Chapitre un
Le début de la fin
Il a été banni des cieux
Celui qui jadis les dominait
Son œil autrefois perçant
Aujourd'hui avide
Ses mains autrefois puissantes
Aujourd'hui couvertes de sang
Chaque pièce avance.
Les peuples de l'Aube seront éveillés
La colère venue du sol se déchaînera
La Terre sera unie
Le frère tuera le frère
Alors les cieux s'ouvriront
Il reviendra
- Il y a une brèche dans la muraille ! Il y a une brèche ! On se replie au Manoir d'Elrond !
Les cieux s'étaient embrasés. Fondcombe était en flammes. En à peine deux heures, l'armée des Elfes Rouges avait pénétré son enceinte. Les rangs des elfes d'Elrond avaient été décimés. La population fuait en désordre, et les restes des forces armées se replia au sein de la Demeure d'Elrond.
Tandis que les civils se réfugiaient au sous-sol, trois elfes parmi les officiers restèrent pour défendre l'entrée, laquelle tremblait sous les coups de bélier des attaquants. A leur tête, une elfe banda son arc. Un bandeau noir coiffait ses cheveux blonds. A ses côtés, deux elfes semblables comme deux gouttes d'eaux, les cheveux bruns et raides, les yeux bleus. L'un d'entre eux recula, sous le coup de la peur.
- Loaven, dit-il.
- Elladan ? répondit-elle sans se retourner, les yeux rivés sur la porte qui tremblait de plus en plus.
- Nous ne devrions pas rester ici, dit-il.
- Nous devons protéger cette cité, jusque dans la mort, dit l'autre elfe. C'est le serment des Ombretueurs.
Soudain, en silence, une main empoigna Elladan. Celui-ci sentit un contact froid et métallique contre sa gorge. Avant qu'il ne puisse réagir, il y eut un bruit mat. Elrohir et Loaven se retournèrent. Face à eux se tenait un elfe de haute stature, très maigre, vêtu d'une armure entièrement noire, le visage couvert d'un masque blanc. Sur la joue droite était peinte une larme rouge. Elladan gisait à ses pieds, la gorge tranchée.
- Non ! Hurla Loaven.
Elle voulut se précipiter vers le corps de son amour, mais Elrohir la retint.
- Qui êtes-vous ? Cria-t-elle.
Pour toute réponse, l'homme sortit une lame grisâtre tintée de sang. Un rubis scintillait au bas de son pommeau. Elrohir dégaina une épée et une dague, tandis que Loaven visa l'elfe en noir de son arc.
Après un court moment de flottement, le guerrier se précipita sur Elrohir, évitant de peu la flèche qui lui était destinée. Il parvint sans peine à bloquer les coups de son opposant. L'elfe tenta alors de frapper de sa dague dans le flanc droit de son ennemi, mais celui-ci détourna le coup, puis, récupérant l'arme, frappa dans la jambe d'Elrohir.
Loaven décocha une autre flèche. Elle toucha le bras gauche du guerrier noir qui laissa tomber la dague. A cet instant, une partie de la porte vola en éclats, et quelques elfes rouges vêtus de leurs lourdes armures pénétrèrent en trombe dans la salle. Se relevant, Elrohir attrapa Loaven par l'épaule et battit en retraire.
Ils rejoignirent les derniers soldats de Fondcombe, qui s'était réfugiés dans ce qui était autrefois le Conseil d'Elrond. La prestigieuse cité des elfes de la Forêt Noire était en flammes. Des cadavres par milliers jonchaient le sol, et les elfes rouges encerclaient la Demeure. Le ciel était d'un rouge de sang. Une fine pluie coulait des nuages. Déjà, on entendait les elfes d'Arin approcher à vive allure. Une quinzaine de guerriers se préparaient à les affronter une dernière fois. Loaven empoigna son arc, mais Elrohir la retint à nouveau.
- Ce n'est pas en mourant aujourd'hui que tu le vengeras. Tu dois fuir, rejoindre le royaume de la Lorien. Elrond et ses suivants s'y sont déjà réfugiés.
- Jamais ! Hurla-t-elle.
Le fils d'Elrond la repoussa et s'adressa à un homme du Gondor :
- Emmenez-là avec vous.
- Oui, seigneur Elrohir, répondit-il.
Il entraîna Loaven à travers les jardins, suivi d'une cohorte d'hommes et d'elfes. Une explosion retentit. Les elfes rouges étaient arrivés sur la terrasse du Conseil.
- ELROHIR ! Hurla Loaven.
Celui-ci se débarrassa d'un mort-vivant qui s'accrochait à lui puis rejoignit en courant l'elfe blonde. Derrière lui, les flammes dévorèrent le toit de la Demeure d'Elrond. La vingtaine d'hommes et d'elfes qui composaient les derniers survivants parvinrent à s'enfuir dans la forêt.
Les elfes rouges crièrent leur victoire. L'homme en armure noir apparut dans la place centrale, et tous s'inclinèrent. Un elfe ôta son casque, dévoilant une longue chevelure noire coiffée en un catogan. Il avança lentement et dit :
- Monseigneur Eljin, la totalité de la ville est tombée.
Eljin hocha la tête. L'elfe au catogan ajouta :
- Que fait-on des survivants ?
- Amenez-les moi, répondit simplement le seigneur Eljin en dégainant sa lame.
Quelques soldats ricanèrent puis on amena trois hommes et une femme face au seigneur noir. D'un coup rageur, il frappa la femme ainsi qu'un homme, qui s'effondrèrent tous deux, une large blessure au crâne. Il demanda alors d'une voix calme, presque nonchalante :
- Où est Gandalf le Blanc ?
Aucun des deux hommes ne réagit. Ils gardèrent les yeux rivés sur le sol. L'un d'eux tremblait. Eljin s'approcha de lui et posa doucement sa lame contre sa gorge.
- Je répète… Où est le magicien blanc ?
L'elfe leva le visage et cracha sur le seigneur noir. Presque aussitôt, la lame grise transperça son cou, libérant un flot de sang. Eljin le repoussa d'un coup de pied, puis se tourna vers le dernier.
Il essuya la trace sur son épaule, puis, prenant levant sa lame au-dessus de sa tête, murmura au quatrième elfe, un jeune soldat aux cheveux auburn :
- Et toi ? Quel destin vas-tu choisir ?
Des larmes coulèrent des yeux du jeune elfe, qui psalmodia à voix basse :
Qui regardera un navire brisé sur les noirs rochers
Sous les cieux ruinés, un soleil estompé clignotant
Sur des os luisants dans le dernier matin ?
Qui verra le dernier soir ?
Un elfe rouge s'approcha dans son dos. Il leva haut sa hache et l'abattit violemment. L'elfe auburn tomba face contre terre, sans même un cri. Eljin regarda autour de lui. Outre ses elfes rouges, il n'y avait plus la moindre vie dans la cité sacrée des elfes.
Deux soldats tracèrent un cercle dans la terre, au centre duquel le seigneur noir s'agenouilla. Il ferma lentement les paupières. De nouveau, il sentit s'insinuer en lui la volonté de son maître, il sentit chaque partie de son corps s'animer telle une marionnette. Son corps possédé se releva, puis entama une étrange danse. Des lueurs vertes illuminèrent les cadavres des elfes, qui se relevèrent. Leurs peaux étaient devenues étrangement pâles, presque aussi blanche que la neige, et leurs pupilles avaient disparues.
Le cercle s'enflamma, et une aveuglante lumière envahit son centre. La colonne de lumière se divisa en multiples lueurs qui se dispersèrent dans la ville et ravagèrent les constructions encore intactes. Alors Eljin reprit le contrôle de ses mouvements, et s'effondra contre le sol, épuisé.
Pendant, ce temps, à plus de dix kilomètres à l'est, le petit groupe des survivants arrivait au pied des Monts Brumeux.
