Elizabeth Elliot s'avança a la fenêtre. La voiture qui devait ramener sa sœur à Kellynch était en retard. Elle se dit qu'elle aurait du s'en charger elle-même, mais Lady Russel avait tenu à envoyer sa voiture. Il fallait sans doute qu'on voit la nouvelle livrée de ses domestiques.
Elle s'impatientait.
Elle s'impatientait toujours depuis que Mr. Elliot avait disparu du jour au lendemain. Elle paradait dans le voisinage en faintant l'indiférrence, mais ce croire sur le point d'épouser son cousin, l'héritier de son père et voir tous ses plans s'effondrer, n'était pas le genre de choses qu'on oublie facilement.
Elizabeth en tous cas, chez qui régnait l'honneur des Elliot n'oubliait pas la honte qu'elle avait vécu en découvrant qu'il avait épousé une fille de marchand, qui n'avait pour elle qu'une imposante fortune. Ils menaient grand train à Londres disait-on.
Ah, si son père avait-eu une maison à Londres, peut-être ne l'aurait-il pas abandonné. Il lui fallait donc rester à Kellynch, où elle régnait en maîtresse depuis la mort de sa mère, et tacher d'y trouver quelqu'un à épouser. Mais les Elliot était la famille la plus importante des environs avec leur titre de baronnet. Il n'y avait personne pour elle.
Le pasteur avait bien un frère qui venait d'arriver, mais c'était un marin sans fortune à qui on adressait à peine la parole.
Et aller à londres, c'était risquer de tomber sur son cousin et sa femme, ce qui était inenvisageable. Elle n'était pas non plus assez liée avec Lady Russel pour que cette dernière l'emmène à Bath avec elle. Et de toutes façons, elle n'aimait pas Lady Russel. Ce n'était qu'une veuve attachée à Anne, sa sœur, d'une manière bien trop visible. Anne, franchement, pourquoi s'attacher à elle ? Elle parlait à peine lorsqu'elle était là. Et maintenant qu'elle avait quitté l'école, elle serait là tout le temps. Il faudrait faire avec elle.
Si elle daignait arriver.
