— Vous avez bien compris agent 42 ? Je ne le répèterais pas une seconde fois.

La jeune femme leva les yeux au ciel, invisible bien sûr. Ils étaient à approximativement 500m en dessous de la surface de la terre, et tout ce qu'elle pouvait voir, c'était une distante coque métallique qui séparait la base sous-marine de l'eau qui l'entourait. Ils étaient en Amérique, et il faisait chaud.
On pourrait considérer cela assez sympa, le fait d'être dans une planque secrète et d'y recevoir une mission tout aussi confidentielle. Mais non, ça ne l'était pas, du moins pas pour elle. Dans la vie, il y a des gens qui ne peuvent pas rester simplement assis, sans rien faire, ils doivent constamment être occupés, ou ils ont l'impression de devenir fous. Mais il y a aussi, ceux qui, comme l'agent 42, apprécient le silence, le repos et la vertu de l'ennui. Passer de la Floride, dans son confortable hamac nouvellement acheté où elle pouvait profiter du zénith du soleil à un endroit puant le renfermé et l'humidité quelque part aux rives de la Virginie, non merci.
Mais bon, c'était le boulot, et le boulot passe avant tout. Avec un poste aussi élevé à son âge, elle se considérait évidemment comme chanceuse, surtout avec la crise actuelle. Donc, quand on l'appelait, elle accourait, pas d'alternative, point.
Poussant un long soupir traduisant son manque de motivation, elle répondit.

— Oui chef, bien Chef ! Elle hésita un instant avant de poser une question. Pourquoi dans un lycée particulièrement ? J'aurais pu facilement trouver du boulot dans une grande surface.

— Pour travailler tes interactions sociales. Et te faire des amis, qui sait ? Le patron se moquait clairement d'elle. Plus sérieusement, tu sais bien que ce sont les adolescents qui ont le plus d'affinités avec notre affaire, 42. C'est là-bas que tu pourras rassembler le plus d'informations, et pas auprès des vieux habitués dans un supermarché.

Convaincue, elle ne dit plus un mot à ce sujet, il n'y avait plus que les formalités à régler.

— Ma nouvelle identité, chef ?

Ce dernier lui tendit une carte d'identité française, et quelques papiers administratifs de toutes sortes. Son regard s'attarda un instant sur le morceau de plastique rectangulaire arborant diverses nuances de bleus, sa photo était chevauchée par de petits signes gris.

— Billie, Aletha Morgan, étudiante au lycée Sweet Amoris dans le cadre d'un transfert américano-français. Il lui donna une chemise verte aux élastiques rayés, précisant que les détails se trouvaient à l'intérieur. Vous partez immédiatement, "Madame Morgan".

— Votre accent français est terrible, patron.

— C'est bien pour ça qu'on vous a choisi. Votre avion décolle dans trente minutes, faites en sorte de ne pas le laisser partir. N'oubliez pas de nous envoyer des rapports le plus souvent possible.

— Je n'y manquerai pas. Je vous envoie une carte postale quand j'arrive ?

Il ne répondit pas.

Sur ce, elle rangea expressément la paperasse dans son sac à bandoulière, et traversa la base en faisant claquer ses talons ce qui produisit un écho très intéressant ; elle était heureuse de quitter cet endroit. Quelque temps plus tard, elle était déjà à bord de l'avion : direction la France.