Uchiha Madara, l'un des plus grands shinobis ayant existé, une entité inégalée, l'antithèse du Dieu des shinobis, adoré et glorifié, loué et béni. Il était en un mot la perfection. Il représentait à lui seul le paroxysme de l'arme fine, discrète, aveuglante, inaudible et pourtant meurtrière, destructrice, fatale. De son vivant, il était déjà élevé au rang de légende. Sûrement méritait-il ce titre. Toute personne ayant un jour croisé son chemin n'ignorait pas son nom et gardait un souvenir à la fois troublé et admiratif. Il était source de cette fascination un peu morbide, malsaine : simplement à l'image de sa personne. Ce n'était évidemment pas un secret que cet homme, ce Dieu, était probablement l'être le plus infect qui pût être rencontré. Il n'était en rien agréable : de lui, on ne retenait que son impitoyable menton relevé en aboi pour la guerre, son rude faciès prêt à exterminer quiconque osant se dresser sur son chemin. Ses adversaires ne retenaient de lui que ses mouvements gracieusement mortels, sa silhouette invisible et ses yeux, deux orbes rougeoyants dans lesquelles les tomoe tournoyaient dans un rythme inlassable, endiablé. Les yeux du Démon. Il avait là, sous ses paupières, l'arme la plus effrayante sûrement. Il se comblait bien évidemment à lui-même : il était dit qu'il était un as dans tous les domaines. Ses pupilles n'étaient en réalité qu'un atout de plus, qu'une nouvelle corde à son arc qu'il maîtrisait à la perfection. Il était un homme de combat hors pair : certains le qualifiaient d'invincible. Peut-être l'était-il. Il n'était certainement pas homme de défaite. Il y avait sûrement là quelques effets sur sa personne : il n'avait jamais perdu le moindre affrontement, comme s'il refusait l'échec. Comme s'il niait son existence.

Il était indéniablement incroyable. Jamais personne, pas même son clan, n'aurait pu l'arrêter. Il était destiné à la guerre, corps et âme.

Pourtant, lorsque le corps presque éteint de son père convulsa atrocement pour murmurer une dernière volonté, il saisit enfin que son avènement n'avait rien de glorieux.

o

Parader, protéger, baisser, esquiver, s'écarter, foncer, frapper, de toutes ses forces. Son poing, entouré d'un halo rouge-feu, s'enfonça dans le ventre de son frère, qui s'en alla alors valser quelques mètres plus loin. Un nuage de poussière se souleva tandis qu'il accourait vers lui. Ses sharingans lui apprirent bien vite que rien n'était à craindre : son cadet n'aurait qu'un mal de ventre proéminent pendant quelques minutes. Un soupir soulagé lui échappa. Il continua son inspection en quelques secondes, les yeux inlassablement en train de fouiller le futur puis, ne découvrant rien de bien dangereux pour la santé de son comparse, il désactiva ses pupilles. Une voix retentit dans son dos, voix qu'il ignora royalement. Tendant la main vers son compagnon, il l'aida à se redresser. Son cadet, se tenant fermement le ventre du bras gauche, le corps plié en deux sous l'effet de la vive douleur, marmonna quelques mots mystérieux. Il s'aida volontiers du bras qui le soutenait pour tenir debout.

L'homme qui les entraînait grondait le nom de son seigneur au loin. Le concerné le fusilla du regard et, ignorant ses appels, il accompagna son cadet jusque sur un banc, à la lisière du terrain de combat, où il le fit asseoir doucement. Il lui frotta le dos dans un geste paternel puis il se redressa pour faire face à son interlocuteur. Ce dernier, les sourcils froncés et les bras croisés, toisait les deux enfants d'un air réprobateur. Il articula d'un ton rêche, malgré sa mâchoire serrée :

– Il m'avait semblé avoir été clair à ce sujet, Madara-sama.

Le dénommé le fusilla du regard tandis que son frère baissait la tête. Il n'avait aucunement peur de lui. Son don héréditaire désormais réactivé, il planta ses yeux assassins dans ceux de l'adulte.

Celui-ci n'était pas bien grand mais sa carrure imposante était intimidante. Ses muscles, que l'on devinait sous cet équipement de combat — un simple pantalon de toile noire accordé à une poche de rangement et à une veste de combat singulière — n'étaient pas aussi proéminents que certains mais étaient assez dessinés pour deviner qu'ils étaient actuellement tendus. Son menton tirait légèrement vers l'avant comme désinvolte, surplombé par des lèvres habituellement pincées. Ses commissures étaient figées, statues de pierre inexpressives, rappelant ses quelques rides immobiles au coin des yeux. Ses sharingans tremblaient presque dans leurs orbites. Des cheveux noir corbeau, dressés de manière hirsute, surplombaient le tout gracieusement. S'il semblait tout à fait banal et fondu dans la masse, il avait néanmoins la particularité d'avoir une chevelure plutôt courte et étrangement peu étoffée.

Parmi les membres du clan, il était de ceux qui formaient les futurs soldats et avait le privilège, de surcroît, de s'occuper de l'entraînement des enfants du chef. Il avait ainsi bâti avec férocité et hargne les trois aînés et avait fait d'eux les meilleurs combattants. Ces derniers étaient si compétents qu'il était dit qu'ils parvenaient à rivaliser avec leur père.

– Je ne saisis pas, répliqua Madara, Nori-sensei.

Le professeur, probablement outré par l'appui de son nom, plissa légèrement les paupières. Ses doigts se cramponnèrent à ses avant-bras comme pour se contenir. L'enfant eut un sourire satisfait, provocateur. Il n'allait certainement pas exécuter ses intentions la queue entre les jambes : ce n'était aucunement son désir, ni son intention. Imitant la position de son adversaire, il ne fit que lever légèrement la tête pour éviter de rompre le contact visuel. Ses dents blanches toutes dévoilées, il eut l'air d'un démon se délectant de la bêtise humaine. Ce n'était certainement pas la première fois qu'il se comportait ainsi. Il avait, par ailleurs, souvent tendance à réagir de cette façon ces derniers temps.

Pourtant, loin de se laisser intimider par un enfant — tout aussi illustre fut-il — Nori saisit de sa besace un kunai qu'il tendit d'une main ferme à son élève. Ce dernier, perdant soudain sa face radieuse, prit une expression plus sombre et adulte. Attrapant délicatement entre ses doigts fins l'arme, il fit volte-face vers son frère, qui se tenait toujours aussi silencieusement assis. Le cadet, toujours sans un mot, se leva sans faire d'histoires et se mit dos à son aîné. Madara, le visage grave, lui coupa alors brusquement quelques centimètres de cheveux, qui tombèrent en un souffle dans la poussière. Il ne laissa qu'une coupe brouillonne et irrégulière sous sa lame. Les mâchoires serrées, il s'exécuta de même sur ses propres cheveux, perdant ainsi la couette qu'il avait nouée avant son combat. Enfin, il rendit l'arme à son professeur, qui hocha la tête.

Son frère et lui étaient tous deux perdants.

Il jeta un regard amer sur ses propres mèches s'étalant au sol, désemparé. Il avait gagné chacun de ses combats depuis plus de deux mois. Sous ses pieds — et ceux de ses interlocuteurs — gisait sa réussite et se mourrait son honneur. Ses poings se resserrèrent contre ses paumes. Nori était définitivement un être cruel.

– Cela aurait pu être pire, souligna froidement celui-ci

Évidemment ! Il aurait pu se faire couper les cheveux de la main de son père, devant ses quatre frères. Daijirō aurait probablement ri pendant des semaines. Il se contenta de les balayer du plat du pied, les enfonçant et les mêlant à la poussière. Il ne lui restait plus qu'à s'entraîner encore et toujours. Et éviter de provoquer son professeur, également.

Nori fit un geste de main, dispensant ainsi ses élèves alors qu'il partait déjà dans une direction opposée, sûrement pour rentrer chez lui. Les deux enfants s'observèrent un instant puis, tout sourire, s'élancèrent eux aussi par-delà de leur terrain, oubliant alors toutes humiliations subies. Ils traversèrent le petit bois qui entourait le lieu avec rapidité et silence. Ainsi, ils sautèrent d'arbre en arbre, coururent de branche en branche, menant une course similaire, intense. Ils aperçurent bientôt, entre les feuillages cléments, le toit d'une maison, puis deux et enfin, tous ceux de la ville. Les toitures aux couleurs des arbres s'étendaient sous leurs pieds comme à l'infini. Les rues étaient étrangement calmes alors que la chaleur de l'été frappait ardemment le village. Il n'y avait pas un pépiement d'oiseau pour combler ce vide. Leurs deux silhouettes se découpaient sur un ciel radieux : elles semblaient deux entités veillant sur leurs protégés. L'espace d'un court instant, elles s'évaporèrent dans les rues.

Les allées étaient longues et larges, donnant du coude aux commerces qui avaient parfois tendance à prendre un peu trop de place. Quelques marchands, étrangers au village, proposaient ici et là des tissus ou des produits provenant des contrées assujetties. Les étoffes étaient absolument délicates et si raffinées, faites par les mains les plus habiles du pays. Si Uchiha-san daignait bien regarder la belle marchandise sous ses honorables yeux, peut-être apercevrait-il le soin avec lequel les élégantes soieries avaient été faites ? Les pupilles avisées riaient doucement : la grossièreté des finitions y était probablement pour beaucoup. Si Uchiha-san désirait bien goûter des mets exotiques, il ne serait certainement pas déçu s'il se nourrissait de ces délicieux légumes. Peut-être qu'Uchiha-san préférait les parfums enivrants de ces quelques fruits. Les roucoulements étaient d'ordinaire si mélodieux et agréables qu'ils parvenaient à charmer les oreilles de leurs consommateurs. Akihide pestait souvent en disant qu'ils étaient sûrement plus fins charmeurs que Daijirō.

Pas loin d'eux se tenaient souvent quelques femmes du village, une corbeille sous le bras, discutant gaiement des dernières nouvelles. Elles se rendaient à une petite rivière, leur permettant de laver leurs linges, et éloignées du brouhaha de l'artère de leur petit village, elles se livraient très fréquemment à de grandes discussions, desquelles Madara était obligatoirement interdit. Il aimait prétendre qu'elles critiquaient les uns et les autres, ce à quoi lui avait un jour répondu Akihide : « Les hommes croient que l'eau dort en ces endroits ; en réalité, les femmes provoquent des vagues discrètement. » Il avait haussé les épaules.

Dans ces mêmes allées, lorsque les marchants ne sifflaient pas et que les femmes ne dialoguaient pas, quelques futurs guerriers — parfois aspirants, parfois presque aguerris — arpentaient les sentiers poussiéreux d'un air endormi. Épuisés, ils rentraient souvent en fin de journée, lorsque le soleil se noyait par-delà les toits des maisons, le pas lent et traînant. Ils s'étaient souvent entraînés la journée entière, alternant les combats acharnés et les lectures intensives. Si Madara avait pu échapper à ces entraînements collectifs parce qu'il surpassait certains de ses aînés, il avait été cependant également conditionné au maniement des lettres. Un shinobi excellait à tous les niveaux, même dans l'art des mots. Parce qu'un shinobi incapable de déchiffrer était un shinobi amputé.

Autrefois, certains de ses camarades daignaient parfois jouer avec lui lorsqu'ils n'étaient pas trop fatigués : ainsi, on voyait des multitudes d'enfants débouler dans les rues en criant énergiquement. Il n'était alors plus question de poing, ni même d'échanges brusques. Ils s'amusaient à recréer un champ de bataille miniature : d'un côté le peuple de la mer et de l'autre celui de la terre. Fréquemment, il était nommé un chef ou une maîtresse de clan qui régissait ses subordonnés d'une main de fer. C'étaient alors des politiques plus ou moins diplomatiques qui naissaient dans les deux camps mais au final, tout se terminait toujours de la même façon : les enfants simulaient une bataille sanglante et tous d'une certaine mauvaise foi, ne parvenaient à désigner un vainqueur.

Madara fixa un long instant les ruines de ses souvenirs. Il reconnaissait une petite ruelle dans laquelle les grands complots prenaient autrefois place. Et cette petite échoppe, figée dans le temps, était l'endroit parfait pour se dissimuler des sentinelles ennemies. Il chassa cela hors de sa vue.

Les allées étaient bien muettes ce jour-là.

Doucement, comme pour éviter de brusquer le repos tranquille de la ville, son frère et lui se glissèrent le long des murs afin de rejoindre leur demeure. Leurs ombres fonçaient à vive allure si bien qu'elles disparurent aisément du cœur du village.

Elles parvinrent rapidement chez elles et toujours si silencieuses, elles se glissèrent à l'intérieur. Dans l'entrée, elles se déshabillèrent de leurs sabres et de leurs chaussures et, alors qu'Izuna posait ses geta, il poussa un petit cri excité. Madara lui jeta un regard étonné avant de baisser les yeux au sol.

Rangées parfaitement et alignées, deux paires trônaient soigneusement sur le sol. Les deux enfants échangèrent alors un coup d'œil et un grand sourire s'esquissant déjà sur leurs lèvres, ils coururent jusqu'à la cuisine, située à l'arrière de la maison et traversant hâtivement la salle principale, ils brisèrent le mutisme de la maison. Ils se bousculèrent devant l'encadrement de la porte coulissante puis entrèrent finalement.

– Nii-san !, s'écria avec entrain Izuna

Akihide, semblant discuter avec leur mère, se tourna vers les deux enfants et baissa les yeux pour voir le plus jeune se planter contre lui. L'aîné des Uchiha était vêtu de son habit de combat : une armure légère grise usée et de la toile noire, déchirée à certains endroits, pour couvrir le reste de la peau. Il était encore couvert d'une pellicule de poussière et ses mains, calcinées par des brûlures en tout genre, étaient trempées d'un sang séché. Ses cheveux, noués en une longue queue de cheval qui se terminait au-dessus de ses reins, se terraient dans une certaine saleté. Les deux courtes mèches qui encadraient nonchalamment son visage étaient elles aussi négligées et ébouriffées que le reste de la chevelure. Son menton à peine carré portait une légère cicatrice, souvenir d'un sabre sûrement trop aiguisé. Depuis la dernière fois, ses joues s'étaient légèrement creusées et affinées : ses airs graves en étaient d'autant plus froids. Son nez droit défiait avec fierté quiconque osant se présenter en tant qu'ennemi. Quelques poches violettes noircissaient son regard ardent, lui donnant par moment des airs démoniaques.

S'il n'avait pas été son frère, Madara aurait probablement craint de se comporter aussi familièrement avec lui.

– Nii-san ! Comment était-ce ? Avez-vous gagné ?, s'impatienta le cadet

Akihide, gardant une expression indéchiffrable, s'accroupit pour être à la taille de son petit frère. Il lui caressa docilement le crâne malgré les blessures sur sa main. Il eut l'esquisse d'un très vague sourire, qui s'effaça néanmoins bien vite.

– Évidemment que nous avons gagné.

Sa voix, rendue plus rauque et profonde, surprit légèrement le plus jeune. Il sembla l'examiner, sharingans activés, puis parut reporter son attention sur Madara, qui s'était tenu silencieusement dans l'entrée.

– Tu as grandi, fit-il remarquer d'un ton monocorde

L'intéressé se contint pour ne pas sourire à pleine dent. Son grand frère avait donc bel et bien noté sa petite poussée de croissance ! Il se contenta alors d'acquiescer d'un brusque mouvement de tête. Geste auquel Akihide répondit par un haussement de sourcil intrigué. S'il eut envie de faire une quelconque remarque, il ne put pourtant pas l'émettre puisque leur mère, frappant vigoureusement dans ses mains, intervint brusquement :

– Laissez votre frère tranquille et rejoignez votre père.

Uchiha Kazuko n'était pas femme à ménager qui que ce soit. Subtile n'était probablement pas ce qui la définissait. Dans les combats comme dans les mots, elle frappait toujours en plein milieu — simplement toujours juste et impartiale. — Elle était une maîtresse de clan sévère : beaucoup murmurait que si elle le pouvait, elle prendrait sûrement la place de son époux dès sa mort. D'aucuns prétendaient que toutes les décisions de ce clan découlaient de sa personne. Elle menait une politique pourtant proche du peuple : il n'était pas rare de la voir en pleine rizière, vêtue d'un kimono fort élégant, traitant avec des paysans étrangers au clan sur le prix de la marchandise. Elle était surnommée, dans les contrées aliénées, l'Impératrice du riz. Au sein de son propre clan, elle était vue comme le porte-parole féminin des Uchiha tant sa diplomatie était juste pour toutes ces femmes. Elle avait gagné la sympathie de tous malgré son regard glaçant et ses airs rêches.

Au sein de son foyer, il en était de même. Si ces enfants avaient essentiellement connu le sein d'une gouvernante, ils avaient été élevés dans l'optique que leur mère avait choisie.

« Maîtresse de clan avant mère, » peut-être. Pourtant, c'était une femme attentive, à l'écoute des idées de ses enfants. Elle n'était peut-être pas le modèle idéal : contrairement à d'autres, elle s'instruisait lorsque la gouvernante préparait le dîner ; elle répétait des techniques inlassablement, couverte de sueur, lorsqu'à l'intérieur, ses héritiers s'endormaient seuls avec leurs terreurs nocturnes. Les langues médisantes prétendaient qu'elle était irresponsable et sûrement indigne de sa place et de son rang. Ces mêmes langues oubliaient pourtant que c'était grâce aux nuits qu'elle avait sacrifiées à s'entraîner qu'elle avait pu apprendre à ses enfants très tôt les arts ninjas. Elles ignoraient que c'était grâce à son intelligence aiguisé qu'elle avait pu enseigner à ses enfants intensivement les sciences et les lettres.

Kazuko était une femme faite de défauts. Pourtant, son plus grand défaut était sûrement sa principale qualité : sa détermination serait sûrement ce qui la perdrait. Elle n'avait peut-être pas baisé le front de ses fils lorsqu'ils dormaient, non : elle avait préféré y glisser toutes ses connaissances et toute sa sévérité pour les bâtir et faire d'eux les armes ninjas les plus efficaces. Parce qu'elle n'était pas seulement une mère : elle était une maîtresse de clan. Une maîtresse de clan qui savait parfaitement remplir son rôle à la perfection et qui pensait à la prospérité d'un tout avant celle de sa propre chair. Madara ne voyait en elle qu'une femme distante et peut-être un peu aigrie.

Il lui obéit pourtant, les saluant, son frère et elle, d'un geste de la tête. Accompagné d'Izuna, ils se retirèrent tous deux de la cuisine afin de gagner le bureau de leur père, situé dans une autre maison, plus proche du centre-ville. Frénétiques et impatients, ils manquèrent presque la silhouette qui se glissait discrètement à l'étage. Madara fut le premier à la remarquer et l'interpeller :

– Katsuo-nii-san.

Les deux enfants le saluèrent brièvement. Bien que Katsuo fût le plus jeune des trois aînés, il s'avérait pourtant le plus distant avec ses cadets : ainsi, Madara et Izuna, épris d'une certaine politesse, se courbaient toujours lorsqu'il était de retour.

Contrairement à Akihide, il était drapé dans des habits propres et neufs : un simple pantalon de toile et un par-dessus lui couvrant entièrement les bras et le torse, sur lequel l'emblème de leur famille trônait fièrement dans le dos. Ses cheveux, encore trempés, s'égouttaient à un rythme lent et régulier, relevés et soutenus par une main méticuleusement bandée. Madara se demanda s'il pouvait les discerner, malgré la longueur de ses mèches dans ses yeux. Il comprit aisément qu'il se trompait : son frère avait ses yeux de sang toujours en éveil, guettant son environnement d'une garde inlassable et alerte. Certains ignorants prétendaient qu'il avait peur de tout. D'aucuns préféraient dire que c'était grâce à de tels shinobis que d'autres pouvaient dormir sur leurs deux oreilles. Leur père assurait seulement mystérieusement que son fils était plein de ressources ; leur mère se contentait de donner son approbation, une petite étincelle luisant dans ses iris.

Izuna s'empressa d'enchaîner, alors qu'il se redressait poliment :

– J'espère que ta mission s'est bien passée.

Son interlocuteur ne répondit pas avant de finalement hocher discrètement la tête puis voler gracieusement à l'étage sans plus de cérémonie. Le cadet soupira : Madara devinait qu'il était à la fois contrarié par l'attitude de son frère et par ses propres monologues:

– Il est comme ça, dit-il simplement

Ils s'équipèrent de nouveau pour filer de la maison et parvinrent à un pas rapide jusqu'à la petite bâtisse.

Entourée d'un petit jardin somptueux, composé essentiellement de délicates anémones sang, elle tâchait par son élégance fine. On eut presque dit un temple. Elle n'était pourtant pas bien grande : il n'y avait qu'un rez-de-chaussée. Les deux enfants, dont l'allure s'était nettement ralentie, arpentèrent le sentier d'un pas solennel. Leur père avait toujours été clair avec eux : il n'était pas question de faire un bruit monstre en arrivant. Que penseraient donc ces bonnes gens si elles voyaient les héritiers de leur clan aussi perturbés ?

Ils entrèrent donc dans un silence de mort, délaissant à nouveau leurs chaussures et leurs sabres dans l'entrée.

La maison était composée de deux salles : l'une presque immense afin d'accueillir les visiteurs diplomatiques et l'autre, située dans le fond, plus étroite, afin de recevoir les plaintes ou les différents avis des membres du clan. La première pièce avait bénéficié de tatamis tandis que la seconde s'en était épargnée. Madara se sentait toujours comme un inconnu, charmé par la grandeur imposante du lieu. Il n'y avait pourtant rien de bien illustre : les murs étaient tous nus. Néanmoins, son œil — et probablement ceux des autres — étaient souvent indéniablement attirés par la peinture qui ornait la porte coulissante. Un phœnix blanc, courbé, trônait au centre de l'œuvre, les ailes déployées et prêtes à l'envol. À ses serres, Madara devinait une nature luxuriante et éclatante, pourtant éblouie et effacée par la beauté de l'animal. Seul un soleil de feu, en retrait mais parfaitement limpide, accompagnait l'oiseau comme un reflet silencieux.

Il n'eut pas le loisir de se perdre dans cette contemplation puisqu'Izuna, sûrement insensible à la magnificence de la peinture, l'entraîna dans le bureau.

Visiblement, leur arrivée surprit leur père et leur frère, qui leur jetèrent un regard féroce — et brillant étrangement d'un rouge familier. — Le plus âgé des deux garçons comprit bien vite que les deux hommes les avaient bien évidemment sentis lorsqu'ils étaient entrés. Or, ils n'avaient sûrement pas prévu que les enfants feraient surface de manière si importune et mal élevée.

Alors que Madara voyait leur père froncer les sourcils de mécontentement, Daijirō le devança en accordant un large sourire à ses cadets.

– Izuna ! Madara ! Quelle bonne surprise !

Son ton mielleux tut l'adulte mais n'enleva pourtant pas la sévérité qui l'animait. S'il ne les grondait pas à présent, il s'en chargerait plus tard et plus férocement.

Le jeune homme de dix-neuf ans comme son aîné — Akihide — croupissait dans son armure. Pourtant, le détail qui surprit Madara fut la longueur des cheveux de son frère : ils avaient été coupés si courts. Il resta alors un moment interdit, examinant avec intérêt cette taille inhabituelle.

– C'est plus pratique lorsqu'on est en mission, assura finalement Daijirō

Tajima, en père autoritaire, interrompit cette conversation et chassa ses derniers enfants hors de la pièce, les sermonnant à demi-mot qu'il était intolérable d'interrompre un rapport de mission de cette manière.

Les enfants s'échappèrent tout aussi rapidement, craignant légèrement les punitions de leur géniteur.

Lorsque la nuit enveloppa délicatement le village, ce soir-là fut festif. L'arrivée des trois aînés prépara un festin somptueux — duquel les gouvernantes en eurent encore des sueurs froides des semaines après — et écoula plusieurs litres d'alcool. Il n'était pourtant pas coutume de célébrer aussi vivement un retour de mission ; or, il s'avérait que le trio de shinobis étaient partis depuis quelques mois et les nouvelles n'étant que militaires, personne n'avait eu le luxe de s'informer de leurs états. Si Kazuko s'était avant tout souciée de la réussite de l'ordre, elle ne put lutter contre la joie de les revoir sains et saufs à sa table, dînant dans une atmosphère plus agitée que la normale. Daijirō et Akihide, pour ne pas changer, se lançaient des défis stupides et des regards assassins. Le premier souriait d'un air narquois au second, s'amusant à tester les limites de son sang-froid. Dans un ego mal placé, chacun cherchait les acclamations approbatrices d'Izuna, qui ignorait sa place dans leurs petits conflits. Madara s'amusait de la situation, riant parfois à gorge déployé lorsque Daijirō s'esclaffait devant l'agacement nettement visible de l'aîné. Seul Katsuo restait en retrait, vêtu de son mutisme habituel.

Tajima regardait alors ses enfants, dans une expression de pierre. Si certains pensaient que son cœur était de même, ils se trompaient vivement. Le chef de clan adorait d'un amour inconditionnel ses fils, ne voyant pas en eux de simples armes et de simples instruments de clan. Il discernait à travers eux la prospérité et l'avenir radieux. Même s'il se doutait de l'impossibilité de ses souhaits, il se surprenait à rêver de cette même maison, animée par les rires de petits Uchiha. Il espérait connaître l'épanouissement de ses enfants lorsqu'eux-mêmes bâtiraient leurs foyers. Il apercevait parfois un reflet éblouissant, dans lequel la guerre implicite n'était plus. S'il n'avait pas été shinobi, ni chef de clan, si son monde avait simplement été différent, il aurait sûrement été un très bon peintre.

Lorsqu'il regardait sa table parfois, il se demandait où iraient les uns et les autres.

Akihide serait sûrement un meneur de troupes toujours sur les champs de bataille, ne rentrant que pour être accueilli par un sourire chaleureux d'Izuna et, à la mort de son géniteur, pour prendre sa place de chef. Daijirō aurait une adorable fille à laquelle il ne pourrait jamais résister et s'occuperait probablement de l'économie du clan et de sa diplomatie, étrangère ou non. Katsuo vivrait probablement seul, épanoui dans des terres cultivables près d'un lac, et ne rendrait visite qu'au clan pour être leur stratège, ayant refusé la place de meneur, bien qu'il en fût légitime héritier. Madara serait sûrement un shinobi d'exception, maîtrisant les arts et les lettres à la perfection, le désignant par conséquent comme conseiller et scribe officiel. Izuna serait celui ayant le plus d'enfants, heureux dans une famille nombreuse et aimante : il serait sûrement son portrait craché, mis à part qu'il ne serait pas chef d'armée mais le second d'Akihide.

Madara, ce soir-là, discerna pourtant des lueurs nostalgiques dans les yeux de son père.

Il ignorait que, malgré les doux songes auxquels Tajima s'offrait, il voyait aussi le sang noyer le corps de ses fils.

Parce que dans ce monde réel, il sentait le vent de la guerre s'abattre sur sa famille.


Heyo jeunes internautes !

C'est un peu avec appréhension que je me lance dans une nouvelle fiction et dans ce nouveau fandom.

Ce chapitre ouvre donc "L'avènement de Dieu" et est sûrement un équivalent de prologue. Il introduit de nombreux personnages et je comprendrais aisément si certains sont perdus. Il me semblait pourtant logique d'en inventer quelques uns puisque le village n'est pas seulement constitué de Madara.

Alors oui (étonnamment tiens !) Madara est le personnage principal de cette fiction ! Petit détail que je rajoute quelque part au cas où : cette fiction sera un Madsaku. Je tenais à le préciser puisque beaucoup n'adhèrent pas spécialement à ce pairing. Pairing qui mettra par ailleurs un long moment avant de débarquer parce que le but principal de cette fiction reste avant tout l'histoire de Madara (cet être exceptionnel, si bôôôôôôôô, ahem).

J'espère sincèrement que le premier chapitre vous a plu et si c'est le cas (ou au contraire si ça ne l'est pas), je vous invite à laisser une review pour inscrire votre avis (ou me cracher dessus éventuellement, mais ça, c'est un peu plus sale).

A bientôt !

Biporeo.