Une histoire, toute nouvelle toute belle ! J'ai quelques chapitres d'avance pour une fois mais les poster me donnera une raison supplémentaire de me mettre à écrire la suite. On va tenter... allez, un chapitre toutes les deux semaines déjà, ce sera bien. Non ? Ne râlez pas, ça risque fortement de passer à un toutes les trois semaines. Nous verrons bien.

J'avais envie d'écrire là-dessus parce qu'il semblerait que je sois la seule qui ai entendu parler de fées voleuses d'enfants ou absorbeuses d'énergies en tous genres. De vraies garces en somme, terriblement humaines. Et ça m'amuse d'écrire ça, vous avez pas idée.

M'enfin je vous laisse là. S'il y a des réclamations, vous savez où me trouver. Bonne lecture.


Au début, ce n'est qu'une lueur. Lointaine et diffuse. Comme une étoile.

Et puis ça se rapproche, lentement mais sûrement. Pour engloutir son regard.

Ses paupières s'ouvrent enfin sur un rayon de soleil qui a réussi à s'infiltrer dans leur cache, à elle et sa sœur.

Aoki s'étire alors. Lasse, elle sent ses articulations se dégourdir les unes après les autres. Certaines en émettant un petit craquement à chaque mouvement. C'est à ses ailes qu'elle prête le plus d'attention. Pour l'instant, elle ne bouge pas trop. Le froid de l'hiver a engourdi son corps, mais également ses sens. Elle ne se sent presque plus. Bien que sachant que ce n'est que passager, elle préfère se montrer prudente. Nombreuses autres fées se sont déchirées les ailes lors de leur réveil printanier car elles ne se situaient plus très bien dans l'espace. S'accrocher à une branche est si vite arrivé.

Une fois mieux réveillée, elle se redresse entièrement et s'étire une dernière fois.

Elle parcourt son « nid » du regard. Il y manque Merli. Aoki ne s'inquiète pas, sa sœur doit encore être dans les parages. La chaleur n'est pas présente depuis assez longtemps pour que n'importe quelle fée ait parcouru des distances faramineuses.

Elle sort. Au soleil, elle étend ses ailes, se bourre de chaleur. La température a beau être encore fraîche, il n'y a rien de plus agréable que de se laisser pénétrer par les rayons de l'astre solaire. L'étoile la plus proche.

Après avoir récupéré, s'être longuement réchauffée, elle sent qu'elle a faim. Très faim. La diapause hivernale, qui consiste à ralentir les battements de son cœur et à diminuer la température de son corps, l'a forcée à puiser dans ses réserves d'énergie. Autant physiques que spirituelles. Il lui faudra bien tout le reste du printemps et une partie des mois d'été pour récupérer.

Derrière elle, le trou d'écureuil dans lequel Merli et elle ont dormi reste sombre. Les feuilles qui leur servaient de matelas sont dorénavant mortes et cassent sous ses pieds. Hors de question qu'elle passe une autre nuit là-dessus.

Elle s'empresse alors de dégager tous les restes de végétaux fanés, aux nervures dorénavant fragiles. Elle éternue deux ou trois fois à cause des pollens et de la poussière. Rien de bien méchant. Un perce-oreille passe à côté de son pied. Elle le chasse rapidement. C'est pas bon à manger le perce-oreille. Trop de chitine et pas assez de chair.

Comme manger une crevette entière. Tête, pattes et carapaces comprises. Elle préfère l'araignée. Ca a toujours un petit goût acide. Malheureusement, aucune n'est venue se perdre dans leur antre cette année. Dommage…

Quand elle ressort afin de chercher des feuilles fraîches et vertes, elle tombe nez à nez avec une file de fourmis. Elles aussi sont sorties de leur hibernation. Sûrement plus tôt qu'elle. Car elles commencent déjà à reconstruire le dôme de branches qui sert de protection à la fourmilière.

Aoki les laisse passer. Ca, on ne touche pas. C'est même rigoureusement interdit si elle tient à sa peau. Il est facile de croquer une araignée ou un perce-oreille sans peur de représailles. En tant qu'êtres solitaires, il n'y a aucun risque pour qu'un autre individu de la même espèce décide de venger son camarade. Les fourmis, c'est une autre histoire. Vivant en colonie, s'en prendre à l'une d'entre elles équivaut à toutes les provoquer. Et Aoki ne tient pas spécialement à se retrouver avec des légions entières d'insectes armés de mandibules immenses et d'acide à ses trousses.

Elle observe la longue rangée d'insectes pendant un instant, fascinée par ces petits voisins à six pattes. Remarque… Elle aussi, elle possède plus de quatre membres. Deux bras, deux jambes, quatre ailes. Tout est là !

Une ombre la recouvre soudainement et une drôle de poudre colorée vient lui chatouiller les narines. C'est Merli. Debout. Fière. Un morceau de papillon encore entre les dents, le reste du corps de l'insecte sous le bras, sa main est colorée de la poudre qu'elle a lancée aux yeux de sa sœur. Il s'agit des écailles se trouvant sur les ailes du papillon. Une manière de la marquer de la mort de l'animal.

- Pourquoi ? demande Aoki.

- Parce que tu en mangeras toi aussi.

La plus jeune des deux fées ne peut rien dire. Accroupie près de la file de fourmis, elle saisit le morceau de viande de papillon que lui tend sa sœur et y plante férocement les dents.

Ca a un sale goût. Ce papillon aussi a du passer l'hiver dans un coin isolé. Il est maigre et fade. Ca ne fait qu'aiguiser leur appétit.

Les voilà en chasse. Du haut de leur quinzaine de centimètres, la forêt dans laquelle elles se déplacent a des airs de jungle primaire. Dénicher quelque chose à se mettre sous la dent est encore un peu compliqué. Toutes les petites bêtes qu'elles consomment ne se sont pas encore réveillées. Elles doivent alors se rabattre sur autre chose. De plus spirituel.

Et c'est lorsqu'Aoki absorbe les effluves de vie à venir des nouveaux bourgeons de l'année, que Merli se dirige vers les lieux habités par les humains.

Il faut savoir que les pouvoirs des fées ne sont pas les mêmes pour toutes. De la même manière qu'il y a magie blanche et magie noire, les fées se distinguent par les termes Seelie, les « bonnes » fées, et les Unseelie, les « mauvaises ». Et bien qu'aucune d'entre elles, que ce soit Merli ou bien Aoki, n'appartiennent réellement à l'une ou l'autre des catégories, leurs penchants entomophages et parasites d'énergie vitale les font immanquablement se tourner vers les Unseelie, même si Aoki n'aime pas ça.

Elle n'aime pas savoir qu'elle bascule petit à petit vers une frontière qui une fois franchie, ne permet aucun aller-retour. De mémoire de fée, jamais une Unseelie n'est revenue sur le droit chemin. Et ça l'inquiète. A partir de combien de vies dévorées ne pourra-t-elle plus faire demi-tour ? Elle n'en sait rien, mais continue tout de même.

Au bout d'un long moment, Merli n'est toujours pas revenue. Aoki part alors en quête de sa sœur. Pour ça, il suffit de suivre les éclats de voix humaine. Elle en avait déjà vu une fois. Etrangement, elle les avait trouvés semblables à elle. Les ailes en moins et avec une taille autrement plus grande bien sûr. Merli l'avait alors attrapée par le bras et lui avait dit qu'il était temps qu'elles partent sans plus de cérémonie.

Aoki passe entre des branches, frôle des feuilles et d'autres petites créatures volantes en éveil, zigzague entre les herbes hautes et s'agrippe à l'une d'elle quand elle remarque la toile d'araignée dans laquelle elle allait s'empêtrer. Elle sait qu'elle ne craint rien. Sa vitesse de vol, ainsi que sa taille et son poids auraient sans problème déchiré la toile. Non, elle cherche autre chose.

Elle reprend son souffle en cherchant l'arachnide des yeux. La petite tisseuse ne doit pas être bien loin, sûrement cachée sous les pétales d'une fleur des environs, en train d'attendre qu'un pauvre insecte se prenne dans son piège de soie.

C'est une vibration infime qui attire son attention. Là, quelque chose bouge. Cachée dans une fleur de Digitale, seules deux pattes dépassent. C'est suffisant à Aoki pour qu'elle aille fourrer le poing dans l'abri de la fleur et en retire l'araignée. Cette dernière tente de s'enfuir, gigote de toutes ses pattes, se contorsionne pour mordre la fée qui ne s'en laisse pas causer non plus. Elle a faim, elle a envie d'araignée ! Elle aura de l'araignée !

Aoki saisit les crochets à venin, rendant sa proie inoffensive dorénavant. C'est une petite tisseuse à peine plus grande que la paume de sa main. Mais c'est succulent tout de même.

Elle l'avale d'un coup, à la manière d'un bonbon. Le petit corps roule une seconde sur sa langue avant qu'elle ne le fasse délicieusement éclater sur son palais. La saveur acidulée s'étend brusquement dans sa bouche. Elle en frissonne presque.

A deux mètres de là, une autre toile d'araignée vibre. Son occupante s'est jetée sur le moucheron qui s'est laissé prendre au piège. Elle n'a pas le temps de commencer à dévider sa soie que déjà Aoki l'a attrapée et croquée, laissant le pauvre moucheron captif se débattre dans la toile mortelle.

Sa gourmandise l'emporte. Dans cette bande enherbée qui fait la frontière entre forêt et prairie, les araignées tissent à foison en ce début de saison. Oubliée Merli, oubliés les humains. Elle s'en donne à cœur joie. A tel point que lorsque sa sœur la retrouve en train de fouiller les fleurs d'une énième Digitale, elle est couverte de toiles en tous genres. Merli retire un des fils gluants qui menaçait de se coller dans ses cheveux à cause d'un souffle de vent et pousse un soupir.

Dans un cliquètement d'ailes, elle lui fait bien comprendre que ses gamineries commencent à lui taper sur le système. Aoki ne répond pas. Merli aura beau dire ce qu'elle veut, elle s'est bien amusée à chasser les araignées, et en plus de ça elle a désormais le ventre plein. Ce qui est une bonne chose après la saison hivernale.

Aoki lui signifie son dédain d'un vrombissement clair et net.

Pour ce qui est des expressions aussi brutes, les fées n'utilisent pas de mots. Toutes sortes de dérivés s'offrent à elles. Frottement d'ailes, sifflements, grincements, cliquètements… De la même manière que les fourmis communiquent par les odeurs, les fées le font avec une myriade de sons différents, précis à la nuance près.

Et puis, Merli peut parler ! Là où Aoki se contente de courir après les araignées, sa sœur ne se gêne pas pour aller puiser directement chez les humains. Là où elle peut se faire tuer à la moindre inadvertance de la part de ces géants.

Et les voilà fâchées. A peine quelques heures après leur réveil d'un sommeil long de plusieurs semaines. L'année promet d'être longue à cette allure-ci.

Elles rentrent, chacune est rassasiée pour le moment. L'une, de bestioles à huit pattes, et la seconde d'essence vitale humaine.


Quelques jours se sont écoulés depuis leur réveil. Elles ne sont plus seules désormais. Beaucoup de choses sont également revenues à la vie. Pour l'instant, il y a majoritairement des larves. Elles les sentent gratter dans le bois de l'arbre dont elle partage le creux. Et Aoki enrage de ne pas savoir creuser le bois pour les atteindre. Merli quant à elle, se moque de sa sœur en affirmant que les insectes et les araignées, c'est bon pour les toutes jeunes fées, les enfants.

Et Aoki lui demande alors que si manger des insectes est bon pour les touts petits, et se nourrir de nectar végétal convient aux fées faibles, qu'est-ce qui lui reste alors.

- Les humains ! lance Merli, soudainement enflammée.

Aoki émet un claquement ferme en geste de refus.

- Tu n'as jamais goûté.

- Je ne veux pas être une mauvaise fée.

A l'abri dans leur trou, Merli s'avance vers sa petite sœur et lui prend le menton dans une main, la forçant à relever la tête.

- Ecoute. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise fée. Il n'y a que ce que tu décides de faire toi.

Aoki baisse les yeux, songeuse par rapport aux paroles de sa sœur.

- Je t'amènerai goûter aux effluves d'essence humaine. Tu te feras ton propre avis.

Et Aoki ne peut que plier face au regard implacable de Merli. Car elle a bien l'impression que si elle refuse, sa sœur n'hésitera pas à se nourrir de son essence à elle.


Le lendemain, Merli la mène aux abords d'un jardin. Il y a des humains dans celui-ci. Assis autour d'une table faite d'une matière qu'elle ne connaît pas, qui n'est pas naturelle.

- Ils appellent ça du plastique, explique Merli.

- Ca sert à quoi ?

- Ils en font tout et n'importe quoi. Même des maisons.

Des maisons en plastique ? Quelle drôle d'idée.

Elles avancent prudemment. L'herbe est coupée rase ici, il n'y a pas beaucoup de cachettes. Pour aller de l'avant discrètement, elles volètent à proximité des massifs de fleurs parfaitement entretenus, même s'ils ont une odeur répugnante et qu'Aoki a la gorge qui la brûle quand elles passent trop près. Les seuls insectes qu'elle y voit sont quelques abeilles. Il y en a très peu étrangement.

Personnellement, elle aurait préféré rester à l'orée de la prairie. Là-bas au moins, ça ne manquait jamais d'araignées. Ici, il n'y avait pas grand-chose. Se rabattre sur les abeilles n'est pas envisageable, pour les mêmes raisons que les fourmis. Les insectes sociaux entretenant une armée de défense sont à proscrire des menus. A moins d'être suicidaire.

Et aux yeux d'Aoki, leur expédition chez les humains prenait des airs de mission suicide. Tout était trop grand, trop ouvert, trop rangé… Elle se sentait affreusement à découvert. A la merci du moindre oiseau assez grand pour gober un être de sa taille, ou qui tente tout de même sa chance et se contente de lui dépiauter les ailes, la laissant infirme à vie. Et une vie de fée peut être très longue.

Elles parviennent ainsi à se faufiler jusqu'à une étendue lisse et chaude de pierre rouge, sur laquelle est posée la table ainsi que les humains qui parlent entre eux. Elles sont dissimulées par l'ombre du feuillage d'un buis proprement taillé.

Leur maison est immense et tout en pierre. Aoki est curieuse. Elle se doute bien que les humains ne squattent pas les trous d'écureuil ou les terriers de renards, mais elle veut en savoir plus. Elle veut voir à quoi ça ressemble à l'intérieur. Tout ça parce que le son qu'elle entend lui plaît.

Elle en fait part à Merli qui la traite de folle, ce à quoi Aoki rétorque qu'à la base, elle ne voulait pas venir. Alors elle pouvait bien lui faire cette ''faveur''. Merli accepte à contrecœur. Ca se voit franchement. Mais elle accepte malgré tout et c'est tout ce qui importe à Aoki.

Essayant de se faire plus discrètes qu'il est possible de l'être pour une fée, elles se faufilent jusqu'à une baie vitrée grande ouverte, en alternant vol glissé et marche rapide. Si quelqu'un les a vues, il n'y a pas eu de réaction. Et c'est tant mieux.

Aoki cherche la source de ce bruit, de cette musique qui murmure à ses oreilles dans cet espace trop grand. C'est à l'échelle des humains, pas à la leur. Et elles sont un peu perdues pour la peine.

En réalité, elles ont pénétrés dans le salon, ont rebondi sur le canapé simili-cuir, se sont cognées à une vitrine trop propre pour la voir en vol. Aoki saigne un peu pour la peine. Une plaie au sang translucide qui se résorbe quasi immédiatement par magie. Peu de choses peuvent tuer une fée. Les plaies ouvertes n'en font pas parti.

Elles trouvent finalement la source de tout ce bruit. Un vieux tourne-disque sur lequel passe un trente-trois tours et en fonctionnement, déversant toutes les notes de ses trois pistes en boucle. Pour deux fées, c'est un véritable manège. Aoki est la première à bondir sur le disque et à se laisser entraîner. Il n'y a que le saphir pour l'ennuyer. Mais ça rajoute également du piquant au jeu. Elle l'esquive d'un saut ou d'un battement d'ailes à chaque tour. Et recommence, inlassablement, sous le regard blasé de sa grande sœur.

Brusquement, il n'y a plus de son. Le disque tourne à vide, le saphir n'est plus sur le sillon unique. Et des pas se font entendre de l'extérieur. Les humains viennent par ici !

Vite, Merli saisit sa sœur et file à tire d'aile se cacher ailleurs. Elles se retrouvent dans un endroit douillé, qui sent bon le repos et la chaleur. Plusieurs vêtements sont éparpillés dans la pièce, alors que d'autres sont proprement pliés sur le lit. Aoki volète jusqu'à eux, intriguée par l'odeur qui s'en dégage. Elle froisse des sous-vêtements en se roulant dedans.

- Tu sens Merli, comme ça sent bon ?

- Ca sent trop fort pour que ce soit vrai. Ca doit être du parfum fabriqué.

- En tous cas ça sent bon, réplique Aoki en saisissant une chaussette. C'est quoi ça ?

- Aucune idée.

Aoki la regarde sous toutes les coutures, se cache dessous, saute dessus, à l'intérieur.

- C'est un lit portable ! déclare-t-elle soudainement.

Et elle met sa découverte à l'œuvre en se roulant dedans.

- Sors de là, fait Merli en tirant sur le tissu pour déloger sa sœur.

Rien à faire, elle est têtue. Elles se chamaillent alors, et le bruit de leur bagarre dissimule celui des pas approchants. La porte jusque là entrouverte s'ouvre à la volée, surprenant les deux sœurs qui s'interrompent alors pour se pétrifier. Tout comme la nouvelle arrivante.

Aoki est paralysée par l'angoisse. On lui a raconté tout un tas d'histoires sur les humains. Certains arracheraient les ailes des fées et les laisseraient pour mortes, d'autres leur arracheraient purement et simplement la tête, ou les écraseraient sadiquement sous les semelles de leurs chaussures. Mais là, l'humaine n'a rien du monstre sanguinaire et sans pitié qu'on lui a décrit.

Elles se regardent un long moment de cette manière, sans qu'aucune n'esquisse le moindre geste.

C'est finalement Merli qui s'élance la première. Hardie, elle s'envole jusqu'au visage de l'humaine et reste en vol stationnaire à quelques centimètres de cette dernière, au niveau de ses yeux. Aoki sait ce qu'elle va faire, et veut à tout prix arrêter ça. Autant pour sa sœur, que pour l'humaine qui n'a encore rien fait.

C'est au moment où les yeux de Merli perdent leur couleur et où ses ailes s'illuminent d'un grand flash aveuglant qu'elle parvient à la bousculer. Suffisamment pour que l'attaque magique n'ait pas atteint son but, se contentant d'aveugler temporairement l'humaine. C'est un délai acceptable pour que les fées prennent la fuite sans demander leur reste.

Elles sortent de la chambre, traversent le salon à toute allure, peu soucieuses qu'on les voie, survolent le jardin et partent se cacher à l'abri de la haie.

Aoki tente de calmer les battements affolés de son cœur. A côté d'elle, Merli guette le moindre son, pour voir si on ne les a pas suivies ou si elles sont recherchées. Les minutes passent. Il n'y a rien. Juste le vent et les grattements habituels des petits mammifères qui fouillent la terre. Personne ne les a pris en chasse.

- Je… Je crois que je me contenterais d'araignées pour le moment, fait Aoki.

Merli ne dit rien, mais la tue du regard. Dans l'ombre, avec sa peau foncée, le bleu de ses yeux n'en ressort que plus glacial. Et Aoki a l'impression d'être revenue au cœur de l'hiver, où elle se sentait trembler dans son sommeil et rêvait qu'elle était prise dans un morceau de glace.

A cet instant, Merli est plus effrayante que n'importe quel humain sadique.

- On rentre ! lance Merli en claquant brusquement des ailes. Et tu ferais mieux de laisser ça là.

Aoki serre la chaussette qu'elle n'a pas quittée depuis tout à l'heure. Ca, non. Elle le garde. C'est tout chaud, on peut dormir dedans et ça sent bon. C'est son trophée pour sa première incursion en territoire humain. Merli claque la langue, agacée, et s'envole en direction du bois. Aoki met plus de temps, alourdie par sa prise de guerre.