paysages étaient tellement beaux et variés, quant au climat, je n'aurais pas demanderais mieux. Du soleil quasiment toute l'année ! Je trouvais que la pluie, les nuages gris, bref tout ce qui concernait le mauvais temps, n'était pas très réconfortant.

Le brusque arrêt du bus me fit sortir de mes pensées. Je n'avais même pas remarqué que nous étions arrivés juste devant l'immense bâtisse, qui allait devenir mon nouveau lycée. Je pris une grande inspiration avant de descendre du bus, comme pour m'apaiser, bien que ce fut inutile.

C'était un lycée sacrément grand, assez design et s'intégrant parfaitement à l'environnement. L'allée centrale menait au bâtiment principal, qui était lui-même entouré de plusieurs sortes de plantes exotiques. Sur la façade, juste au-dessus de l'entrée, ce trouvaient les inscriptions: Jules Ferry.

C'était donc le nom que j'avais oublié.

Mais ce qui retint plus particulièrement mon attention, ce furent ces deux grands arbres plantés à l'entrée du bâtiment.

Ils étaient tout bonnement magnifiques, je n'avais jamais rien vus de tel. Je décidai de m'en approcher afin de les contempler de plus près.

Je restai donc là, sous la cime de ces deux arbres majestueux, admirative devant le travail que la nature peut offrir. Les troncs étaient comme marqués par d'étranges cicatrices qu'avait dû façonner la courbure du bois, montrant l'ancienneté des spécimens. Leurs troncs se ramifiaient pour faire apparaître des branches chargées de feuilles d'un vert éclatant qui rappelait celle d'un palmier, et de longues fleurs dotée de plusieurs pétales formant une couronne d'un rouge sang écarlate, d'où sortaient de multiples pistils. C'était remarquable. Ils étaient abondamment fleuris.

- Ce sont des Flamboyants, c'est très commun ici, à la Réunion.

Une petite voix me surpris.

Je mis plusieurs secondes à comprendre qu'elle venait de derrière.

En me retournant, je me retrouvai face à une jeune fille qui devait avoir le même âge que moi.

Une pression s'installa en moi. Que devais-je faire? Je n'allais sûrement pas passer pour la fille associable qui voulait rester seule et qui se fermait aux autres.

Je tentai de garder mon calme et prit une petite inspiration avant de lui répondre.

- Ah! Eh bien, merci, ils sont très beaux, lâchais-je finalement avec un petit sourire pour lui montrer que je n'étais pas une personne hostile.

Elle sourit également avant de me répondre avec entrain.

- Avec plaisir, je m'appelle Katy et toi? Elle semblait vraiment s'intéresser à moi, bizarrement.

- Lydia, répondis-je, un peu intimidée, il était vrai que la socialisation n'était pas mon fort...

- Contente de te connaître, Lydia, j'imagine que tu n'es pas originaire d'ici …?

- C'est ça! J'arrive tout droit de métropole, mais comment le sais-tu?

Elle me fixa et réfléchit quelque peu avant de me répondre.

- Et bien, ne le prend pas mal, mais ça se voit à ta couleur de peau que tu n'es pas née sur cette île. Mais ce qui confirmais mes soupçons, c'est de te voir émerveillée par les flamboyants, arbres qui je te le rappel, poussent un peu partout dans cette région.

Ne venait-elle pas de faire allusion à ma couleur de peau?

Il est vrai que j'étais blanche, voire même très blanche mais quand même...

Katy sembla deviner ce à quoi je réfléchissais.

- Haha! Ne le prends pas mal, tu verras, ici blanc noir, vert, on ne te traitera pas différemment.

- Si tu le dis...

Je n'avais pas remarqué que tous les élèves autour de nous était soit noir, soit mats de peau… Bon, certains était blanc également, mais avec des cheveux frisés ou comportant d'autres caractéristiques issues du fort métissage présent dans l'île.

Sa remarque sur la couleur de ma peau prenait tout son sens à présent.

- Dis-moi, Katy, ça ne te dérangerais pas de m'aider à trouver ma classe? J'ai assez peur de me perdre dans tout cette espace et avec toute cette foule.

Elle ne parut même pas hésiter, me prit par le bras et m'entraîna dans les couloirs du lycée, à la recherche de la classe où était affichés les noms des élèves entrant en première. J'étais assez surprise par sa vivacité. Sur le chemin, j'en profitai pour en apprendre un peu plus sur Katy. Je savais maintenant qu'elle avait un grand frère appeler Éric, qui faisait son entrée en Terminal cette année, et aussi un chat nommé Gribouille qu'elle semblait chérir plus particulièrement.

Katy était une fille que je qualifierais d'extravertie, rien ne semblais l'atteindre. Sa façon de parler, de sourire à tout bout de champs, de limite hurler lorsqu'elle parlait, se fichant pertinemment du regard des autres. Tout cela me portait à croire qu'elle était le genre de personne sûr d'elle.

Par le plus grand des hasards, Katy se trouva inscrite sur la même fiche que moi. Résultat ; nous allions passer cette année entière ensemble! Cela me rassura, l'idée que la seule personne daignant m'accorder un peu de son temps ne soit plus avec moi ne me plaisait pas tant que ça...

Plusieurs noms étaient affichés, Katy et moi décidâmes de pénétrer dans la salle. Il n'y avait encore personne, seul était au tableau une jeune femme, vêtu d'un tailleur gris et d'une jupette noir lui arrivant aux genoux. Ses cheveux, qui n'étaient pas très long, étaient ramenés vers le côté droit, soulignant son regard à travers ses petites lunettes à peine remarquables. Elle devait sûrement être notre professeur principal pour cette année.

Après l'avoir saluée, nous nous installâmes côte à côte au deuxième rang. Étant myope, je ne pouvais me permettre d'aller au fond de la classe.

Les élèves arrivèrent peu à peu; en quelques minutes, la salle était pleine. Tous les bureaux étaient occupés. Enfin, presque tous. Celui qui était juste derrière moi restait vacant.

La cloche retentit. C'est à ce moment que la professeure se décida à prendre la parole.

- Bien, je vous souhaite à tous une bonne rentrée scolaire. Et bienvenue aux nouveaux ! Je me présente, je serai votre professeur principal et je me nome mademoiselle Hélène. Avec moi, vous étudierez principalement l'histoire et la géographie.

Elle finit par arborer un sourire radieux. Son visage resplendissait, elle devait sûrement être très impatiente de nous rencontrer.

Dans tous les cas, elle semblait très sympathique, je sentais que cette année allait être super!

Elle écrivit son nom au tableau et enchaîna son discours.

- Maintenant que je me suis présentée, c'est à vous! Vous allez tous vous lever un par un et vous présenter au reste de la classe. Nous commencerons par le fond!

Oh non. Étant très timide, j'avais horreur d'avoir tous les regards braqués sur moi... Ressaisie-toi Lydia, ce n'est qu'une présentation orale, pas un défilé en maillot de bain ! Cette pensée m'embarrassa de plus belle. Je sentais des flammes irradier mes joues.

Toute la classe se présenta petit à petit. Je n'étais pas la seule arrivant de métropole apparemment. Une autre fille, Emily, il me semble, arrivait de Paris, ainsi que Gareth et Victor, des jumeaux arrivés depuis plusieurs mois venant d'Australie, mais parlant très bien le français. Tous deux était similaire, de vrais jumeaux parfaitement identiques, bien que je remarquai que Victor avait une tache de naissance dans le creux de son cou. Mis à part ça, impossible de savoir qui était qui.

Mademoiselle Hélène sembla amusée par la présence des jumeaux, elle leurs posa quelques questions auxquelles ils répondirent sans difficulté.

- Super, merci les garçons, je sens que cette année va être pleine de surprise! Ajouta-t-elle, enthousiaste.

Sur le moment je ne compris pas à quel point ce qu'elle venait de dire allait être véridique.

- À qui le tour? Hum... Toi, là! S'exclama-t-elle en désignant ma partenaire du doigt.

Katy se leva sans grande gêne et se présenta devant tout le monde, comme les autres l'avaient fait avant elle, insistant bien sur le fait que son grand frère était dans ce lycée également, comme pour avertir certain rigolos qu'il ne valait mieux pas la chercher.

-Très bien, Katy, je vais à présent demander à ta...

Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que quelqu'un frappa à la porte de la classe.

- Excusez-moi.

Elle tourna la tête en direction de la porte avant de parler un peu plus fort pour que la personne derrière l'entende.

- Oui ?

La porte s'ouvrit et un jeune homme apparut.

Je restai bouche bée. Il était d'une beauté renversante. La première chose qui me frappa chez lui fut des yeux d'un vert que je n'avais encore jamais vu, et ses cheveux plus noirs que noir. Il était assez grand, vêtu d'un débardeur noir faisant ressortir ses yeux de jade et d'un short blanc. Il tenait fermement une des bretelles de son sac qui pendait quelque peu sur son flanc droit.

Balayant la pièce du regard, l'individu s'avança avec aisance vers l'institutrice afin de la regarder droit dans les yeux.

- Désolé pour le retard... J'ai eu un problème avec mon bus, dit-il en arborant un sourire destiné à mademoiselle Hélène.

Il semblait sûr de lui, mais réellement désolé de son retard. Son charme ne sembla pas déstabiliser que moi, l'enseignante mit plusieurs secondes à reprendre ses esprits,

encore ébahie du spécimen ce tenant devant elle.

- Je... Je t'en prie, ce n'est pas grave, nous étions en train de nous présenter et je pense que c'est à ton tour, qu'en penses-tu? S'empressa-t-elle de répondre sûrement pour cacher son embarra.

Le jeune homme acquiesça de la tête et prît place devant le tableau qui faisait face à l'ensemble de la classe.

- Je m'appelle Icare Lilith, je suis née sur cette île et j'ai actuellement dix-sept ans, dit-il d'une simplicité déconcertante.

Il ne bégaya pas, ne mâcha pas ses propres mots.

Icare dégageait une sorte d'aura mystérieuse. Son regard, sa voix, sa façon de marcher avec simplicité et son sourire, dévastateur. On aurait vraiment dit un ange à plusieurs facettes.

Mais... Lilith... Ce nom me disait vaguement quelque chose...

Je buvais chacune de ses paroles, comme toute la classe d'ailleurs. Sa voix sonnait comme une mélodie qu'on ne se lassait d'entendre.

- Bien, Icare, c'est un bien joli prénom que tu as là, prends place, nous pourrons ainsi continuer les présentations.

Il s'exécuta en passant près de moi pour s'installer au seul bureau qui était libre, mais s'arrêta net devant moi, huma l'air et continua son chemin. Je pus sentir l'odeur qu'il répandait à chacun de ses pas. Une délicate odeur de jasmin embaumait sont espace.

- Continuons! À toi jeune fille, enchaîna notre enseignante en me désignant de la tête.

C'était le moment. Le stress s'installa en moi à une vitesse folle en sachant qu'un tel individu se trouvait juste derrière moi. Il était très attirant, certes, mais il dégageait quelque chose de... Malsain?

Non, je ne devrais pas le juger sans le connaître, même si, pour une raison que j'ignore, une petite partie de moi me suppliait de m'éloigner le plus possible de lui.

Je devais absolument garder mon sang-froid

Ne m'étant toujours pas levée, je pouvais quand même sentir tous les regards braqués sur moi.

Bon j'exagérais peut-être un peu, mais je sentais très particulièrement le regard d'une personne toute proche de moi, je crus même entendre un grognement s'échapper de la poitrine d'Icare.

Un grognement? Reprend-toi, ma pauvre fille, le stress te fait totalement délirer.

Je plaçai mes mains moites dans mon dos avant de me lever et de prendre la parole.

- Je m'appelle Lydia Spencer, je... je viens de Toulouse en France, j'ai seize ans et je suis installée sur cette île depuis trois semaines maintenant.

J'avais la voix tremblante, je crus que mes jambes allaient se dérober sous mon poids.

Je me rassis aussitôt, le pire étant derrière moi. Je pris alors une grande inspiration le plus discrètement possible pour essayer de reprendre mon calme.

Mademoiselle Hélène me remercia tout en m'assurant que j'allais passer d'excellents moments ici, chose dont je ne doutais absolument pas.

Une fois les présentations terminées, nous dûmes commencer le premier cours de l'année qui allait porter sur la mythologie grecque.

Notre professeure avait mis un point d'honneur pour qu'Icare nous raconte l'histoire d'où était tiré son prénom, car je cite « Il est rare d'avoir des élèves aillant des prénoms issus de la mythologie grecque» avait-elle assurée.

L'intéressé commença donc son récit, qui avait même scotché mademoiselle Hélène et la classe par la même occasion. Sa voix était si envoûtante, je ne pouvais m'empêcher d'écouter le moindre mot qui sortait de sa bouche.

Ce qui n'échappa pas à Katy qui me dévisageait avec un sourire narquois.

- Il te plaît hein ?! M'avait-elle chuchoté à l'oreille.

- Quoi ? … Tsss! Non, pas du tout ! Essayai-je de mentir alors que je me sentais rouge comme une tomate.

- Mouais... Tu ne rougirais pas autant si c'était pas vrai.

Je voulus répondre mais notre professeur annonça que nous allions partir en excursion dans la forêt durant quatre jours à partir de la semaine prochaine.

- Nous allons y étudier la faune et la flore endémique de cette île. Pour ce faire je vais vous passer cette petite fiche vous expliquant le déroulement de la sortie, papier qui je vous avertis, doit obligatoirement être signée par vos parents.

Elle me désigna pour distribuer la paperasse au reste de la classe, c'était bien ma veine, ça!

Je ne pouvais m'empêcher de trembler, spécialement arrivée à la table d'Icare. Nos yeux se croisèrent et je crus que tout autour de moi allait s'écrouler tant son regard était persan et insistant.

Il me fixa et je fis de même. Ce petit échange dura quelques secondes, secondes durant lesquelles il ne paraissait plus respirer. Sa façon de m'observer, on aurait dit qu'il lisait au plus profond de moi. Mon cœur se serra dans ma poitrine.

Je lui tendis d'une main tremblante une des feuilles qu'il attrapa aussitôt avant d'ajouter sèchement :

- Merci.

Je n'osai pas répondre, j'étais beaucoup trop intimidée pour lui demander ce qu'était son problème. Qu'est-ce que j'avais pu dire ou faire qui justifie ce ton froid ?

Puisque c'était comme ça, je passerai mon tour la prochaine fois au moment de la distribution.

La fin de l'heure passa relativement vite, je n'avais même pas remarqué qu'il était temps d'aller déjeuner.

En sortant de la classe, Katy m'attrapa le bras en m'entraînant dans les escaliers qui menaient au réfectoire.

-Dépêche-toi, il y a toujours foule et c'est pénible d'attendre, j'ai faim, moi !

-Je te signale que je ne peux pas aller plus vite que mes jambes...

Elle rigola et me tira de plus belle. Sérieusement, cette fille était vraiment pleine d'énergie, beaucoup trop même.

Quelques personnes attendaient déjà devant la porte du réfectoire, nous nous mîmes derrières elles.

Nous fûmes quelques instants plus tard, rejointes par Gareth et Victor, qui nous proposèrent de manger avec eux, étant donné qu'ils ne connaissaient pratiquement personne ici.

Plus les minutes passaient, plus du monde arrivait, je me sentais pas vraiment à l'aise avec tous ces inconnus autours de moi, qui plus est dans un espace aussi réduis.

La porte s'ouvrit, c'était l'heure. Tout le monde se précipita à l'intérieur, bousculant tout sur leur passage. J''appris qu'il ne fallait pas sous-estimer une bande de lycéens affamés.

Katy m'agrippa la main, pour ne pas que l'on soit séparées.

Soudain, une odeur qui me semblait familière vint me titiller les narines, une odeur de fleur que j'appréciais énormément. Je compris qu'Icare n'était pas loin. Je le cherchai de la tête mais impossible de le trouver parmi toute cette foule. Compressée comme je l'étais, je ne pouvais même pas voir Katy qui me serrait pourtant la main de plus en plus fort derrière moi.

Je pus enfin apercevoir Icare lorsque plusieurs personnes me laissèrent enfin un peu de place pour pouvoir me mouvoir. Cependant il était bien plus proche de moi que je l'avais imaginé, et pour une raison que j'ignore, il me fixait, et paraissait surpris. Sa bouche était légèrement entre-ouverte.

Je compris ce qui provoqua cette réaction chez lui quand il fit glisser ces yeux vers le bas, je suivis automatiquement son regard pour voir que je lui tenais la main... LA MAIN?

- Euh... Ex... Excuse-moi, tentais-je d'articuler en lui lâchant la main. Je… pensais que c'était Katy.

J'étais très embarrassée, je devais lui avoir tenu la main depuis au moins trois bonnes minutes et je n'avais rien remarqué. Il n'avait même pas râlé non plus.

Il me fixa et parut hésiter à réagir, il réfléchissait ? Je n'en savais trop rien, Icare faisait partit du genre de personne avec lesquelles on ne savait jamais ce qu'elles pensaient.

- Ne t'excuse pas, c'est pas grave, finit-il par dire en souriant.

Il venait de me parler, avec un sourire cette fois, alors que plus tôt c'était tout le contraire.

Je sentais déjà mes joues rougir, je me retournai afin qu'il ne le remarque pas, et tombai nez à nez avec Katy, qui elle, me regardait avec un air triomphant.

- Toi! Prépare-toi à des représailles hostiles, lui chuchotai-je.

- Bouh ! Aidez-moi, par pitié, simulât-elle.

Nous avançâmes dans la file en prenant chacun un plateau avant que les cuisiniers nous servent.

Aujourd'hui, menu spécial rentrée: Steak et frite. Ils n'étaient pas allés chercher l'idée bien loin.

Nous nous installâmes à une table libre et commençâmes à parler du cours qui venait de se dérouler et de la sortie qui allait avoir lieu prochainement.

Mais étrangement, je ne pouvais m'empêcher de penser à Icare. D'ailleurs, où était-il?

Je balayai le réfectoire d'un rapide coup d'œil. Rien... Je me demandais bien ou il était passé.

Katy sembla remarquer que j'avais l'esprit ailleurs.

- Si c'est Icare que tu cherches comme ça du regard, il est parti.

- Comment ça, parti ? Il ne mange pas ? Fis-je, perplexe.

- J'en sais rien, rajouta-t-elle, je l'ai vu sortir du réfectoire avec son plateau.

Étrange... Cela dit, je ne l'avais vu parler avec personne hormis moi tout à l'heure.

Peut-être était-il seul, et que manger sans compagnie le déprimait. Personnellement, je pensais que personne ne méritait d'être seul. Je me sentais triste pour lui.

Nous terminâmes de manger, Gareth semblait être particulièrement intéressé par Katy. Vu la façon dont il la regardait pendant tout le repas, ça ne faisait aucun doute.

Le reste de l'après-midi passa également très vite, les cours allaient se terminer à quinze heures trente, exceptionnellement, aujourd'hui. Pendant toute l'après-midi je me demandais ce à quoi Icare pouvait bien penser, il semblait ce tenir éloigné des autres, je l'avais même vu totalement ignorer les quelques filles qui s'était armées de courage pour venir lui adresser la parole. Pourquoi faisait-il cela ? Cherchait-il vraiment à éviter le moindre contact ? Je n'en savais trop rien, pourtant il m'avait bien souris lorsque je lui avais pris la main... Raaahhh ! Tout ça allait me rendre chèvre, c'est fou, comment une personne pouvait-elle prendre autant de place dans mon esprit en si peu de temps ?

La sonnerie annonçant la fin des cours retentit.

Katy me raccompagna à l'arrêt de bus, bien qu'elle ne le prenne pas avec moi. Son frère allait la ramener en scooter. J'aperçus également les jumeaux au loin et leurs fis un signe de la main pour leur dire au revoir. Ils me répondirent tous deux avec un grand sourire.

Mon bus arriva quelques minutes plus tard, une dizaine de personnes montèrent à bord, et le trajet de retour me parut bien plus rapide que l'aller ce matin.

Une fois arrivée chez moi, je montai directement dans ma chambre et m'affalai sur mon lit en soupirant.

Si toutes les journées ressemblaient à celle-là, je devais me préparer psychologiquement, cette journée avait été un véritable ascenseur émotionnel. J'étais cependant très heureuse d'avoir fait la connaissance de Katy et des Jumeaux, j'avais ce qui, pour le moment, se rapprochait le plus d'une bande « amis » et j'étais assez fière de ça.

Il n'était que seize heures, pourtant je sentais la fatigue me gagner.

Il n'y avait personne chez moi, mes parents devaient sûrement êtres à leur boulot respectif. Quant à Avery, elle devait toujours être à l'école.

Je restai donc là, sur mon lit, à rêvasser, me remémorant les moments de cette journée.

- Icare... Lilith, chuchotais-je à moi-même, en enfonçant ma tête dans un coussin pour cacher mon embarra.

Il est vrai que son nom me disait vaguement quelque chose... J'avais tendance à beaucoup trop me prendre la tête. Quand je voulais savoir quelque chose, je ne lâchais rien avant d'obtenir ce que je désirais..

Je me levai de mon lit et parcourus ma petite bibliothèque personnelle, en feuilletant tous mes livres un à un. Rien.

Je descendis dans le salon histoire de vérifier parmi les livres qui s'y trouvaient, rien également.

Il ne me restait plus qu'une seule solution ; la chambre de mes parents.

Heureusement que personne n'était à la maison, ils n'aimeraient pas que j'aille fouiner dans leur chambre.

Je remontai alors le grand escalier et me dirigeai vers leur chambre.

Une fois à l'intérieur, le lit imposant fut le premier objet qui attira mon attention.

Sur la droite, se trouvais un bureau que je reconnus comme appartenant à mon père, et juste à côté dans un coin de la pièce se trouvait une étagère avec plusieurs livres qui y étaient rangés. Bingo !

Je m'y précipitai et commençai alors à farfouiller parmi la vingtaine de livres sous mes yeux.

Ces derniers étaient rangés de façon précise, l'étage du haut était exclusivement réservé aux livres appartenant à mon père, il y avait toute sorte de livres à suspens ou des romans policiers.

Juste en-dessous se trouvaient ceux appartenant à ma mère qui avait des goûts bien plus... sombres ? Je dirais, oui.

Je pouvais lire des titres comme : Dracula : L'éveil des morts, Apparitions, etc. La liste était encore longue.

Mais tout en bas, j'aperçus un livre plus épais et légèrement plus grand que tous les livres présent ici.

Je le pris dans mes mains afin d'en lire le titre, et là, ce fut comme une révélation. Je connaissais ce livre ! Et je l'aimais beaucoup. Il regorgeait d'histoires, de contes et de légendes.

Lorsque j'étais enfant, je m'amusais à me glisser dans la chambre de mes parents pour pouvoir lires ces histoires qui me plaisaient tant, bravant l'interdiction de mon père de lire ce livre seule. Je me souviens encore de ses avertissements, « Dans ce livre, il n'y a pas que des histoires de princesse et de licornes, Lydia, ma puce, il y a aussi des histoires qui ne sont absolument pas faite pour une fille de ton âge ».

Le livre disparu lorsque mes parents comprirent que rien n'y faisait. Et avec le temps, j'avais fini par l'oublier.

Mais, il était là, entre mes mains, et je n'avais qu'une hâte, c'était de connaître les parties les plus sombres que ce livre contenait.

Disons que j'avais hérité de ma mère et de ses goûts sombres pour l'horreur et le surnaturel.

Sur la couverture rouge, une inscription jaunâtre y était inscrite.

On pouvait y lire : Bestiaire, encyclopédie de démonologie.

Je ne pouvais attendre, mes parents pourraient très bien rentrer d'un moment à l'autre, je devais me dépêcher. Ce bouquin venait de réveiller une grande part de curiosité enfouie en moi.

Je pris alors le livre et me précipitai dans ma chambre, m'allongeant sur mon lit pour commencer ma lecture.

Il était chargé d'images et de textes les accompagnants concernant des démons ou toutes autres sortes de créature allant de la mythologie égyptienne aux loup-garous d'aujourd'hui.

C'était passionnant, je dévorais littéralement ce livre.

Certaines pages étaient carrément dans des langues qui m'étaient totalement inconnues, plusieurs images de créature défilaient sous mes yeux.

Quand soudain, une image retint particulièrement mon attention.

Le portait d'une femme au teint blafard avec de longs et magnifique cheveux noirs.

Ce n'était qu'une image, mais la personne qu'elle représentait était tout bonnement dotée d'une rare beauté. Ses longs cheveux noirs faisaient ressortir ses grands yeux d'un vert éclatant. Un vert qui m'était étrangement familier… Cette femme, elle ressemblait trait pour trait à Icare. Je m'empressai de lire le descriptif qui lui était accordé.

Sous son portrait, on y lisait : Lilith.

J'en étais sure ! Ce nom me disait réellement quelque chose !

Mais une autre inscription figurait juste en-dessous de son nom, je la lus à voix haute.

- Succube, mère de tous les démons.

Un long frisson me parcourut le dos, des pensées se bousculèrent dans ma tête, le fait que cette femme ressemble étrangement à Icare, et qu'elle porte le même nom que lui n'arrangeait en rien la situation.

Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ?

Je secouai la tête pour reprendre mes esprits, ça allait définitivement trop loin. Ce genre de bêtise n'était que des contes que l'on racontait pour faire peur aux enfants qui n'étaient pas sages.

Je ne connaissais pas Icare plus que ça, encore moins sa famille, comment serait-il possible qu'un démon, ou quoi que cela puisse être, datant de l'époque biblique, puisse être sa mère ou un quelconque membre de sa famille ?

Je me sentais idiote rien que d'y avoir pensé.

Je retournai dans la chambre de mes parents pour remettre le livre à sa place, ni vu, ni connu. Parlant d'eux, je pouvais entendre le moteur de la voiture de mon père entrer dans le garage. Je courus vite dans ma chambre pour ne pas qu'il me trouve là-bas.

- Avery ? Je suis rentré, cria-t-il pour que je l'entende depuis ma chambre.

Je mise à descendre les escaliers l'air le plus naturel possible. Je m'efforçai d'ignorer ce que j'avais lu il y a cinq minutes de cela.

- Bonsoir papa, lui dis-je en l'enlaçant.

Il déposa un baiser sur mon front et alla déposer sa sacoche près de la porte.

Avery, elle, venait de rentrer dans la pièce elle aussi, elle se rua vers moi pour m'enlacer et me raconter sa journée.

Je ne pouvais que l'envier... Une journée en classe de CM2 était si... Tranquille. Loin de toutes sortes de pressions, comme un bel adonis débarquant dans sa classe et qui met la pagaille dans son esprit tant il l'attirait. Non ! Je devais vraiment me ressaisir, je n'allais pas laisser Icare devenir le centre de mes pensées.

Elle m'annonça que dans un mois elle allait faire une classe de mer avec son école, ce qui me fit immédiatement penser à ma propre sortie, qui, elle, était prévue dans quelques jours.

J'en informai donc mon paternel en lui donnant le document à signer, ce qu'il fit sans même prendre la peine de lire ce que je venais de lui passer.

Je ne lui en voulais pas. Après tout, il venait sûrement de rentrer d'une dure journée au bureau, il devait avoir d'autres choses en tête.

Je rangeai le petit papier de couleur orangée dans mon sac et allai mettre la table avant l'arrivée de ma mère.

Cette dernière rentra une trentaine de minutes plus tard, aidant mon père à cuisiner.

À table, nous racontâmes chacun notre tour notre journée. Mon père, lui, annonça à tout le monde que son déplacement en Asie avait était reporté et qu'il ne partirait pas de sitôt.

Je pris cela comme une bonne nouvelle. Bien évidemment, savoir que mon père est très loin de nous pour une durée indéterminée ne m'enchantait pas du tout. Je préférais le savoir ici avec nous, et avec ma mère surtout. Tous deux n'aimaient être loin de l'autre, et pour cela, je les enviais beaucoup. Être capable de trouver une personne qui nous convienne et toujours éprouver des sentiments forts à son égard, et ce même après plusieurs années de vie commune. Je trouvais cela admirable, et oui j'étais du genre à prendre exemple sur mes parents, en ce qui concerne l'amour du moins.

Le repas terminé, Avery m'aida à débarrasser la table. Une fois cela fait, je souhaitai bonne nuit à tout le monde et allai m'enfermer dans ma chambre, prétextant une fatigue soudaine.

Je voulus d'abord prendre un bain, bien chaud, pour me relaxer et me changer les idées.

Je voulais rester seule. Heureusement, ma chambre possédait sa propre salle de bain. J'allumai l'eau et la laissa couler dans la grande baignoire. Pendant qu'elle se remplissait, je regagnai ma chambre afin de préparer mon sac pour les cours du lendemain.

Je me précipitai dans l'eau presque bouillante de ma baignoire pour y plonger mon corps entièrement.

C'était juste, génial. Je me détendis sous la chaleur de l'eau et lâchai un long soupir. Je voulais rester ici durant des heures entières.