Hello tout le monde ! Me voici de retour après une grosse absence du site.
Cette fanfiction est déjà disponible sur Wattpad, avec un bonus musique à chaque chapitre, pour ceux que ça pourrait intéresser.
Sur ce, je vous laisse à votre lecture
J'espère que ça vous plaira
C'était un soir de routine comme il en existait tant d'autres pour la classe 2-A. Depuis qu'ils avaient intégré les dortoirs en première année, les habitudes s'étaient installées et la mécanique s'était huilée au point que certains se demandaient s'ils avaient un jour vécu ailleurs qu'à l'académie Yuei.
Vingt heures approchaient. Le dîner venait de se terminer et les quelques retardataires revenaient enfin du réfectoire. Kaminari, Kirishima et Ashido, installées autour de la console, testaient le dernier jeu de combat à la mode, au grand dam du groupe attablés quelques mètres plus loin.
Depuis le début de l'année scolaire, deux mois plus tôt, Yaoyorozu et Iida avaient pris la décision de consacrer une heure chaque soir à aider leurs camarades les plus bas dans le classement à faire leur devoir. Une initiative accueillie avec bonheur par tous, et notamment Sero, qui avait terminé sa seconde à quelques points à peine du redoublement.
Il planchait depuis de longues minutes sur ses exercices d'anglais, matière qui lui donnait le plus de fil à retordre, et de loin. Bien qu'il ait fini par en prendre l'habitude, les cris de ses amis lui portaient sur les nerfs. S'ils ne se souciaient pas de leurs résultats, ce n'était pas la même histoire pour lui. Ses résultats du trimestre dernier lui avaient valu le savon du siècle de la part de ses parents. En même temps, il les comprenait. Depuis sa plus tendre enfance, ils s'étaient saignés pour lui permettre d'avoir accès à une éducation de qualité, et il avait finalement réussi là où son père avait toujours échoué en entrant dans l'école de héros la plus prestigieuse du pays. Il ne pouvait pas se permettre de les décevoir.
— Vous pouvez pas la mettre en veilleuse, non ? finit-il par leur hurler.
Si Kaminari et Ashido ne répondirent qu'en lui tirant la langue avant de se retourner à leur jeu, Kirishima semblait plus préoccupé :
— Tu veux pas venir jouer avec nous, un peu ? Tu travailles depuis presque une heure, tu vas surchauffer, à force. Une pause, ça te ferait du bien…
— Je dois terminer ça pour demain ou je vais encore avoir des problèmes avec Present Mic, lâcha-t-il d'un ton sec. Et puis, on a un test lundi, je te signale.
Il retourna à son exercice, non sans remarquer que Yaoyorozu venait de reporter son attention sur lui.
— Il n'a pas tort, dans le fond, tu sais. Ça peut aussi te faire du bien de te changer les idées quelques minutes et de revenir avec un regard plus détendu.
Sero soupira. Il savait que son ami n'avait pas tort, mais le voir ne rien faire comme si c'était tout à fait normal l'excédait au plus haut point. Tout le monde n'avait pas la chance de compter sur le stage pour remonter sa moyenne. Depuis qu'il passait tout son temps extrascolaire au bureau de FatGum, ses résultats tout juste passables ne semblaient plus déranger qui que ce soit. Il ne lui en aurait pas voulu, si seulement il n'avait pas conservé ce côté enjoué et désinvolte.
— Tu as raison, répondit-il après un moment de réflexion. Je vais aller prendre une douche, je reprendrai après.
La salle de bains serait vide à cette heure, il y aurait au moins l'occasion d'être tranquille pour rassembler ses pensées. Tandis qu'il sortait ses affaires de toilette de son casier, il commença à se sentir mal d'avoir été aussi abrupt avec Kirishima. Après tout, ce n'était pas sa faute si ses propres résultats stagnaient, et il n'allait pas lui demander d'être malheureux pour apaiser son ego. Il avait eu l'opportunité de rejoindre le bureau d'un héros connu en tant que stagiaire et en tant qu'ami, il se devait d'être heureux pour lui. Le reste importait peu.
Une fois déshabillé, il se dirigea vers les douches et prit place sur l'un des tabourets, toujours égaré dans ses pensées. Une vapeur opaque envahissait toute la pièce, si bien qu'il ne fit d'abord pas attention à l'autre élève présent. Ce ne fut que quand il essaya de s'esquiver en toute discrétion que Sero le remarqua. Il leva les yeux vers le miroir pour y voir Shouji sur le chemin de la sortie, deux mains plaquées sur le visage. Sans qu'il sache bien pourquoi, Sero avait l'impression qu'il le fuyait.
Il se retourna et leurs regards se rencontrèrent. Shouji ne portait pas son masque, et Sero préféra se focaliser sur ce détail plutôt que sur la nudité manifeste de son camarade. Luttant contre lui-même pour ne pas laisser descendre son regard, il esquissa un sourire nerveux. Encore un problème dont il se serait bien passé…
— Tout va bien ? demanda-t-il, conscient que de toute évidence, la réponse était négative.
— Il faut vraiment que j'y aille. Profite bien de l'eau chaude…
Décidément, quelque chose ne tournait pas rond. Après avoir murmuré un rapide « Merci » et s'être retourné juste assez pour donner l'illusion qu'il ne faisait plus attention à Shouji, il continua de l'observer du coin de l'œil. La chaleur du bain avait rougi sa peau, et de grosses gouttes d'eau tombait de sa chevelure le long de sa nuque, puis dans son dos, puis…
Il s'administra une magistrale baffe mentale. Ce n'était vraiment pas le moment de penser à ce genre de choses, d'autant plus quand le principal intéressé se trouvait encore dans la pièce. Pour donner le change, il se plongea dans une lecture avide des ingrédients de sa bouteille de shampooing et ne cessa qu'une fois qu'il entendit la porte coulissante claquer quelques minutes plus tard.
Il se rendit compte à ce moment qu'il avait passé une longue période sans respirer, tant il était figé par l'angoisse. Il tourna le robinet d'eau froide et entreprit de se mouiller tout le corps, dans l'espoir que cela le distraie assez pour lui remettre les idées en place. Une fois qu'il retrouva son calme et que son envie de hurler disparut, Sero lâcha tout de même un juron bien senti à l'adresse de la divinité sadique - qui qu'elle soit - qui régissait son monde.
Faire de lui un cancre n'avait apparemment pas suffi. Il avait en plus fallu qu'il tombe amoureux d'un garçon.
Shouji était le premier élève que Sero avait remarqué le jour de la rentrée de seconde. En même temps, difficile de manquer un géant à six bras, même au milieu d'adolescents tous plus étranges les uns que les autres. Il l'avait d'abord impressionné, effrayé, parfois, jusqu'à ce qu'il découvre la personne douce et sensible qui se cachait derrière ce mur de glace. Les événements qui avaient secoué la vie de la classe A, puis l'arrivée au dortoir avaient achevé de cimenter son admiration, jusqu'à ce qu'elle, il ne savait trop comment, elle se transforme en affection. Un jour, il n'avait plus regardé ses bras parfaitement avec une pointe de jalousie, mais en se demandant à quel point il serait agréable de s'y lover. Depuis, il gardait ce secret au fond de lui et redoutait le moment où il viendrait à être découvert.
Il espérait encore parfois que ces sentiments disparaissent un jour, comme par magie. Qu'il se réveille un jour attiré par les douces courbes des filles qui faisaient tant rêver ses amis. Qu'il puisse confier ses coups de cœur sans honte. Quand Kaminari leur avait avoué, à la fin de la première année, que Jirou ne le laissait pas indifférent, les garçons de la classe l'avaient accueilli avec des railleries bon enfant et bienveillante. Sero n'osait pas imaginer le dégoût qui se peindrait sur leur visage. Il ne pensait pas que ses amis iraient jusqu'à le rejeter. Kaminari et Kirishima ne lui semblait pas particulièrement intolérants sur le sujet, et quant à Bakugou… autant dire que Sero n'était même pas certain qu'il se souciait de retenir son nom. Mais il ne faisait pas d'illusion pour autant. Une telle nouvelle bouleverserait tout le monde et il savait que leur opinion de lui changerait d'une manière ou d'une autre.
Il resta dans la salle de bain bien plus longtemps qu'il ne l'avait prévu, et à son retour, la plupart de ses camarades avaient terminé leurs devoirs. Seuls Hagakure et Shinsou restaient à leur place, l'un plongé dans un roman d'Umezaki qui faisait partie de leur liste de lecture du trimestre, l'autre concentrée sur ses révisions de mathématiques.
— Besoin d'aide ? demanda-t-il en venant s'asseoir à côté d'elle. Je me débrouille en statistiques, je peux te donner un coup de main, si tu veux.
Elle accueillit la proposition avec plaisir et pendant une dizaine de minutes, ils passèrent en revue le chapitre depuis le début. Sero comprenait mieux pourquoi Yaoyorozu et Iida tenaient tant à ce moment chaque jour. Rien de plus gratifiant que d'enseigner à une autre personne. De temps à autres, il jetait des coups d'œil furtifs en direction de Shouji, installé dans l'un des canapés du grand salon. Il semblait préoccupé, et Sero ne put s'empêcher de se faire du souci. Avait-il dit ou fait quoi que ce soit qui aurait pu le blesser ?
— Tu en veux un peu à Kirishima, pas vrai ? murmura Hagakure, profitant d'un moment où le feuilleton du soir captait l'attention de toute la classe.
En guise de réponse, il haussa les épaules. Il ne pouvait pas le nier, mais il ne voulait pas non plus nourrir des sentiments aussi négatifs à l'égard d'un de ses amis les plus proches.
— Tu sais, tu n'es pas le seul… Je l'aime beaucoup, comme tout le monde, mais on est plusieurs à vraiment trouver ça injuste que ce stage lui permette de monter dans le classement alors que nous, personne ne nous a contactés. C'est à se demander si les compagnies savent qui on est…
D'un geste discret, elle désigna Kôda et Satô, eux aussi deux grands oubliés des sponsors. Il ne comprenait que trop bien ce qu'elle voulait dire, et cette pensée l'avait gardé éveillé de longues nuits durant.
— En même temps, répondit-il, on ne peut pas nier que Kirishima a du charisme. À côté de lui, on a tous l'air un peu transparents…
Il se rendit compte trop tard de son mauvais choix de vocabulaire.
— Enfin, sans mauvais jeu de mots, bien sûr !
Une fois l'embarras retombé, il laissa échapper un soupir.
— Ce que je veux dire, c'est qu'on est tous super ordinaires et à moins de devenir soudainement intéressants ou uniques avant la fin de notre scolarité, on finira sans doute comme acolytes dans un bureau un peu prestigieux mais pas trop. Et c'est déjà pas mal, quand on y réfléchit.
La perspective était morose, il le savait. Mais ses longues nuits à cogiter, pendant les deux semaines de vacances avant la rentrée, lui avaient ouvert les yeux. Tout le monde ne devenait pas héros professionnel. Rien qu'en possédant un permis provisoire, il entrait dans l'élite, dans le groupe des quelques choisis parmi les nombreux appelés. S'il ajoutait à cela sa bizarrerie personnelle, il ne nourrissait plus aucune grande ambition quant à sa carrière. Jamais il ne travaillerait pour Hawk ou Endeavor. Et s'il voulait un jour une vie sentimentale épanouissante, il pouvait aussi tirer un trait sur l'idée de créer sa propre compagnie. Qui irait demander ses services plutôt que ceux d'un autre ?
— Je te trouve un peu pessimiste, déplora Hagakure. Moi, je pense qu'être un héros, ça tient bien plus à ce qu'on fait que à ce qu'on est. Cela dit, il faudrait nous laisser faire nos preuves pour montrer qu'on peut être à la hauteur.
Il hocha la tête, avant de se repencher sur le manuel de statistiques. Tant qu'il travaillait, il arrivait à ne pas se triturer le cerveau avec mille-et-une questions existentielles. Puis, il termina ses propres devoirs, en suivant d'un œil le film qui se terminait.
Le générique de fin venait de commencer lorsque Sero ferma son cahier pour la soirée. Il avait l'impression que rien n'était rentré dans son pauvre cerveau, que les mots avaient glissé sur son esprit sans jamais s'y accrocher.
Il s'étendit sur le canapé dans un bruyant soupir. Enfin, il allait pouvoir se détendre un peu. Il suivit distraitement quelques publicités et une poignée de bande-annonce, tandis que quelques-uns de ses camarades partaient déjà se coucher. Les autres restèrent pour suivre le bulletin d'informations de vingt-deux heures trente. Tu parles d'un divertissement, songea Sero sans toutefois se détacher du programme.
L'émission couvrait les nouvelles locales des préfectures de Tokyo, Saitama et Katagawa, ainsi que quelques événements nationaux. Au programme, une énième interview d'expert sur la saison des pluies de l'année – qui irait en s'améliorant à partir de la mi-juin, affirmait-il –, deux-trois reportages sans importance sur les préparatifs des matsuri, que les artisans traditionnels préparaient toute l'année à la sueur de leur front et blablabla. L'un des derniers sujets attira son attention.
« Le projet de loi contre les discriminations à l'encontre des héros professionnels sera finalement porté devant le Parlement avant la fin de l'année, expliquait la présentatrice. Le texte d'abord proposé par les deux héroïnes, Old Spirit et Blitzfire, qui a ensuite été repris par le comité de lutte contre les injustices sera lu par…
— Qu'est-ce qui s'est passé avec elle, en fait ? demanda Ojiro en levant les yeux de son portable. J'en ai entendu parler vite fait, mais j'ai pas tout compris.
Sero devait admettre qu'il se trouvait dans la même situation. Ces dernières semaines, il avait capté des bruits de couloirs au sujet des deux femmes, sans jamais vraiment comprendre de quoi il retournait. La masse de travail qu'il accomplissait chaque jour après les cours l'avait peu à peu coupé du monde extérieur, si bien qu'il se retrouvait à la traîne en termes d'actualités.
— Elles se sont toutes les deux fait licencier par les héros chez qui elles travaillaient parce qu'elles sont lesbiennes, expliqua Yaoyorozu. Blitzfire était une acolyte assez populaire chez Murasaki.
— Murasaki comme l'ancien partenaire de Best Jeanist ?
— En personne. Elle s'est mariée avec sa compagne l'été dernier et quand elle est rentrée de son voyage de noces, on lui a dit de rassembler ses affaires et de partir.
Sero sentit son cœur se serrer tandis que Yaoyorozu détaillait l'affaire. Même en tant que subalterne, il n'était plus certain de pouvoir mener sa vie comme il l'entendait. Pourtant, il ne se voyait aucun avenir ailleurs que dans la filière héroïque. Peut-être qu'elle était là, la solution. Il lui faudrait devenir un héros, seulement un héros et mettre de côté tout le reste.
— Eh ben, c'est vraiment pas cool, commenta Ojiro.
— Et encore, ce n'est rien à côté d'Old Spirit. Elle, on l'a mise à la porte à cause d'une simple photo qu'elle avait posté sur ses réseaux personnels où elle posait à la plage avec sa copine. Et le pire dans tout ça, c'est que le héros chez qui elle travaillait, c'est son frère. Elle a été renvoyée par son propre frère.
Seul le silence accueillit la révélation. Chacun se plongea dans la contemplation de ses ongles ou de ses chaussons pour éviter d'avoir à croiser le regard des autres. Sero, lui, luttait contre l'envie de foncer dans sa chambre et de pleurer un bon coup. Les cours et l'entraînement de la journée l'avaient épuisé et il considérait comme un miracle d'avoir encore assez d'énergie pour se contenir.
Il traîna des pieds jusqu'à son étage, quand tous les autres décidèrent qu'il était l'heure aller se coucher. Avant de monter jusqu'au cinquième, il lança un dernier regard à Shouji, qui se tenait sur le pallier inférieur. S'il voulait réussir, il devait le faire sortir de sa tête, et de son cœur.
