Prologue

Lorsque j'ai débarqué à Forks, je n'aurais jamais cru que ma vie prendrait ce tournant. Cette petite commune tranquille et sans attrait cachait bien ses mystères, et si quelqu'un m'avait dit un jour que je serais leur cible, je l'aurais pris pour un fou. J'avais toujours eu pour habitude de passer inaperçue; j'étais la fille transparente, insignifiante, banale et maladroite. Mais cette époque était révolue et bien que j'ai eu beaucoup de mal à m'y faire, je ne la regrette pas à présent.

En réalité, j'ai eu du mal à me faire à beaucoup de choses. Les évènements se sont enchaînés à une telle vitesse que j'en ai encore le tournis en y repensant. Jamais je n'aurais cru possible que mon bonheur fût un jour aussi complet et si Dieu existe, je le remercie de m'avoir offert ce cadeau. Certains parlent de Destin, je n'ai pas de meilleur terme pour qualifier ce qui m'est arrivé. Je pense que lorsque la vie décide de s'occuper de votre cas, il est inutile de se débattre. Je me suis offerte corps et âme à ce qu'elle m'a donné et j'espère m'en être montrée digne.

Mais ce que la vie a offert, elle peut tout aussi bien décider de le reprendre. Il faut croire que je n'étais pas faite pour vivre à l'écart des problèmes et aujourd'hui je quitte tout ce qui m'est cher, tout ce pour quoi j'ai vécu jusqu'à maintenant. Je quitte ma vie, tout simplement. Pas de la façon dont je l'avais imaginé, c'est certain, mais on ne décide pas du moment, du lieu ou de la cause de sa propre mort. Je ne voulais pas que ça se passe ainsi, j'aurais voulu que la vie me permette de rester à ses côtés, de lui offrir ce dont il avait toujours rêvé et de l'aimer pour l'éternité, mais je l'aimerai de là où je pourrai l'observer et veiller sur lui.

J'entends du bruit autour de moi, je sens sa présence à mes côtés, je sais qu'il sait et cela me rassure. Je peux partir tranquille. Je ne souffre pas, je suis sereine et je me sens planer au-dessus d'eux - peut-être l'effet de la morphine. Mon cœur bat trop faiblement, de plus en plus faiblement et je sais qu'il ne tiendra pas longtemps, j'aurais juste aimé avoir la force d'ouvrir les yeux une dernière fois, pour voir son visage angélique et lui dire avec toutes les forces qui me restent, que je l'aime et que mon âme est sienne. Mais je ne veux pas voir ce visage aimant tordu de douleur. Je sens toute sa souffrance me parvenir par l'étreinte de nos mains. Sa main, d'ordinaire dure et froide comme le marbre, me semble tiède à présent. Je sens ses lèvres adorées se poser sur le dos de ma main et je perçois un sanglot presque inaudible. S'il avait pu pleurer, il m'aurait noyée sous ses larmes douloureuses. Je sais qu'il veut que je me batte mais je sais aussi qu'il est trop tard, que je ne respire plus depuis quelques secondes déjà, quelques secondes de trop. Je ne veux pas lui donner de vains espoirs en luttant contre l'inévitable. Mon cœur n'émet plus qu'un battement sourd toutes les cinq secondes et je sais que c'est la fin.

Un battement… Un battement… Un battement… Le dernier… Un souffle…

Je t'aime…