C'est fini. Ces plaies béantes et ensanglantées ne sont que le pâle miroir de ma souffrance, aussi physique que morale. Je n'en ai plus pour longtemps, et j'emporterai avec moi ton image, ma dernière image, celle d'un petit chaton rose bonbon tout ébouriffé qui hésite entre joie et désespoir. Joie pour avoir gagné la guerre, et désespoir pour toutes ses victimes « innocentes » comme tu dis.

Je me demande si moi, je serai parmi cette catégorie. Si j'ai suffisamment de valeur a tes yeux pour que ceux-ci versent quelques larmes qui traverseront les dimensions jusqu'à celle des morts, où je sentirai ce faible signe venant de toi.

Faible, mais existant.

Un peu comme moi maintenant. Le pire dans tout ça, c'est que je ne regrette rien. Ni d'avoir voulu ta mort et celle de tes ridicules coéquipières, ni d'avoir attaqué la Terre et tout ça. Pour attaquer la Terre, c'est compréhensible. Je voulais sauver les miens. Mes frères, ma sœur, et ma fiancée.

Parce que j'ai une fiancée. Enfin j'avais. Parce que je l'ai abandonnée, dés que j'ai croisé tes prunelles roses. Et ce n'ai pas parce que tu es une super héroïne qui a le sens de l'honneur et toutes ces idioties. Non, parce que… eh bien… je suppose que c'est cette flamme en toi. Qui te rend si semblable a moi. Eliot prétend que c'est ton ADN qui lui a permis de te transformer. Moi je dis que c'est parce que c'est toi. Tout simplement.

Je n'en peux plus de la douleur. De cet étau de fer qui m'enserre le torse à tel point que respirer est éreintant. Chaque respiration passée est une victoire, chaque respiration à venir une épreuve. Mais pourquoi tu cours vers moi, avec cette étincelle dans les yeux, cette étincelle que je hais tant parce que c'est elle qui me poussait à chaque fois à te courir derrière, comme un petit garçon ne se résolvant pas à abandonner sa petite amoureuse. Je suis pitoyable.

Le Dren moqueur que j'étais est enfouie bien profondément maintenant. Je suis perdu. Pourquoi tu cours vers moi, avec cette étincelle, me faisant presque croire que tu tiens à moi. Pourquoi ? Nous sommes ennemis, nous serons fidèles jusqu'au bout aux nôtres. Je ferai tout pour les miens. Quant à toi… ta loyauté n'est plus à prouver.

Mais tu cours, tu continues à courir, la distance entre nous s'amenuisant à chaque pas agile et gracieux que tu fais. Et maintenant, tu es là, agenouillée à mes côtés, hélant le nom de Bridget puis te mettant à pleurer. Je ne comprends pas. Ton Roméo est sauvé. Tes amies. Les êtres qui te sont chers. Et tu pleures. Est-ce que… c'est pour moi.

Tu bredouilles. Tu t'excuses. J'en ai presque envie de rire. J'ai tout fait pour vous détruire, et tu t'excuses. Tu es adorable. Tu t'excuses parce qu'il n'y a plus d'eau bleue, parce que tu ne peux pas me sauver. Mais je ne veux pas être sauvé. Je ne veux pas vivre dans un monde où tu ne pourras pas être avec moi. Si les circonstances avaient été différentes, notre relation aurait été tellement plus belle… non, si les circonstances avaient été différentes, on ne se serait jamais rencontrés. Mieux vaut mourir avec toi à mes côtés que vivre sans jamais t'avoir connue.

Je vois au loin Tarb et Kiki jouer comme les deux enfants qu'ils sont, se battant pour une broutille. Ces deux là ne grandiront jamais. La petite Kiki qui n'a jamais peur, et le petit Tarb qui déteste qu'on lui dise qu'il est petit. Je suis heureux pour eux.

Soudain, je ne comprends plus rien. Tu… m'embrasses. C'est totalement insensé. Je suis déjà mort. Non. Ma douleur est encore là, mais elle me quitte peu à peu. Je n'en ai plus pour longtemps.

Au revoir, Zoey, mon chaton, au revoir, ma princesse.