Tous la pensaient folle. Les mots qui s'échappaient de sa bouche semblaient si étranges et si dérangeants aux yeux des autres, qu'ils préféraient la rabaisser, la délaissant au profit de gens jugés plus raisonnables. Cruel destin que celui d'être mis à l'écart du monde censé, serions -nous tentés de penser...

Cruelles railleries qui m'étouffent et m'entravent,

Ton regard moqueur ne m'atteint guère...

Avec la grâce de Morphée, reine des songes

C'est avec douceur que je le transforme en nuées en poussière...

Mais elle n'était pas comme cela, non... Là où les autres se plaisent à débattre de choses sérieuses, elle se complaît à admirer religieusement les ballets délicats des fées, bercée par de mélodieuses ballades sorties des antiques légendes...

Morgane, belle enchanteresse aux yeux de feu,

Me conte à moi, enfant des airs,

D'anciennes histoires sur Arthur le Preux...

Guerrier chevauchant dans les landes éphémères.

Là où les autres ne voyaient rien, elle percevait l'inquiétante silhouette d'un Sombral, macabre destrier issu du royaume souterrain. Préférant l'éthérée présence des fantômes à la compagnie bruyante de ses camarades, elle parcourait le château, légère et fugace, tantôt conversant avec un sombre baron à la sinistre figure tantôt avec une gente damoiselle au visage bienveillant...

Beaux compagnons de l'immuable éternité,

Courtisans de la Mort et de ses invités

Dans votre sillage aux effluves glaciales,

Je trouve un réconfort auprès de vos étreintes spectrales...

Enfant secrète aux cheveux lunaires, son regard rêveur s'émerveillant des êtres mystiques invisibles au commun des mortels un sourire léger plane sur ses lèvres fines. Compagne du mystère fervente croyante des contes immortels, elle n'était guère si différente de ses compagnons d'école hormis l'âme et le cœur qui lui venait des étoiles...

Mon esprit est tel un labyrinthe ,

Âme enfantine voguant dans les méandre des temps anciens

Cœur issu de tendres complaintes,

Mon corps est né de l'océan et de ses embruns...

Jamais elle ne s'arrête sur le mal, cherchant le bien dans chacune de vos paroles et de vos actions, prêchant ainsi une noble vertu en ces jours sombres de guerre muette... Lorsque les autres croyaient qu'elle ne comprenait guère ce qui se déroulait par delà les murailles du château, secrètement et pieusement, elle veillait et priait pour les personnes qui lui étaient chères.

Mort, épargne ces vies qui désirent exister

Accordes moi cette unique faveur,

N'appose pas sur leurs figures ton funeste baiser

Ne serait-ce que quelques heures...

Pour ceux qui se montraient parfois si cruels envers elle, elle espérait qu'un peu de bonté existait dans leur cœur. Cachant ses craintes derrière un air insouciant, elle était devenue pour tous une bouée de sauvetage, l'éternelle bienheureuse... Alors, toujours parée de son si tendre sourire, elle acceptait avec bonté ce rôle de figure salvatrice malgré elle...

Ô chers amis, ne voyez-vous point mon mal ?

Cette torture que vous m'infligez avec pareille innocence ?

Que devrais-je faire pour montrer que cet idéal

Que vous avez de moi, ne me cause que souffrance ?

C'est seule que le masque tombait et qu'apparaissait alors la jeune fille perdue aux larmes amères. Cette image qu'on lui imposait et qui lui cause tant de torts et douleur, et qu'elle désirait arracher de sa peau. Elle voulait juste être libre de cette prison dans laquelle on l'avait plongée... Même si sa liberté ne devait se révéler qu'éphémère et illusoire...

Au-delà des chaînes d'or qui m'entravent,

La liberté qui me semble si lointaine

Que les larmes que je verse effacent les vestiges de mon âme...

Rendez-moi la vie, prenez donc ma peine,

Afin que mon âme blessée

Se repaisse enfin de cette liberté souveraine,

Qu'enfin mon cœur soit apaisé...

Elle désirait simplement être Luna Lovegood...